Évaluation du risque de saignement de varices œsophagiennes chez des enfants atteints de cirrhose décompensée et en attente d’une greffe de foie

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Nicolas Bonnet, Françoise Smets, Françis Veyckemans, Thibault Helleputte, Stéphane Eeckhoudt, Cédric Hermans, Etienne Sokal, Xavier Stephenne Publié dans la revue de : Juin 2016 Rubrique(s) : Mémoires de Recherche Clinique
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Résumé de l'article :

Les enfants atteints de cirrhose décompensée et en attente d’une greffe de foie sont susceptibles de développer une hémorragie digestive haute...

Article complet :

Introduction

Les enfants atteints de cirrhose décompensée et en attente d’une greffe de foie sont susceptibles de développer une hémorragie digestive haute à partir de leurs varices oesophagiennes. En raison de la morbimortalité associée à cette complication, être en mesure de sélectionner les patients à risque élevé de saignement pour une ligature endoscopique prophylactique semble être un enjeu de taille. La présence de varices oesophagiennes de grade 2 et 3 ainsi que la visualisation de signes rouges sur les varices sont des facteurs de risque de saignement bien établis dans la littérature. L’implication de l’hémostase reste cependant controversée à l’heure actuelle en raison de l’état rebalancé de la coagulation au cours de la cirrhose. Une investigation complète de l’hémostase semble dès lors indispensable afin d’exclure son implication dans le risque de saignement de ces varices. In fine, un modèle prospectif du risque de saignement de varices oesophagiennes capable de standardiser leur prise en charge prophylactique serait envisageable.

Matériel et méthodes

Une étude prospective et observationnelle s’intéressant aux enfants atteints d’hypertension portale dans le cadre d’une cirrhose décompensée a été développée. Chaque patient a bénéficié d’une analyse de l’hypertension portale au moyen d’un bilan échographique et endoscopique ainsi que d’une étude complète de l’hémostase. Ce bilan de l’hémostase comprenait non seulement la réalisation de tests conventionnels de laboratoire mais intégrait aussi des analyses dynamiques de l’hémostase telles que la thromboélastométrie (analyse ROTEM®) et l’analyse de la fonction plaquettaire (Multiplate®). L’évènement clinique à surveiller était la survenue d’un épisode d’hémorragie digestive haute sous la forme d’hématémèse ou de méléna. Le but de l’étude résidait en la comparaison des enfants qui ont présenté une hémorragie digestive haute par rapport à ceux qui n’ont pas saigné afin de déceler quels sont les paramètres à l’origine d’un risque accru de saignement de varices oesophagiennes. Des analyses statistiques univariées ont été réalisées à partir de tests statistiques non-paramétriques. Enfin, un modèle prédictif du risque de saignement de varices oesophagiennes développé précédemment (basé sur la présence de varices de grade 2 et 3, la présence de signes rouges à l’endoscopie et un taux de fibrinogène < 150 mg/dl) a été appliqué sur notre cohorte prospective.

Résultats

20 enfants atteints de cirrhose décompensée et nécessitant une greffe hépatique ont été inclus. 6 patients ont présenté une hémorragie digestive haute lors de la période précédant la transplantation. Le temps d’attente avant la transplantation, les varices oesophagiennes de grade 2 et 3, la visualisation de signes rouges, le taux de facteur V (49% vs 70%), l’INR (1.8 vs. 1.5) et la numération plaquettaire (104 10e3/µl vs 219 10e3/µl) ne sont pas revenus statistiquement différents entre les deux groupes. En revanche, une différence significative a été notée pour le taux de fibrinogène (109 mg/dl vs 257 mg/dl, p <0.05), l’agrégation plaquettaire dépendante de l’ADP (103 AU/min versus 368 AU/min, p <0.05), l’agrégation plaquettaire dépendante de la thrombine (265 AU/min vs 558 AU/min, p <0.05) et le CT (Clotting Time) de l’analyse EXTEM (64 sec vs 52 sec, p <0.05). Le modèle prédictif du risque de saignement a également été testé sur notre cohorte prospective et la performance prédictive de celui-ci était de 85.18% (sensibilité : 90.5%, spécificité : 66.7%, VPN : 90.5%, VPP 66.7%).

Conclusion

Notre étude démontre l’implication de l’hémostase dans le risque de saignement de varices oesophagiennes. Un taux bas de fibrinogène (< 150 mg/dl) semble être un facteur de risque à l’origine d’une tendance hémorragique chez les enfants atteints de cirrhose décompensée. Son implication laisse suggérer le bénéfice potentiel d’un traitement prophylactique à base de concentrés de fibrinogène chez les sujets ayant un risque significatif et présentant un taux bas de fibrinogène. L’analyse Multiplate devrait également nous aider dans le futur afin de déterminer le risque de saignement de varices oesophagiennes chez les enfants atteints d’une cirrhose décompensée et pourrait même être intégrée au sein de notre modèle prédictif.

affiliations

1 Université catholique de Louvain, Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de Gastroentérologie et Hépatologie Pédiatrique, Bruxelles, Belgique.

2 Université catholique de Louvain, Cliniques universitaires Saint-Luc, Service d’Anesthésiologie, Bruxelles, Belgique.

3 DNAlytics, Louvain-la-Neuve, Belgique.

4 Université catholique de Louvain, Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de Biologie Hématologique, Bruxelles, Belgique.

5 Université catholique de Louvain, Cliniques universitaires Saint-Luc, Service d’Hématologie, Bruxelles, Belgique.