Cas d'un pseudo-anévrisme de l'artère pédieuse. Une complication rare d'une entorse de cheville

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Yaseen Golamhossein, Pierre Milet Publié dans la revue de : Janvier 2023 Rubrique(s) : Cas cliniques
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Résumé de l'article :

Les entorses de cheville représentent un motif de consultation fréquent en médecine générale ou en médecine d’urgence. Les complications les plus fréquentes sont les lésions ligamentaires, les arrachements osseux et les hémarthroses. Il existe également une complication rare, souvent méconnue, qui est le pseudo anévrisme de l’artère pédieuse. Nous présentons le cas d'un homme de 32 ans traité pour une entorse à la cheville depuis 3 semaines. Il a reçu un traitement conservateur, car aucune fracture n'a été montrée sur la radiographie. Deux semaines après, il se présente avec une masse pulsatile, en avant du ligament talo-fibulaire antérieur, associée à une petite plaie.

Que savons-nous à ce propos ?

Un faux anévrisme, également appelé pseudo-anévrisme, est un hématome formé à la suite d'une fuite sanguine au travers une petite brèche dans une paroi artérielle et contenu dans les tissus environnants.

Le véritable anévrisme implique les trois couches de la paroi des vaisseaux sanguins. Les pseudo-anévrismes de l’artère pédieuse sont rares et peuvent résulter de nombreuses influences iatrogènes, y compris, mais sans s'y limiter, un traumatisme direct et/ou pénétrant, des interventions orthopédiques, par exemple, après une chirurgie de Lisfranc, une arthroscopie de la cheville, ou encore une blessure sportive (1,2).

Que nous apporte cet article ?

Cet article illustre une rare complication d’un traumatisme fréquent. Les signes et les symptômes sont présentés. La stratégie d'exploration par imagerie et les traitements adéquats sont discutés.

Mots-clés 

Pseudo-anévrisme d’artère pédieuse, entorse de cheville, artères périphériques

Article complet :

CAS CLINIQUE

Les anévrismes et pseudo-anévrismes de l’artère pédieuse sont des affections rares. Nous rapportons le cas d’un patient souffrant d’une tuméfaction pulsatile de la face dorsale du pied gauche, secondaire à un traumatisme en varus forcé de la cheville lors de la pratique d’une activité sportive survenu trois semaines plus tôt.

Il avait alors bénéficié d’un traitement conservateur, associant du repos, la surélévation du membre, de la cryothérapie, une contention, et la prescription d’un traitement antalgique et anti-inflammatoire.

Dans les deux semaines qui ont suivi, est apparu, en regard du faisceau antérieur du ligament latéral externe de la cheville gauche, un gonflement rouge avec sensation de chaleur associé à une petite plaie. Une couverture antibiotique fut instaurée par le médecin traitant, ainsi que des soins locaux.

Une semaine plus tard, le patient est admis en salle d’urgence pour l’apparition d’un saignement aigu, important, en jet survenu à son domicile et tari lors de l’admission.

À L’examen clinique, on observe une tuméfaction de la face antérieure de la cheville gauche, chaude, tuméfiée, pulsatile, fluctuante, centrée sur une minime plaie.

Une échographie Doppler artérielle est réalisée (Figures A et B), et révèle d’une part une lésion de l’artère pédieuse gauche, à hauteur de l’articulation de Chopart, correspondant à un pseudo-anévrisme de cette même artère et d’autre part un hématome s’écoulant vers le bord latéral du pied.

Un complément d’imagerie par angio-CT des membres inférieurs confirme la présence d’un pseudo-anévrisme de 26 mm au niveau de l’artère pédieuse gauche (Figures C et D).

La prise en charge est d’emblée chirurgicale et l’exploration met en évidence un défect de 5 mm au niveau de la paroi de l’artère pédieuse, avec des berges légèrement émoussées. La restauration vasculaire fît usage d’un greffon veineux, suturé en patch sur la lésion. L’évolution clinique est favorable.

Le suivi est favorable. Le patient a eu une récupération postopératoire sans complication et ne présente aucun symptôme séquellaire.

 

 

DISCUSSION

Les pseudo-anévrismes de l’artère pédieuse sont de rares complications, survenant le plus souvent dans le décours d’un traumatisme au niveau du membre inférieur tel qu’une entorse de la cheville, la réception d’un objet sur le pied, voire des suites. Des minimes traumatismes répétés, ou d’une compression prolongée. (3,4).

Le traumatisme, généralement bénin, mène rarement à une consultation de première intention et le diagnostic est fréquemment suspecté ou envisagé dans un second temps, devant une tuméfaction persistante, douloureuse et, souvent pulsatile. S’ils ne sont pas traités dans un délai adéquat, les pseudo-anévrismes peuvent s’élargir progressivement entrainant un risque de thrombose avec une embolisation distale. Les pseudo-anévrismes de l’artère pédieuse surviennent parfois dans des conditions iatrogènes, telles qu’une chirurgie dans les suites d’une arthroscopie du Lisfranc, d’une ostéosynthèse de tibia, ou d’une arthroscopie de la cheville (5-7). La lésion peut être issue soit d’un traumatisme pénétrant soit d’un traumatisme contondant qui crée une brèche dans la paroi artérielle, provoquant un saignement local, contenu au sein des tissus avoisinants.

Cependant, certains vaisseaux sont prédisposés à la formation de pseudo-anévrismes, principalement dans le cas de maladies avec troubles du collagène, telles que : la maladie de Marfan, le syndrome d’Ehlers-Danlos, la maladie de Behçet ou la dysplasie fibromusculaire de type IV. Par ailleurs, Les patients présentant des facteurs de risque vasculaires tels qu’une hypertension artérielle, un diabète mal équilibré, un tabagisme important et une dyslipidémie sont également à risque de développer cette pathologie (8).

La présentation clinique des pseudo-anévrismes de l’artère pédieuse varie incluant des symptômes de gonflement localisé avec une sensation de pression et/ou le signe classique d’une masse pulsatile. Toutefois, la pulsatilité fait défaut si le pseudo-anévrisme est thrombosé. Dans le cas d’érosion de la surface cutanée, un saignement s’extériorise. Des symptômes neurologiques peuvent également y être associés sous forme de paresthésies suite à la compression du faisceau neurovasculaire. Des signes d’embolie distale peuvent également accompagner la symptomatologie.

Exceptionnellement, un bruit systolique lors de l’auscultation ou l’absence de pouls distal peuvent être détectés à l’examen clinique. Ceux-ci peuvent être atténués en cas de thrombose partielle du vaisseau cible (9).

Les diagnostics différentiels de pseudo-anévrisme de l’artère pédieuse comprennent : une thrombose veineuse profonde, un hématome post-traumatique, une fistule artérioveineuse, une tumeur des tissus mous ou d’origine osseuse. L’imagerie médicale reste indispensable dans la prise en charge de ces patients.

Le bilan complémentaire iconographique comprend habituellement une échographie Doppler qui possède une sensibilité et une spécificité élevées dans le diagnostic d’un faux anévrisme. Elle précise la nature de la masse, permet l’identification de l’anévrisme et singulièrement sa perméabilité ou sa thrombose. De plus, L’échographie doppler est facilement disponible, rapide et non invasive (10).

L’angio-IRM est l’examen de choix d’une part pour déterminer les dimensions ainsi que les rapports anatomiques de la masse, et d’autre part pour apprécier la vascularisation du pied afin de définir la stratégie thérapeutique la plus adéquate. Ses avantages sont l’absence de radiations ionisantes et l’utilisation de contraste.

L’angiographie scanner est considérée comme la méthode alternative de choix pour l’exploration de cette pathologie. Cette modalité peut être couplée à une intervention percutanée par une injection de thrombine ou par une embolisation à visée thérapeutique (11).

À notre connaissance, peu de publications traitent des différentes stratégies thérapeutiques, partant du principe que les traitements de choix comprennent la ligature des vaisseaux, l’angioplastie par patch ou la reconstruction par interposition d’un greffon veineux.

Dans la littérature, le traitement le plus décrit est chirurgical afin d’éviter des risques de rupture d’anévrisme, d’embolie distale et de complications neurologiques secondaires à la compression nerveuse par l’anévrisme. Dans le cas particulier d’une circulation collatérale adéquate via les artères tibiales postérieures ainsi que les artères plantaires, l’excision de l’anévrisme et la ligature de l’artère pédieuse peuvent être réalisées (11,12).

Une alternative à ce traitement, particulièrement chez l’enfant en cours de croissance et chez le patient polyvasculaire, consiste à reconstruire le vaisseau à l’aide d’un greffon veineux, suturé en patch sur la lésion, permettant la préservation d’un flux vasculaire suffisant (12-14).

Le traitement chirurgical est préféré aux procédures endo-vasculaires, dans la mesure où elle permet l’excision de l’anévrisme, la vidange de l’hématome, ainsi qu’une récupération plus rapide.

Ceci laisse peu de place à la radiologie interventionnelle, entre autres en raison de vaisseaux de petits calibres, pour l’embolisation ou les injections de thrombine (11).

Affiliations

1. Service des Urgences, CHR Verviers, Belgique

Correspondance

Dr. Yaseen Golamhossein
CHR Verviers East Belgium
Service des Urgences
Rue du parc 29
B-4800 Verviers

Références

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  2. Brandy WD, Strong L,Roberts T, Dyer R. False aneurysm-a complication an inversion ankle sprain : a case report. J Orthop Sports Phys Ther. 1996; 23:272-279.
  3. McKee T, and Fisher J. Dorsalis pedis artery aneurysm: case report and literature review. J. Vasc. Surg. 2000; 31 (3) :589-591.
  4. Bellosta R, Talarico M, Luzzani L, and Sarcina A. Non-atherosclerotic dorsalis pedis artery true aneurysm: case report and literature review. EJVES Extra. 2005; 10 (6):146-148.
  5. Lieberman JR, Goldstock LE, Jacobs RI. Pseudoaneurysm of the dorsalis pedis artery after Lisfrans amputation. Foot Ankle. 1991; 12:123-124.
  6. Slysko R, Sefranek V, Mondek P and Tomka J. Arthroscopy of the ankle joint – a rare cause of a pseudoaneurysm of the dorsalis pedis artery- a case review. Rozhl Chir. 2006; 85 (3):115-117.
  7. Kashir A, Kiely P, Dar W and D’Souza L. Pseudoaneurysm of the dorsalis pedis artery ankle arthroscopy. Foot Ankle Surg. 2010; 16 (3):151-152.
  8. Millett PJ, Potter H, O’Malley MJ. Idiopathic pseudoaneurysm of the dorsalis pedis artery mimicking pigmented villonodular synovitis. Foot Ankle Int. 1999;20(1):42-43.
  9. Vlachchocsky R, Staffa R, Novotny T. Pseudoaneurysm of the dorsalis pedis: Case Report and literature Review. Foot Ankle Surg. 2017; 56 : 398-400.
  10. Maydew M. Dorsalis pedis aneurysm: ultrasound diagnosis. Emerg. Radiol. 2006; 13 (5); 277-280.
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  12. Kolber MK, Shukla PA, Kumar A, Berkowitz E. Endovascular Treatment of a Dorsalis Pedis Arter Pseudoaneurysm. Vasc Endovascular Surg. 2016;50(4):283-285.
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  14. Bozio G, Tronc F, Douek P, Bozio A and Louis D. Dorsalis pedis artery pseudoaneurysm: an uncommon cause of soft tissue mass of the dorsal foot in children. Eur. J. Pediatr. Surg. 2009; 19 (2):113-116.