INTRODUCTION
Michel Van Dyck, Christine Watremez
L’anesthésie est une spécialité un peu méconnue tant du grand public que des médecins généralistes et de certains spécialistes. Elle a évolué parallèlement au développement de nouvelles techniques chirurgicales, permettant l’essor de la chirurgie mini-invasive, de la chirurgie robotique mais visant aussi à une sécurité accrue pendant la période périopératoire.
Les deux extrêmes d’âges de la vie sont particulièrement sensibles aux médicaments à effet central. Dans la littérature, on trouve de plus en plus d’études sur les effets de l’anesthésie sur le cerveau en développement de l’enfant et sur celui des patients très âgés, parfois déjà confus et évoluant vers la démence (1-5).
Même s’il n’y a pas eu de révolution majeure dans les médicaments utilisés en anesthésie, plusieurs progrès ont été faits ces dernières années et conduisent à une prise en charge optimale de patients de plus en plus âgés et de plus en plus fragiles. La notion de fragilité est maintenant universellement acceptée et reconnue comme un facteur de risque périopératoire (6).
Les notions de délire et de confusion postopératoires sont en train d’être définies plus précisément et l’influence de l’anesthésie est mieux comprise. En corollaire, le monitoring neurologique a fait d’énormes progrès et s’il n’est pas encore recommandé en routine pour toute anesthésie, il est maintenant de plus en plus utilisé chez les patients à risque.
L’anesthésie générale combine inconscience, analgésie et relâchement musculaire. Ce dernier paramètre peut et devrait être maintenant systématiquement contrôlé, monitoré de façon plus étroite, permettant des chirurgies sous un relâchement musculaire profond mais aussi une récupération complète en fin d’intervention, diminuant ainsi le risque de complications respiratoires en salle de réveil (7).
Il n’est pas toujours nécessaire d’endormir complètement les patients et l’anesthésie loco-régionale (ALR) fait aussi d’énormes progrès.
L’ALR permet d’éviter l’anesthésie générale dans certains cas. Elle raccourcit la durée de séjour, réduit l’incidence de complications respiratoires et thrombo-emboliques en postopératoire (8). En outre, le fait d’associer ALR et anesthésie générale (AG) ou de faire une ALR seule permet, grâce à l’analgésie prolongée que cela procure, de réduire les doses d’analgésiques morphiniques utilisés en per- et postopératoire et de diminuer une éventuelle chronicisation de la douleur. On peut prolonger l’analgésie par le placement de cathéters le long des racines nerveuses et l’infusion continue d’agents anesthésiques locaux (9) et ainsi réduire la consommation de dérivés morphiniques en postopératoire.
Il faut savoir que les USA font face à une épidémie (le terme semble exagéré mais a été confirmé par Le CDC, Center for Disease Control and Prevention) de consommation prolongée de dérivés morphiniques parfois plusieurs années après une intervention chirurgicale. Les patients à risque sont les gros fumeurs, les obèses qui ont subi une chirurgie bariatrique, ceux qui consomment beaucoup d’alcool, d’antidépresseurs ou d’antidouleurs en préopératoire. (10). Le numéro entier du mois de novembre 2017 de la revue Anesthesia & Analgesia a été consacré à cette « crise des opiacés ».
Pourtant, le développement de l’anesthésie loco-régionale risque d’être bloqué par le projet de remboursement forfaitaire des soins à basse variabilité de la ministre de la santé Maggie De Block (11). En effet, dans l’hypothèse d’une enveloppe globale, beaucoup risquent de considérer qu’associer une anesthésie loco-régionale à une anesthésie générale, malgré les avantages indéniables, coûte trop d’argent dans une enveloppe fermée.
L’hypnose est une autre technique qui permet d’éviter une anesthésie générale et qui est en train d’élargir son champ d’application (www.hypnose-saintluc.be). Les patients intéressés et motivés devraient en parler avec leur chirurgien lors de la consultation préopératoire. Si l’intervention s’y prête, une consultation avec un anesthésiste spécialisé en hypnose permettra de préparer le patient et de l’amener serein et collaborant à son intervention avec hypnose.
Aux cliniques universitaires St-Luc, l’hypnose est utilisée à la place de l’anesthésie générale dans de nombreux types de chirurgies telles que chirurgie de surface, chirurgie mammaire, chirurgie gynécologique, interventions sur la thyroïde, cure de hernies inguinales… (12,13)
L’échographie est maintenant utilisée de façon routinière en salle d’opération pour le repérage des nerfs et des vaisseaux, permettant des ponctions plus précises, ciblées et moins douloureuses. Les échographes se sont démocratisés, miniaturisés et offrent maintenant des images d’une résolution formidable. Du coup, les anesthésistes sont retournés vers leurs livres d’anatomie et sont passés maîtres dans l’art de bloquer sélectivement tel ou tel nerf. L’échographie permet aussi des ponctions veineuses chez des patients qui étaient jugés « impiquables » et la mise en place de cathéters centraux en toute sécurité (14). Maintenant, « on voit ce que l’on fait ».
Des progrès ont aussi été faits pour l’intubation, autre spécialité des anesthésistes. Avec le développement de la technologie, on passe de la laryngoscopie à la vidéolaryngoscopie et ces appareils interviennent maintenant dans l’algorithme de la prise en charge de l’intubation difficile (15).
Dans cet article, nous nous proposons de détailler 3 de ces progrès qui ont émaillé l’année 2017 dans la littérature et la pratique anesthésiques.
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LE MONITORING DE L’EEG FRONTAL ET LA PROFONDEUR DE L’ANESTHÉSIE EN PEROPÉRATOIRE EN 2017
Charles Lebrun-Lambeau, Mona Momeni
En 1875, Richard Caton, médecin britannique, décrit la présence de courants de direction variable sur le crâne des chiens. Quelques années plus tard, Hans Berger, neurologue allemand, mesure et étudie l’activité neuro-électrique du cerveau humain. Les premières observations de l’effet des médicaments sur l’électroencéphalogramme (EEG) sont apparues au début du XXème siècle. Cependant, la complexité de l’interprétation des signaux et de leurs variations ont empêché une utilisation étendue de ce monitoring en peropératoire. Il a fallu attendre la fin du 20ème siècle pour que des études établissent les corrélations entre l’administration de produits anesthésiants et les modifications du tracé. Ces recherches ont pu être réalisées après l’apparition d’algorithmes mathématiques et de la digitalisation. Depuis une dizaine d’années, les avancées technologiques ont permis d’isoler, d’amplifier et d’analyser avec précision ces ondes cérébrales. De nombreuses firmes ont développé un appareil analysant l’EEG en salle d’opération (1-2).
Les effets de l’anesthésie sur le cerveau ne sont pas entièrement élucidés. Cependant, on a remarqué que l’administration de nos médicaments modifie, ralentit ou augmente la synchronie des ondes neuro-électriques.
Ces ondes sont captées par des électrodes appliquées sur le front des patients. Le signal est tout d’abord amplifié car il est 100 fois plus petit que celui de l’électrocardiogramme (3). Les électrodes sont très sensibles et enregistrent donc de nombreuses interférences et artéfacts (ex : l’activité cardiaque, les fils électriques, les mouvements des yeux et du scalp, …). Il est donc nécessaire de filtrer une première fois les données avant de les convertir en valeurs digitales. Les data sont ensuite analysées par un algorithme secret et propre à chaque firme (4). Une donnée quantitative, généralement sous forme d’un chiffre de 0-100 est ainsi créée. Ces chiffrent permettent d’estimer la profondeur d’anesthésie. Une valeur aux alentours de 100 est associée à un état de conscience éveillée normale. Par logique, une valeur de 0 indique une activité cérébrale isoélectrique. Une valeur entre 40 et 60 est compatible avec une anesthésie générale bien dosée (5). Cependant, ces appareils permettent la visualisation d’un signal électroencéphalographique frontal. Ce signal d’EEG frontal change fortement en fonction des agents anesthésiques utilisés et permet de mieux reconnaître l’état de conscience des patients en peropératoire (6). Actuellement, il est de plus en plus recommandé de se baser sur le signal d’EEG et l’analyse spectrale correspondante (Figure 1).
Il existe une dizaine d’appareils sur le marché. Le plus utilisé et le plus souvent étudié s’appelle le « Bispectral Index » ou le BIS. Cependant, aucun appareil n’a prouvé sa supériorité (2).
Le réveil peropératoire demeure une peur fréquente chez les patients. Un tel événement s’appelle l’« awareness ». De nombreuses études multicentriques sont apparues ces dernières années dans la littérature scientifique (5). Elles comparent l’incidence d’épisodes d’awareness en adaptant le niveau d’anesthésie en fonction du BIS ou des paramètres hémodynamiques (tension artérielle et fréquence cardiaque). La tendance des observations est en faveur de l’utilisation peropératoire de ce monitoring non invasif mais les résultats sont souvent controversés (7-8). L’étude BAG-RECALL par exemple, n’a pas démontré de différence significative entre l’utilisation d’un monitoring d’EEG par le BIS et le maintien d’une MAC (Minimal Alveolar Concentration) des agents halogénés entre 0,7 et 1,3 sur l’incidence de « awareness » (8).
Par contre ce monitoring non-invasif est recommandé et utile durant les anesthésies par voie intraveineuse (TIVA, Total IntraVenous Anesthesia) pour diminuer l’incidence d’awareness (9).
L’âge de la population générale est en voie d’augmentation. En 2050, 10% de la population des pays développés aura plus de 80 ans. Aux USA, 1 chirurgie sur 3 est réalisée chez un patient de plus de 65 ans. L’âge avancé est associé avec la présence de comorbidités et implique des changements neurocognitifs importants. Le délirium postopératoire, encore appelé état confusionnel aigu, et les troubles cognitifs post-opératoires (POCD, PostOperative Cognitive Dysfunction) sont parmi les complications postopératoires les plus fréquentes chez les patients âgés. L’incidence de delirium postopératoire peut varier entre 15% et 54% en fonction de la chirurgie et de la population étudiée (10). Le POCD peut être présent chez 10% à 15% des patients. Récemment, l’intérêt s’est porté sur l’association de l’anesthésie générale avec le delirium et la dysfonction cognitive postopératoire. Plusieurs études ont suggéré que l’administration de fortes doses d’agents anesthésiques serait délétère et pourrait augmenter l’incidence de ces complications neurologiques (11-16). Ceci est d’autant plus important chez les patients âgés qui nécessitent moins d’anesthésiques. En effet, une dose trop élevée d’anesthésiques peut diminuer, voire supprimer, l’activité électroencéphalographique, se manifestant par l’apparition de plages de «Burst Suppression « sur les monitorings de profondeur d’anesthésie. Il est maintenant recommandé d’éviter toute apparition de Burst Suppression en peropératoire.
L’analyse d’EEG présente de nombreux autres avantages. L’étude « Triple low » a détecté une augmentation de la mortalité périopératoire et post-opératoire (à 30 et 90 jours) lorsqu’un patient présente une pression artérielle basse (Low MBP < 75mmHg), un BIS abaissé (Low BIS<45) et une faible MAC (Low MAC < 0,8) (17). Certaines études préconisent une utilisation large du BIS ou de tout autre monitoring de la profondeur d’anesthésie car cela permettrait de diminuer le temps d’extubation, le temps en salle de réveil et le risque de nausées et vomissements postopératoires grâce à une titration adaptée des médicaments (9).
L’anesthésiste doit malgré tout rester vigilant et ne peut pas adapter son anesthésie sur base d’une valeur isolée. En effet, il existe de nombreux pièges comme l’activité électromyographique qui rentre dans l’algorithme de ces appareils. La kétamine, hypnotique aux propriétés dysleptiques et dissociatives entraine, contrairement à la logique, une augmentation des activités gamma et des valeurs affichées. Le Xénon, la dexmédetomidine ont également tendance à augmenter ces valeurs. Les patients souffrant de démence, de pathologies cérébrales ischémiques ou autres, dévoilent des valeurs diminuées à l’état d’éveil. Il faut se rappeler que ce monitoring est également influencé par l’hypothermie et la présence d’un pacemaker (1-5). Il est donc primordial que le monitoring d’EEG soit utilisé comme un appareil de surveillance parmi d’autres et que ses valeurs soient incorporées à l’ensemble des informations disponibles.
En conclusion, l’utilisation du monitoring d’EEG en salle d’opération est en plein essor. L’EEG ne nous a pas encore dévoilé tous ses secrets mais son potentiel est considérable. Il faut garder à l’esprit qu’il est influencé par de nombreux stimuli externes. Ses valeurs et ses courbes doivent être analysées de manière critique et incorporées dans un ensemble d’informations.
Il est vivement conseillé de l’utiliser pendant une TIVA car c’est là qu’il a prouvé son efficacité pour diminuer l’incidence d’ « awareness ». Il permet également d’éviter les surdosages et probablement de réduire l’incidence de POCD et de delirium postopératoires.
Le monitoring d’EEG est au début de son développement. Il présente un futur prometteur mais il est impératif que les anesthésistes se forment à son utilisation complexe. En tant que médecin, nous ne pouvons nous contenter de lire des valeurs numériques produites par un algorithme secret (18). Nous devons être capables d’interpréter l’EEG brut et l’analyse spectrale correspondante afin d’estimer la profondeur d’anesthésie de notre patient.
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BLOC NEUROMUSCULAIRE PROFOND ET MONITORING QUANTITATIF : MAINTENANT C’EST L’HEURE
Alexandre Stouffs, Philippe E. Dubois
L’année 2017 apparait comme celle au cours de laquelle convergent de nombreuses démonstrations concourant à l’amélioration de la gestion du bloc neuromusculaire au cours des interventions chirurgicales.
L’introduction des agents bloquants neuromusculaires (curare ou neuromuscular blocking agent [NMBA] en anglais) dans l’arsenal thérapeutique anesthésique n’est pas récente. Depuis leur première utilisation en 1942, ils ont permis une amélioration drastique des conditions d’intervention, facilitant de nombreuses avancées médicales.
Bloc neuromusculaire profond : amélioration des conditions chirurgicales
Un nouvel antidote pharmacologique du bloc neuromusculaire (sugammadex, Bridion®) introduit en Belgique en 2010 a bouleversé les habitudes de gestion de la curarisation : il est désormais possible de maintenir un bloc profond tout au long de la chirurgie sans compromettre la rapidité de réveil ni la sécurité du patient.
Plusieurs études ont été menées ces dernières années pour objectiver l’impact de cette stratégie, en particulier au cours de la chirurgie abdominale laparoscopique. En 2017, une méta-analyse concluait qu’un relâchement musculaire profond améliorait les conditions opératoires, permettait de réduire la pression d’insufflation du pneumopéritoine, et diminuait la douleur référée au niveau des épaules en post-opératoire immédiat (1).
Curarisation résiduelle en 2017
La curarisation résiduelle est définie par la récupération incomplète du bloc neuromusculaire au moment du réveil du patient et en unité de soins post-anesthésiques (PACU). Il existe de nombreuses études qui documentent l’ampleur de ce phénomène (2). Dans une étude canadienne multi-centrique publiée en 2015, Fortier et al. montre une incidence de 63,5% de curarisation résiduelle au moment de l’extubation et de 56,5% en PACU (3). Cette incidence est d’autant plus élevée que la durée de la chirurgie est courte, que des bolus répétés de NMBA ont été administrés ou qu’une méthode d’évaluation clinique a été utilisée plutôt qu’un monitoring quantitatif objectif (2,4). Malgré l’administration systématique d’un antagoniste des curares (néostigmine) en fin de chirurgie, pratique courante dans de nombreux centres hospitaliers, l’incidence de bloc résiduel en salle de réveil (PACU) reste de 20 à 40% (5).
Des données de plus en plus nombreuses suggèrent que le bloc neuromusculaire résiduel est un facteur de risque de complications pulmonaires postopératoires. Par exemple, une altération du tonus des voies aériennes supérieures accroit le risque d’obstruction et d’inhalation pulmonaire. Il est également démontré qu’une récupération incomplète prolonge significativement la durée de séjour en PACU (6).
Monitoring quantitatif : maintenant c’est l’heure !
Le monitoring quantitatif de la récupération d’un bloc neuromusculaire repose sur la mesure de l’intensité de la contraction musculaire en réponse à la stimulation d’un nerf périphérique (le nerf ulnaire est recommandé). L’accéléromyographie, la cinémyographie et l’électromyographie sont les méthodes de mesure les plus communément utilisées en Belgique.
À la lumière du problème de curarisation résiduelle, il est étonnant de constater que la pratique clinique dans le monde varie considérablement en ce qui concerne l’utilisation d’un système de monitoring neuromusculaire quantitatif en période peropératoire. En effet, les chiffres les plus récents révèlent qu’à peine 13% des anesthésistes ont recours de manière systématique à ce type d’équipement, bien qu’il soit de plus en plus largement disponible dans les blocs opératoires (7). En outre plus de 50% des praticiens utilisent toujours des signes/tests cliniques comme l’évaluation du volume courant en respiration spontanée ou encore la capacité à maintenir la tête surélevée pendant plus de cinq secondes pour évaluer la récupération du bloc neuromusculaire. Ces tests, comme l’utilisation de stimulateurs nerveux périphériques simples (sans mesure de l’intensité des contractions musculaires), sont trop peu précis et ne peuvent confirmer un niveau de récupération compatible avec la sécurité du patient au moment de l’extubation trachéale.
Face à ces constats, une équipe d’experts a publié en 2017 un ensemble de consensus sur la bonne pratique en matière de monitoring. On en retient que lorsqu’un NMBA est administré, un monitoring quantitatif doit être systématiquement utilisé. Cette surveillance objective est la seule méthode permettant d’assurer une récupération suffisante et ainsi la sécurité du patient. Les tests cliniques doivent être complètement abandonnés. Il en va de même pour les techniques qualitatives d’évaluation visuelle ou tactile après stimulation d’un nerf. En effet, ces techniques – insuffisamment discriminantes – ne permettent pas de certifier l’absence d’une paralysie résiduelle (8).
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L’APPORT DE L’ÉCHOGRAPHIE EN ANESTHÉSIE EN 2017
Cristel Sanchez Torres, Victoria Van Regemorter, Thierry Pirotte
L’échographie en anesthésie, historiquement limitée à l’échographie transoesophagienne en chirurgie cardiaque, s’est fortement développée ces douze dernières années. Initialement introduite au bloc opératoire comme un nouvel outil pour réaliser les anesthésies locorégionales, l’échographie s’est rapidement trouvé d’autres indications en combinant précision (gestes invasifs) et rapidité (diagnostic au lit du patient). Le service d’anesthésie des Cliniques universitaires Saint-Luc a été l’un des pionniers en décrivant en 2006, en première publication belge (1), la polyvalence de cet outil au bloc opératoire qui est actuellement décrit comme indissociable du quotidien de l’anesthésiste (2). En médecine aiguë, urgentistes et réanimateurs ont également adopté cet outil en utilisant des protocoles d’examination du patient critique qui permettent de diagnostiquer rapidement la présence de liquides ou d’air libres dans diverses cavités (hémopéritoine, pneumothorax, tamponnade, …). L’orientation et le traitement du patient instable ou polytraumatisé sont donc facilités et ce, parfois dès la prise en charge pré-hospitalière. L’échographie est devenue en 2017 un réel outil de la période péri-opératoire ou critique dont l’utilisation est maintenant enseignée aux assistants dès leurs premiers mois de formation.
Obtenir un accès vasculaire est souvent un des premiers actes indispensables avant toute anesthésie ou sédation. Un accès central est également requis dans un grand nombre de cas : chirurgies lourdes, alimentation parentérale, antibiothérapie à long terme, chimiothérapie, … Jadis réalisé « à l’aveugle » en utilisant des repères cutanés, l’abord d’un vaisseau est actuellement réalisé sous échographie (Figure 2A). En montrant l’anatomie « sous-cutanée » de chaque patient, elle détecte les variantes anatomiques en termes de taille, de position et de perméabilité (thrombose) des vaisseaux. Guidant en temps réel l’aiguille de la peau jusqu’à une position intravasculaire optimale, l’échographie a permis de réduire significativement le taux de complications liées aux ponctions vasculaires (ponction artérielle accidentelle, hématome, pneumothorax). Le taux de succès augmente, le nombre d’essais nécessaires diminue, offrant confort au patient et confiance à l’anesthésiste. De par la possibilité de visualisation de l’entièreté du trajet des veines, de nombreuses voies d’abords échographiques ont été décrites (3). Une technique novatrice permettant la mise en place des voies centrales sous-claviculaires chez l’enfant a même été inventée et décrite par les anesthésistes pédiatriques de notre service (4). Plus récemment d’autres approches échoguidées, comme l’abord supraclaviculaire du tronc brachiocéphalique ont été développées et analysées afin d’obtenir de manière sécure et rapide un accès central chez nos patients les plus jeunes (5). Dans certains cas et principalement pour les traitements à domicile (HAD, hospitalisation à domicile), l’accès central peut être obtenu par insertion d’un long et fin cathéter dans le bras (PICC, peripherally inserted central catheter). Une fois de plus l’échographie fut un catalyseur dans ce développement en permettant de visualiser les veines brachiale et basilique au niveau du bras. La possibilité de cathétérisation d’autres veines du bras ou de la jambe (veine saphène chez le jeune enfant) offre parfois à l’anesthésiste, appelé en renfort, la solution ultime à un problème devenu fréquent : le patient ou l’enfant « impiquable » (6). Pour toutes ces raisons, l’utilisation de l’échographie pour l’accès vasculaire est actuellement fortement recommandée par de nombreuses sociétés nationales ou internationales (7,8).
En anesthésie locorégionale (ALR), l’échographie représente une évolution technologique majeure qui a permis une modification significative de notre pratique. Historiquement réalisée en neurostimulation (impulsion électriques transmises à l’extrémité de l’aiguille), l’ALR provoquait de l’inconfort chez le patient (surtout en cas de fracture de membres) tout en ayant un taux d’échec non négligeable. L’évolution technologique fait qu’en 2018 les nerfs et les aiguilles peuvent être visualisés avec une précision millimétrique rendant l’utilisation conjointe de la neurostimulation inutile. Les doses et volumes d’anesthésiques locaux (AL) injectés ont été fortement réduits (en moyenne de 30 à 50%) de par l’infiltration circonférentielle de chaque nerf par échoguidage (Figure 2 B). Ceci est important en terme de réduction du risque de toxicité des AL. Les ALR se sont fortement diversifiées ces dernières années en favorisant des blocs nerveux périphériques à faibles risques plutôt que des blocs centraux (péridurale, rachi-anesthésie). Les blocs nerveux échoguidés du périnée, de la paroi abdominale et thoracique continuent à se développer avec de nouvelles publications prometteuses en ce début d’année 2018 (9-11).
En dehors des situations où une ponction est nécessaire, l’échographie permet à l’anesthésiste de réaliser de nombreux diagnostics simples qui répondent à une problématique précise : pneumothorax, globe urinaire, ascite, épanchement pleural, … Plus récemment, l’échographie gastrique, avec une observation et un calcul de la surface de l’antre gastrique faite dans différentes positions, a été décrite afin de préciser le risque d’inhalation lors de l’endormissement du patient (12). Cet examen réalisé en préopératoire permet d’évaluer le risque, de décider de reporter ou non le patient et de planifier la séquence d’induction d’anesthésie la plus appropriée (induction classique ou induction spécifique pour « estomac plein ») (Figure 2C).
Ces quelques exemples montrent la polyvalence de cet outil en anesthésie et l’intérêt croissant des anesthésistes à développer de nouvelles applications. Chaque service d’anesthésie en Belgique dispose actuellement d’une ou de plusieurs machines d’échographie. Cet outil qui améliore nos performances et accroit la sécurité du patient est en complète évolution en termes de qualité d’image et de miniaturisation (Figure 2 D).
Références
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AFFILIATIONS
Université catholique de Louvain
Cliniques universitaires Saint - Luc
Service d’Anesthésiologie
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B-1200 Bruxelles, Belgique
CHU UCL Namur, site de Godinne
Service d’Anesthésiologie
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B-5530 Yvoir, Belgique
CORRESPONDANCE
Pr. Michel Van Dyck