L’acromégalie est liée à une hypersécrétion d’hormone de croissance (growth hormone [GH]), par un adénome hypophysaire somatotrope dans plus de 95 % des cas. Elle est responsable d’un syndrome dysmorphique acquis, d’évolution progressive, prédominant à la face et aux extrémités, et de comorbidités (rhumatologiques, cardiovasculaires, respiratoires, métaboliques, etc.) qui conditionnent le pronostic : elles sont en effet d’autant plus sévères que l’excès de GH a été prolongé et important. Les études sur la mortalité des patients acromégales se sont multipliées ces dernières années montrant une amélioration de l’espérance de vie, liée à l’amélioration de la prise en charge et à des critères plus stricts de contrôle de la maladie. La qualité de vie est devenue aussi ces dernières années un sujet important de préoccupation pour ces patients. La gravité de l’acromégalie peut aussi, bien sûr, tenir à la tumeur hypophysaire qui en est responsable et qui peut être à l’origine d’un syndrome tumoral. Le diagnostic de l’acromégalie est fait sur une élévation de la concentration sérique d’IGF-I, à condition d’utiliser un dosage dont les valeurs normatives ont été établies en fonction de l’âge et sur un nombre suffisant de sujets sains, valeurs normatives qui sont spécifiques de la méthode de dosage utilisée. Heureusement, ces dernières décennies ont vu s’améliorer de manière très nette la qualité des dosages d’IGF-I et la confiance que les cliniciens leur portent. L’importance de la sécrétion de GH est donnée par la mesure de la concentration sérique de GH. L’hyperglycémie provoquée orale est utile pour le diagnostic des troubles du métabolisme glucidique, pour démontrer le caractère freinable de la sécrétion de GH dans les cas difficiles et pour mettre en évidence une éventuelle réponse paradoxale de la GH. Le seuil en dessous duquel la GH doit baisser chez un sujet normal fait encore l’objet de controverses et dépend lui aussi de la méthode de dosage, du sexe, du poids et de la prise éventuelle d’estrogènes par voie orale. Une fois le diagnostic d’acromégalie porté, il faut évaluer, par une imagerie par résonance magnétique, le volume et les éventuelles expansions de la tumeur hypophysaire (plutôt infrasellaires). Le bilan du retentissement de l’acromégalie (bilan métabolique, échographie cardiaque, recherche d’apnées du sommeil, coloscopie, etc.) est complété par une évaluation des autres fonctions hypophysaires, à la recherche d’une insuffisance antéhypophysaire associée liée à la compression, par la tumeur, de l’hypophyse normale ou de la tige pituitaire. L’obtention de concentrations de GH inférieures à 2 ou 1 µg/l selon les études, et d’une IGF-I normale ramène la mortalité des acromégales à celle de la population générale. Les objectifs du traitement sont donc, d’une part, de corriger une éventuelle compression tumorale (ou d’en éliminer tout risque) par exérèse de la lésion causale et, d’autre part, de corriger l’hypersécrétion de GH/IGF-I, en permettant au patient de retrouver des concentrations de GH normales (ou du moins « de sécurité »). L’exérèse chirurgicale, par voie trans-sphénoïdale, de l’adénome hypophysaire responsable, est souvent le traitement de première intention. Ses résultats dépendent de la taille de l’adénome (guérison dans 80 à 90% des cas en cas de microadénome, guérison dans 40-60% des cas en moyenne en cas de macroadénome), de la concentration initiale de GH et de l’éventuelle invasivité de la tumeur. Lorsque le traitement chirurgical n’a pas permis de guérir l’hypersécrétion de GH, on propose un traitement médical adjuvant, utilisant la cabergoline (surtout si la sécrétion de GH/IGF-I est peu importante) et, surtout, les analogues de somatostatine de première génération (octréotide ou lanréotide) maintenant disponibles sous forme retard, injectables une fois par mois. Globalement la moitié des patients obtient une normalisation de l’IGF-I. Ces médicaments ont aussi un effet anti-tumoral. En dehors de leurs effets secondaires digestifs, ces molécules utilisées depuis plus de 30 ans offrent une excellente sécurité et leur efficacité reste stable avec le temps. En cas d’efficacité insuffisante de ces médicaments (éventuellement combinés), l’antagoniste de GH (pegvisomant) dont l’administration, quotidienne, doit se faire par voie sous-cutanée, ou l’analogue de somatostatine de seconde génération, le pasiréotide, lui aussi injectable une fois par mois, peuvent être proposés. Ce dernier peut être à l’origine de troubles du métabolisme glucidique et présente une moindre efficacité, mais il a l’avantage de présenter un potentiel effet anti-tumoral. En dernier ressort, en cas d’échec des traitements adjuvants ou si le patient préfère un traitement plus radical plutôt que la poursuite, sa vie durant, d’un traitement adjuvant, une radiothérapie (conventionnelle fractionnée ou en une seule séance par gamma-knife) permet de compléter l’arsenal thérapeutique. La radiothérapie quelle qu’elle soit ne normalise l’IGF-I que dans la moitié des cas environ après 10 ans, et expose à une insuffisance hypophysaire dans la quasi-totalité des cas. Heureusement, en combinant ces différents outils thérapeutiques, le contrôle de l’acromégalie est obtenu dans la grande majorité des cas. Le patient reste pourtant très impacté par des comorbidités persistantes qui nécessitent une prise en charge multidisciplinaire impliquant de nombreux spécialiste : rhumatologues, psychologues, spécialistes du sommeil, cardiologues.
Correspondance
Pr. Philippe Chanson
Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
Université Paris-Saclay, Hôpital Bicêtre
Service d’Endocrinologie et des Maladies de la Reproduction et Centre de Référence des Maladies Rares de l’Hypophyse (HYPO)
Le Kremlin-Bicêtre, France
philippe.chanson@aphp.fr