Le contrôle glycémique du diabète a pour finalité de prévenir la survenue (prévention primaire) ou de ralentir la progression des complications microvasculaires. L’approche thérapeutique préconisée dans les recommandions internationales pour traiter l’hyperglycémie du diabète consiste à ramener (ou maintenir) l’exposition glycémique d’un individu dans une zone-cible du glucose, dans laquelle la survenue de complications incidentes et/ou la progression de microangiopathies existantes est improbable. Cette zone-cible est donc déterminée en tenant compte de l’HbA1c, des glucométries capillaires et/ou de la mesure continue du glucose interstitiel, en fonction de la durée attendue de l’exposition chronique à l’hyperglycémie et de l’inertie de délai du développement de ces complications (généralement de 5 à 15 ans), du risque de survenue d’hypoglycémies et des caractéristiques du patient. La durée passée dans la zone-cible du glucose et de l’HbA1c et la facilité à atteindre cette dernière seront influencées par la perte déjà acquise de la fonction β, et par la vitesse de perte ultérieure de la capacité de sécrétion résiduelle d’insuline endogène. Les effets éventuels bénéfiques ou délétères sur la fonction β sont ainsi à la base du concept de durabilité thérapeutique des médications anti-hyperglycémiantes, celles qui ralentissent la pente du déclin inexorable de la sécrétion d’insuline ayant intrinsèquement une durabilité potentielle meilleure que celles qui accélèrent le déclin de la cellule β.
La première intervention thérapeutique contre l’hyperglycémie du diabétique comporte des mesures hygiéno-diététiques. Une fois ces dernières insuffisantes (rapidement [échec primaire], ou après un délai de plusieurs mois à plusieurs années [échec secondaire]), on ajoutera à ces mesures hygiéno-diététiques une monothérapie pharmacologique, généralement orale et à base de metformine. Cette dernière a été choisie comme soubassement à l’arsenal thérapeutique en raison notamment de sa bonne efficacité, de son coût modique, d’un long recul d’utilisation, d’un taux faible de survenue d’effets secondaires graves, de l’absence d’effets cardiovasculaires néfastes en utilisation chronique, et de sa neutralité sur la fonction β.
Une fois la monothérapie par metformine devenue inefficace (rapidement [échec primaire de monothérapie], ou après un délai de plusieurs mois à plusieurs années [échec secondaire de monothérapie]), sur base de la remontée persistante et au-delà de la cible de l’HbA1c, on ajoutera à la metformine une autre classe pharmacologique anti-hyperglycémiante, soit orale (sulfonylurées, glinides, DPP4-inhibiteurs, SGLT2-inhibiteurs (glucorétiques), pioglitazone, acarbose) soit injectable (agoniste du récepteur au GLP-1 (prise quotidienne, hebdomadaire ou autre) ou insuline (généralement de type basale, en 1 injection quotidienne)). À nouveau, une fois la bithérapie tenue en échec, on procédera à instaurer une trithérapie orale ou combinée (médications orale(s) + injectable(s)). On peut envisager une quadrithérapie orale ou combinée ensuite ; toutefois, une fois l’échec thérapeutique confirmé d’une trithérapie (orale ou orale + agoniste injectable du récepteur au GLP-1), il est habituel d’introduire une insuline basale, et ensuite une insulinothérapie nycthémérale complète (basale+prandiales) en gardant généralement la metformine et éventuellement les incrétino-mimétiques et/ou les glucorétiques.
Plus récemment, on a proposé, notamment pour des patients largement au-delà de la zone-cible d’HbA1c, de démarrer le traitement pharmacologique d’emblée par une bi-thérapie orale, voie par une tri-thérapie orale. Ces approches seront certainement validées dans le futur dans les recommandations internationales, en particulier pour les associations n’engendrant pas d’hypoglycémies, ni de prise de poids, et n’exerçant pas d’effet délétère sur la fonction β, de surcroît lorsqu’elles comportent des composés ayant démontré des effets bénéfiques additionnels sur le plan macrovasculaire.
Comme la plupart des patients parcourront au cours de leur existence plusieurs échelons de l’escalade thérapeutique des médications anti-hyperglycémiantes, il est crucial d’éviter les pièges liés à l’inertie thérapeutique, d’autant plus que la fonction β décline rapidement. Chez ces patients, souvent jeunes au diagnostic du diabète, fréquemment issus de populations allochtones, et présentant une perte accélérée d’insuline endogène, il est indispensable de procéder à l’échelonnage rapide des différentes interventions, dès que l’HbA1c dépasse la cible pendant >3 mois, sous peine de les exposer inutilement à une hyperglycémie évitable.
Le traitement de l’hyperglycémie est généralement inefficace au niveau du risque macrovasculaire. Les microvaisseaux rétiniens, glomérulaires et nerveux ciblés par l’hyperglycémie chronique sont totalement dépourvus de media (et donc de site de déposition pour les LDL et autres lipoprotéines porteuses d’apolipoprotéine B100, à la base des plaques athéromateuses), et les mécanismes lésionnels de l’hyperglycémie chronique sur ces microvaisseaux n’ont rien en commun avec ceux impliqués dans les macroangiopathies. Une atteinte microvasculaire peut accélérer un processus macrovasculaire seulement lorsqu’elle relève d’une néphropathie diabétique stricto sensu, avec hypertension artérielle secondaire (un facteur de risque macrovasculaire confondant) dans le cadre d’une insuffisance rénale chronique. La notion glucocentrique d’un risque macrovasculaire lié à l’hyperglycémie est une sur-simplification de la complexité des facteurs d’atteinte vasculaire, tant au niveau de la taille des vaisseaux que des organes-cibles concernés.
En exagérant la relation entre hyperglycémie chronique et risque macroangiopathique, on néglige souvent d’étudier et d’améliorer une approche idéale ciblant simultanément tous les facteurs de risque modifiables impliqués dans le risque résiduel micro- et macroangiopathique, et en évitant l’inertie clinique. Pour protéger réellement les macrovaisseaux, il faudra recourir non pas à des médications abaissant la glycémie (sauf si l’abaissement résulte de mécanismes d’action eux-mêmes anti-athérogènes, anti-arythmiques et/ou hémodynamiquement favorables, comme observé au cours de grands essais cliniques randomisés sur l’efficacité et/ou la sécurité cardiovasculaire de la pioglitazone [PROACTIVE], de l’empagliflozine [EMPA-REG OUTCOME], du liraglutide [LEADER], ou du semaglutide [SUSTAIN-6]) mais bien à des méthodes à l’efficacité démontrée au plan cardiovasculaire, à savoir les trois piliers fondamentaux non-glycémiques du traitement du patient DT2: (i) un traitement hypolipémiant global (ciblant le LDL-C; le non-HDL-C; les triglycérides; la dyslipidémie athérogène, la lipoprotéine(a), et les lipoprotéines remnantes); (ii) un traitement antihypertenseur ; et (iii) un traitement anti-plaquettaire, en sus de la prise en charge des autres facteurs de risque modifiables hygiéno-diététiques ou autres (tabagisme ; sédentarité ; obésité ; fibrillation auriculaire ; apnées du sommeil ; etc…).
Correspondance
Pr. Michel P. HERMANS
MD PhD DipNatSci DipEarthSci DipGeogEnv PGCert (Soc Sci)
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service d’Endocrinologie & Nutrition
B-1200 Bruxelles
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