Introduction
La coloproctectomie totale (CPT) suivie d’une anastomose iléo-anale (AIA) sur réservoir iléal est actuellement le traitement de référence de la polypose adénomateuse familiale (PAF) et de la rectocolite ulcéro-hémorragique (RCUH). Aux Cliniques universitaires Saint-Luc (CUSL), nous préconisons toujours la réalisation d’une mucosectomie endo-anale (MEA) suivie d’une anastomose manuelle à la ligne pectinée tandis que d’autres centres privilégient une anastomose mécanique à l’agrafeuse circulaire en invoquant une supériorité de cette technique sans MEA sur les résultats fonctionnels. L’objectif de cette étude est d’évaluer la pertinence de la MEA en mettant en balance les résultats fonctionnels et le contrôle du risque néoplasique chez les patients opérés aux CUSL depuis 1986.
Méthode
Les dossiers médicaux de 166 patients consécutifs ayant bénéficié d’une CPT avec AIA manuelle pour PAF (n = 57) ou RCUH (n = 109) aux CUSL ont été revus. Les données relevées comprenaient les évaluations fonctionnelles faites aux consultations de suivi, les résultats de l’analyse anatomo-pathologique de la pièce de MEA et les découvertes faites au cours de la surveillance endoscopique du réservoir iléal.
Résultats
La médiane du nombre de selles dans notre série s’élève à 5,8 par 24h (1-17) et à 1,0 par nuit (0-7). 82% de nos patients présentent une continence diurne parfaite. 57% ont une continence parfaite la nuit et 23% présentent moins d’une fuite nocturne par semaine. 76% de nos patients ont moins d’un épisode d’impériosité par semaine et 54% n’en présentent jamais. 73% des MEA des patients opérés pour PAF montraient la présence de dysplasie ou de cancer (94% de dysplasie de bas grade (DBG), un carcinome in situ et un carcinome invasif). Chez les patients opérés pour RCUH, une seule pièce de MEA (1,3%) contenait de la DBG. Aucun de nos patients opérés pour PAF ou RCUH n’a développé de cancer dans le réservoir ou le canal anal après des surveillances médianes de 114 mois (24-331) et 60 mois (4-237) respectivement. Dans la RCUH, cette surveillance n’a pas non plus mis en évidence de dysplasie. Dans la PAF, 43% des patients ont développé de la DBG après un délai médian de 86 mois (9-283) et un patient (2,1%) a développé de la DHG 216 mois après l’AIA.
Conclusions
Malgré la réalisation systématique d’une MEA chez nos patients, nos résultats fonctionnels sont aussi satisfaisants que ceux de la littérature à l'exception de la continence nocturne. Cependant, la majorité des patients signalant une altération de celle-ci ne présentent pas plus d’un épisode de fuite par semaine. L’importante prévalence de dysplasie et la présence de deux carcinomes sur les pièces de MEA de nos patients opérés pour PAF sont des arguments majeurs en faveur de sa réalisation. Dans la RCUH, la dysplasie est beaucoup plus rare. La surveillance endoscopique ne met pas en doute l’efficacité de nos MEA à l’heure actuelle. Il convient de poursuivre cette surveillance pour détecter précocement le développement de dysplasie dans le réservoir ou l’apparition de cancer sur un ilot de muqueuse colique résiduelle.
Affiliations
1 Unité de Chirurgie Colorectale, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique
2 Service d’Anatomie Pathologique, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique
3 Service d’Hépato-gastro-entérologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique