Comparaison d’un test antigénique rapide versus Polymerase Chain Reaction pour la détection du virus respiratoire syncytial, du virus influenza A/B et l’adénovirus chez l’enfant

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Claire Sommelette (1), Marc Bourgeois (2), David Tuerlinckx (3) Publié dans la revue de : Avril 2022 Rubrique(s) : Pédiatrie
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Résumé de l'article :

Les virus sont une des causes fréquentes d’infection respiratoire chez les enfants. Cette étude a pour but de comparer la performance d’un test antigénique rapide par rapport à la méthode de Polymerase Chain Reaction (PCR) pour la détection de 3 virus (le virus respiratoire syncytial [RSV], l’adénovirus [ADV] et l’influenza A/B [INF A/B]). Nous rapportons les résultats d’une étude prospective réalisée dans le cadre de la surveillance des infections respiratoires aiguës (IRA) de Sciensano (Institut de Santé Publique en Belgique). Entre octobre 2018 et avril 2019, 140 échantillons de cellules naso-pharyngées prélevés chez 135 enfants hospitalisés pour IRA au CHU Dinant -Godinne (Belgique). Le test antigénique rapide est revenu positif pour 71/140 (50.7%) échantillons tandis que la PCR est revenu positive pour au moins un virus pour 123/140 (87.8%) échantillons. Nous avons déterminé la sensibilité (Se), spécificité (Sp), valeur prédictive positive (VPP) et valeur prédictive négative (VPN) du test rapide par rapport à la RT-qPCR (PCR) utilisée comme gold standard. Les résultats pour le test antigénique rapide pour le RSV sont respectivement de Se 80.3% ; Sp 100%, VPP 100% et VPN 85% ; pour le ADV : Se 6.25%, Sp 99%, VPP 66.7% et VPN 78.1% et pour INF: Se 87.5%, Sp 98.4%, VPP 87.5% et VPN 98.4%.

Que savons-nous à ce propos ?

La PCR est plus performante dans la détection des virus mais les tests rapides sont plus rapides, moins couteux et encore largement utilisés.

Que nous apporte cet article ?

Cet article établit une comparaison du test antigénique rapide versus la PCR et permet de se poser la question de l’intérêt de réaliser des PCR par rapport au test antigénique dans la pratique.

Mots-clés

Virus respiratoire syncytial, adénovirus, influenza, PCR, test antigénique rapide

Article complet :

Introduction

Le RSV, l’ADV ainsi que INF font partie des virus les plus souvent rencontrés dans les infections respiratoires chez l’enfant. Ils sont à l’origine d’une large présentation clinique avec principalement une atteinte des voies respiratoires supérieures (VRS) et inférieures (VRI) (1). Les infections des VRI sont la cause la plus fréquente de mortalité chez les enfants (2) et elles représentent jusqu’à 50% des infections chez les enfants hospitalisés (3). Les tests rapides sont peu couteux mais pas toujours sensibles ou spécifiques. Les nouvelles techniques moléculaires sont maintenant largement utilisées pour la mise en évidence des virus (4). La RT-qPCR multiplex (PCR) est une méthode qui permet de mettre en évidence plusieurs virus en peu de temps sur un échantillon prélevé dans les VRS (5). Le recours à des méthodes de détection des virus chez les enfants hospitalises pour IRA permet d’en améliorer la prise en charge en terme de bilan et prescription antibiotique et donne des informations importantes pour le suivi épidémiologique. (6)

Méthodes

Nous avons réalisé une étude prospective dans le cadre de la surveillance des IRA en Belgique (Sciensano). D’octobre 2018 à avril 2019 chaque enfant hospitalisé au CHU Dinant Godinne UCL Namur pour IRA a bénéficié d’une aspiration naso-pharyngée ou d’un frottis naso-pharyngé afin de récolter des cellules. Chaque échantillon de cellules a été soumis à 2 tests antigéniques rapides sur l’analyseur BD Veritor System (Becton Dickinson, Franklin Lakes, Etats-Unis) pour la détection rapide du RSV etde INFA+B et à un 3ème test rapide Adeno Respi K-Set (Coris BioConcept, Gembloux, Belgique) afin de mettre en évidence 3 virus, RSV, ADV et INF. Ce sont des dosages immunologiques chromatographiques rapides conçus pour la détection qualitative et directe de la protéine de fusion du RSV, des nucléoprotéines de l’INF A et B et des hexons de la capside de ADV s, respectivement, à partir d’échantillons naso-pharyngés prélevés par lavage, aspiration et écouvillonnage. Il s’agit de petites “cassettes”, lisibles après 10 minutes pour RSV et INF A et B, et 15 minutes pour l’ADV.

Chaque échantillon a été envoyé à Sciensano pour la détection des virus: INF de types A et B (et sous-type / lignée subséquente), RSV (types A et B séparément), métapneumovirus humains (hMPV), parainfluenzavirus (PIV) types 1, 2, 3 et 4 séparément, les coronavirus humains (hCoV-OC43, hCoV-NL63 et hCoV-229E séparément), les ADV, les rhinovirus humains (HRV) et les entérovirus (EV), les entérovirus spécifiques D68, les parechovirus (hPeV) et les bocavirus (hBoV).

Les acides nucléiques viraux ont été extraits à l’aide de NucliSENS EasyMag de BioMerieux (Marcy l’Etoile, France). Les virus respiratoires ont été détectés par la PCR en temps réel précédée d’une étape de transcription inverse appelée RT-qPCR internes multiplex, que nous avons appellé “PCR” par simplification.

Résultats

Cent quarante échantillons prélevés sur 135 enfants ont été récoltés et analysés. L’âge des patients varie entre 10 jours et 14 ans avec un âge moyen de 17 mois. Sur les 135 enfants inclus dans l’étude, 82/135 (60.75%) sont de sexe masculin et 53/135 (39.25%) sont de sexe féminin. Le test antigénique rapide est revenu positif pour 71/140 (50.7%) échantillons dont: RSV 53/71 (74,6%), INF A/B 16/71 (22,5%) dont 2 faux positifs et ADV 3/71 (4,2%) dont un faux positif. Les 3 faux positifs ont été définis par la PCR négative. Un seul échantillon est revenu positif pour deux virus (INF et ADV) au test rapide.

Le test PCR est revenu positif pour au moins un virus pour 123/140 (87.8%) échantillons. Un total de 259 virus a été détecté par PCR. Les principaux virus retrouvés étant : RSV 66/123 (53,6%), ADV 32/123 (26%), EV/HRV 28/123 (22,8%), INF A/B 16/123 (13%). Le reste des résultats se trouvent dans le tableau 1.

 

En ce qui concerne le INF, pour la PCR 14 tests sont positifs pour INF A H3N2 et 2 résultats positifs pour INF A H1N1. Les 2 faux négatifs via la méthode antigénique concerne une PCR positive pour la souche H3N2. Un total de 49/123 (39%) échantillons analysés par PCR mis en évidence une co-infection avec 2 virus ou plus. Le nombre de co-infection est de : 25 pour le RSV, 28 pour l’ADV, 19 pour l’EV/HRV, 7 pour le hMPV, 8 pour l’INF A/B, 6 pour le hBoV, 7 pour le CoOC43, 5 pour le Co229E, 3 pour le PIV-3, 4 pour le PIV-4, 1 pour le PIV-2, 1 pour le CoNL63, 1 pour le hPeV. Les co-infections les plus fréquemment rencontrées sont : RSV et ADV avec 9 cas, ADV et EV/HRV avec 8 cas, RSV et EV/HRV avec 6 cas et ADV et FLU A avec 5 cas (Figure 1).

La sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative ont été déterminées pour le test antigénique rapide avec comme gold standard la méthode PCR. Les valeurs sont respectivement pour le RSV 80.3% ;100%,100% et 85% ; pour l’ADV 6.25%, 99%, 66.7% et 78.1% et pour INF: 87.5%, 98.4%, 87.5% et 98.4%. Au total 52/140 (37%) échantillons négatifs au test rapide sont revenus positifs par PCR pour l’un des virus de la multiplex. Seul trois échantillons positifs au test rapide (2 INF et 1 ADV) sont revenus négatifs en PCR. Si l’on ne considère que les 3 virus contenus dans le test rapide, la PCR a permis de détecter 27 échantillons positifs pour l’un de ses 3 virus alors que le test antigénique était négatif. Donc au total 98 échantillons sont revenus positif pour un de 3 virus par PCR contre 71 via le test rapide.

Discussion

Cette étude a pour but de comparer deux méthodes de détection des virus (test rapide et PCR) dans les échantillons provenant des VRS chez des enfants hospitalisés pour IRA. Son intérêt premier est de vérifier la performance des tests rapides, mais également de se poser la question de l’apport de la PCR pour la détection de plusieurs virus. L’identification d’un ou de plusieurs virus respiratoires chez les enfants hospitalisés pour IRA permet d’adapter la prise en charge, de limiter l’usage des antibiotiques, de suivre et contrôler la transmission (6). Depuis plusieurs dizaines d’années, les tests rapides sont largement utilisés dans la prise en charge des enfants hospitalisés pour IRA. (5). Cependant avec l’arrivée des nouvelles méthodes diagnostiques telles que la PCR, plusieurs études ont démontré sa supériorité par rapport au test rapide pour la détection des virus (7). L’équipe de Infectious Diseases Society of America a publié en 2020 un article qui prouve la supériorité de la PCR dans la mise en évidence des virus mais précise que celle-ci doit être utilisée dans des situations précises où la positivité ou la négativité du test permettra de prendre une décision thérapeutique et de prise en charge pour le patient (8). Dans notre étude la PCR a permis de détecter au moins un virus dans 37% d’échantillons en plus que le test rapide et 20% de patients supplémentaires par rapport aux 3 virus détectés au test rapide. Ces résultats sont comparables à ceux retrouvés dans la littérature, comme par exemple l’équipe de Ivaska et al. Dans cette étude de 2013, l’équipe compare un système de détection via la méthode antigénique rapide pour plusieurs virus chez des enfants et les résultats mettent en évidence que via la méthode antigénique les tests positifs sont de 44% comparés à 66% de tests positifs via la PCR. (9). En 2020, l’équipe de Lin et al., a mis en évidence que via la PCR on retrouve un nombre de test positif de 75% comparé à 48% de tests positifs via les méthodes conventionnelles (tests rapides et cultures) dans une population d’enfants. (1) Sur base de la PCR, les virus les plus fréquemment retrouvés dans notre population d’enfants hospitalisés pour syndrome respiratoire aigu sont le RSV, l’adénovirus, le métapneumovirus, les virus influenza et les rhino/entérovirus.

En ce qui concerne la recherche du RSV, la sensibilité et la spécificité du test antigénique rapide sont respectivement de 80,3% et 100%. Nous retrouvons des résultats similaires dans la population pédiatrique comme par exemple cette équipe néerlandaise qui met évidence dans un population pédiatrique d’enfants hospitalisés une sensibilité entre 75 et 80% et une spécificité entre 97.5 et 100%. (10). Ce que l’on attend d’un test c’est sa sensibilité, afin de pouvoir établir le bon diagnostic et donc éviter les faux négatif. Le RSV est le virus respiratoire le plus souvent rencontré chez le nourrisson et l’enfant partout dans le monde. Il représente près de 60% des infections respiratoires chez l’enfant. Aux USA, il représente environ 125 000 hospitalisations et 250 morts par an (11). Les tests rapides pour le RSV sont largement répandus, sont pratiques, nécessitent peu de matériel, sont moins coûteux mais aussi moins sensibles que la PCR. (12). La PCR, si elle n’est pas utilisée à grande échelle, pourrait trouver sa place dans des situations particulières où le diagnostic apportera des bénéfices pour le patient et/ou la société (suivi épidémiologique) (13).

Pour le virus Influenza A et B, la sensibilité et la spécificité du test antigénique rapide ont été respectivement de 87,5 % et 98,4%. Les résultats sont comparables pour les deux méthodes. Deux tests via le test rapide étaient positifs mais négatifs via la PCR, ce qui a été considéré comme un faux positif. Tous les résultats positifs en méthode antigénique sont revenus pour l’INF A. Ce test antigénique rapide offre une bonne sensibilité et une bonne spécificité. Il faut rester prudent quant à l’interprétation des résultats. Les résultats obtenus dans notre étude semblent meilleurs que ces retrouvés dans la littérature. Les données dans la littérature mettent en évidence que la moyenne de sensibilité et de spécificité des tests rapides pour l’INF A est de de 59.1% et 98.3% et de 73.3% et 97.3% pour INF B tous âges confondus. (14). L’étude néerlandaise a également réaliser une étude sur la performance d’un test antigénique rapide pour INF A et B dans une population d’enfants hospitalisés, ils mettent en évidence pour INF une sensibilité et une spécificité de 66.7% et 96.6% et pour INF B une sensibilité et une spécificité de 40% et 89.7%. (10). Globalement les données retrouvées mettent en évidence des résultats moins performants mais qui peuvent rester intéressants pour la pratique pédiatrique.

En ce qui concerne l’adénovirus la sensibilité et la spécificité du test antigénique rapide sont respectivement de 6.25% et 99%. Nous observons une très grande discordance entre le test rapide et la PCR, le test rapide se montrant peu sensible. L’adénovirus est un virus qui est fréquemment rencontré dans les infections respiratoires chez les enfants, responsable de 5 à 10% des infections VRI et son mode de présentation est assez variable (15). Les résultats mis en évidence dans ce travail doivent être interprétés avec prudence. Ces résultats ne sont pas comparables à ceux de la littérature, ceux-ci mettent en évidence une meilleure sensibilité des tests rapides mais s’accordent sur le fait que la PCR détecte davantage de cas. (15,16). Un premier facteur qui peut expliquer les résultats est la petite taille de la cohorte ce qui n’est peut-être pas représentatif de la réalité. De plus, certains résultats positifs via PCR pourraient également être considérés comme liés à un portage. Rien ne nous permet ici de confirmer que tous les résultats positifs de la PCR sont des vrais positifs car la méthode a été utilisée comme gold standard. La PCR reste très sensible et peut mettre en évidence des virus chez des patients porteurs asymptomatiques.

Certaines questions persistent concernant l’utilité de la PCR dans la pratique et son interprétation. Son impact sur la diminution de l’usage des antibiotiques, ainsi que la diminution de la réalisation d’autres examens complémentaires dans la pratique en pédiatrie, reste discutée. L’étude de Wishaupt et al. a montré que le fait de communiquer rapidement (12 à 36 heures) les résultats de la PCR au clinicien ne permettait pas de réduire la prescription des antibiotiques, ni le taux d’admission à l’hôpital ni la durée d’hospitalisation (17). Mais d’autres mettent en évidence que cela de permet de réduire l’usage des antibiotiques et le recours à la radiographie (18). Il reste également des questions non résolues comme l’interprétation des co-infections, le portage asymptomatique et le rôle pathogène de certains virus détectés. Une étude a mis en évidence que les enfants hospitalisés pour bronchiolite avaient un risque 2.7 fois plus élevé de développer une forme grave s’ils étaient atteints d’une co-infection. La co-infection la plus souvent retrouvée dans les bronchiolites est l’association du RSV et du rhinovirus. (19). Il est donc important de pouvoir continuer à se poser des questions quant à l’utilisation de la PCR et ainsi de pouvoir établir des situations où son usage trouvera une utilité dans la prise en charge en pédiatrie.

Conclusion

En conclusion, chez des enfants hospitalisés pour IRA, la PCR se montre plus performante pour la détection des virus les plus fréquemment incriminés par rapport au test rapide. L’usage de PCR multiplex pose néanmoins questions sur le rôle pathogène de certains virus, sur les co infections et sur la durée du portage. L’influence des résultats sur la prise en charge des patients pédiatriques hospitalisés pour IRA reste à préciser dans des études randomisées.

Recommandations pratiques

Les tests rapides semblent trouver leur place dans la pratique pédiatrique principalement pour le RSV et l’influenza. La PCR est une méthode plus fiable mais davantage couteuse. En pratique, la PCR voit son utilité dans les situations où la mise en évidence du virus aura un impact sur la prise en charge du patient, elle est donc réservée uniquement à des situations spécifiques et au suivi épidémiologique.

Affiliations

1. Université Catholique de Louvain, Département de Pédiatrie, B-1200 Bruxelles
2. Département des maladies infectieuses, CHU UCL Namur, site Godinne, B-5530 Yvoir
3. Service de Pédiatrie, CHU UCL Namur, Dinant, B-5530 Yvoir

Correspondance

Dr Claire Sommelette
Cliniques universitaires Saint-Luc
Pédiatrie
Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles

Références

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