Diagnostic par l’image : une bien drôle de piqûre

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Maud Robert, Aurore Girard Publié dans la revue de : Janvier 2023 Rubrique(s) : Image
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Résumé de l'article :

Un lundi après-midi de mi-septembre 2022, une jeune patiente de 21 ans, se présente à la consultation pour une piqûre d’insecte.

Article complet :

Un lundi après-midi de mi-septembre 2022, une jeune patiente de 21 ans, se présente à la consultation pour une piqûre d’insecte.

Elle a été en vacances au Cameroun, d’où elle est originaire mais n’y a jamais vécu, pour un séjour de 10 jours auprès de sa famille. Lorsque nous la rencontrons, elle est rentrée en Belgique depuis 3 jours.

Il y a environ 7 jours, elle pense avoir été piquée par un insecte sur la cuisse droite sans avoir pu identifier le type d’insecte impliqué. Elle a ressenti la piqûre qui a été douloureuse sur le moment mais n’y a pas prêté davantage attention.

Plus les jours avancent, plus la douleur se majore jusqu’à devenir une douleur constante, plutôt intense et ce même sans qu’il n’y ait de pression sur la plaie. Il n’y a pas de notion de prurit ni de fièvre.

Elle décrit avoir remarqué un écoulement transparent intermittent.

Jusqu’à présent, elle n’a essayé aucun traitement hormis un paracetamol 1g une fois à visée antalgique, sans grand effet.

La patiente ne prend pas de traitement chronique, elle n’a pas d’antécédent relevant et n’a pas d’allergie connue.

A l’examen clinique, nous notons trois lésions : sur la fesse droite, sur la face postérieure de la cuisse droite et la face latérale de la cuisse gauche.

a). Concernant la lésion de la fesse droite : écoulement séreux au point d’entrée, rougeur très localisée, lésion indurée. Présence d’une tête blanche mobile bien visible à l’œil nu lorsque l’on presse un peu sur la cuisse.

b.) Concernant la lésion de la face latérale de la cuisse droite : grande zone indurée sur 6-7 cm de diamètre, rouge, aspect de peau d’orange, avec une petite croûte au niveau du point d’entrée.

c. Concernant la lésion de la face latérale de la cuisse gauche : également indurée localement, rouge, avec une petite croûte au niveau du point d’entrée.

Quel est votre diagnostic ?

a). Furonculose
b). Erythème migrant
c).Piqûre d’insecte
d).Abcès sous-cutané

Réponse

Il s’agit d’une myiase, terme qui désigne le parasitisme d’un être vivant par la larve d’une mouche (1). Ces larves vont, durant une certaine période, se nourrir de tissus vivants ou morts, de liquides organiques ou de la nourriture ingérée par celui-ci (1). Les myiases humaines sous-cutanées ou « furonculeuses » sont secondaires à l’infestation par les larves de Dermatobia hominis (ver macaque) en Amérique du Sud et par les larves de Cordylobia anthropophaga (connues sous le nom de ver de Cayor, du nom d’un ancien royaume du Sénégal) en Afrique subsaharienne (1). Par contre dans les pays développés, les myiases humaines sont généralement diagnostiquées chez les touristes de retour de voyage dans des zones endémiques (1).

L’infestation par les larves de C. anthropophaga survient après contact avec des œufs déposés sur le sol ou sur du linge ayant séché à l’air libre et non repassé (2). Les larves vont se développer par phases successives et l’incubation varie de plusieurs jours à plusieurs semaines (7 à 10 jours pour la myiase africaine) (2). La lésion élémentaire est pseudo-furonculeuse, mesure 1 ou 2 cm de large et est centrée par un orifice duquel un liquide séro-sanguin ou purulent peut s’échapper (2), ce qui a été retrouvé chez notre patiente. Le patient peut aussi ressentir et voir les mouvements de la larve sous la peau (2) ou encore souffrir d’un prurit très intense.

Les lésions causées par C. anthropophaga sont le plus souvent multiples et sont le plus souvent localisées sur les régions du corps couvertes par les vêtements (comme le tronc) (2).

Le traitement repose sur l’extraction aseptique de la larve ; elle doit être complète pour éviter de laisser en place une partie de la larve qui pourrait provoquer une réaction à un corps étranger (2). L’extraction manuelle de C. anthropophaga par pression latérale est facilement réalisée. Elle peut être facilitée, en plaçant un agent occlusif au-dessus de l’orifice tels que le gras de porc, chewing-gum, miel ou même du plastique (1), ce qui peut entraîner la migration de la larve vers la surface (2). L’agent occlusif est généralement conservé sur l’orifice respiratoire durant une période de 48 heures environ (3). L’échec de l’extraction manuelle doit conduire à un geste chirurgical (2). La surinfection bactérienne, bien que rarement rapportée, semble être la principale complication (2). Après extraction, le traitement est complété par la désinfection locale, la vérification de la couverture vaccinale contre le tétanos et un traitement antibiotique en cas de surinfection bactérienne (2).

Dans notre cas, nous avons extrait les 3 larves en appliquant une pression bilatérale autour de l’orifice de respiration. Les vers étaient entiers et vivants après l’extraction (cf. photo ci-jointe). Les plaies ont été désinfectées et il a été conseillé à la patiente de poursuivre la désinfection au domicile.

Son dernier rappel Revaxis® (diphtérie, tétanos, poliomyélite) datant de 2011, une injection de rappel du vaccin contre le tétanos (Boostrix ®) a été réalisé le jour même au cabinet. Elle n’avait pas jugé utile de consulter avant son départ au Cameroun, ayant déjà à disposition sa preuve de vaccination contre la fièvre jaune. Compte tenu de l’aspect induré et inflammatoire de certaines des lésions, nous avons proposé de surveiller leur évolution durant 24h dans l’hypothèse d’une simple réaction inflammatoire contre un corps étranger. Si au-delà de cette période la rougeur persistait avec des signes locaux de surinfection, les vers ayant été extraits, une prescription pour une antibiothérapie par Amoxicilline 1g 3x/jour pendant 7 jours avait été mise à disposition de la patiente.

Petits conseils de prévention des myiases cutanées

La prévention relève généralement d’un certain nombre de règles d’hygiène simples qu’il convient de rappeler aux voyageurs :

- le lavage soigneux du linge et son repassage au fer chaud (1).

- veiller à ne pas être en contact direct avec le sable par l’utilisation de serviette ou de tapis (1).

Affiliations

Faculté de médecine et médecine dentaire, CAMG – Centre Académique de Médecine Générale, B-1200 Bruxelles

Correspondance

Dr Aurore GIRARD
CAMG – Centre Académique de Médecine Générale
Avenue Hippocrate, 57, B.1.57.02
B-1200 Woluwe-Saint-Lambert
aurore.girard@uclouvain.be

Références

  1. Sarr A, Sow D, Diao B et al. Myiase préputiale : à propos d’une observation. Basic Clin. Androl. 2011 ; 21, 260–262. https://doi.org/10.1007/s12610-011-0144-1
  2. Hochedez P, Caumes E. Pathologies dermatologies au retour de voyage. La Lettre de l’Infectiologue. 2008 ; XXIII, 3 : 87-121.
  3. Ajili F, Abid R, Bousseta N, et al. Des furoncles résistants aux antibiotiques : penser à la myiase !! [Antibiotic resistant furuncles: think myiasis). Pan Afr Med J. 2013;15:41. doi:10.11604/pamj.2013.15.41.2621