En tant que médiatrice « locale » ou « droits du patient », et à la fin d’une carrière de 20 ans dans la médiation hospitalière, il m’est apparu important de partager quelques réflexions personnelles qui relèvent uniquement de mon expérience de la fonction et qui n’engagent que moi. Sans doute certains médiateurs s’y retrouveront-ils sans que cela soit pleinement partagé par d’autres. L’expérience de chacun est le fruit des réalités rencontrées, forcément hétérogènes et que nul ne peut prétendre couvrir dans leur grande diversité.
Il faut savoir qu’il existe autant de façons d’exercer la médiation qu’il y a de médiateurs car la fonction se pare de la personnalité de celui-ci. Dans un métier de communication, il serait illusoire de faire autrement car celui-ci s’enrichit justement de la variété des expériences accumulées.
Cette réflexion n’a d’autre ambition que d’aider le lecteur médecin dans sa démarche quotidienne auprès des patients, et est à lire telles des recommandations qu'un médiateur ou qu'une médiatrice serait amené.e à proposer lors de l'analyse d'une plainte. C’est avec une grande humilité qu’il convient d’aborder ces situations, dans la pleine conscience que peuvent s’y exprimer dans le chef des uns et des autres, plusieurs façons de traduire « la vérité ».
La fonction de médiation en milieu hospitalier reste une méconnue et ce malgré les 20 ans de la loi droits du patient (1). En 2002, cette loi a eu le mérite de définir les droits concernant les soins de santé dans un texte unique. Les droits existaient déjà, mais ils étaient restés épars dans différentes réglementations et codes, dont le code de déontologie médicale revu et corrigé en 2018 (2).
Cette nouvelle législation permettait de faciliter la compréhension des patients sur leurs droits dans les soins de santé, tout en y soulignant la responsabilité des soignants. Il n’en reste pas moins qu’il y est également fait mention de la responsabilité du patient. - art. 4 de la loi “droits du patient”-. Ce texte était le résultat de la constante évolution de la relation de soins, consécutif au paternalisme médical d’antan, encore actif dans les années 90, passant progressivement par une approche centrée sur le patient à l’aube du XXIe siècle, pour devenir une relation de partenariat de soins que nous connaissons actuellement.
Ce partenariat est bien difficile à comprendre vu la différence de statut entre les deux parties. Les soignants ont la science et des connaissances scientifiques à leur actif, mais les patients ont leur expérience des symptômes et de la maladie. Il n’y a que le respect mutuel qui peut inscrire leur relation dans un réel partenariat. En effet, le patient souhaite aujourd’hui rester de plus en plus acteur de sa maladie, comme de sa vie. « La santé n’est pas seulement l’absence de maladie, mais une intégrité qui implique le bien-être physique, mental et spirituel » - Sadhguru
Avant de parler de la fonction de médiateur en milieu hospitalier, voyons d’abord l’objet du débat.
Impossible en effet d’analyser tous les droits prônés par la loi “droits du patient”.
Notre choix se fera donc en fonction des droits les plus fréquemment omis ou du moins ceux pour lesquels nous recevons le plus de plaintes.
Concrètement, comment s’opère le traitement des plaintes en rapport à ces droits ? La tâche du médiateur se concentre principalement à rétablir la communication entre les parties. Pour cela, l’écoute des uns et des autres est l'indispensable clé d'entrée dans le processus de médiation. L’analyse approfondie des droits qui n’ont pas été adéquatement pris en compte oriente ensuite les recommandations.
L’examen de la répartition des plaintes reçues ces dernières années qui est reprise ci-dessus montre déjà quelles sont celles qui prédominent : à savoir, le droit à des soins de qualité (50%) et le droit à l’information nécessaire (jusqu’à 70%). Ce dernier a tendance à devenir le droit le plus complexe à mettre en place ; cela même est dû au fait que le patient d’aujourdhui est multi-informé par les nombreuses sources mises à sa disposition, dans lesquelles il a du mal à faire un tri pertinent et éclairé. Ce que le patient attend du soignant, ce sont des précisions spécifiques, de plus en plus pointues sur son état et sur ses options thérapeutiques, avec leurs conséquences.
« Vision » des patients par rapport à leurs droits
Article 5 : « le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à des prestations de qualité répondant à ses besoins et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie et sans qu’une distinction d’aucune sorte ne soit faite » (3)
Il faut distinguer la qualité des soins et la qualité du soin. En effet, on peut être performant au niveau technique et avoir un patient complètement insatisfait. Le patient est plus qu’un symptôme ou qu’une maladie. C’est un être à part entière avec une vie en dehors de la maladie, une famille, un savoir, etc… Il doit être considéré dans son ensemble et non pas en pièces détachées. Il doit faire partie de la relation de soin comme un partenaire avec sa connaissance intrinsèque de la maladie. Même si cette connaissance n’est pas scientifique comme la connaissance qu’en a le médecin, elle doit être entendue. Ce n’est donc pas une perte de temps que de l’écouter car cette expression du vécu du patient peut aider le médecin à lui apporter la réponse la plus adéquate. Le discours du malade peut en effet apporter là, en l’écoutant des éléments que la science ne vous apporte pas. Des éléments qui s’avéreront parfois déterminants pour l’élaboration d’un plan de soins ou même dans l’établissement d’un diagnostic. En voici une belle illustration, où le manque d’écoute est préjudiciable à la relation de soin:
Extrait d’un courrier de patient
« Une fois arrivé dans ma chambre, le docteur X est venu me voir pour demander exactement ce que j’ai vécu en 2011, à mon travail. Lorsque j’ai voulu lui en parler, il ne me laisse même pas le temps répondre à sa première question qu’ il me pose déjà la deuxième question, ainsi de suite tout au long de ses questions. Au moment où j’ai voulu lui parler de mon entrée à l’hôpital Y, pour lui dire ce que j’avais vécu et pourquoi j’avais ma jambe gauche qui est paralysée, il ne m’a, à nouveau, pas écouté. Quand je voulais dire quelque chose de plus que la question, il écartait mes dires d’un geste de la main, pour poursuivre son questionnaire, et il en tirait des conclusions personnelles, puisqu’à aucun moment il ne m’a écouté. Puis ce même médecin vient me voir au moment où je dois faire de la kiné en pensant que j’irai mieux ; il me pose la question suivante : comment je vais ? Je lui dis que « ce n’est pas facile… ». Encore une fois, il ne me laisse pas finir ma phrase, et là il me dit : au plus vous ferez d’exercices, au mieux ça ira »
Comme le révèle ce témoignage, les patients ont des attentes vis-à-vis des prestataires de soins qui vont au-delà des « soins » ; ils attendent des soignants d’être entendus, d'être écoutés avec bienveillance et humanité.
« Le quotidien est ainsi truffé de pièges qui, malgré l’intention de bien faire, conduisent à négliger que l’autre est un autre, qui, même malade ou dépendant, n’a pas pour fonction de se laisser faire, un autre qu’il convient de faire exister, c’est-à-dire de faire sortir de la routine et de la multitude, afin qu’il se sente considéré, qu’il se sente regardé « tout simplement », tel un humain, c’est-à-dire une personne particulière et à nulle autre pareille, quels que soient son état et la raison de sa présence » (4).
Peut-on espérer encore aujourd’hui une petite place pour cette « humanité », étant donné l’organisation des soins de santé et leur financement ? Je veux croire que oui et certains médecins font preuve d’humanité bien souvent au détriment des intérêts de leur avancement professionnel. Une volonté politique de revalorisation de la carrière médicale est nécessaire. Loin de réduire le médecin à ses qualités de contraintes économiques et financières, son enjeu réel sera de faire de la place à sa qualité fondamentale d'humaniste.
Nombreux sont les patients de nos jours, qui s’autorisent à ne payer que la moitié d’une facture en invoquant les soins de qualité insuffisante (art. 5). Venant se plaindre chez les médiateurs qu’ils n’ont pas eu les soins de qualité, ils en déduisent ne pas devoir payer pour des soins non reçus. Bien souvent, un rappel aux différents intervenants est utile pour faire prendre conscience que les relations patient-soignant pourraient être meilleures si l’on prenait conscience que beaucoup de plaintes résultent le plus souvent d’un problème de communication.
Mais qu’est-ce que la communication ? Cette action commune à toute vie de relation peut paraître aisée tant les réseaux/canaux de communication sont nombreux de nos jours; « communiquer » est devenu accessible à tout un chacun par le nombre impressionnant des modes de communication. Or, paradoxalement, nous sommes tellement dépassés par cet afflux de « contacts » que souvent, nous en oublions l’essence et l’essentiel. Aussi faut-il rappeler ici à chacun la définition que je trouve la plus adéquate dans la matière que nous traitons :
« Communiquer avec quelqu’un, c’est faire ensemble un voyage en se comprenant » - Jiddu Krishnamurti
Article 7 : « Le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à toutes les informations nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable ».
Nombreux sont les patients qui se plaignent de ne pas avoir reçu la bonne information, la juste information et surtout l’information la plus complète ? Actuellement, lorsqu’il y a un litige en matière d’information sur les coûts des prestations par exemple, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre. Comment prouver que l’information a bien été donnée ?
Le meilleur conseil que je puisse donner aux soignants, c’est d’écrire dans le dossier médical l’information qui a été donnée au patient. Cette information doit être donnée en tenant compte de la capacité de compréhension du patient. On peut également lui proposer d'être accompagné d'une personne de confiance. Le médecin traitant peut être un atout majeur. Il reste l’allié du patient mais également des soignants. Tout comme le médiateur, il doit être le facilitateur.
La preuve de l’information donnée, incombe tant aux patients qu’aux soignants. La notion de la charge de la preuve a évolué dans le temps. Le principe en était initialement : « Il revient à la personne qui soulève un grief d’en apporter la preuve ». En 2015, la charge de la preuve s’est trouvée renversée : c’est au praticien professionnel qu’il revenait de prouver qu’il avait correctement informé le patient. En 2020 toutefois, une nouvelle jurisprudence (Cass., 11 janvier 2019, C.18.0210.N, concl. Av. gén. R. Mortier, n°2.3) (5) est revenue au principe initial de droit « Actori incumbent probatio » art. 1315 al.1er, code civil, à savoir que c’est au patient à prouver qu’il n’a pas eu l’information.
Vous l'aurez compris, la charge de la preuve dépend d'un grand nombre d'éléments. Ce que défendent les associations de patients, comme la LUSS (6), c’est qu’une attention particulière soit donnée aux patients maîtrisant peu ou pas le français. L’appel à un traducteur ou à un médiateur interculturel peut donc avoir tout son sens. A ce propos, il est recommandé, de faire appel à un médiateur interculturel Lorsque le problème n’est pas un droit à préserver, mais relève plutôt une incompréhension culturelle. Le médiateur interculturel trouvera alors les mots adéquats et le conflit s’apaisera.
Cette pratique n’est pas automatique pour différentes raisons et entre autres, un problème de communication et d’information entre différents services. Les soignants ne sont pas suffisamment informés de toutes les possibilités qui s’offrent à eux pour les aider dans leur quotidien.
La personne de confiance peut être également une « alliée merveilleuse » (7), tout en portant attention à ne pas la confondre avec la représentation du patient prévue par la loi « droits du patient » (8). En effet, la personne de confiance accompagne le patient dans la compréhension de sa maladie et dans les choix à faire. Mais c’est le patient qui a le dernier mot, tant qu’il a toute la capacité d’exercice de ses droits. Les représentants n’interviennent que lorsque le patient n’a plus la capacité de décider par lui-même ou qu’il n’a plus la capacité d’exercice de ses droits ou qu’il n’est plus conscient.
La LUSS (association de patients), souligne que le respect du droit à l’information nécessite une disponibilité du praticien professionnel. Comment faire lorsque le praticien professionnel ne dispose que de 10 minutes par patient lors d’une consultation ? Vous l’aurez compris, il y aura dès lors encore beaucoup de plaintes concernant ce droit. L’information du patient pourrait également être volontairement restreinte pour une durée limitée dans le temps. Il faudrait, dans ce cas, soulever « l’exception thérapeutique » qui ne peut être utilisée que sous certaines conditions et selon une procédure stricte (9).
Article 8 : « La patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable ».
« Ce qui est fait pour moi, sans moi, est contre moi » - Mahatma Gandhi
Ce principe peut sembler évident mais les exemples de plaintes sont innombrables pour pointer son importance.
Je me souviendrai toujours d’une patiente à qui l’on avait administré de la cortisone à fortes doses pour une tumeur à l’œil. Elle rentre dans mon bureau en chaise roulante et m’explique que c’est le résultat de son traitement. De multiples fractures à la colonne l’ont handicapée au point qu’elle n’est plus capable de marcher. Lorsqu’au cours de la médiation organisée entre elle et le médecin, le médecin lui explique que sans le traitement administré, elle serait aveugle actuellement, la patiente répond : « il m’appartenait de choisir si je préférais être aveugle ou en chaise roulante ». Dans ce cas de figure, le médecin a fait ce qu’en âme et conscience, il jugeait le plus adéquat pour la patiente. Il n’ a commis aucune « faute » ou « erreur » de traitement. Peut-il en être blâmé ? D’un autre côté la loi est claire, la patiente devait être informée de toutes les complications possibles.
Il me plaît à reprendre ci-dessous dans leur intégralité, les mots de Walter Hesbeen à ce sujet; c’est tellement bien dit, qu’ils font entièrement sens au vécu de la médiatrice que je suis.
« C’est qu’il n’y a rien d’anodin pour celui dont le corps et parfois la vie sont soumis aux mains des professionnels de soins, à leurs savoirs, leurs techniques, leur raisonnement clinique, leur capacité de prendre ou non au sérieux ce qui est important pour celui qui souffre ou plus simplement pour celui qui s’inquiète de ce qui lui arrive ou de ce qu’il va devenir. Rien d’anodin dans la manière de se présenter, de regarder, de parler, d’écouter, de toucher, de proposer, d’annoncer… Et c’est parce qu’il n’y a rien d’anodin dès lors que les professionnels interviennent sur le corps et dans la vie d’un autre, que des pratiques bonnes ne sauraient se réduire à l’application même rigoureuse des guides qui ont pour mission de les décrire. C’est parce qu’il n’y a rien d’anodin qu’une vigilance tant individuelle que collective est requise, une vigilance qui doit être pensée et entretenue, une vigilance qui requiert un effort, l’effort de ne pas réduire la personne aux actes qui nous semblent utiles, effort de ne pas sous-estimer que chacun vit comme il le peut ce qu’il a à vivre lorsque la maladie surgit ou que la dépendance s’installe, effort encore de ne pas minimiser les inquiétudes discrètes, voire les souffrances secrètes, qui parfois agitent intérieurement et intensément une existence » (10).
Une attention toute particulière doit être accordée à la validité des documents de consentement signés. Un document signé au moment même de l’acte ou juste avant son décours, ne peut être valable. Le patient doit en effet avoir eu le temps de la réflexion pour y donner son accord, mais également la possibilité d’en référer à sa personne de confiance. Lorsqu’il s’agit d’un acte en urgence, chaque fois que cela est possible, il faut se référer à l’entourage du patient. Ceci ne sera pas toujours une assurance pour couvrir la décision prise, mais il vous restera votre propre analyse et la conscience avec laquelle vous pratiquez l’acte. C’est votre argumentation, dans le dossier médical, qui fera la différence.
L’article 9 : Le patient a droit, de la part de son praticien professionnel, à un dossier de patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr.
- Le dossier doit contenir tout ce qui est nécessaire à la compréhension de l’état de santé du patient. (Avis divers, imagerie, biologie, etc…). Le dossier est bien plus qu’un élément de la relation entre un médecin et son patient. Il n’est plus la seule propriété du médecin. Il est aussi un outil d’évaluation de la qualité des soins. C’est un outil de contrôle pour les prestations. Il doit être adéquat, précis et respectueux.
- La Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé vient apporter des exigences complémentaires à celles déjà contenues dans la loi DP (11)
Cette loi érige le dossier du patient comme instrument de travail absolu qui devra contenir au moins 23 données obligatoires en fonction de la spécificité du médecin.
Tant d’éléments au sein desquels le respect est un point critique. On peut tout y écrire mais de façon respectueuse. Pour ne jamais vous tromper, construisez donc le dossier du patient comme si à n’importe quel moment, il devait se trouver sur la place publique. Ainsi ne doit-on pouvoir lire dans un dossier: “la fille de la patiente est complètement folle”. Il convient plutôt d’y écrire que « la communication avec la fille de la patiente est compliquée »
En tant que médiateur nous n’avons pas accès au dossier médical partagé contrairement à ce que certains soignants ou patients pensent. L’accès au dossier médical partagé reste soumis à l’accord du patient.L’accès à un dossier ne s’entend qu’en fonction du lien thérapeutique avec le patient.
- Il me reste encore un élément important du dossier à aborder. Qu’en est-il des annotations personnelles ? pendant toute ma carrière de médiatrice, j’ai dû maintes fois rappeler ce qu’est une « annotation personnelle ». A ne pas confondre avec les notes manuscrites qui sont partie intégrante du dossier puisque ces notes constituent le dossier.
Pourtant cette notion avait été bien expliquée dans les travaux préparatoires de la loi « droits du patient » et dans des avis : elles sont décrites comme des commentaires de diverses instances. De nos jours, « l’annotation personnelle » n’existe plus. En effet, l’annotation personnelle était le petit brouillon que le médecin gardait dans sa poche afin de l’aider dans sa réflexion mais ce petit bout de papier n’était partagé avec personne. C’était son mémo à lui et lui seul.
Ceci signifie qu’actuellement, dès que vous mettez la note dans un système informatique, elle n’est plus une « annotation personnelle » car cette note sera partagée par toute une équipe de soins et elle devra également être communiquée au patient dès la demande de son dossier. Autrement dit : Ne vous retranchez plus derrière une « annotation personnelle » car elle n’existe plus !
- Attention aux notes concernant les tiers. Celles-ci ne peuvent absolument pas être communiquées lors d’une demande de dossier. En revanche, les notes concernant le patient et qui ont été apportées par un tiers devraient être communiquées au patient si elles ont un intérêt pour sa prise en charge. Il faut tout de même le faire avec prudence (12). Quant au contenu du dossier, il y a de plus en plus de demandes de modification des antécédents, par exemple des antécédents d’assuétudes. Posez-vous toujours la question de la pertinence des informations que vous écrivez, est-ce utile pour l’évolution des soins au patient ?
- Est-ce utile de déduire qu’il est dépressif car il prend un antidépresseur ? Il vient peut-être d’avoir un deuil à surmonter, cela ne fait pas de lui un dépressif. La dépression est un diagnostic et le résultat de nombreuses informations et investigations.
Vous seriez étonné.e.s de voir combien de pathologies sont déduites en fonction des médicaments pris. Il est évident que si la personne vous dit prendre de l’ELTHYROXINE® vous allez déduire qu’elle est probablement hypothyroïdienne mais encore… n’est-ce pas un médicament qu’on a souvent donné aux personnes en surpoids et cela sans qu’elles soient hypothyroïdiennes ? Ne voyez aucun jugement dans mes propos juste une invitation à la prudence lorsque vous écrivez dans un dossier médical un diagnostic sur base des médicaments que le patient prend.
Article 10 : « Le patient a droit à la protection de sa vie privée…au respect de son intimité… »
« Il n’y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidence, de confidence sans secret » - Pr. Louis Portes
Toutes ces directives se justifient par la notion de confiance nécessaire à la relation de soins. C’est ce que nous rapportent les patients lorsqu’ils introduisent une plainte à ce sujet.
Extrait de plainte d’une patiente
”Après avoir passé l’examen de…le Docteur…m’a communiqué les résultats de celui-ci, y compris le conseil de consulter un oncologue, dans la salle d’attente post-examens, restant debout, à la va vite, devant les autres patients, sans aucun respect de la confidentialité des données médicales me concernant, de la dignité du patient, ni de l’obligation d’informer le patient de la manière la plus claire et la plus complète sur son état de santé. Aujourd’hui, après avoir été traitée de cette manière, je remets en question la qualité de la prestation médicale de ce médecin que je ne veux plus jamais revoir. Je reste néanmoins demandeuse des informations que je n’ai pas reçues…”
Il faudra également tenir compte du respect de certains principes en matière de traitement de données (13). Ces principes concernent la finalité, la sécurité, la confidentialité, l’intégrité des données. Mais aussi de leur transparence (qui fait quoi ? pourquoi ? quand ?)
Il s’agit également ici de garantir les droits de la personne concernée en matière d’accès, rectification et d’opposition. Certains médecins pourraient également être exclus de l’accès à certains dossiers si le patient le demande, peut-être parce que la confiance entre lui et son patient est rompue. Il y a également le droit à l’oubli. Ce droit est compliqué à mettre en place vu l’obligation de conservation du dossier médical qui est de 30 ans (14).
L’échange et partage de données personnelles de santé entre professionnels de santé ne concerne pas uniquement l’article 10 de la loi relative aux « droits des patients ». Ce partage de données est aussi repris dans les articles 9,12 et 14 de la même loi. Le service de médiation fédéral »droits du patient » l’a mentionné dans son rapport annuel de 2018 mais y fait référence également dans son rapport annuel de 2022 (15). Des accès « online » à des données échangées via les réseaux eHealth par le patient lui-même sont égalment possibles (16). Malheureusement, cet échange de données personnelles et son cadre ne sont pas simples à circonscrire et à opérationnaliser. Le mécontentement des patients persiste car il n’y a pas d’obligation imposée aux Institutions sur le contenu de ce qu’elles publient sur les réseaux.
En effet, les patients n’ont pas accès à toutes les données comme ils s’y attendent. Certaines Institutions limitent la publication du contenu des rapports médicaux. Ceci n’exprime pas un souhait de cacher quelque chose au patient. Cette limitation de publication répond en fait au devoir de protection des données à caractère personnel. Ces Institutions mettent d’ailleurs à disposition du patient l’entièreté de leur dossier par l’intermédiaire du service des archives. Le patient peut alors accéder à l’entièreté de son dossier « papier ». Certes, il y a lieu de se poser la question sur la pertinence de ce fonctionnement, à l’heure où on essaie le « no paper ».
C’est aussi ce mode de fonctionnement différent au niveau des Institutions de soins qui questionne les patients. Pourquoi une Clinique ouvre tous les accès et une autre pas ? Il est évident qu’il appartient ici au législateur d’être plus clair dans ses intentions et d’ avoir le souci d’uniformiser en conséquence les pratiques institutionnelles. Il est important de souligner en outre que le patient peut retirer son droit de partage des données, à tout moment. Pour plus d’information à ce sujet nous vous renvoyons vers le rapport annuel du service fédéral droits du patient qui résume admirablement bien toutes les exigences de ce partage de données mais également toutes les failles auxquelles, en tant que médiateurs, nous nous voyons confrontés (17).
Article 11 : « Le patient a le droit d’introduire une plainte concernant l’exercice de ses droits… auprès de la fonction de médiation compétente »
Une plainte, c’est l’expression d’un mécontentement et/ou du non-respect d’un droit.
Il faut avoir le courage en tant que soignant ou gestionnaire de considérer chaque plainte comme un signal d’alarme potentiel sur une pratique qui peut être améliorée. Le nombre de plaintes outre le fait qu’il est le reflet de la charge du travail du médiateur, donne des indications sur ce qu’il y a potentiellement à améliorer dans les soins aux patients, ce que le médiateur traduit par recommandations. Celles-ci ne sont absolument pas contraignantes, elles constituent juste un avis.
À vous médecins, soignants, comment recevoir une plainte qui vous est envoyée par le service de médiation?
- Saisissez toute plainte comme une opportunité d’améliorer votre pratique. Adoptez une attitude de communication ouverte : Ne vous sentez pas attaqués personnellement; le patient se déchargera sur la première personne qu’il verra…
- Ne jugez pas le patient et acceptez son émotion. Restez loyal vis-à-vis de vos collègues. Les patients me rapportent des propos suivants : « c’est toujours la même chose dans ce service, ils sont nuls… ». La critique de vos pairs n’apporte qu’une chose : la méfiance du patient vis-à-vis des soignants et des soins. Certains patients rapportent ne plus vouloir faire tel ou tel autre examen car ils en ont entendu tous les problèmes, selon certains soignants.
- Evitez les discours tels que : « ce n’est pas la première fois que cela arrive… si vous n’êtes pas contents allez-vous plaindre à la direction… vous êtes agressifs ! » Cette attitude va forcément générer une agressivité réactionnelle.
- Si vous ne vous sentez pas capable d’entrer dans une communication apaisante, passez la main. Vous verrez la dynamique va se transformer.
Et la fonction de médiation dans tout cela ? (18)
Lorsque les patients revendiquent leurs droits haut et fort, quelle est la réaction des médecins ?
« Madame, j’entends bien que le patient a des droits et moi en tant que médecin j’en ai aussi. Je dois être payé pour les soins qui ont été donnés et en médecine il n’y a jamais qu’une obligation de moyens et non de résultat. Où sont les droits du médecin ? A qui nous plaindre ? ». Ce discours fait partie du quotidien de bon nombre de médiateurs…Il est évident que la loi “droits du patient” ne met pas assez en évidence le fait que que le patient a également des obligations. Juste une timide allusion à l’article 4 de la loi (19).
Il faut bien comprendre ce qu’est le médiateur « droits du patient », ou le médiateur en Institution de soins. Le médiateur est un facilitateur qui va écouter les deux parties et va essayer qu’elles puissent dialoguer à nouveau. Il s’agit donc bien de rétablir la communication.
- De quels rôles le médiateur est-il investi ?
-Le premier rôle du médiateur est la prévention. On peut l’appeler lorsque l’on est confronté à des difficultés. Il n’interviendra peut-être pas en première intention mais il guidera le professionnel afin d’éviter une plainte. Depuis ces 7 dernières années, une grande majorité des professionnels a fait appel au service de médiation en ce sens et sans prétention aucune. Cela a été bénéfique au patient comme au soignant. Le médiateur en Institution de soins n’assure pas un service lucratif mais qui préserve par son action l’Institution de nombreuses procédures de plaintes, en aidant le patient et les soignants à s’entendre, à nouveau. Malheureusement, cela n’est pas quantifiable économiquement parlant et donc pas reconnu. Seuls les gestionnaires d’hôpitaux conscients de cet apport important à la gestion de leur institution peuvent valoriser celui-ci et reconnaître ainssi le médiateur dans sa fonction
. De par la loi et plus précisément par l’AR 8 JUILLET 2003. - Arrêté royal fixant les conditions auxquelles la fonction de médiation dans les hôpitaux doit répondre.
Le médiateur « droits du patient » doit rester neutre et impartial. Dès lors, le résultat final d’une médiation échappe au médiateur. A ce niveau, il rencontre souvent une difficulté majeure à faire comprendre aux différentes parties, l’absence de pouvoir décisionnel qu’il a sur l’issue de la plainte. Expliquer que le médiateur « droits du patient » ne fait que ce que la loi lui impose, à savoir, rester neutre, impartial et indépendant, relève souvent de l’exploit.
La neutralité s’entend par rapport au fond du problème en cause. L’impartialité s’entend dans l’attitude du médiateur vis-à-vis des parties. C’est là que le médiateur rassure le médecin en lui disant qu’il l’écoute tout autant qu’il écoute le patient. C’est également ici qu’il est expliqué au patient qu’il n’est pas judicieux d’agresser le soignant si on veut l’amener à une discussion paisible et bénéfique pour chacun.
C’est une notion bien difficile à comprendre tant du point de vue du patient que des soignants. L’un dira que le médiateur prend parti pour les soignants et les seconds diront qu’il prend parti pour le patient. Le résultat de la médiation contentera au mieux les deux parties si chacun s’y retrouve et malheureusement si l’un n’obtient pas ce qu’il demande, le médiateur sera la personne visée…
Lorsqu’il faut aller vers les soignants en vue de la résolution d’une plainte, le travail de calibrage est constant et d’une finesse de dentelière. Il faut tenir compte du contexte, du moment et de la structure organisationnelle de l’Institution. Ce qui est vrai aujourd’hui ne l’est plus demain. Entendons- nous bien : le résultat de la médiation ne dépend pas du tout du médiateur mais bien de ce que chacune des parties est prête à « lâcher ». Cet équilibre à atteindre n’est pas aisé lorsque l’on évolue dans une société où tout semble être dû . Le médiateur doit surfer sur les vagues des revendications et des susceptibilités qui s’opposent pour trouver un compromis juste et raisonnable entre les parties.
C’est alors qu’on invoque l’indépendance du médiateur. « Vous travaillez dans l’hôpital et vous êtes payé.e par l’hôpital, vous ne pouvez pas être indépendant.e » nous reproche-t-on souvent. Cette affirmation abusive revient à méconnaître le fait que le médiateur est en partie financé par le fédéral, à concurrence, selon la taille de l’hôpital, d’un montant qui peut aller jusqu’à 25.000 euros par an.
Comment se mesure cette indépendance ? A partir du moment où la direction, quelle qu’elle soit, n’impose pas une façon de faire ou une façon de mener la plainte selon les prescrits légaux, le médiateur reste indépendant. L’indépendance se mesure essentiellement par son apport à la gestion des plaintes sur le fond. Jusqu’à présent, on a pu croire, peut-être assez naïvement d’ailleurs, que l’indépendance du médiateur dépendait entre autres de sa personnalité et de la manière dont il ou elle a su imposer un savoir-faire authentique, juste et respectueux.
Cela n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui. Les contingences hospitalières que nous vivons, certainement aggravées par la crise sanitaire, peuvent faire basculer le « meilleur » médiateur dans un cheminement compliqué. Il doit faire preuve d’assertivité afin de défendre au mieux les intérêts des deux parties, mais cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît ! On évite le médiateur, le côtoyer pourrait provoquer certains amalgames, à tort. Il n’est souvent que peu ou pas intégré dans l’organigramme hospitalier et n’est que rarement invité à participer aux événements institutionnels. On pourrait imaginer que si on le côtoie régulièrement, cela signifie que l’on reçoit beaucoup de plaintes. Il est dommage d’avoir de sa fonction et de sa personne une vision si simple et réductrice. Il faut y voir au contraire la belle collaboration qu’il peut promouvoir entre les patients et les soignants. Certains soignants le comprennent bien et c’est alors un plaisir que d’interagir avec eux. Curieusement, ce sont ceux qui, en réalité génèrent le moins de plaintes patients et qui sont les plus affectés lorsqu’ils doivent en affronter une.
Selon une étude de l’AMIS, qui date de 2016 (20), il ressort que plus ou moins 20% des médiateurs reconnaissent un problème d’indépendance. Il est un fait qu’en cette matière d'indépendance, tous les médiateurs ne sont pas logés à la même enseigne. Nous ne pouvons qu’espérer un changement dans la loi pour assurer un renforcement majeur de la fonction de médiation. Mais ceci passera aussi par une meilleure reconnaissance de l’apport de sa fonction dans le bon fonctionnement hospitalier. Le préliminaire de cette valorisation nécessaire consisterait déjà à imposer une formation de base adéquate et une formation commune en médiation.
Les associations de patients prônent depuis des années la sortie des médiateurs des Institutions de soins. Je ne suis pas favorable à cette initiative car la proximité des médiateurs dans l’environnement hospitalier a, selon moi, une plus value considérable. En effet, sa connaissance de l’Institution et de certains soignants lui permet de savoir comment communiquer avec eux, dans l’intérêt des patients.
Une alternative à mi-chemin serait que le médiateur ait un lien hiérarchique avec le Conseil d’administration plutôt que celui potentiellement biaisé (selon les patients), avec un CEO ou un directeur médical. La hiérarchie, quelle qu’elle soit, devrait soutenir la fonction de médiation et lui donner tous les moyens pour rétablir la communication entre les parties.
Un autre problème rencontré en médiation, c’est le « sceau du secret » ou plus simplement dit, la confidentialité. Les courriers du médiateur et toutes les déclarations recueillies au cours de la médiation sont confidentiels. Les échanges en médiation ne peuvent être communiqués aux tiers ni même être utilisés en justice sans l’accord de toutes les parties. Ceci est un principe que la loi n’a pas coulé en force absolue. Le médiateur a beaucoup de difficultés à faire comprendre cela aux parties et à d’autres instances qui demandent les écrits du médiateur.
Il n’y a qu’à espérer une modification, à ce sujet, dans la refonte prochaine de la loi relative aux droits du patient. Les français ont une longueur d’avance à ce nieveau. Voyez l’arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour de cassation française (21).
Après 20 ans de pratique, on pourrait dire que la médiation hospitalière est bien plus qu’un métier, c’est un art ! Un art qui est bien méconnu et donc très mal « reconnu » (cfr IFIC) (22).
Heureusement, nous pouvons compter sur certaines structures pour nous aider à évoluer dans nos différents services de médiation. Le médiateur fait souvent partie d’associations de médiateurs comme l’AMIS ou association des médiateurs en Institutions de soins, fondée le 12 mai 2005. Celle-ci permet de répondre aux préoccupations de ses membres (23). La VVOVAZ est son pendant néerlandophone (24). Ces structures nous permettent des échanges constructifs, des supervisions et des formations. Une plateforme nous permet de communiquer entre médiateurs et de nous aider mutuellement.
Il est de même important de pouvoir compter sur le soutien du service de médiation fédéral « droits du patient » qui nous guide et nous maintient informés de l’évolution des législations.
La commission fédérale « droits du patient » émet également des avis et n’a cessé de tenter d’améliorer la fonction de médiation en soins de santé. Voyez ses avis de 2011 et 2017 (25).
Le service de médiation fédéral « droits du patient », est compétent pour tous les autres domaines où il n’existe pas de médiateurs « locaux ». Les médiateurs fédéraux réalisent un travail considérable et vivent les mêmes difficultés par rapport aux patients, que les médiateurs en Institutions de soins. Mais ils ont un statut tout à fait différent.
Sans ces structures de soutien, le médiateur en Institution de soins évolue de manière assez solitaire.
Lorsque le patient vous dit : « Vous ne servez à rien puisque vous ne pouvez pas sanctionner ni imposer une conduite qui pourrait résoudre mon problème. » En effet, pour 10% des interpellations de patients, nous devons en venir à l’évidence, le médiateur est bien impuissant ! Remarquons tout de même qu’il arrive à aider 90% des patients.
En général, les attentes des patients sont multiples et représentées sur les schémas ci-joint, exprimé en %.
Ce que nous pouvons constater en voyant les deux graphiques c’est l’évolution des attentes des patients. Avant 2020, la demande portait sur l'écoute et la sanction. Actuellement, on est plus dans la nécessité de relever les dysfonctionnements. Une demande également de plus en plus pressente est de mettre les acteurs autour de la table pour une rencontre en médiation.
La création de la commission de contrôle et de sanction répond plus à une demande passée, qu’aux demandes actuelles. Est-ce que le législateur n’est pas encore une fois en retard sur la portée de ses décisions ?
L’intérêt de la médiation est qu’elle nous permet de dégager des solutions de concertation avec l’aide des soignants.
Et pour toutes les fois où ce n’est pas possible, la loi « droits du patient » à mis à notre disposition, ce qu’on appelle des alternatives à la médiation qui selon le cas à traiter pourraient être susceptibles d’apporter une aide au patient. Ces alternatives sont entre autres, le recours à l’Ordre des médecins, pour dénoncer un problème de comportement d’ordre déontologique (26). Si la plainte concerne une infraction à l’INAMI (27), nous inviterons le plaignant à contacter l’INAMI. S’il s’agit d’obtenir un avis sur la responsabilité d’un prestataire, le médiateur peut conseiller au patient, le service juridique de la mutuelle, le service des assurances de l’Institution ou encore dans le cadre de la responsabilité sans faute, le FONDS des accidents médicaux. Et maintenant, depuis janvier 2023, une commission de contrôle et de sanction pour les professionnels de la santé (art.45) (28).
La médiation : un levier d’amélioration continue des soins ?
Dans certaines institutions hospitalières, le médiateur collabore activement avec la cellule qualité et est amené à identifier des suggestions d’actions d’amélioration. On constate donc une prise de conscience basée sur la volonté de l’institution de considérer les plaintes des patients comme un levier de l’amélioration continue.
Le partenariat patient a fait son apparition depuis une dizaine d’années. Cette approche privilégie une implication plus active du patient et de ses proches aidants dans le processus de soins et de services et dans les décisions qui les concernent. Le patient est expert de la vie avec la maladie tandis que le professionnel est expert de la maladie.
Cette dynamique s’inscrit aussi dans une dimension sociologique : l’hôpital aujourd’hui est considéré comme une entreprise à part entière. Le patient est devenu un « client », les organisations hospitalières doivent donc implémenter dans leurs structures de soins et de services, une orientation bénéficiaire. La satisfaction de la patientèle est un indicateur précieux à évaluer. Le but étant de « fidéliser » le patient.
Il est évident que la réussite du projet ne peut être assurée que si les équipes sont convaincues du bien-fondé du Comité Patient Partenaire… À long terme, cela ne pourra qu’être bénéfique tant pour les patients que pour les professionnels eux-mêmes » (29).
Après ces 20 ans, – quelle évolution pour la loi « droits du patient » ?
- La loi « droits du patient » n’a pas tellement évolué à proprement parler mais elle s’est récemment renforcée par d’autres structures dont la loi du 22 avril 2019 qu’on appelle aussi loi « qualité », car elle est relative à la qualité de la pratique dans les soins de santé.
Cette loi vise à améliorer la qualité des soins en imposant un certain nombre de critères de qualité minimale aux prestataires de soins.
Le plus spectaculaire à mon sens, est la création d’une commission de contrôle, qui remplacera les commissions provinciales actuelles. La procédure de contrôle devra aboutir à soit un plan d’amélioration, soit la suspension ou le retrait du visa. L’avenir nous dira si la création de cette commission ne va pas entacher davantage les relations de soins entre les soignants et les soignés. Le domaine des soins de santé n’est-il pas suffisamment compliqué en ce moment ? Est-ce nécessaire de mettre autant de pression sur les soignants ? Surtout après cette pandémie dont ils ressortent épuisés et découragés. Les patients, par définition, ont souffert énormément ; certains en sont morts… Mais que dire des soignants qui eux aussi ont vécu l’enfer? Les soignants ont besoin de soutien et de reconnaissance. Ajouter de la pression n’est-ce pas contreproductif ? Le législateur a souhaité une résolution amiable des conflits, avec la mise en place d’un service de médiation. Est-ce que la commission de contrôle et de sanction ne va pas générer ce qu’on a toujours voulu éviter, à savoir la judiciarisation des conflits ? Et actuellement, la violence sociale met à mal les professions dans les soins de santé. Comment faire toujours plus avec chaque fois moins de moyens ?
Ne devrait-on plutôt renforcer la communication ? Promouvoir des espaces d’échanges et de travail ensemble ? Promouvoir le respect de chacun. Serait-ce une illusion ?
- Un deuxième renforcement de cette colonne vertébrale qu’est la loi « droits du patient », est la loi du 27 octobre 2021 modifiant la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, en ce qui concerne l’affichage des tarifs par les dispensateurs de soins.
Cette dernière loi est peut-être celle qui va clarifier les choses pour les patients mais c’est évidemment celle qui sera la plus irritante pour les professionnels de la santé, à plus d’un titre. En effet, il s’agit d’informer clairement et préalablement le patient des tarifs des prestataires. Il sera question également d’affichage selon certaines normes. Cette loi bien que publiée au Moniteur belge, le 12 novembre 2021, précise qu’elle n’entrera en vigueur que par secteur pour ce qui est de l’affichage des tarifs. Sa particularité par rapport à la loi droits du patient, est que celle-ci sera assortie de sanctions en cas de non-respect de ses dispositions.
Les sanctions vont changer les comportements des patients. Ils vont plus facilement passer au-dessus du médiateur et directement saisir la commission de contrôle et de sanction. Ainsi, le patient qui maintient le manque d'information dira au médiateur combien il est inutile. Et rajoutera: "c'est toujours le pot de terre contre le pot de fer".
Notons que les sanctions sont novatrices dans toutes ces structures législatives.
Un autre élément important est que, pour les soignants, parler d’argent peut toujours être tabou ; d’où la nécessité d’une législation qui démystifie le coût des soins. Il faut se rendre compte que nous sommes dans une société où il faut tout et tout de suite et à moindre coût pour certaines choses. La santé n’est pas un luxe, dans l’inconscient collectif : la santé est un droit et le prix des soins ne devrait pas être un frein à recevoir le meilleur pour retrouver la santé ! La société comprend difficilement que nous ne sommes plus dans un état providence et que les soins de santé n’échappent pas à la règle de l’augmentation du coût de la vie. Les patients vont donc sans doute continuer à discuter les soins comme ils vont discuter l’achat d’une voiture. Mais le soignant ne l’entend pas toujours ainsi car sa vocation première est le soin et non le commerce.
Une proposition de résolution visant une réforme approfondie des droits du patient vient d’être déposée à la chambre le 2 décembre 2022 (30).
Quels changements ?
- Quelques définitions vont être passées en revue dont la définition de patient et celle de praticien ainsi que celle de personne de confiance.
- Par rapport à l’article 5 de la loi « droits du patient », il sera mis en évidence ce qu’est une prestation dite de qualité.
- L’art. 6 de la loi « droits du patient » du libre choix du prestataire sera renforcé et il faut en conclure que la notion de « shopping médical » devra être bannie du vocabulaire du soignant (cela apparaît parfois dans le dossier médical).
- En ce qui concerne le droit à l’information, art. 7 de la loi « droits du patient », et surtout concernant l’exception thérapeutique, il faudra bien préciser ce qu’est un « préjudice grave » qui vous empêcherait de donner l’information au patient.
- L’art. 8 de la loi « droits du patient » concernant le consentement comprendra d’autres renforcements, dont une « déclaration anticipée négative ». Mais un modèle légal doit encore être établi.
- En ce qui concerne le dossier du patient, tous les élements ont déjà été évoqués plus haut.
- En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée, l’accent sera mis sur la sensibilisation et une formation accréditée des professionnels de la santé.
- Enfin, pour ce qui est de la fonction même de médiation en rapport à la gestion des plaintes, on tend vers la mise en place, « … en étroite collaboration avec les entités fédérées, des points de contact pour la médiation au niveau des réseaux hospitaliers ou des zones de première ligne capable de travailler de manière autonome par rapport aux prestataires de soins ou aux établissements de soins… ». En bref, c’est l’indépendance du médiateur qui est ici prônée, en ce compris l’indépendance financière par le biais des réseaux hospitaliers et avec l’aide de la commission de contrôle et de sanction… (31).
Conclusions
La médiation en Institution de soins est loin d’être une utopie, c’est une réalité qui laisse place à l’amélioration des soins, qui s’avère autant bénéfique pour le patient, le soignant et aussi le médiateur. Considérer la parole du patient, lui permettre d’être partenaire et acteur de sa santé, c’est certainement construire une relation de confiance avec lui; cela favorise la compliance nécessaire aux soins et aux traitements permettant la guérison.
En tant que soignant, savoir recevoir une plainte, c’est une opportunité de se remettre en question sur ses pratiques et sur certains comportements. C’est aussi être capable d’échanger, de communiquer et de restaurer la confiance nécessaire dans la relation soignant-soigné.
De nombreuses clarifications se dessinent dans le courant 2023 par la mise en place de commissions de contrôle et de sanction, mais aussi par l’intégration de différentes lois et réglementations dans le cadre de la loi « droits du patients ». Il y aurait encore beaucoup à dire à ce niveau-là.
Comme nous l’avons déjà mentionné, on ne voit pas toujours l’intérêt ni l’importance de la fonction de médiation, en termes de gains financiers pour les Institutions de soins, mais on en voit des faits, des patients satisfaits de notre intervention (90%) et le retour des médecins qui saluent notre aide.
Les nouvelles législations vont sans doute améliorer le statut des médiateurs mais la reconnaissance de leur travail par les gestionnaires des hôpitaux est une nécessité.
Nul doute qu’il faudra changer notre regard face à cette société qui veut tout et tout de suite sans se préoccuper des devoirs qui nous incombent en tant que patient, prestataire ou simple citoyen… Mais ce chemin-là est encore à explorer. Il faudrait largement investir au niveau des outils de communication et les mettre en place dès le plus jeune âge et les poursuivre dans toutes les formations supérieures. Car si nous y réfléchissons de plus près, toutes ces nouvelles législations mettent en évidence l’importance de la bonne communication. Pour ce faire, revenons aux valeurs humaines essentielles de notre société que sont le respect, l’humilité, la bienveillance et l’humanité.
Nous apprenons tous de nos erreurs, de nos imperfections… Grâce à une écoute active et attentive, la médiation nous ouvre des portes pour rencontrer l’autre dans sa souffrance, tant celle du patient que celle du soignant.
Ne nous contentons plus de revendiquer les valeurs prônées sur papier glacé, placardées partout mais ni vues, ni intégrées. Vivons-les!
Ne banalisons pas l’humanité, car sans elle il n’ y pas d’évolution possible vers un avenir meilleur.
Cette humanité même est aussi le moteur premier de ce magnifique métier de Médiateur !
Correspondance
Mme María Jesùs ALVAREZ BARANGA
Médiatrice « Droits du patient »,
Cliniques universitaires Saint-Luc et centre hospitalier Valida.
Officier de confidentialité aux CUSL, Juriste Comité d’éthique Valida
Références
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- https://www.conseil-national.medecin.fr/code-deontologie
- https://www.health.belgium.be/fr/loi-du-22-aout-2002-relative-aux-droits...
- HESBEEN Walter, « Pour une éthique du quotidien des soins », Cancer(s) et psy(s), 2014/1 (n° 1), p. 173-177. DOI : 10.3917/crpsy.001.0173. URL : https://www.cairn.info/revue-cancers-et-psys-2014-1-page-173.htm
- https://callens-law.be/FullNews?newsRecordID=34&lang=fr
- www.luss.be/wp-content/uploads/2022/11/202211-newsletter-1.pdf -p. 7
- loi droits du patient-personne de confiance
- loi sur les droits du patient art. 12 à 15 représentation -
- https://ordomedic.be/fr/avis/deontologie/consentement-eclaire/informatio...
- Hesbeen, Walter. « Pour une éthique du quotidien des soins », Cancer(s) et psy(s), vol. 1, no. 1, 2014, pp. 173-177.
- http://www.ejustice.just.fgov.be/eli/loi/2019/04/22/2019041141/justel
- Avis du 26 juillet 2003 du CN de l’Ordre des médecins : « on recommandera au Professionnel de mentionner dans le dossier avec tact et précaution l’information pertinente communiquée par le tiers afin que la relation avec celui-ci ne s’en trouve pas altérée ou de ne pas mentionner la source de l’information »
- p62_63 RGPD ;loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel est aussi impliquée ; loi du 21 aout 2008 relative à l’Institution et à l’organisation de la plate-forme e-Health et portant diverses dispositions ; art.458 du CP, principes et/ou législations relative au partage du secret, art.27 code de déontologie médicale.
- https://ordomedic.be/fr/avis/duree-de-conservation-des-dossiers-medic...
- cf.rapport annuel 2021 du service fédéral « droits du patient, http://www. patientrights.be p.61 à 68.
- https://www.masante.belgique.be
- http://www.patientrights.be p.68 à 79.
- AR. Du 8 juillet 2003 fixant les conditions auxquelles la fonction de médiation dans les hôpitaux doit répondre.https://www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpsheal...
- Loi du 22 aout 2002 relative aux droits du patient - Belgium.be
- Les données ont été collectées à titre privé et en interne pour les médiateurs de l’association, il m’est donc impossible de faire référence à des chiffres qui n’ont pas fait l’objet d’une vérification contradictoire.
- https://www.actu-juridique.fr/international/marl/le-sceau-du-secret-et-l...
- Classification de fonctions secteurs de soins fédéraux
- http://www.mediateurs-amis.be
- https://vvovaz.be
- https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/sites/default/files/docu... https://organesdeconcertation.sante.belgique.be/sites/default/files/docu...
- https://ordomedic.be/fr/coseils-provinciaux/les-conseils-provinciaux.
- hyyps://www.inami.fgov.be/fr/inami/structure/pages/service-evaluation-controle-m...
- https://etaamb.openjustice.be/fr/loi-du-22-avril-2019_n2019041141.html.html
- https://www.observatoiredesmediations.org- article écrit par Gregory Simon, Christine Dutrieux et Maria-Jesus Alvarez-Baranga.Décembre 2019.
- http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/0193/55K0193003.pdf
- voyez DOC 55-2969/003 pp. 9-10