La douleur induite est définie comme une douleur de courte durée, causée par le praticien dans des circonstances prédictibles, susceptibles d’être prévenues par l’utilisation d’une analgo-sédation appropriée. La littérature actuelle concernant sa gestion est rare. L'objectif de cette étude a été d'évaluer la réalité de la douleur induite en médecine d'urgence.
Matériel et méthodologie
Nous avons effectué une étude rétrospective des dossiers médicaux de patients concernés par les cinq procédures de douleurs induites les plus fréquentes nécessitant une procédure de sédation potentielle, dans un service d'urgence universitaire: la réduction de la fracture, la réduction de luxation, le drain d’abcès, le placement de drain thoracique et la cardioversion électrique externe (CEE). Les sutures de plaies larges et l'anesthésie locorégionale n’ont pas été considérées. Les praticiens avaient à leur disposition les protocoles locaux relatifs aux sédations. Les fréquences d’évènements entre les cinq groupes ont été comparées par un test de Chi-carré.
Résultats
Cent trente-sept dossiers consécutifs ont été retenus et analysés sur une période de trois mois (0.8 % des 17.000 admissions), correspondant à 1.5 cas de douleur induite par jour. L’âge moyen était de 47 ans. Les dossiers concernaient 48 drains d’abcès, 44 réductions de luxation, 30 réductions de fractures, 12 placements de drain thoracique et 3 CEE. 58 procédures de sédation ont été réalisées (42 %), correspondant à 100 % des CEE, 70 % des fractures, 69 % des drains thoraciques, 52 % des réductions de luxation et 4 % des abcès. La mise en place d’une analgésie a été fort variable : parmi les 79 patients n’ayant pas reçu de sédation procédurale, 27 (34 %) ont reçu une analgésie intraveineuse, 13 (16 %) du MEOPA, 21 (26 %) une antalgie orale simple et 21 (26 %) n’ont reçu aucune médication antalgique. Seuls quatre patients (3 %) ont bénéficié de l’utilisation de morphine intraveineuse. La probabilité que deux patients tirés au hasard reçoivent la même sédation pour une pathologie précise est de 68,2 % pour les poses de drains thoraciques, 53,7% pour les drains d’abcès, 15,9 % pour les réductions de luxations et de 3,4 % pour les réductions de fractures. Bien que les pathologies graves semblent traitées avec plus d’attention, cette variabilité dans l’utilisation d’une médication sédative et des médications analgésiques questionne la qualité des soins apportés au patient et l’adéquation par rapport aux procédures de prise en charge. Malgré cela, seules trois occurrences d’effets secondaires ont été retrouvées dans la série de patients soit 2 % des procédures.
Conclusion
Les pathologies sources de douleur induite constituent le réservoir principal des procédures de sédation réalisées en salle d’urgence, à une fréquence de 20 par mois. Il existe des différences significatives (p<0.05) entre les cinq groupes de pathologies analysées et l’utilisation d’une sédation procédurale. Une approche alternative aux procédures de sédation potentiellement dangereuse doit toujours être prise en considération et être l’objet de futures recherches cliniques. L’usage insuffisant de la morphine et l’usage disparate des procédures écrites requiert une amélioration des pratiques.
Affiliations
1 Cliniques universitaires Saint-Luc, Service des Urgences, département de médecine aiguë, avenue Hippocrate 10, B-1200 Bruxelles