La MGUS est définie par la présence d’un pic monoclonal inférieur à 30 gr/l et d’une plasmocytose médullaire inférieure à 10% en l’absence d’atteinte organique (hypercalcémie, insuffisance rénale, anémie ou lésions osseuses) en rapport avec la dysglobulinémie. L’immunoglobuline anormale est produite par un clone B, habituellement plasmocytaire en cas d’IgG ou d’IgA et lymphoplasmocytaire en cas d’IgM. Il s’agit d’un état prénéoplasique avec risque d’évolution en myélome multiple (isotypes IgG et IgA) ou en lymphome non hodgkinien B (isotype IgM) (1).
L’incidence de la MGUS est estimée à 3.5% dans la population âgée de plus de 50 ans avec un âge médian au diagnostic de 72 ans. Cette anomalie est plus fréquente chez l’homme, dans la population noire ou en présence d’antécédents familiaux de MGUS ou de myélome multiple. L’obésité, l’exposition aux pesticides et aux radiations ionisantes seraient des facteurs favorisants. Une MGUS peut également être associée à des contextes infectieux, immunitaires ou inflammatoires. Elle est le plus souvent d’isotype IgG (70-75%), plus rarement IgM (15-20%), IgA (10%) ou à chaînes légères (2).
Le risque principal de la MGUS est la transformation soit en myélome multiple en cas d’isotype IgG ou IgA soit en Maladie de Waldenström ou autre hémopathie lymphoïde B indolente en cas d’isotype IgM. Si la MGUS est à chaînes légères, l’évolution peut se faire soit en myélome multiple, soit en maladie de dépôts de chaînes légères ou en amylose AL. Le risque annuel de transformation est évalué à 1% mais la stratification du risque peut être affinée par certains facteurs prédictifs. En effet, un pic supérieur à 15 g/L, un isotype non IgG et un rapport Kappa/Lambda anormal sont des facteurs de risque de progression. Un score de risque, développé par la Mayo Clinic basé sur ces 3 paramètres, peut facilement être calculé. Celui-ci propose 4 catégories de risque : faible risque (0 point), risque intermédiaire faible (1 point), risque intermédiaire élevé (2 points) et risque élevé (3 points) avec un risque absolu de transformation à 20 ans évalué respectivement à 5%, 21%, 37% et 58%.
La MGUS est en général détectée de manière fortuite. Une fois identifiée et confirmée, une série d’examens sera réalisée. Le bilan sanguin devra comprendre les analyses suivantes : hémogramme, calcium, créatinine, électrophorèse des protéines sériques avec immunofixation, dosage quantitatif des immunoglobulines et dosage des chaînes légères libres. Le bilan urinaire consistera en la recherche d’une protéinurie, réalisation d’une immuno-électrophorèse et d’un dosage des chaines légères Kappa et Lambda. Un examen médullaire ne sera pas réalisé d’emblée en cas de pic IgG inférieur ou égal à 15 g/L, en l’absence de signes cliniques ou biologiques d’atteinte d’organes. En cas de pic IgA ou IgM, la réalisation d’un examen médullaire est recommandée. Un bilan radiologique osseux à la recherche de lésions lytiques chez un patient asymptomatique n’est pas nécessaire en cas de pic IgG inférieur ou égal à 15 g/L ou en cas de pic IgA inférieur ou égal à 10 g/L. Dans le cas contraire, un bilan radiologique osseux est recommandé (radiographies osseuses conventionnelles ou mieux, car plus sensible, un scanner osseux du corps entier). En cas de pic IgM, il est recommandé de réaliser un scanner thoraco-abdomino-pelvien à la recherche notamment d’un syndrome tumoral ganglionnaire et/ou hépato-splénique (1).
Si un myélome multiple ou une autre hémopathie a été exclue, le médecin doit rester vigilant au nouveau concept de « gammapathie monoclonale de signification clinique » (GMSC). Dans ce cas, un clone B produit une immunoglobuline anormale responsable de symptômes cliniques, les plus souvent cutanés, neurologiques ou rénaux. Divers mécanismes physiopathologiques sont possibles, les plus fréquents étant le dépôt d’immunoglobulines anormales dans les tissus, une activité auto-anticorps, la formation d’immuns complexes, une activation du complément ou la production de cytokines. Dans certains cas, le mécanisme reste inconnu. Dans ces situations de « GMSC », un traitement antitumoral dirigé conte le clone B est nécessaire pour espérer résoudre les symptômes (3).
Les patients avec MGUS seront suivis à vie, vu le risque de transformation. Le suivi sera idéalement adapté à la classe de risque identifiée par le score de la Mayo Clinic. Après le bilan initial de la MGUS, tous les patients seront revus à 6 mois. Par la suite, les patients de risque faible pourront être suivis tous les 1 à 2 ans alors que les autres patients seront vus sur un rythme annuel. L’apparition de symptômes cliniques ou d’anomalies biologiques telles qu’anémie, hypercalcémie et/ou insuffisance rénale devront imposer la réalisation d’une ponction médullaire afin d’exclure une transformation (1).
La MGUS peut s’accompagner d’un risque infectieux accru, notamment au niveau des voies respiratoires, surtout en cas d’hypogammaglobulinémie associée. Les vaccinations contre la grippe et le pneumocoque seront proposées au patient. Le clinicien sera également sensibilisé au risque accru de fractures et d’ostéoporose et il peut donc être approprier de proposer une densitométrie osseuse, particulièrement en présence d’autres facteurs de risque d’ostéoporose. En cas de diminution avérée de la densité osseuse, des suppléments en calcium et vitamine D seront prescrits de même qu’un traitement par bisphosphonates. En cas de situation à risque de maladie thrombo-embolique veineuse, une prophylaxie devra être assurée (4).
Il n’y a pas d’indication de réaliser un dépistage à la recherche d’une MGUS chez un patient strictement asymptomatique. En effet, ce dépistage s’accompagnerait de coûts élevés pour la sécurité sociale et serait source d’anxiété pour les patients. Une électrophorèse doit par contre être réalisée systématiquement dans les situations suivantes : élévation des protéines sériques, anémie normocytaire d’étiologie incertaine, hypercalcémie, insuffisance rénale, élévation inexpliquée de la vitesse de sédimentation, ostéopénie anormale pour l’âge, protéinurie inexpliquée, polyneuropathie d’étiologie incertaine, infections répétées des voies respiratoires, hyper- ou hypogammaglobulinémie, lésions osseuses lytiques, symptômes d’hyperviscosité ou insuffisance cardiaque avec signes échographiques évocateurs d’amyloïdose (5).
En conclusion, la MGUS est une anomalie biologique fréquente, particulièrement chez les sujets âgés, mise en évidence grâce à l’électrophorèse des protéines. Un bilan initial doit être réalisé afin d’exclure une hémopathie maligne sous-jacente et apprécier le risque de progression. Le clinicien devra être vigilant à d’éventuelles manifestations cliniques en lien avec la MGUS. Une surveillance au long cours sera assurée et en cas de suspicion de transformation, le patient devra être référé à la consultation d’hématologie.
Correspondance
Dr. Julien Depaus
CHU UCL Namur Site Godinne
Service d’Hématologie
Avenue Therasse 1
B-5530 Yvoir
Julien.depaus@uclouvain.be
Références
- Van de Donk NW, Palumbo A, Johnsen HE, Engelhardt M, Gay F, Gregersen H et al. The Clinical Relevance And Management Of Monoclonal Gammopathy Of Undetermined Significance And Related Disorders: Recommendations From The European Myeloma Network. Haematologica. 2014 99: 984-996.
ouvrir dans Pubmed - Vekemans MC, Caers J, Doyen C, Michaux L. Gammapathies monoclonales de signification indéterminée. Louvain Med. 2013 ;132 (2): 51-62
- Fermand JP, Bridoux F, Dispenzieri A, Jaccard A, Kyle RA, Leung N et al. Monoclonal gammopathy of clinical significance: a novel concept with therapeutic implications. Blood. 2018 ;132(14):1478-1485
ouvrir dans Pubmed - Atkin C, Richter A, Sapey E. What is the significance of monocloanm gammopathy of undetermined significance ? Clinical Medicine. 2018 ; 18(5) : 391-396.
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