Introduction
L’hamartome de type PENS (Papular Epidermal Nevus with « skyline » basal cell layer) est un hamartome épidermique congénital caractérisé cliniquement par des petites papules polygonales de couleur brun clair, disposées de façon coalescente sous une forme arrondie ou « en virgule » et histologiquement par un alignement régulier, bien délimité des kératinocytes de la basale épidermique associé à une disposition palissadique de leurs noyaux (1-3). Le plus souvent multiples, ces hamartomes se développent généralement de façon sporadique mais quelques cas familiaux ont été rapportés (1). L’association de(s) hamartome(s) PENS à des atteintes neurologiques plus ou moins sévères définit le syndrome PENS (2). Nous rapportons une nouvelle observation d’hamartomes multiples de type PENS.
Observation
Une petite fille âgée de dix-huit mois, sans antécédent médical, était vue en consultation de dermatologie pour de petites papules verruqueuses asymptomatiques développées progressivement dans les mois suivants la naissance et globalement stables depuis. De couleur brun clair, d’une taille variant de 3 à 10 mm, et de forme arrondies ou linéaires (« en doigt de gant »), elles se localisaient sur le front, le cuir chevelu, le thorax, le pli rétro-auriculaire droit, la face interne des cuisses et le creux axillaire droit (Figures 1-5.). L’examen neurologique était normal.
L’enfant, était la cadette d’une fratrie de trois enfants. L’examen cutané de ses frères, âgés de quatre et cinq ans, tous deux sans antécédent neurologique, ne mettaient pas en évidence de lésion cutanée.
L’examen histologique d’une lésion kératosique mettait en évidence une couche cornée épaisse, très discrètement et focalement parakératosique surmontant un épiderme acanthosique avec des bourgeons larges et rectangulaires. À une extrémité de la biopsie, les cellules basales possédaient des noyaux palissadiques organisés de façon linéaire évoquant une ligne d’horizon (Figures 6. et 7.) permettant d’établir le diagnostic d’hamartome PENS.
Discussion
Depuis la description initiale en 2011 par Torrelo et al. (1), vingt-huit observations d’hamartome PENS unique ou multiple ont été décrites permettant d’affiner leur description clinique et éventuellement syndromique (Tableau 1).
Les lésions cutanées sont de découverte congénitale ou au cours des premières semaines suivant la naissance, avec un sex-ratio presque équilibré (M/F de 0,52). Elles sont le plus souvent multiples (93%), de 2 à 18 lésions (moyenne de 6). Leur présentation clinique est caractéristique, constituée par des petites papules millimétriques de forme polygonale, de couleur blanchâtre, rosée ou brun clair, avec une surface kératosique plane parfois papillomateuse. Ces papules sont et coalescentes en petites plaques le plus souvent de taille centimétrique, de forme circulaire, linéaire ou de façon évocatrice, incurvée « en virgule ». L’hamartome PENS siège avec prédilection sur les membres (80%), le tronc (60%), plus rarement le cou (30%) et le visage (20%), tandis que les mains, les pieds et les muqueuses sont classiquement épargnées.
L’examen dermoscopique est peu spécifique et met en évidence des caractéristiques similaires à celles observées au cours des hamartomes kératinocytaires : un pseudo réseau, des globules et des pseudokystes (13).
Le diagnostic est confirmé par l’examen histologique qui, dans la majorité des cas, révèle un alignement des cellules basales épidermiques et une disposition palissadique des noyaux évoquant une ligne d’horizon (« skyline »). Cet aspect histologique n’est cependant pas constant et sa présence n’est pas indispensable au diagnostic (3).
La présence de manifestations neurologiques associées à l’hamartome PENS définissant le syndrome PENS est rapportée dans 37% des cas. Ces atteintes apparaissent au cours des deux premières années de vie, non spécifiques et de sévérité variable (3-5) : retard psychomoteur, difficultés d’apprentissage, dyslexie, épilepsie, hyperactivité, trouble déficitaire de l’attention et troubles du spectre autistique (3). L’intérêt d’explorations complémentaires neurologiques systématiques comme un électroencéphalogramme et/ou une IRM cérébrale n’apparaît pas établi en raison du caractère constamment symptomatique de ces atteintes.
La physiopathologie de l’hamartome PENS et du syndrome PENS reste inconnue bien qu’une cause génétique semble probable. Un antécédent familial est noté dans près d’1/3 des cas, mais la discrétion de certaines lésions cutanées et l’absence d’examen systématique des fratries sous-estiment peut-être ces données. Pour certains auteurs, l’hamartome et le syndrome PENS pourraient être le résultat d’un mosaïcisme gonadique présent chez un des (ou les) parents non affectés par la pathologie (7) ou d’une hérédité paradominante décrit par Happle en 1992 : des individus sains étant hétérozygotes pour une mutation peuvent la transmettre aux générations suivantes suite à une mutation post-zygotique précoce (14). Cette dernière engendre une perte de l’allèle type sauvage conduisant à la présence d’une seule cellule clone homozygote ou hémizygote pour la mutation qui peut alors être transmise et affecter les tissus (10) de la génération suivante. Le fait que tous les individus atteints de lésions cutanées dans les cas familiaux ne souffrent pas également de symptômes neurologiques suggère que le phénotype pourrait différer parmi les membres de la famille porteurs de la même mutation germinale (10).
Conclusion
L’hamartome PENS est une lésion rare d’aspect clinique caractéristique et dont le diagnostic est soutenu par des signes histologiques pathognomoniques (skyline). Sa reconnaissance est importante en raison des troubles neurologiques potentiellement associés dans le cadre du syndrome PENS, et dont le dépistage sera systématiquement proposé.
L’évaluation d’un plus grand nombre de cas d’hamartomes PENS familiaux, non familiaux et/ou associés à d’autres lésions cutanées permettra une meilleure connaissance de sa physiopathologie et éventuellement un meilleur dépistage des patients à risque de développer des anomalies neurologiques.
Recommandations pratiques
- L’hamartome PENS présente des caractéristiques cliniques typiques, une biopsie cutanée permet de confirmer le diagnostic.
- Lorsque ce type de lésions est découverte chez un patient, le dépistage de troubles neurologiques associées doit être proposé.
Affiliations
1. Service de dermatologie, Grand Hôpital de Charleroi, rue de Villers 1, 6280 Loverval, Belgique
2. Service de dermatologie, CHU St Pierre, rue aux Laines 105, 1000 Bruxelles, Belgique
3. Service de dermatologie, CHU de Montpellier, avenue Augustin Fliche 80, 34295 Montpellier, France
Correspondance
Dr Marie Cuvelier
Grand Hôpital de Charleroi
Service de dermatologie
Rue de Villers 1
B- 6280 Loverval
Belgique
cuveliermarie@hotmail.com
Conflits d’intérêt : Aucun
Références
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