D. Putineanu, K. Tribak, X. Libouton, O. Barbier
L’arthroplastie de la cheville restait globalement réservée à des patients avec une demande fonctionnelle limitée ou présentant une pathologie inflammatoire rhumatismale exigeant la préservation d’une mobilité articulaire en raison des atteintes des articulations voisines. Ce choix était imposé par l’espérance de vie limitée de ces arthroplasties en raison de leur difficulté de mise en place et des descellements mécanique ou granulomateux secondaire (1-2). La mise en place des implants est critique afin de rétablir le centre de rotation de l’articulation et d’en assurer la longévité. La mise en place d’une arthroplastie de cheville par voie antérieure soulevait les difficultés de positionnement axial et le sacrifice d’un capital osseux important, particulièrement au niveau talien (3). Le recours à une nouvelle technique d’implantation, par voie trans-maléolaire, avec ostéotomie de la malléole externe, recourant à une réduction préalable de l’articulation à l’aide d’un appareillage externe permettant le contrôle tri-dimensionnel des axes anatomiques, guidant les coupes osseuses complexes et permettant dès lors l’épargne du capital osseux et un placement précis de l’implant offre de nouvelles perspectives et permet d’envisager cette intervention dans des cas où le déséquilibre axial aurait poussé à proposer une arthrodèse (bloquer l’articulation), plutôt que d’envisager son rétablissement par une prothèse (Figure 1).
L’articulation du poignet, qu’elle soit détruite par un traumatisme, un processus dégénératif ou dans le cadre d’un rhumatisme inflammatoire, faisait généralement l’objet d’une arthrodèse lorsque la situation n’était plus médicalement contrôlée ou fonctionnellement acceptable. Pour le chirurgien orthopédiste faisant face à des lésions bilatérales, il fallait envisager des positions d’arthrodèse permettant de répondre aux différentes situations fonctionnelles et permettre ainsi au patient de conserver une certaine autonomie. Les arthroplasties du poignet avaient historiquement un taux de complication élevé et étaient réservées à des patients avec une faible demande fonctionnelle (4-5). Les progrès dans la conception des implants et de leur fixation à l’os permettent actuellement de mettre dans les mains des chirurgiens une quatrième génération d’implants (6). Celle-ci permet d’envisager un élargissement des indications, tout en gardant en vue qu’un patient avec des attentes fonctionnelles importantes ou, au contraire, un capital osseux médiocre ne représente probablement pas encore un bon candidat à l’arthroplastie du poignet (Figure 2).
1. Bartel AF, Roukis TS. Total Ankle Replacement Survival Rates Based on Kaplan-Meier Survival Analysis of National Joint Registry Data. Clin Podiatr Med Surg 2015 Oct;32(4):483-94.
Louwerens JW. Total ankle replacement. Acta Orthop 2015 Aug; 86(4): 399–400.
3. Usuelli FG, Maccario C, Manzi L, Tan EW. Posterior Talar Shifting in Mobile-Bearing Total Ankle Replacement. Foot Ankle Int 2015 Oct 6. pii: 1071100715610426.
4. Sagerfors M, Gupta A, Brus O, Rizzo M, Pettersson K. Patient related functional outcome after total wrist arthroplasty: a single center study of 206 cases. Hand Surg 2015; 20(1):81-7. doi: 10.1142/S0218810415500112.
5. Ingo Schmidt. Can Total Wrist Arthroplasty Be an Option for Treatment of Highly Comminuted Distal Radius Fracture in Selected Patients? Preliminary Experience with Two Cases. Case Rep Orthop 2015; 2015: 380935.Published online 2015 Sep 29. doi: 10.1155/2015/380935
6. Kennedy CD, Huang JI. Prosthetic Design in Total Wrist Arthroplasty. Orthop Clin North Am 2016 Jan; 47(1):207-18. doi: 10.1016/j.ocl.2015.08.018.
M. Van Cauter, J.-E. Dubuc, E. Thienpont, J.-C. Yombi, O. Cornu
L’infection d’une prothèse articulaire est une complication redoutable, observée dans 0.5 à 2% des cas, et nécessite habituellement le retrait de l’implant pour traiter l’infection. Lorsqu’elle se manifeste par une fistulisation à la peau, le diagnostic n’en pose pas de problème. Lorsque le tableau est plus discret, et ne se marque que par de la douleur ou un résultat fonctionnel peu satisfaisant, l’origine infectieuse de ce tableau bien que suspectée, est plus difficile à démontrer. Si l’adage « une prothèse douloureuse est une prothèse infectée jusqu’à preuve du contraire » reste d’application, il est toujours préférable de confirmer le diagnostic préalablement pour établir une stratégie thérapeutique adéquate. Le diagnostic repose en priorité sur l’obtention par ponction, sous contrôle radiologique, de liquide articulaire et l’identification en culture du germe responsable. Le dosage de la protéine C réactive (CRP) dans le sang, le comptage des globules blancs et leur caractère neutrophilique ou la réaction de l’estérase leucocytaire sur tigettes à partir du liquide articulaire sont d’autant d’examens complémentaires susceptibles d’aider au diagnostic. La scintigraphie osseuse, couplée à une scintigraphie aux globules blancs marqués, qui avaient été reléguées des arbres diagnostiques, peuvent encore être utiles lorsque le diagnostic n’a pu être finalisé avec les méthodes classiques (1). Néanmoins, l’ensemble de ces tests présentent des limites et ne permettent pas d’assoir le diagnostic avec certitude. L’élément cardinal qu’est la culture microbiologique préopératoire n’est positif que dans 66 à 80% des cas.
Au décours de l’intervention, en cas de doute, le chirurgien pourra recourir à l’examen anatomopathologique pour le comptage des polymorphonucléaires par champs (2) et pourra multiplier les prélèvements microbiologiques, à base de tissus et pas d’écouvillons ouatés, quoiqu’il soit admis que 4 à 6 prélèvements suffisent (3). Il conviendra que les échantillons soient délivrés le plus rapidement possible au laboratoire de microbiologie et qu’ils soient cultivés pour 14 à 21 jours.
De nouvelles méthodes diagnostiques offrent de belles perspectives : le dosage de l’alpha-défensine et l’amplification génomique de l’ADN bactérien couplée ou non à la sonication de l’implant.
Les leucocytes sécrètent une protéine spécifique dans les infections bactériennes : l’alpha-défensine. Le dosage de l’alpha-défensine s’est avéré extrêmement spécifique (95%) et sensible (100%) dans des études préliminaires pour le diagnostic des infections de prothèses articulaires (4). Le test est réalisable avec quelques gouttes de liquide articulaire et offre une réponse en 10 minutes. S’il permet de confirmer le caractère infectieux du problème, il ne permet pas l’identification du germe. Son caractère quasi instantané le rend particulièrement utile lorsque le chirurgien, au décours d’une intervention de révision prothétique, est pris d’un doute quant au caractère infectieux. En amont de la chirurgie, il permet d’affirmer le diagnostic, même lorsque les autres paramètres ne sont pas contributifs, et, dès lors, d’établir une stratégie thérapeutique.
L’amplification du génome bactérien n’est pas neuf mais son utilisation dans le diagnostic des infections prothétiques est mieux codifiée (5). Cette méthode est particulièrement utile quand le patient est sous traitement antibiotique et que ces traitements inhibent la culture des bactéries par les méthodes traditionnelles, rendant un résultat faussement négatif. L’amplification génomique trouve également son intérêt dans l’identification de germes en phase dormante, difficiles à cultiver, et que l’on peut déloger par sonication de l’implant prothétique ou broyage du tissu au contact de l’implant.
La mise en œuvre de ces méthodes devrait permettre d’améliorer la prise en charge des patients avec un implant prothétique douloureux en accroissant les chances d’établir un diagnostic et, dès lors, une stratégie thérapeutique adéquate.
1. Trevail C, Ravindranath-Reddy P, Sulkin T, Bartlett G. An evaluation of the role of nuclear medicine imaging in the diagnosis of periprosthetic infections of the hip. Clin Radiol 2015 Dec 16. pii: S0009-9260(15)00427-4. doi: 10.1016/j.crad.2015.10.026.
2. Deirmengian C, Kardos K, Kilmartin P, Cameron A, Schiller K, Booth RE Jr, Parvizi J. The alpha-defensin test for periprosthetic joint infection outperforms the leukocyte esterase test strip. Clin Orthop Relat Res 2015 Jan;473(1):198-203. doi: 10.1007/s11999-014-3722-7.
3. Bémer P, Léger J, Tandé D, Plouzeau C, Valentin AS, Jolivet-Gougeon A, et al.; CRIOGO (Centre de Référence des Infections Ostéo-articulaires du Grand Ouest) Study Team. How many samples and how many culture media to diagnose a Prosthetic Joint Infection: A clinical and microbiological prospective multicenter study. J Clin Microbiol 2015 Dec 4. pii: JCM.02497-15.
4. George J, Kwiecien G, Klika AK, Ramanathan D, Bauer TW, Barsoum WK, Higuera CA. Are Frozen Sections and MSIS Criteria Reliable at the Time of Reimplantation of Two-stage Revision Arthroplasty? Clin Orthop Relat Res 2015 Dec 21.
5. Hischebeth GT, Randau TM, Buhr JK, Wimmer MD, Hoerauf A, Molitor E, et al. Unyvero i60 implant and tissue infection (ITI) multiplex PCR system in diagnosing periprosthetic joint infection. J Microbiol Methods 2015 Dec 12. pii: S0167-7012(15)30132-9. doi: 10.1016/j.mimet.2015.12.010.
L. Kaminski, Th. Schubert, X. Banse, P.-L. Docquier, Ch. Delloye, M. Mousny, N. Irda
Les tumeurs de l’appareil locomoteur requièrent généralement une chirurgie déjà très complexe. Cette chirurgie peut s’avérer nettement plus compliquée en cas de récidive. Des patients se présentent régulièrement pour prise en charge d’une récidive de leur cancer. Notre but est alors de parvenir à ôter la lésion dans un territoire cicatriciel tout en respectant des marges de sécurité ainsi qu’en préservant un maximum de la structure atteinte en termes de fonctionnalité et si possible d’esthétique. Le caractère cicatriciel des tissus adjacents peut être lié à une chirurgie précédente mais également à d’autres facteurs tels que chimiothérapie, radiothérapie, perfusion de membre isolé, etc. (Figure 1) Une chirurgie dans un tel terrain est risquée du fait de la moins bonne qualité et de la pauvre vascularisation des tissus. D’autre part, le repérage de la lésion est excessivement difficile de par la fibrose locale et le fait que l’anatomie a été perturbée par une chirurgie précédente (Figure 2).
Les technologies actuelles permettent de réaliser une imagerie en cours d’intervention notamment par CT-scan (1-3). Le Zeego est un CT-scan robotisé permettant en plus de calquer un examen préopératoire sur les imageries peropératoires. Il est dès lors possible de faire le repérage de la lésion avant l’intervention et suivre l’état d’avancement de la chirurgie par rapport à ce plan en cours d’intervention. Il est également possible de naviguer des instruments chirurgicaux autour de la lésion tumorale (Figure 3). Cela permet de garder des marges de sécurité tout en respectant les structures adjacentes.
Les avancées techniques en termes d’imagerie en peropératoire ainsi que de navigation chirurgicale permettent aujourd’hui de réaliser des reprises chirurgicales tumorales complexes qui n’auraient pas été possibles il y a quelques années, et ce pour le plus grand bénéfice de nos patients.
1. Richter PH, Gebhard F, Dehner C, Scola A. Accuracy of computer-assisted iliosacral screw placement using a hybrid operating room. Injury 2015 Dec 12. pii: S0020-1383(15)00745-7. doi: 10.1016/j.injury.2015.11.023.
2. Werncke T, von Falck C, Luepke M, Stamm G, Wacker FK, Meyer BC. Collimation and Image Quality of C-Arm Computed Tomography: Potential of Radiation Dose Reduction While Maintaining Equal Image Quality. Invest Radiol 2015 Aug;50(8):514-21. doi: 10.1097/RLI.0000000000000158.
3. Bigot P, Bouvier A, Panayotopoulos P, Aubé C, Azzouzi AR. Partial nephrectomy after selective embolization of tumor vessels in a hybrid operating room: A new approach of zero ischemia in renal surgery. J Surg Oncol 2015 Dec 10. doi: 10.1002/jso.24120.
Cliniques universitaires Saint-Luc, Université Catholique de Louvain, Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie, avenue Hippocrate 10, B-1200 Bruxelles, Belgique.
Correspondance
Professeur Olivier Cornu
olivier.cornu@uclouvain.be