Chaque année, en Europe, plus d’un million de personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral (1). Dans 60% des cas, ces patients vont présenter des troubles moteurs (e.a. hémiparésie et spasticité) et cognitifs (e.a. aphasie et héminégligence) entrainant une limitation d’activité, une restriction de participation sociale et une diminution de la qualité de vie. Dans ce contexte, une rééducation fonctionnelle précoce, intensive et prolongée est recommandée. C’est pourquoi, l’intérêt pour le développement de nouvelles technologies telles que la réalité virtuelle s’est accru ces dernières décennies.
La réalité virtuelle se définit comme toute technique permettant de simuler un environnement tridimensionnel à travers un écran (réalité virtuelle non-immersive) ou un casque d’immersion (réalité virtuelle immersive) (Figure 1). Cette nouvelle technologie présente de nombreux intérêts. D’une part, pour un prix raisonnable (à partir de 300€), elle permet d‘assurer une rééducation en accord avec les principes de neuro-réadaptation : fournir des feedbacks en temps réel, favoriser l’utilisation du membre atteint, et mettre en œuvre des exercices variés, intensifs et spécifiques. D’autre part, elle offre la possibilité d’être combinée à un jeu sérieux. Ces jeux ont pour principal objectif de rééduquer les patients. Le caractère sérieux de ces jeux implique qu’ils adaptent automatiquement la difficulté de l’exercice en fonction de la performance du patient. L’aspect ludique est une source de motivation pour les patients dont l’adhérence à cette longue réadaptation peut être perturbée par différents facteurs tels que la dépression et la fatigue.
En 2020, trois méta-analyses ont montré l’efficacité thérapeutique de la réalité virtuelle chez les patients cérébro-lésés : d’une part, sur l’activité et les fonctions motrices du membre supérieur (2, 3) ; d’autre part, dans l’amélioration des différents paramètres de marche (longueur de pas, rythme et vitesse) (4). Deux récents essais contrôlés randomisés ont également permis de démontrer l’efficacité de la réalité virtuelle dans la réadaptation des troubles cognitifs (de la mémoire et l’attention) secondaires à un accident vasculaire cérébral (5, 6).
En routine clinique, l’équipe de kinésithérapeutes et ergothérapeutes du service de Médecine Physique et Réadaptation des Cliniques universitaires Saint-Luc utilise actuellement un système de réalité virtuelle immersif (Figure 2). Celui-ci permet, à travers différents jeux, de rééduquer et d’évaluer les troubles cognitifs, moteurs et sensoriels des patients cérébro-lésés. Cette équipe clinique collabore également avec le laboratoire NMSK (UCL-IREC) sur le projet AutoRReVi financé par la Région Wallonne (Win2Wal).
Ce projet a pour but de développer un système d’auto-rééducation en réalité virtuelle. Ce système comprendra un ou plusieurs jeux sérieux permettant aux patients de se rééduquer seuls à travers différents exercices combinant les tâches motrices et cognitives. Des modules d’évaluations seront également développés de manière à objectiver et suivre la récupération de ces patients. Un de ces modules aspirant à évaluer la dextérité et la fluidité du membre supérieur est actuellement en cours de validation dans le service.
L’utilisation de la réalité virtuelle après un accident vasculaire cérébral semble donc prometteuse. Les résultats publiés ces dernières années montrent que l’implémentation de la réalité virtuelle en tant que technique de prise en charge complémentaire devrait être encouragée. De plus, avec la démocratisation des prix et l’intérêt grandissant des évidences en faveur de la télé-réadaptation, la réalité virtuelle semble être le dispositif de choix pour favoriser la rééducation à domicile. Enfin, celle-ci offre la possibilité d’évaluer l’adhérence et la performance du patient de manière plus complète grâce à l’analyse de données cinématiques.
Références
- Wafa HA, Wolfe CDA, Emmett E, Roth GA, Johnson CO, Wang Y. Burden of Stroke in Europe: Thirty-Year Projections of Incidence, Prevalence, Deaths, and Disability-Adjusted Life Years. Stroke. 2020;51(8):2418-27.
- Dominguez-Tellez P, Moral-Munoz JA, Salazar A, Casado-Fernandez E, Lucena-Anton D. Game-Based Virtual Reality Interventions to Improve Upper Limb Motor Function and Quality of Life After Stroke: Systematic Review and Meta-analysis. Games Health J. 2020;9(1):1-10.
- Karamians R, Proffitt R, Kline D, Gauthier LV. Effectiveness of Virtual Reality- and Gaming-Based Interventions for Upper Extremity Rehabilitation Poststroke: A Meta-analysis. Arch Phys Med Rehabil. 2020;101(5):885-96.
- Ghai S, Ghai I, Lamontagne A. Virtual reality training enhances gait poststroke: a systematic review and meta-analysis. Ann N Y Acad Sci. 2020;1478(1):18-42.
- Faria AL, Pinho MS, Bermudez IBS. A comparison of two personalization and adaptive cognitive rehabilitation approaches: a randomized controlled trial with chronic stroke patients. J Neuroeng Rehabil. 2020;17(1):78.
- Maier M, Ballester BR, Leiva Banuelos N, Duarte Oller E, Verschure P. Adaptive conjunctive cognitive training (ACCT) in virtual reality for chronic stroke patients: a randomized controlled pilot trial. J Neuroeng Rehabil. 2020;17(1):42.
Affiliations
- Neuro Musculo Skeletal Lab (NMSK), Institut de Recherche Expérimentale et Clinique, Secteur des Sciences de la Santé, Université catholique de Louvain, B-1200 Bruxelles, Belgique.
- Service de médecine physique et réadaptation, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles, Belgique
- Louvain Bionics, Université catholique de Louvain, B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique
Correspondance
Pr. Thierry Lejeune
Cliniques universitaires Saint Luc
Médecine Physique et Réadaptation
Avenue Hippocrate 10 B- 1200 Bruxelles, Belgique
thierry.lejeune@uclouvain.be