Pr. CHRISTOPHE SCAVÉE Université catholique de Louvain Cliniques universitaires Saint-Luc Responsable de l’Unité de Rythmologie Service de Cardiologie Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles Email : christophe.scavee@uclouvain.be |
Le pacemaker (PMK) ou stimulateur cardiaque a été la première technique « endocavitaire » utilisée pour lutter contre une des arythmies les plus fréquentes à savoir la bradycardie symptomatique. L’indication phare de cette technologie est le bloc auriculo-ventriculaire complet compliqué de syncope. Toutefois, l’utilisation du PMK est souvent indispensable dans d’autres affections symptomatiques comme la maladie du noeud sinusal isolée ou associée à des épisodes de tachycardies (généralement de la fibrillation auriculaire). Le système de stimulation est composé de 2 parties : un boîtier et des électrodes de stimulation. Le boîtier est en métal (titane) et comprend une source d’énergie (batterie au Lithium-ion), et de nombreux composants électroniques qui assurent les différentes programmations de l’appareil. Le boîtier est positionné dans le tissu sous-cutané près de la clavicule, et est connecté aux cavités cardiaques au moyen d’une ou plusieurs sondes de stimulation. Les sondes constituent l’âme conductrice du système et sont composées d’un ou plusieurs câbles électriques recouverts d’isolants. Ces électrodes sont introduites dans les cavités cardiaques droites via ponction d’une veine sous-clavière ou cathétérisation de la veine céphalique.
Les appareils sont de type :
- Mono-chambre atrial (AAI), à savoir une sonde dans l’oreillette droite (configuration rare, <2% de tous les pacemakers)
- Mono-chambre ventriculaire (VVI), à savoir une sonde dans le ventricule droit.
- Double chambre (DDD), une sonde dans l’oreillette et dans le ventricule.
Le premier stimulateur « traditionnel » et entièrement ‘implantable’ a été utilisé le 8 octobre 1958 chez Arne Larsson, un suédois de 43 ans souffrant de crises d’Adams- Stokes. Ake Senning, chirurgien au Karolinska Hospital de Stockholm réalisa en grand secret l’intervention avec succès. Le patient est décédé en 2001 à l’âge de 86 ans après avoir reçu 26 autres pacemakers. L’appareil initial fut imaginé par Rune Elmqvist (1906-1996) et était composé d’un boîtier (volumineux à cette époque) et implanté en intra-abdominal, et d’une sonde de stimulation fixée au myocarde après réalisation d’une thoracotomie gauche. L’appareil délivrait une stimulation de 2 Volts/1.5 ms de façon constante à la fréquence de 70 à 80 battements par minute. Les premières piles étaient à cette époque du type mercure/zinc. Toutefois cette technologie ne fut pas utilisée par Elmqvist compte tenu des risques de dégagement d’hydrogène dont les effets étaient imprévisibles. La pile choisie fut une pile rechargeable nickel-cadmium. Le patient devait donc recharger son pacemaker durant 12 heures toutes les semaines. Il s’agissait toutefois d’une immense avancée technologique, directement mise au service des patients qui sans ce système n’avaient quasiment aucune chance de survie. Le premier PMK non rechargeable et utilisant des cellules zinc/mercure fut utilisé dès 1960. Dans les années 1970, les premières piles Lithiumion firent leur apparition, permettant une plus longue longévité. Les premiers microprocesseurs ont été introduits dans les PMK en 1981. Une fois la voie de la stimulation électronique ouverte, les systèmes ont connus par la suite des évolutions constantes : plus performants, plus petits, et de durées de plus en plus prolongées mais toujours composés d’un boîtier relié au coeur au moyen de sondes de stimulation. Le plus petit appareil en 1995 ne pesait pas plus de 14 grammes. Début des années 2000 voit aussi l’arrivée des premiers PMK connectés avec le monde extérieur (télémétrie et home monitoring). Les orientations technologiques médicales actuelles vont donc dans le sens de la miniaturisation à l’extrême, et vers le « minimally invasive ». Les pacemakers n’échappent donc pas à la règle. (Tableau 1). Ainsi, l’idée de créer des PMK libérés des contraintes de sondes de stimulation ou « leadless » pacemaker a germé dans l’esprit des ingénieurs médecins il y a plusieurs décennies. Ce concept révolutionnaire a été imaginé en 1970 par J. W. Spickler (Cox Institute, Kettering, USA) [1].
Ce système était composé d’un pacemaker aux allures cylindriques et d’un système de largage dans le ventricule droit composé d’un long introducteur que l’on pouvait introduire par voie jugulaire. Cependant il fallut attendre les années 1990, pour que P. Vardas, un crétois, crée un modèle miniature similaire (5.8mm de diamètre, 23mm de longueur), et l’implante en moins de 20 minutes chez 5 animaux. [2]. Toutefois, la transposition à l’homme de ses recherches a été freinée par les limites de la technologie de l’époque, et en particulier le pouvoir de miniaturisation des composants électroniques nécessaires au bon fonctionnement du système.
On dénombre aujourd’hui sur la planète plus de quatre millions de patients implantés de divers systèmes de gestion des troubles du rythme (pacemakers, défibrillateurs, holters). Environ 700.000 nouveaux patients sont implantés chaque année d’un PMK et plus de 50.000 d’entre eux expérimentent malheureusement des complications [3,4]. La technique traditionnelle (boîtier + sondes) a des avantages mais beaucoup d’inconvénients. En effet, les PMK traditionnels requièrent un acte chirurgical pour être implantés et la procédure peut se compliquer d’accidents dont l’incidence et la gravité sont repris dans le tableau 2. En général le taux de complications par implantation de stimulateur cardiaque (DDD, VVI et AAI) varie de 0.13% à 19% selon les séries. Certains incidents sont sérieux voire même mortels.
Deux sociétés travaillent sur le pacemaker sans sonde : Medtronic (MICRA™) et St Jude (NANOSTIM™). Les systèmes ont un aspect cylindrique comme observé sur la photo du NANOSTIM™.
Les appareils actuels sont de type VVIR. L’une des extrémités est pourvue d’une vis ou de filaments qui permettent l’ancrage de l’appareil. Le premier système qui fut implanté chez l’homme en 2013 est le NANOSTIM™. Sa taille est de 6x42mm (de l’ordre d’une pile AAA). Par comparaison, un PMK conventionnel est 90% plus gros. En comparaison avec le NANOSTIM™, le MICRA™ a une taille plus faible de l’ordre de 8x24mm. Les stimulateurs étant de type VVI, ils ne peuvent détecter ou stimuler qu’une seule chambre cardiaque à savoir le ventricule droit. Le PMK est toutefois suffisamment fin et compact pour se loger dans le ventricule sans interférer ni avec la contraction ventriculaire ni avec le bon fonctionnement de la valve tricuspide. Le dispositif est implanté dans la majorité des cas sous anesthésie locale, après réalisation d’une ponction de la veine fémorale droite. Le stimulateur est « conduit » sous radioscopie jusqu’au ventricule droit au moyen d’un introducteur large de 18F. (Illustration 1). L’ensemble introducteur-pacemaker est ensuite poussé sous scopie jusque la valve tricuspide.
Passer la valve est une étape délicate mais indispensable pour ancrer l’appareil au niveau d’un site optimal déterminé par la stabilité de l’appareil et les seuils de stimulation et de détection effectués. Initialement le site choisi était l’apex du VD. (Illustration 2). Vu les risques de perforation, le site optimal préconisé aujourd’hui est le septum inter-ventriculaire. La conception de l’ensemble permet de repositionner le device sur d’autres sites si le premier n’est pas favorable.
L’appareil est conçu pour être retiré au moyen d’un cathéter spécifique. Des études animales préliminaires ont permis d’évaluer la faisabilité et l’efficacité de ce dispositif de retrait, même après plusieurs mois d’implantation.
- Technologie miniature, implantée par voie fémorale, sans nécessité d’abord chirurgical.
- Temps de procédure assez court, d’une heure environ (opérateur dépendant, courbe d’apprentissage).
- Absence de sonde, l’électrode stimulante étant une des deux extrémités du boîtier.
- Moins de risques de déplacements de l’appareil. Aucunes recommandations en termes de restrictions physiques pour le patient.
- Probablement moins de risques d’infections (nombre restreint de manipulations).
- Longévité comparable aux VVI actuels.
Les indications cliniques actuelles sont limitées aux patients qui peuvent bénéficier d’un PMK monocaméral ventriculaire, à savoir :
- La fibrillation auriculaire chronique avec bradycardie (bloc auriculo-ventriculaire).
- Le rythme sinusal avec blocs auriculo-ventriculaires peu fréquents chez un patient sans grandes activités physiques.
- Des asystolies symptomatiques peu fréquentes.
NANOSTIM™ a obtenu le marquage CE en octobre 2013. La première étude réalisée avec le NANOSTIM™ a inclus 33 patients. Cette étude est la seule publiée actuellement. [5]. La majorité des implants (32/33 ; 97%) fut réalisé avec succès. Le nombre de repositionnements de l’appareil était en moyenne de 0.5 (de 0 à 3) et le temps moyen de procédure était de 28 minutes (11-74 minutes). Les patients séjournaient en moyenne 1 jour à l’hôpital. Au niveau complications, un patient a présenté une perforation compliquée d’une tamponnade. Ce patient a ensuite présenté un AVC et est décédé des suites de cette complication. Par la suite St Jude a entamé une étude FDA (Leadless Pacemaker IDE Study-Leadless II aux USA, Canada et Australie) et une étude PMCF (Post Market Follow-up comme imposé pour le marquage CE). L’étude FDA nécessite plus de 600 implantations. L’étude Post Market a été débutée sur plus de 100 sites dans le monde. Il a été observé lors des premières implantations (du 23/12/13 au 17/04/14, total de 147 patients), deux cas mortels suite à l’implantation du NANOSTIM (tamponnades). L’analyse de ces cas a permis d’identifier des déviations de protocole. [6]. Suite à cette information l’étude a été interrompue une première fois en avril 2014. L’étude a repris son cours début juin après révision et amélioration des procédures comme la formation pratique des opérateurs et le choix judicieux de viser le septum comme site optimal d’ancrage de l’appareil. Suivant ces recommandations, 93 nouveaux patients ont dès lors été implantés avec succès et sans complications. En parallèle dans le cadre de l’étude Leadless II, entre le 04/02/14 et 05/01/15, 322 patients ont reçu le PMK. Aucun décès n’a été enregistré. Toutefois les autorités anglaises au travers du MHRA (Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency) ont imposé l’arrêt temporaire de l’étude Post Market en février de cette année afin d’analyser les résultats des implantations et en particuliers les perforations cardiaques observées. [7]. L’étude pourrait selon la société St Jude reprendre son cours dans le futur. De son côté Medtronic a débuté l’évaluation du MICRA (Micra Transcatheter Pacing Study) en novembre 2013. Le nombre de patients qui devraient être enrôlés dans cette investigation est de 780. Les premiers résultats sont normalement attendus en février 2016. [8].
Le futur s’inscrira probablement dans le tout « leadless » y compris les stimulateurs multisites (stimulations atriales, et/ou bi-ventriculaires). Des expériences sur l’animal testent actuellement des implantations bicamérales, oreillette droite et ventricule droit. Vu les enjeux, aucunes données scientifiques n’ont été à ce jour communiquées. Toutefois, la technologie est suffisamment développée que pour permettre une communication entre les capsules, étape indispensable pour assurer une bonne coordination entre les implants.
Les pacemakers « leadless » imaginés dans les années septante ont commencé à faire leur apparition. Les avantages de ces systèmes sont indéniables : facilité d’implantation, peu de risques de déplacements des appareils, longévités identiques aux appareils conventionnels, et surtout absence de nécessité d’utiliser des sondes de stimulations. Les premières expériences chez l’homme ont débuté et démontrent la faisabilité de ce type de technologie. Toutefois, certaines complications comme des perforations cardiaques ont été observées et invitent à la prudence. Le système « tout en un » comme fabriqué aujourd’hui doit peut-être encore murir et/ou subir quelques améliorations techniques pour devenir un système utilisable au quotidien.
1. Spickler W, Rasor NS, Kezdi P et al. Totally selfcontained intracardiac pacemaker. J Electrocardiology 1970 ; 3 (3-4) : 325-331.
2. Vardas PE, Poplitopoulos C, Manios E et al. A miniature pacemaker introduced intravenously and implanted endocardially. Preliminary findings from an experimental study. Eur J CPE 1991 ; 1 : 27-30.
3. Chua JD, Wilkoff BL, Lee I et al. Diagnosis management of infections involving implantable electrophysiologic cardiac devices. Ann Intern Med 2000; 133: 604-8.
4. Johansen JB, Jorgensen O, Moller M et al. Infection after pacemaker implantation : infection rates and risk factors associated with infection in a population-based cohort study of 46299 consecutive patients. Eur Heart J 2011; 32(8): 991-998.
5. Reddy V, Knops RE, Sperzel J et al. Permanent leadless cardiac pacong. Results of the Leadless trial.Circulation 2014; DOI:10.1161.
7. https://mhra.filecamp.com/public/file/285x-4ecs5d1m. MHRA reference: 2015/001/016/601/008.
8. https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02004873?term=Micra+Transcatheter+Pacing+System&rank=1