L’approche échographique dans la pathologie thyroïdienne ne fait aucun doute. Sa topographie cervicale superficielle en fait l’organe idéal à explorer par cette modalité.
La fréquence de la pathologie thyroïdienne, notamment nodulaire, dans la population générale, explique le volume d’examens pratiqués et la nécessité de déterminer des recommandations précises et reproductibles.
L’examen échographique tient une place prépondérante tant au moment du diagnostic que du suivi. L’analyse des caractéristiques échographiques du nodule a pour objectif de nous orienter tant sur sa nature que sur la nécessité de pratiquer des examens complémentaires (cytoponction, scintigraphie).
La classification Thyroid Imaging Reporting And Data System (TI-RADS), à l’instar de BI-RADS en sénologie, a pour but d’établir un score de malignité des nodules thyroïdiens basé sur les données échographiques. L’objectif est d’affiner la conduite à tenir et d’orienter de façon plus précise vers la cytoponction aspiration à l’aiguille fine afin d’éviter toutes explorations invasives inutiles.
Un examen échographique de la thyroïde nécessite l’usage d’une sonde superficielle (12 MHz) et se compose de plusieurs étapes systématiques.
Il s’agit dans un premier temps d’enregistrer les éléments anatomo-morphologiques standards (topographie, mensurations, volume, échostructure et vascularisation glandulaire). Ensuite, la description d’un nodule requiert une analyse basée sur l’analyse de sa forme, de ses contours et de son contenu. Enfin, l’opérateur recherchera d’autres anomalies cervicales associées notamment des adénopathies. La conclusion du rapport d’échographie devra donc faire état des lésions détectées en tentant de leur attribuer un score selon la classification TI-RADS afin de déterminer un score de malignité et l’intérêt de la réalisation d’une cytoponction complémentaire.
La classification TI-RADS repose sur une analyse des critères échographiques du nodule ainsi que la détection d’adénopathies associées. Elle a récemment subi une simplification, menant à la version TI-RADS 5, avec une meilleure reproductibilité inter observateur.
TI-RADS compte 6 scores basés sur le décompte d’un certain nombre de critères et rendant compte du risque de malignité du nodule. La description d’un nodule repose sur l’analyse de sa forme, de ses contours et de son contenu. Il s’agit dans un premier temps de rechercher des signes de forte suspicion de malignité tels que des contours irréguliers, des microcalcifications, une forte hypoéchogénicité et des mensurations caractéristiques (l’épaisseur supérieure à la largeur) (Tableau 1).
Les scores 2 et 3 sont attribués aux nodules ne présentant aucun de ces signes : ils sont considérés comme bénins. Dans le cas où ils sont iso ou hypoéchogènes, le score 3 leur sera attribué.
Les nodules classés TI-RADS 2 revêtent des aspects échographiques précis, typiques (kyste simple, nodule spongiforme, « white knight », macrocalcification isolée, thyroïdite subaiguë typique, et amas isoéchogènes confluents) facilitant leur classement.
Les scores 4A, 4B et 5 sont attribués aux nodules revêtant un aspect suspect. Sans aucun des cinq signes forts, et avec une hypoéchogénicité modérée, le score 4A sera attribué. Lorsqu’un nodule présente trois à cinq des signes de forte suspicion et/ou qu’il est accompagné d’adénopathie, il sera classé TI-RADS 5, score le plus élevé (Figure 1).
En l’absence d’adénopathie et avec moins ou deux signes de forte suspicion, le score 4B lui sera attribué (Figure 2) (Tableau 2).
Russ et al. ont testé l’efficacité diagnostique du système par un étude rétrospective sur 4500 nodules en comparant les signes échographiques aux résultats cytologiques et histologiques (1). Comparée aux résultats cytologiques, la Valeur Prédictive Positive de chaque score a été calculé séparément ; elle est de 0, 0,25, 6, 69 et 100% pour le score 2, 3, 4A, 4B et 5 respectivement.
Les résultats concernant la sensibilité, la Valeur Prédictive Négative et la concordance interobservateur pourraient autoriser le suivi échographique des nodules TI-RADS 2 et 3, représentant 52,4% des la totalité des nodules évitant des cytoponctions inutiles. Le critère principal menant à l’indication de la cytoponction pour analyse cytologique sera alors la croissance nodulaire.
Il est intéressant de noter que certains critères échographiques habituellement utilisés pour l’analyse nodulaire (macrocalcifcation, vascularisation centrale, halo, composante kystique prédominante) ne sont pas retenus dans la classification TI-RADS. Malgré tout, il est intéressant de les connaître et de les reconnaître, afin d’augmenter notre confiance diagnostique ou de moduler nos décisions (ponctions).
L’apport de l’élastographie comme élément complémentaire a aussi été étudié par l’équipe de Gilles Russ. Le principe physique de l’élastographie repose sur la mesure de la rigidité des tissus. En appliquant une contrainte (avec la sonde d’échographie), on analyse la déformation des tissus pour calculer l’élasticité relative. Ceci permet de différencier les structures dites « dures » des structures dites « molles ». Même si cette technique est pratiquée en routine par certaines équipes, elle est reste en cours d’évaluation et de validation. Dans la version simplifiée TI-RADS, l’indice de rigidité anormale rentre dans la catégorie des signes de forte suspicion de malignité.
Russ et al. ont évalué les performances diagnostiques de l’élastographie seule et combinée avec l’échographie classique. Les résultats sont bons avec une sensibilité à 74 % concernant l’élastographie seule alors que d’autres études l’évaluent entre 88 et 967%, la spécificité est excellente à 93% (2). Plusieurs études portant sur l‘évaluation de l’élastographie proposent des résultats discordants (différence de technique élastographique). Il semble malgré tout qu’elle permet une meilleure sensibilité en termes de détection des carcinomes thyroïdiens et qu’elle permettrait d’éviter un certain nombre de cytoponctions inutiles en améliorant le classement (3,4).
Comme toutes les classifications, la classification TI-RADS a ses limites. Les scores extrêmes sont souvent établis de façon univoque alors que les scores intermédiaires sont plus litigieux. Dans ces cas, la recherche de signes annexes semble nécessaire et une surveillance rapprochée à la recherche d’une croissance nodulaire ou de modifications doit être proposée, afin d’éviter des cytoponctions inutiles ou des faux négatifs.
Comme toujours, l’échographie et a fortiori l’élastographie sont des techniques opérateurs-dépendants.
La classification TI-RADS permet d’analyser, de classer et de surveiller les nodules thyroïdiens de façon robuste et reproductible. Elle permet une stratification quantitative du risque de malignité. Elle est facile à appliquer même si certains critères restent opérateur-dépendants. Elle a pour but de rationaliser les indications de ponctions.
Dr DOMITILLE MILLON
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de Radiologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
1. Russ G, Royer B, Bigorgne C, Rouxel A, Bienvenu-Perrard M, Leenhardt L. Prospective evaluation of thyroid imaging reporting and data system on 4550 nodules with and without elastography. Eur J Endocrinol 2013;168(5):649-55.
2. Kim EK, Park CS, Chung WY, Oh KK, Kim DI, Lee JT, et al. New sonographic criteria for recommending fine-needle aspiration biopsy of nonpalpable solid nodules of the thyroid. AJR Am J Roentgenol 2002;178(3):687-91.
3. Hambly NM, Gonen M, Gerst SR, Li D, Jia X, Mironov S, et al. Implementation of evidence-based guidelines for thyroid nodule biopsy: a model for establishment of practice standards. AJR Am J Roentgenol 2011;196(3):655-60.
4. McQueen AS, Bhatia KS. Thyroid nodule ultrasound: technical advances and future horizons. Insights Imaging 2015;6(2):173-88.