Insuffisance cardiaque à fonction réduite (HFrEF)
Le traitement pharmacologique est la pierre angulaire du traitement de l’HFrEF. Celui-ci à 3 objectifs majeurs :
- Réduire la mortalité de ces patients
- Diminuer les réhospitalisations dues à une aggravation de l’insuffisance cardiaque
- Améliorer l’état clinique, la capacité fonctionnelle et la qualité de vie des patients
Les recommandations 2016 proposaient de débuter le traitement avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion (ACE-I) et un b bloquant et de majorer progressivement les doses jusqu’à la dose recommandée ou la dose maximale tolérée par le patient. Dans un second temps si les patients avec une FEVG < 35% étaient toujours symptomatiques, un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes (MRA) (spironolactone) était ajouté au traitement. Si malgré ce traitement, les patients restaient symptomatiques, l’ ACE-I était remplacé par un ARNI ( angiotensin receptor neprilysin inhibitor) à savoir l’association sacubitril/valsartan.
Les nouvelles recommandations se basent sur une triade : ACE-I ou ARNI, beta bloquants, et minéralocorticoïdes (MRA). Ces 3 classes seront proposées d’emblées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque sans attendre une détérioration de la situation avant de les introduire. Les doses vont être augmentées progressivement jusqu’à la dose recommandée ou la dose maximale tolérée. Les b bloquant et les ACE-I peuvent être débutés en parallèle dès que les patients sont stables et euvolémiques. Les minéralocorticoïdes devront être utilisés avec prudence en cas d’insuffisance rénale surtout si elle est sévère ou d’hyperkaliémie ( >5 mmol/L). Les ARNI sont encore parfois recommandés en cas de non amélioration clinique sous un traitement par ACE-I mais ils peuvent aussi être proposés d’emblée à la place des ACE-I. En Belgique, le seul ARNI actuellement disponible (sacubitril/valsartan, Entresto©), n’est remboursé que sur prescription du cardiologue (en première demande), en cas d’insuffisance cardiaque de grade NYHA ≥ 2, avec une fraction d’éjection < 35% malgré un traitement par ACE-I ou Sartan prescrit à dose optimale.
Un quatrième chevalier fait son apparition, les inhibiteurs SGLT-2 (inhibiteurs du co-transporteur sodium/glucose). Initialement, ces traitements étaient destinés au traitement du diabète, ce sont en effet des « glucosuriques ». C’est-à-dire qu’ils augmentent l’excrétion urinaire du glucose et permettent par ce biais de réduire la glycémie. Ils augmentent aussi la natriurèse. L’étude DAPA-HF a demontré que l’ajout de dapaglifozin (Forxiga©) en plus d’un traitement médical optimal chez des patients avec une FEVG < 40% permettait de réduire de 26% la mortalité cardiovasculaire et les réhospitalisations pour dégradation de l’insuffisance cardiaque (2). Le traitement s’accompagne en outre d’une diminution de la mortalité toute cause et d’une amélioration des symptômes d’insuffisance cardiaque. Ces bénéfices se retrouvent que les patients soient diabétiques ou non. L’étude Emperor reduced (empaglifozine, Jardiance©) allait confirmer ces résultats et montrer de plus un effet bénéfique sur la dégradation de la fonction rénale (3). Les propriétés natriurétiques/diurétiques des inhibiteurs SGLT-2 peuvent aussi contribuer à réduire la congestion et les besoins en diurétiques de l’anse (par ex furosémide Lasix©). Actuellement, en Belgique ces médicaments ne sont toutefois remboursés que dans le cadre du diabète mais bientôt ils devraient aussi être remboursé dans l’insuffisance cardiaque (le dapaglifozin Forxiga© est remboursé depuis le 1/2/2022).
À côté de ces 4 traitements à considérer comme les piliers de base du traitement (les 4 fabuleux), d’autres traitements ont également un rôle à jouer dans l’insuffisance cardiaque :
Insuffisance cardiaque à fonction légèrement réduite (HFmrEF)
Comme pour toutes les autres formes d’insuffisance cardiaque, les diurétiques sont le traitement de choix pour contrôler les signes et symptômes de congestion (Classe 1C). Malheureusement, comme aucune étude randomisée n’a été réalisée sur cette population de patients, il n’existe pas de recommandations fermes sur le traitement. Celui-ci s’inspire du traitement de l’insuffisance cardiaque a fonction réduite. Les mêmes classes thérapeutiques seront utilisées à savoir : inhibiteur enzyme de conversion (ACE-I), B Bloquant, sartans, minérolacorticoïde, association sacubitril/valsartan (Classe II b).
Insuffisance cardiaque à fonction préservée (HFpEF)
A ce jour, aucun traitement n’a démontré son efficacité pour réduire la mortalité et la morbidité des patients avec une insuffisance cardiaque à fonction préservée. Les diurétiques de l’anse sont évidemment le traitement de choix pour réduire les signe et symptômes de congestion cardiaque. Peut-être la situation changera-t-elle dans le futur avec les inhibiteurs des SGLT-2. Une première étude (Emperor preserved) va dans le sens d’un intérêt de ces molécules mais ceci doit encore être confirmé. (4) N’oublions pas que l’insuffisance cardiaque à fonction préservée présente de multiples visages : hypertension, maladie coronaire, fibrillation auriculaire, valvulopathie, amyloïdose… Chacun de ceux-ci a bien entendu un traitement spécifique qui peut améliorer les symptômes et conditions de vie des patients.
Conclusion
Le traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction altérée repose actuellement sur 4 piliers : inhibiteur enzyme de conversion (ACE-I) ou association sacubitril/valsartan (ARNI) en association avec des b bloquants, des minéralocorticoïdes (MRA), et un inhibiteur des SGLT-2. Le traitement de ces patients ne se résume pas uniquement aux aspects médicamenteux, d’autres aspects comme la resynchronisation ventriculaire, la mise en place d’un défibrillateur implantable, une activité physique régulière, une modification des habitudes de vie doivent aussi entrer en ligne de compte. Par contre pour l’insuffisance cardiaque à fonction légèrement altérée, le traitement s’inspire de celui de l’insuffisance cardiaque à fonction altérée car il n’existe pas d’étude randomisée démontrant l’efficacité d’un traitement particulier. Il en est de même pour l’insuffisance cardiaque à fonction préservée aucun traitement n’a démontré son efficacité pour réduire la mortalité ou la morbidité. Mais cette pathologie ayant de multiples visage, le traitement des causes sous-jacentes (hypertension, maladie coronaire….) est sans doute une voie d’approche actuelle.
Références
- McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Böhm M et al.; ESC Scientific Document Group. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC). Developed with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J. 2021;42(36):3599-3726. doi: 10.1093/eurheartj/ehab368.
- McMurray JJV, Solomon SD, Inzucchi SE, Køber L, Kosiborod MN, Martinez FA et al.; DAPA-HF Trial Committees and Investigators. Dapagliflozin in patients with heart failure and reduced ejection fraction. N Engl J Med. 2019;381:1995_2008.
- Packer M, Anker SD, Butler J, Filippatos G, Pocock SJ, Carson P, et al.; EMPERORReduced Trial Investigators. Cardiovascular and renal outcomes with empagliflozin in heart failure. N Engl J Med. 2020;383:1413_1424.
- Anker SD, Butler J, Filippatos G, Ferreira JP, Bocchi E, Böhm M, et al. Empagliflozin in heart failure with a preserved ejection fraction. N Engl J Med. 2021;385(16):1451-1461.
Affiliations
Cliniques universitaires Saint Luc, Service de Cardiologie, B-1200 Bruxelles
Correspondance
Pr. Agnès Pasquet
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de Cardiologie
Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles