Introduction
La maladie de Parkinson touche 1 % de la population de plus de 60 ans et sa prévalence augmente avec le vieillissement (1). Cette maladie neurodégénérative reste incurable. Aucun traitement neuroprotecteur n’a démontré son efficacité. La perte progressive des neurones dopaminergiques de la voie nigro-striée est un des principaux mécanismes physiopathologiques impliqués dans la genèse d’une symptomatologie variée. Les symptômes moteurs cardinaux sont l’akinésie, la rigidité, le tremblement de repos, associés ultérieurement à des troubles de la marche, de l’équilibre et de l’adaptation posturale (2). De nombreux traitements symptomatiques existent. L’objectif de cette revue de la littérature est de présenter les principales classes pharmacologiques des médicaments antiparkinsoniens et de proposer des stratégies thérapeutiques adaptées. Les traitements des symptômes non-moteurs (troubles cognitifs, hallucinations, hypotension orthostatique, …) et les traitements non médicamenteux (kinésithérapie, logopédie, …) ne font pas l’objet du présent article.
La levodopa
La dopamine ne passe pas la barrière hémato-encéphalique. Pour compenser le déficit dopaminergique cérébral, il est dès lors indispensable d’utiliser un précurseur de la dopamine qui sera transporté activement à travers les barrières digestive et hémato-encéphalique : la lévodopa qui est transformée en dopamine par la dopadécarboxylase. Afin d’éviter le catabolisme périphérique de la lévodopa et les effets indésirables périphériques de la dopamine, on l’associe à un inhibiteur de la dopadécarbolysase qui ne passe pas la barrière hémato-encéphalique tel que le bensérazide ou le carbidopa. La lévodopa est le traitement le plus efficace pour atténuer les symptômes moteurs. Il est vrai que le tremblement de repos s’améliore peu ou pas chez certains patients et que l’instabilité posturale est généralement résistante au traitement (3). La supériorité de la lévodopa sur un placebo a été démontrée dès la fin des années soixante (4) et confirmée en 2004 dans une étude contrôlée, randomisée, en double aveugle. L’étude ELLDOPA (5) a comparé trois posologies de lévodopa (150, 300 ou 600 mg par jour) au placebo chez 361patients parkinsoniens débutants, traités durant 40 semaines. Les investigateurs ont démontré une efficacité dose-dépendante sur une échelle clinique globale mesurant la fonction motrice et l’autonomie. L’usage de la lévodopa a été remis en question en raison des craintes d’un hypothétique effet neurotoxique via la production de radicaux libres qui accélérerait l’évolution de la maladie (6). Cela a conduit à tester de nouvelles classes thérapeutiques destinées à retarder l’instauration de la lévodopa comme les agonistes dopaminergiques et les inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B (IMAO-B). Néanmoins, la neurotoxicité de la lévodopa chez les patients parkinsoniens n’a jamais été démontrée. Dans l’étude ELLDOPA, après 42 semaines de suivi et deux semaines après l’arrêt complet du traitement, l’état clinique des patients ayant reçu le traitement actif était meilleur que ceux ayant reçu le placebo. Ces données cliniques suggèrent soit un effet neuroprotecteur de la lévodopa, soit un effet symptomatique persistant après deux semaines. Paradoxalement, au sein de cette même étude, dans un sous-groupe de patients évalués par scintigraphie cérébrale au moyen d’un traceur marquant les neurones dopaminergiques en se fixant sur le site pré-synaptique de recapture de la dopamine, les patients traités par lévodopa avaient une fixation moindre du traceur suggérant soit une perte plus importante des neurones dopaminergiques et donc un effet neurotoxique, soit une modification de l’affinité du transporteur dopaminergique pré-synaptique pour le ligand sans conséquence pathologique. Afin de déterminer si la lévodopa peut ou non modifier l’évolution naturelle de la maladie, une étude récente basée sur un autre design a été menée chez 445 patients débutants (7). Elle a comparé les patients traités d’emblée par 3 x 100 mg de lévodopa par jour pendant 80 semaines aux patients traités initialement par placebo pendant 40 semaines ensuite par la même posologie de lévodopa (3 x 100 mg/jour) pendant 40 semaines. Au final, à 80 semaines, il n’y avait pas différence en termes de sévérité des symptômes, d’autonomie, de fluctuations motrices, de dyskinésies ou de qualité de vie entre les deux groupes. Les auteurs ont conclu que la lévodopa ne modifie pas l’évolution naturelle de la maladie de Parkinson. Malheureusement, après une période dite de « la lune de miel » de durée variable, l’efficacité de la lévodopa décline au bout d’un certain nombre d’années. D’une part, l’évolution inéluctable du processus neurodégénératif conduit à l’apparition de nouveaux symptômes et à une relative résistance au traitement de certains symptômes initialement bien contrôlés. D’autre part, des modifications d’ordre pharmacocinétique et pharmacodynamique engendrent des complications motrices spécifiques au traitement dopaminergique. Après cinq ans, environ 50 % des patients traités par lévodopa développent des fluctuations motrices ou des dyskinésies ou les deux. Avec l’évolution de la maladie et la disparition progressive des neurones dopaminergiques, la capacité de stockage de la dopamine diminue. L’effet clinique de la lévodopa devient de plus en plus tributaire de sa concentration plasmatique. Or la demi-vie de la lévodopa se situe entre une et trois heures. Ceci explique les fluctuations de type akinésie de fin de dose et la diminution progressive de la durée d’action d’une prise de lévodopa. Le patient passe ainsi d’un état où ses symptômes sont contrôlés de façon acceptable (phase « on ») à un état où les symptômes sont insuffisamment contrôlés et où il est plus ou moins « bloqué » (phase « off »). Sans autre traitement, l’intervalle entre les prises de lévodopa doit alors être raccourci et le nombre de prises quotidiennes augmenté afin de maintenir une efficacité satisfaisante tout au long de la journée. Les formes de lévodopa à libération prolongée comme le Prolopa HBS ont une biodisponibilité nettement inférieure à la forme standard. Leur effet est plus aléatoire. Elles ne permettent généralement pas un meilleur contrôle des fluctuations diurnes et sont surtout utilisées au coucher pour atténuer l’akinésie nocturne. Le caractère pulsatile de la stimulation dopaminergique obtenue grâce à la lévodopa per os n’est pas physiologique et engendre ainsi des modifications post-synaptiques qui semblent conduire à une hypersensibilité des récepteurs et in fine à l’apparition de dyskinésies induites par le traitement. Les dyskinésies sont des mouvements involontaires de topographie et d’amplitude variables, parfois très invalidants, généralement de type choréique lors du pic plasmatique de lévodopa et plutôt de type dystonique en début et fin de dose. Un âge de début précoce, la durée d’évolution de la maladie et une posologie élevée de lévodopa augmentent le risque de développer des dyskinésies. Ceci explique pourquoi il peut être théoriquement utile de retarder l’instauration de la lévodopa chez certains patients « jeunes ». La lévodopa peut être administrée sous forme de gel (associée à du carbidopa) via une jéjunostomie directement au niveau de son site d’absorption et de façon continue au moyen d’une pompe. Elle est commercialisée sous cette forme sous le nom de Duodopa. Ce mode d’administration est indiqué au stade avancé de la maladie de Parkinson chez les patients présentant des fluctuations motrices sévères et des dyskinésies malgré un traitement oral optimal. Il faut bien sûr que les symptômes les plus invalidants soient encore dopa-sensibles. Le traitement est contre-indiqué en cas de démence, présente chez 50% des parkinsoniens après 10 ans d’évolution. Chez des patients bien sélectionnés, le Duodopa permet d’augmenter le temps passé en phase « on », d’améliorer l’autonomie et la qualité de vie (8). En Belgique, l’autorisation de remboursement dépend de l’avis d’une commission d’experts mandatés par l’INAMI qui évaluent le dossier globalement selon les mêmes critères que les interventions neurochirurgicales de stimulation cérébrale profonde excepté l’absence d’âge limite.
Les agonistes dopaminergiques
Les agonistes dopaminergiques stimulent directement les récepteurs sans passer par la synthèse de dopamine. Les dérivés de l’ergot de seigle (pergolide, bromocriptine) ont été abandonnés en raison du risque de complications graves telles que pleurésie, fibrose rétropéritonéale, péricardite, valvulopathie. Les dérivés non-ergotés sont disponibles sous forme orale à libération immédiate ou prolongée (ropinirole ou pramipexole), sous forme transdermique (rotigotine, non remboursée en Belgique) ou sous forme parentérale (apomorphine pour injection sous-cutanée). Hormis l’apomorphine, leur demi-vie est nettement plus longue que celle de la lévodopa. Ils peuvent réduire la rigidité, l’akinésie et le tremblement. Ils constituent une alternative à la lévodopa en monothérapie au stade précoce de la maladie. Ils peuvent également être associés à la lévodopa pour diminuer les fluctuations motrices de type akinésie de fin de dose (9,10). Comparés à la lévodopa au stade précoce de la maladie, le ropinirole (11) et le pramipexole (12) ont montré une diminution du risque de développer des fluctuations motrices ou des dyskinésies durant les quatre ou cinq premières années de traitement. Ils peuvent retarder l’instauration de la lévodopa de quelques années. Cependant, leur efficacité et leur tolérance sont inférieures à celles de la lévodopa. Les effets indésirables sont de même nature (nausées, vomissement, somnolence, hypotension orthostatique, confusion, hallucinations, œdème des membres inférieurs, …) mais plus fréquents et plus sévères. Il faut être particulièrement attentif à l’hypersomnie diurne qui peut induire des accès de sommeil dangereux chez les conducteurs de véhicule et aux troubles du contrôle des impulsions. En effet, en moyenne 17 % des patients traités par agoniste développent ce type de trouble du comportement pouvant se manifester par des achats compulsifs, une addiction aux jeux de hasard, une hypersexualité, un collectionnisme pathologique, un « binge eating » (13). Les hommes jeunes avec des antécédents personnels ou familiaux d’addiction, de troubles de l’humeur et de troubles de contrôle des impulsions sont particulièrement à risque. De plus, le suivi à long terme montre que l’incidence des dyskinésies induites par la lévodopa est similaire chez les patients traités initialement par agoniste et ceux traités d’emblée par lévodopa si on ajuste pour la durée d’évolution de la maladie et la dose de lévodopa. Les agonistes n’ont donc pas d’effet protecteur et ne retardent l’apparition des dyskinésies que s’ils retardent l’instauration de la lévodopa (14). L’apomorphine occupe une place particulière. Il s’agit d’un puissant agoniste des récepteurs D1 et D2 dont la biodisponibilité par voie orale est médiocre. Mais son administration sous-cutanée permet une amélioration très rapide, endéans 4 à 12 minutes, des principaux symptômes. Malheureusement, sa demi-vie est courte et sa durée d’action limitée, d’environ une heure. La posologie doit être définie individuellement lors d’une titration sous contrôle médical. En raison de son caractère très émétisant, une prémédication par dompéridone est indispensable au début du traitement. Elle peut être administrée ponctuellement au moyen d’un stylo injecteur comparable aux stylos à insuline. Elle constitue un traitement d’appoint pour soulager rapidement et transitoirement le patient durant les périodes « off » de blocages sévères, qu’il s’agissent de fluctuations on-off imprévisibles, de l’absence de réponse à une dose de lévodopa consécutive à un retard de la vidange gastrique, d’une dystonie ou d’une akinésie au réveil (15). Elle peut être utile chez le patient à jeun. L’apomorphine est parfois administrée de façon continue au moyen d’une pompe chez des patients présentant des fluctuations sévères selon des critères stricts comparables ceux exigés pour l’instauration d’un traitement par Duodopa. Ce type de pompe n’est pas disponible en Belgique.
Les inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B
La sélégiline, la rasagiline et le safinamide ralentissent le catabolisme central de la dopamine en inhibant la monoamine oxydase de type B. Ils peuvent amplifier l’action de la dopamine résiduelle et prolonger l’effet de la lévodopa. La sélégiline et la rasagiline ont un effet symptomatique modeste en monothérapie au stade précoce. L’étude DATATOP a ainsi démontré qu’un traitement quotidien par 10 mg de sélégiline permet de retarder en moyenne de 9 mois l’apparition d’une invalidité nécessitant l’instauration du traitement par lévodopa chez des patients à un stade débutant et naïfs de tout traitement (16). Dans l’étude TEMPO, la rasagiline (1 ou 2 mg/jour durant 26 semaines) s’est montrée supérieure au placebo pour diminuer les symptômes moteurs et la sévérité globale de la maladie avec une excellente tolérance (17). En pratique, cet effet symptomatique est toutefois nettement inférieur à celui de la lévodopa. Les IMAO-B diminuent également les fluctuations motrices de type akinésie de fin de dose. Comparés au placebo, la rasagiline (18) et le safinamide (19,20) réduisent d’environ une heure le temps quotidien passé en phase off.
Les inhibiteurs de la catechol-o-methyl transferase
Les inhibiteurs de la catéchol-O-méthyl transférase (ICOMT) ralentissent le catabolisme périphérique de la lévodopa et prolongent son effet clinique. Seuls, ils n’ont donc aucun effet. Ils sont indiqués dans le traitement des fluctuations motrices. L’entacapone est utilisée à dose fixe de 200 mg associée à chaque prise de lévodopa. Comparée au placebo, comme les IMAO-B, elle permet en moyenne de diminuer le temps quotidien passé en phase off d’environ une heure (21). Elle nécessite parfois de réduire la posologie de lévodopa car elle peut majorer les dyskinésies. La tolcapone est encore disponible sur le marché. Mais vu le risque d’hépatite fulminante, elle n’est quasi jamais utilisée.
Les anticholinergiques
Les anticholinergiques à action centrale (trihexyphénidyle, bipéridène, procyclidine) sont parfois utilisés pour diminuer le tremblement de repos, soit seuls, surtout en début de traitement, soit associés à la lévodopa. Leur effet sur l’akinésie et la rigidité est minime. Les études cliniques sont anciennes et de qualité limitée. Les preuves scientifiques de l’efficacité des anticholinergiques sont donc faibles (9). Les effets indésirables sont nombreux et leur tolérance souvent médiocre. Il convient d’être particulièrement prudent chez les patients âgés ou souffrant de troubles cognitifs. En pratique, ils sont parfois utilisés chez les patients jeunes qui gardent un tremblement invalidant malgré le traitement dopaminergique. Il n’y a aucune étude évaluant la supériorité d’une molécule par rapport à l’autre.
Stratégie thérapeutique au stade précoce
L’objectif est de réduire les symptômes gênants, de préserver l’autonomie et la meilleure qualité de vie possible. Comme souvent, il faudra trouver un compromis entre l’efficacité et la tolérance. La lévodopa est incontestablement plus efficace et mieux tolérée que les agonistes dopaminergiques. Il faut également tenir compte des avantages et inconvénients des différentes options à court et à long terme. Vu le risque de développer des dyskinésies invalidantes, il est légitime de chercher à retarder l’instauration de la lévodopa chez les patients jeunes pour autant que les alternatives permettent une amélioration optimale de l’état clinique. Cette notion même de patient jeune est difficile à déterminer. Outre l’âge chronologique, il faut tenir compte des comorbidités. Au final, définir une limite entre un sujet « jeune » et un sujet âgé reste arbitraire. En pratique, il est raisonnable de considérer un âge de 60 ans comme une limite acceptable entre ces deux catégories.
Patients jeunes
Chez les patients jeunes avec des symptômes légers, sans répercussion fonctionnelle, la rasagiline 1 mg ou la sélégiline 10 mg sont une option possible avec un faible risque d’effet indésirable. Si les symptômes sont modérés, un agoniste dopaminergique en monothérapie peut être proposé après discussion des avantages et inconvénients et en informant le patient du risque d’effets indésirables, notamment sur le plan comportemental. On choisira un agoniste non-ergoté à libération prolongée comme le ropinirole (2 mg/jour, à augmenter de 2 mg par semaine, maximum 24 mg) ou le pramipexole (0,26 mg/jour, à augmenter de 0,26 mg par semaine, maximum 3,15 mg). La posologie sera adaptée individuellement et titrée de façon lente et progressive jusqu’à obtenir un contrôle satisfaisant des symptômes avec une tolérance acceptable. Les agonistes sont à éviter chez les patients présentant des troubles cognitifs, des antécédents de symptômes psychotiques ou un profil à risque de développer un trouble du contrôle des impulsions. Le risque de devoir arrêter le traitement en raison d’une intolérance est plus élevé avec les agonistes qu’avec les IMAO-B ou la lévodopa (22). Si le handicap est d’emblée important, si la qualité de vie est significativement altérée ou si les agonistes ou les IMAO-B sont contre-indiqués ou insuffisamment efficaces ou mal tolérés, il ne faut hésiter à débuter la lévodopa. Certains patients ou cliniciens craignant tellement le développement de dyskinésies, commettent l’erreur de retarder trop longtemps l’instauration de la lévodopa, privant ainsi le patient de l’opportunité de bénéficier des meilleures années de contrôle optimal des symptômes que la lévodopa peut lui offrir. Si le tremblement de repos est le seul symptôme, ce qui est rarement le cas, les anticholinergiques peuvent être envisagés en l’absence de troubles cognitifs, de comorbidité psychiatrique ou d’autres contre-indications.
Patient âgé
La lévodopa constitue le traitement de premier choix. On débute généralement avec trois prises de 50 mg, 1/2 heure avant le repas pour améliorer la biodisponibilité. La posologie est majorée progressivement jusque 3 x 100 mg/jour. L’état clinique du patient et la réponse au traitement sont évalués après un ou deux mois. En cas de réponse insuffisante, la posologie peut être majorée jusque 800 mg/jour. L’absence d’amélioration de l’akinésie et de la rigidité à une posologie élevée doit conduire à remettre en question le diagnostic de maladie de Parkinson. En cas de nausées, la lévodopa peut être prise durant les repas et associée à 10 ou 20 mg de dompéridone.
Traitement des complications motrices
Les fluctuations de type akinésie de fin de dose peuvent être traitées en diminuant l’intervalle entre les prises de lévodopa et en augmentant le nombre de prises quotidiennes. On peut également ajouter un IMAO-B (safinamide 50 à 100 mg ou rasagiline 1 mg), un agoniste dopaminergique ou un ICOMT (entacapone 200 mg). L’akinésie nocturne peut être traitée par une forme de lévodopa à libération prolongée (Prolopa HBS 125 mg 1 à 2 gélules au coucher) ou par un agoniste (9, 10). Lorsque l’effet de la lévodopa est retardé ou absent en raison de la compétition avec les acides aminés d’origine alimentaire ou du retard de la vidange gastrique, il peut être utile d’adapter l’horaire de prise du traitement et des repas. Il est alors conseillé de prendre la lévodopa à jeun une heure avant le repas ou au moins une heure après. Les repas peuvent être fractionnés et l’apport protéique principal administré le soir. Une injection sous-cutanée d’apomorphine peut contrecarrer les fluctuations de type on-off imprévisibles ou les périodes off persistantes malgré l’optimalisation du traitement oral. Les dyskinésies de pic de dose invalidantes peuvent être atténuées en réduisant la posologie de la lévodopa ou en supprimant les ICOMT au risque d’aggraver le temps passé en phase « off ». Cela peut être compensé par l’augmentation du nombre de prises ou l’ajout d’un agoniste. L’amantadine (100 mg trois à quatre fois par jour) diminue les dyskinésies de plus de 50% tout en diminuant le temps passé en phase « off ». Ce bénéfice se maintient à un an (23). Si aucune de ces adaptations ne permet une autonomie et une qualité de vie satisfaisantes, des traitements plus invasifs doivent être envisagés tels que l’infusion jéjunale continue de Duodopa, la stimulation cérébrale profonde ou la pompe à apomorphine.
Traitements futurs ?
Des essais cliniques en cours testent l’efficacité de thérapies immunitaires. L’immunothérapie passive évalue des anticorps de synthèse dirigés contre l’alpha-synucléine, cette protéine dont l’agrégation sous forme de fibrilles insolubles semble au cœur du processus physiopathologique. L’immunothérapie active est basée sur l’injection d’un peptide similaire à l’alpha-synucléine destiné à induire la production d’anticorps reconnaissant l’alpha-synucléine par le patient (24). L’objectif est de ralentir la propagation des lésions. Il pourrait s’agir du premier traitement réellement neuroprotecteur. Le microbiote peut influencer l’efficacité de la lévodopa. En effet, certaines populations de Lactobacillus et d’Enterococcus possèdent une tyrosine décarboxylase qui transforme la lévodopa en dopamine et ainsi réduit la concentration plasmatique de lévodopa. Cela peut expliquer pourquoi certains patients nécessitent des doses plus élevées de lévodopa (25). Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques à explorer : adaptation de la posologie de lévodopa en fonction de la concentration en tyrosine décarboxylase dans les selles, développement d’un inhibiteur de cette enzyme bactérienne, mesures diététiques pour modifier le microbiote.
Conclusion
Malgré des décennies de recherche, le traitement actuel de la maladie de Parkinson reste purement symptomatique. Et la lévodopa en constitue le pilier fondamental depuis plus de 50 ans. Malgré ses limites et le développement de complications motrices, elle est incontournable pour la très grande majorité des patients et présente la balance bénéfice/risque la plus avantageuse. Les autres traitements ont un rôle adjuvant incontestable mais sont rarement suffisants à long terme. L’expression et l’évolution de la maladie de Parkinson peuvent être très variables d’un patient à l’autre. Chaque décision thérapeutique doit être prise en tenant compte de la situation particulière du patient et de ses souhaits. Plus la maladie progresse, plus l’adaptation du traitement devient complexe et requiert un suivi régulier avec au final la recherche d’un compromis entre efficacité et tolérance au traitement, entre le temps passé en phase off ou avec des dyskinésies. Les prochaines années verront peut-être se concrétiser l’espoir d’un traitement pouvant ralentir l’évolution de la maladie.
Recommandations pratiques
La lévodopa est le traitement le plus efficace avec la balance bénéfice/risque la plus avantageuse et constitue le traitement de premier choix pour la plupart des patients. Les agonistes dopaminergiques ou les inhibiteurs de la monoamine oxydase de type B peuvent être envisagés en première intention chez les patients jeunes (< 60 ans) avec une forme peu invalidante de la maladie.
Correspondance
Dr. Eric Mormont
CHU UCL Namur
Service de neurologie
1 Avenue Dr G Therasse
B-5530 Yvoir
UCLouvain, Institute Of NeuroScience
B-1200, Bruxelles Belgium
eric.mormont@uclouvain.be
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