Introduction
Le bilan biologique hypophysaire a pour objectif de détecter un excès ou un déficit de production d’hormone, d’en évaluer l’origine et la sévérité et de permettre aux cliniciens de suivre l’évolution d’une pathologie (1). Les tests biologiques de ce bilan regroupent des dosages à la fois des hormones produites par l’hypophyse mais aussi d’hormones d’autres glandes endocrines régulées par l’hypophyse (1,2).
Différents dosages peuvent être évoqués dans le cadre de ce bilan biologique hypophysaire et citons notamment ceux de la prolactine, de la LH et de la FSH, de la TSH et de la thyroxine, de l’ACTH et du cortisol ou encore de la GH et de l’IGF-1.
L’automatisation de ces dosages a facilité leur accessibilité mais plusieurs facteurs doivent être considérés pour un maximum de fiabilité lors de l’interprétation des résultats. Cet article court reprend quelques exemples autours des enjeux pré-analytiques, analytiques et post-analytiques.
Aspects pré-analytiques
Le moment du prélèvement à son importance et nous pouvons prendre l’exemple de l’ACTH et du cortisol avec un prélèvement le matin pour juger du maximum de synthèse et de minuit pour le cortisol pour mettre en évidence une perturbation du cycle à un moment ou la concentration est attendue à son minima (3). La connaissance du moment de prélèvement est aussi importante pour la LH et la FSH dont les concentrations varient pendant le cycle menstruel. D’autres facteurs comme des épisodes de stress peuvent influencer les concentrations hormonales circulantes et l’exemple d’hyperprolactinémie post stress est connu de stimulation de sécrétion hormonale et l’élévation de concentrations de prolactine (4).
La matrice de prélèvement a également son importance avec le besoin de plasma EDTA pour le dosage de l’ACTH alors que les dosages de TSH, LH, FSH, GH ou d’IGF-1 peuvent se réaliser sur sérum. L’EDTA permettant de prévenir la dégradation enzymatique de l’ACTH. Les conditions d’acheminement et de conservation des échantillons sont aussi déterminantes. Pour l’illustrer, à nouveau l’ACTH dont le transport des tubes vers le laboratoire après le prélèvement doit se réaliser sur glace et la centrifugation des tubes à froid. La stabilité in vitro de l’ACTH à température ambiante étant limitée, cette condition est importante (5). Au-delà de quelques heures, les échantillons doivent être conservés congelés avant dosage.
Enjeux analytiques
La majorité des dosages du bilan hypophysaire est actuellement réalisée par des immunodosages automatisés par les laboratoires de biologie clinique. Les immunodosages à deux sites étant utilisés pour les dosages de la TSH, de la LH, de la FSH, de la GH et de l’ACTH alors que les immunodosages basés sur le principe de compétition sont plus fréquemment utilisés pour les petites molécules comme le cortisol et la thyroxine (6).
Les performances de ces dosages automatisés se sont améliorées au cours des années avec des améliorations franches en termes de réduction de l’imprécision et d’abaissement des limites de quantification (7).
Les fournisseurs du diagnostic in vitro utilisant des formats de dosages différents, des calibrateurs différents et des systèmes de détection différents, les résultats obtenus avec des méthodes de fournisseurs différents ne sont pas transposables et il est dès lors recommandé d’assurer le suivi des patients avec la même méthode. Le dosage de la GH est une bonne illustration de cette variabilité inter-méthodes (8). Des efforts importants de standardisation sont en cours et nous pouvons citer ici le cas de la TSH et de l’effort d’harmonisation entrepris par la fédération internationale de médecine de laboratoire, l’IFCC (9).
La spécificité de ces dosages est importante dans la mesure ou des réactivités croisées avec des structures chimiquement proches sont possibles. Le recours à des méthodes plus spécifiques comme la séparation par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse est devenu la référence avec l’exemple du dosage du cortisol urinaire ou salivaire.
Les méthodes de dosages sont globalement très fiables mais peuvent néanmoins être sujettes à des interférences. L’interférence par des macro-formes est connue pour la prolactine et pour la TSH (10,11). Cette interférence est source de résultats faussement majorés et la sensibilité des méthodes à cette interférence varie d’un fournisseur à l’autre. L’interférence peut être prévenu par traitement de l’échantillon au polyéthylène glycol. Les anticorps hétérophiles sont également connus pour interférer avec les dosages de glycoprotéines et ce type d’interférence peut être démasquée par traitement de l’échantillon avec des tubes bloqueurs d’hétérophiles (11). Évoquons aussi l’exemple de l’interférence par la biotine pouvant mener à des résultats faussement augmentés pour les dosages par compétition et faussement diminué pour les immunodosages à deux sites (12).
Aspects post-analytiques
Il est important de confirmer des valeurs de référence adaptées pour chaque méthode de dosage.
Les résultats publiés de plusieurs études permettent d’avoir des repères sur ces valeurs de référence et les laboratoires de biologie clinique peuvent les valider localement. Enfin, et pour faciliter l’interprétation de mesures répétées d’aldostérone par le clinicien, il est judicieux d’intégrer les notions de variabilité intra-individuelle et inter-individuelle pour juger du degré de signification de différences entre deux résultats obtenus sur un intervalle de temps (13).
Conclusion
Les méthodes de dosage des différents tests d’un bilan biologique hypophysaire ont fortement évolué au cours des dernières années tant par l’automatisation des immunodosages que par la mise au point de méthode de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse. La relation clinico-biologique joue un rôle fondamental dans l’évaluation et la validation des dosages mais aussi dans l’aide à l’interprétation des résultats.
Affiliations
1 Département de Biochimie Médicale, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique.
2 Pôle de recherche en Endocrinologie, Diabète et Nutrition, Institut de Recherche Expérimentale et Clinique, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique
Correspondance
Pr. Damien Gruson
Université catholique de Louvain
Cliniques universitaires St-Luc
Département de Biochimie médicale
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles, Belgique
Tel. +32-(0)2-7646747, fax. +32-(0)2-7646930
damien.gruson@uclouvain.be
Conflits d’intérêts
L’auteur n’a pas de conflit d’intérêt en lien avec la publication
Références
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