Revisiter l’histoire de la médecine par la BD : quand la pédagogie se fait joyeuse.
Jean-Noël Fabiani : un nom qui dit quelque chose à tous ceux qu’intéresse l’histoire de la médecine car ce brillant chirurgien cardiaque, également transplanteur, est aussi un passionné d’histoire, autant d’Histoire avec un grand H que de belles histoires. Pas étonnant que « 30 Histoires insolites qui ont fait la médecine », recensé dans ces colonnes par J-C Debongnie, ait fait la part belle aux transplantations d’organes. Il s’est aussi intéressé à l’histoire de l’hôpital ; le titre du livre qu’il y a consacré donne d’emblée le ton : « L’hôpital qui se moque de la charité ». C’est à une histoire complète de la médecine qu’il nous convie dans « L’incroyable histoire de la médecine » sous une forme inédite à ma connaissance, puisque c’est d’une BD qu’il s’agit, écrite avec la complicité d’un caricaturiste de grand talent, spécialiste de la matière médicale, Philippe Bercovici.
Ce nom ne vous dit rien ? Mais si, vous le connaissez : impossible en effet que vous n’ayez pas feuilleté l’un des 41 tomes des « Femmes en blanc » qu’il a publiés avec Raoul Cauvin.
Le binôme fonctionne à merveille, livrant un ouvrage qui allie avec bonheur une précision pédagogique et un regard pétillant d’humour.
Les 21 chapitres couvrent tantôt une période historique (le Moyen-Age, les temps modernes, ...) tantôt une thématique (p ex la circulation sanguine, les instruments de la médecine, l’anesthésie, le cerveau malade, …). Inévitablement, certains sujets qui auraient pu constituer un chapitre sont traités sous un intitulé différent : ainsi, la découverte de la vitamine B est traitée dans « Le combat contre l’infection », ce qui est historiquement justifié puisque le collaborateur de Robert Koch qui recherchait la cause du béribéri atteignant des prisonniers à Java croyait trouver un agent infectieux, alors que celle de la vitamine C est abordée 100 pages plus loin dans le récit sur le scorbut appartenant au chapitre « Quelques grands fléaux modernes ». Dommage qu’il n’y ait ni index, ce qu’on peut encore comprendre dans une BD, ni même une table des matières, ce qui est un peu plus étonnant….
On sourit à chaque page. Ainsi, quand il s’agit de trancher, au sommet de l’Etat, sur la question très controversée de la circulation, on se délecte de voir le Roi-Soleil déclarer doctement devant des courtisans buvant sa parole « Nous, Louis le Quatorzième du nom, décrétons qu’à partir de l’an de grâce 1671, en France, le sang circule… » (p. 69).
J-N Fabiani n’hésite pas, à l’occasion, à brocarder ses illustres ancêtres. Ainsi, s’agissant de la vivisection, défendue par Magendie, il fait dire à son rival l’Anglais Charles Bell qui s’y opposait « ce manque d’humanité des français leur est resté de leur révolution, quand ils ont coupé la tête de leur roi » (p. 111).
Bref, cette BD de 234 pages qui nous fait joyeusement traverser l’histoire de la médecine est un régal qu’on peut picorer à loisir au gré des jours.