Le parcours d’une pratique médicale est décidément chose bien étrange, comme en témoigne cette corbeille tressée par notre consœur le docteur Cécile Bolly, qui s’est lancée dans la vannerie en prolongement d’un long parcours médical diversifié de première ligne. D’une grande simplicité apparente, ce bel équilibre d’air et d’osier n’exclut pas une certaine tension d’exécution nécessaire pour créer la régularité de la forme : c’est en perfectionnant encore et encore la technique qu’on en comprend toutes les subtilités. A force d’évoquer les progrès de l’intelligence artificielle, en oublierait-on l’intelligence des mains ? Maîtrise parfois séculaire, alliant créativité, expérience collective et personnelle, pensée et habileté.
La vannerie serait-elle à la médecine ce que la musique est à l’oiseau : le bonheur simple de traduire la vie par un chant, ou dans le cas présent par un panier tressé ? Que transmettent les mains du médecin quand elles imaginent et réalisent cette décoration murale, à la fois œuvre décorative et objet utilitaire : faire chanter l’osier ne pourrait-il être lui aussi une thérapie ? L’art de guérir est multiforme et peut passer par la complexité des fibres entrecroisées d’une corbeille artisanale.
Accordons-nous la part du rêve en révélant ce que nous suggère ce panier, admiratifs devant l’entrecroisement de messages subliminaux et symboliques.
Des mains qui créent et qui contiennent
On y voit en prime abord une corbeille pareille aux mains qui contiennent des fruits, des bijoux, des foulards, des clés, les souvenirs heureux d’une vie. Le médecin y trouvera aussi les souffrances partagées ainsi que les moments bénis d’apaisement des souffrances, les annonces de bonnes et de mauvaises nouvelles, les mots de guérison ou de consolation. Les mains qui soignent sont autant de paniers légers, qui laissent passer l’air et la parole de ceux qu’elles accueillent. La vannerie que pratique le docteur Bolly devient ainsi une autre forme de pratique. Elle se doit d’être légère, enveloppante tout en restant transparente, perméable à la lumière et au vent qui rafraîchit les visages.
Regardons mieux encore cette composition allégorique, prenons quelque recul. Elle allie le carré et le cercle, la ligne et la courbe, dense au centre, aérée en périphérie, rappelant qu’on ne peut vivre dans le paroxysme constant. Pour se perdre finalement en de fines antennes branchées sur le monde qui l’entoure. Une corbeille n’a de sens que si elle communique, émettant et recevant ce que signifient les menus présents qu’elle contient. Telle bague m’a exprimé ton amour, tel fruit gorgé de soleil n’existerait guère sans le talent de celui qui l’a cueilli au terme d’un patient savoir-faire, et que serait telle étoffe soyeuse sans la rencontre du ver luisant et de l’artisan ? Nous sommes ce que nous partageons, merci à la vannière de nous le rappeler.
Remerciements
Merci au docteur Cécile Bolly qui a autorisé la reproduction de cette œuvre, issue du travail conjoint de sa sensibilité, de sa pratique médicale et de la longue patience de ses mains. Cette décoration murale est réalisée grâce à une technique traditionnelle de tressage continu, dont le nom a évolué sans cesse. Après avoir reçu le nom de burkinabé, car découverte au Burkina Faso mais retrouvée ensuite dans différents pays méditerranéens, elle est reconnue aujourd’hui comme point méditerranéen. Récemment, un vannier anglais a retrouvé la même technique de tressage continu en Europe du Nord et plus spécifiquement en Ecosse. Le panier qu’il a découvert dans un musée n’était pas tressé avec de l’osier, mais avec du jonc et date de la période néolithique. C’est donc sans doute de tressage néolithique qu’il faudrait parler.