NOUVEAUTÉS 2016 EN DYSLIPIDÉMIE

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O.S. Descamps Publié dans la revue de : Mai 2016 Rubrique(s) : Thérapeutique
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Résumé de l'article :

Cet article présente quelques avancées dans le domaine des dyslipidémies et en matière de prévention cardiovasculaire. Ces nouveautés intéressent les trois temps de la prévention, à savoir celui de la prédiction avec les dépistages de deux anomalies génétiques fréquentes mais souvent ignorées, (l’hypercholestérolémie familiale et la lipoprotéine(a)), celui de la planification avec l’émergence dans les recommandations d’une nouvelle cible appelée « cholestérol non HDL ou non HDL-C » à côté de la cible classique du « cholestérol LDL ou LDL-C », et celui de la prescription, avec la possibilité de combiner aux statines d’autres classes thérapeutiques.

Mots-clés

Maladies cardiovasculaires, prévention cardiovasculaire, lipoprotéines, LDL cholestérol, lipoprotéine (a), hypercholestérolémie familiale, génétique, athérosclérose.

Article complet :

Introduction

La prise en charge de la prévention des maladies cardiovasculaires (Figure 1) s’effectue en trois temps (1, 2, 3). Le premier temps est celui de prédiction du risque, l’objectif ici étant d’identifier, parmi tous les patients, ceux qui ont les plus haut risques de développer dans les dix prochaines années un incident cardiovasculaire. C’est sur ces patients en particulier que porteront nos efforts en priorité. Le second temps est celui de la planification, chez ces patients, d’objectifs (ou cibles) thérapeutiques raisonnables et utiles (souvent orientés selon les recommandations publiées les plus récentes). Le troisième temps est celui de la prescription des traitements médicamenteux nécessaires pour réaliser ces objectifs, le choix dépendra de leur puissance, disponibilité, coût et possibilité de remboursement. Outre ces patients prioritaires, il est important de rappeler que la promotion de la santé cardiovasculaire s’adresse à tous et consiste à délivrer les conseils nécessaires pour améliorer le style de vie et l’alimentation.

Nous nous intéresserons ici à quelques aspects de ces trois temps qui ont connus quelques développements ces derniers mois. Nous évoquerons ainsi, l’optimalisation de la prédiction en présence d’antécédents familiaux avec les dépistages de deux anomalies génétiques fréquentes mais souvent ignorées, l’émergence dans notre planification d’une nouvelle cible appelée « cholestérol non HDL » (« Non HDL-C ») à côté de la cible classique du cholestérol LDL (« LDL-C »), et enfin en matière de prescription, nous présenterons les nouvelles avancées thérapeutiques à combiner au traitement classique par les statines.

 

 

 

Prédiction : mieux prédire avec la génétique

Il ne s’agit pas ici de faire la promotion de tests génétiques mais plutôt d’évoquer deux entités génétiques souvent ignorées mais pourtant, fréquentes, faciles à dépister. Elles sont aussi très importantes à identifier car elles s’accompagnent d’une prise en charge particulière, à savoir plus précoce et plus intensive que ne le laisserait supposer le profil apparent de risque et débordant le cadre de la simple prévention individuelle en sollicitant un dépistage étendu à la famille.

2.1. La lipoprotéine (a)

2.1.1. Qu’est-ce que c’est ?

La lipoprotéine (a) (prononcer « lipoprotéine petit a », abréviée « Lp(a) » ) est une particule LDL sur laquelle est greffée une protéine secrétée par le foie appelée « apolipoprotéine(a) » [apo(a)] (4). Le nombre de particules LDL associées avec cette apo(a) va dépendre de la production de cette protéine qui dépend elle-même de sa taille (qui varie entre 300 et 800 kDa) selon la raison suivante : plus la taille de l’apo(a) est petite, plus le foie est capable d’en synthétiser en un temps donné et donc grand sera le nombre de particules LDL converties en Lp(a) et donc plus élevé sera le taux de Lp(a) (5,6) (Figure 2). Ainsi, les taux plasmatique de Lp(a) varient de manière extrême dans la population (entre 0, et plus de 200 mg/dL, soit un rapport de plus de 1000 fois) avec une distribution très asymétrique puisque la majorité ont des taux bas. La taille de l’apo(a) est essentiellement déterminée génétiquement à partir du nombre de répétitions (entre 2 et 40) d’une certaine partie de la séquence de la protéine (le sous-type 2 du kringle IV). Ainsi chez un individu, le taux de Lp(a) est stable au cours de la vie à l’exception de la survenue d’insuffisance hépatique (où la Lp(a) diminue car produite dans le foie), d’une insuffisance rénale (où la Lp(a) s’élève car éliminée par filtration glomérulaire) ou d’un syndrome néphrotique (où la Lp(a) augmente par hypersynthèse hépatique protéique)

2.1.2. Conséquences cliniques d’un taux élevé de Lp(a)

Contrairement aux particules nues de LDL, la Lp(a) est moins bien éliminée par le récepteur aux LDL, entrainant leur séjour plus long dans la circulation, et donc un risque plus grand d’oxydation et de dépôt dans les parois artérielles. Il s’ensuit un risque cardiovasculaire plus élevé. Les études épidémiologiques montrent que chaque incrément de 3,5 fois en taux de Lp(a) augmente les risques de maladie coronarienne et d’accident vasculaire cérébral ischémique respectivement de 13% et de 10% (7). Un lien de cause à effet a aussi été bien établie avec la sténose valvulaire aortique chez la personne âgée (8), mais aussi avec la maladie thromboembolique, les accidents ischémiques cérébraux et les thromboses du sinus caverneux chez l’enfant (9). Un taux de Lp(a)>90 mg/dL est associé à un risqué trois fois plus élevé de sténose valvulaire aortique. Un taux très élevé de Lp(a) peut expliquer parfois pourquoi un traitement par une statine ne donne pas la réponse attendue. Il ne s’agit en réalité que d’une pseudo-résistance. En effet, la Lp(a) contribue pour une partie du taux de cholestérol-LDL (taux de cholestérol porté par la Lp(a) = 30% du taux de Lp(a) exprimé en masse (mg/dL)). Comme la Lp(a) n’est pas éliminée par la voie du LDL récepteur qui est celle amplifiée par les statines, celles-ci ne réduiront que la fraction « non Lp(a) » du taux de LDL-C. D’où l’impression d’une plus faible réponse qu’espérée (10).

2.1.3. Problèmes dans notre pratique

Dans la population, 20% des individus présentent un taux de Lp(a) supérieur à 50 mg/dL, considéré comme s’associant à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires (11). Or doser la lipoprotéine(a) n’est pas une habitude dans notre pays. L’analyse est pourtant disponible dans la plupart des laboratoires belges, et bien que non remboursée, elle ne coute pas cher et ne doit se réaliser qu’une seule fois dans la vie (vu le taux très stable).Si toutes les techniques ne sont pas équivalentes (l’idéal étant un dosage de Lp(a) insensible à la grande variabilité de sa composition), ces variations inter-laboratoires sont peu importantes en pratique.

2.1.4. Comment améliorer notre pratique ?

Un dosage de Lp(a), à ne réaliser qu’une seule fois au cours de la vie, doit être envisagé chez des patients atteints de maladie cardiovasculaire ou de sténose valvulaire aortique et chez les membres de leurs familles mais aussi en cas d’hypercholestérolémie familiale ou de suspicion de résistance aux statines (Figure 2). Une fois un taux élevé de Lp(a) découvert chez un individu, vu le déterminisme génétique, il est conseillé de réaliser un dépistage familial.

2.1.5. Quelles conséquences sur la prédiction, la planification et la prescription en prévention cardiovasculaire

Les traitements actuels tels que statines, ézétimibe ou fibrates ne diminuent pas significativement les concentrations de Lp(a). Ainsi donc, en présence d’un taux élevé de Lp(a), notre seul recours est d’abaisser plus encore le taux de LDL-C et de corriger plus intensivement les autres facteurs de risque. Un taux élevé de Lp(a) contribue en effet à faire passer le risque cardiovasculaire estimé d’un patient de « modéré » à « élevé » ou d’ « élevé » à « très élevé » (Figure 2). Il s’ensuit que la cible de LDL-C en est affectée.

Selon leur disponibilité future, des traitements tels que la LDL aphérèse (technique semblable à la plasmaphérèse mais qui filtre les particules LDL et Lp(a)) (12, 13) ou les anticorps monoclonaux humains contre la protéine PCSK9 (anti-PCSK9) (14) permettront d’agir plus directement sur la Lp(a). D’autres thérapeutiques sont en cours de développement telles que l’inhibition de la synthèse de l’apoB ou de l’apo(a) par des oligonucléotides anti-sens, les analogues des hormones thyroïdiennes, les inhibiteurs de la MTP ou de la CETP (4).

 

 

 

2.2. Hypercholestérolémie familiale

2.2.1. Qu’est-ce que c’est ?

L’hypercholestérolémie familiale (HF) hétérozygote (Figure 3) est caractérisée par un taux très élevé de cholestérol LDL (taux de C- LDL deux fois supérieur aux taux habituels) depuis la naissance produisant une athéromatose prématurée et même le dépôt de cholestérol dans divers tissus produisant l’apparition des xanthômes tendineux et des arcs cornéens prématurés (15). Cette élévation du taux de LDL-C est la conséquence d’un défaut d’épuration des LDL, elle-même causée par la présence d’une mutation sur un des allèles des gènes codant soit pour le récepteur aux LDL, soit pour l’apolipoprotéine B ou soit encore la protéine PCSK9 (12).

2.2.2. Conséquences cliniques

En l’absence de traitement avant 50 ans, 50% des hommes et 30% des femmes développent un problème cardiaque (contre 5% chez les personnes sans HF).

2.2.3. Quel est le problème dans notre pratique ?

L’HF est fréquente (1/400), touchant 25.000 Belges mais tout porte à croire qu’on ignore le diagnostic dans bon nombre de cas et que le traitement est commencé trop tardivement et/ou insuffisamment puissant (13).

2.2.4. Comment le solutionner ?

Ce déficit de diagnostic pourrait être évité par une meilleure prise de conscience de cette éventualité (Figure 3) devant des antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire précoce ou devant un taux de cholestérol très élevé (LDL > 190mg/dl chez l’adulte ou > 130mg/dl chez l’enfant ; pour rappel : les taux moyens « normaux » dans la population belge sont 130 mg/dl chez l’adulte et 90 mg/dL chez l’enfant < 13 ans).

Une bonne connaissance des critères diagnostiques cliniques de la maladie (Tableau 1) facilitera son identification. La démonstration d’une mutation fonctionnelle sur le gène du LDLR, APOB ou PCSK9 prouvera de manière univoque l’existence d’une HF (attention ! Un test génétique négatif n’exclut pas une HF, car sa sensibilité est d’environ 80 %).

 

 

 

 

 

 

 

Enfin c’est une maladie autosomale dominante (transmission de parents à enfants est de 50%) dont les complications cardiovasculaires surviennent précocement, ce qui rend indispensable un dépistage familial plus systématique incluant les enfants.

2.2.5. Quelles conséquences sur la prédiction, la planification et la prescription en prévention cardiovasculaire

Le développement de complications cardiovasculaires dès la trentaine rend indispensable un traitement précoce (16,17). D’où la nécessité de commencer une bonne prise en charge dès le plus jeune âge. Ainsi, il est idéal de commencer un régime hypocholestérolémiant dès l’âge de 2 - 4 ans (13), et puis de prescrire une statine dès l’âge de 8-10 ans. À partir de cet âge, l’objectif est d’obtenir une réduction du LDL-C en dessous de 130 mg/dL avec un traitement léger que l’enfant apprendra à s’approprier avec l’aide des parents. Puis une fois adulte, les cibles de LDL-C deviennent semblables à celles de tout patient dont le risque cardiovasculaire est considéré comme « élevé », soit LDL-C en dessous de 100mg/dl. Le pronostic cardiovasculaire d’une personne avec une HF peut être amélioré et pourrait atteindre celui de toute autre personne si le taux de LDL-C est ramené au niveau des valeurs plus raisonnables dès le plus jeune âge. En cas de problème cardiaque ou de diabète, la cible sera un LDL-C en dessous de 70mg/dl. Chez l’adulte, il faudra avoir recours à des statines puissantes généralement à doses élevées (rosuvastatine 20-40 mg et atorvastatine 20 – 80 mg) et souvent en association avec l’ézétimibe (Ezetrol®, et dans les combinaisons fixes avec la simvastatine [Inegy®] ou avec l’atorvastatine [Atozet®]). Malgré cela, arriver à de tels taux cibles de LDL-C, en partant de taux de base aussi élevés que ceux rencontrés dans l’HF, reste difficile actuellement. L’arrivée des anticorps monoclonaux anti-PCSK9 est très prometteuse pour ces patients.

Cibles thérapeutiques
 
3.1. Le HDL : un marqueur de risque mais pas un acteur de risque et donc pas une cible !

Le HDL-C est élément qui nuance significativement le risque cardiovasculaire. En Belgique, sa valeur permet de nuancer à partir d’un multiplicateur le risque cardiovasculaire calculé à partir des 5 facteurs de risque classiques (âge, sexe, tabagisme, cholestérol total, tension artérielle systolique (18) (Figure 4).

Toutefois, être un « marqueur » de risque n’implique pas nécessairement d’être un « acteur » causal. Cette différence entre « acteur » et marqueur » se retrouve avec d’autres paramètres tels que la CRP (ou même l’infarctus lui-même qui est en soi un marqueur du risque). Un marqueur indique simplement la présence d’un processus d’athérosclérose (c’est un effet non une cause de ce processus) ou d’un autre acteur qui n’est peut-être pas mesurable (c’est alors la conséquence du facteur causal). Agir sur ce marqueur, n’aura aucun effet sur le processus (Figure 5).

De multiples preuves s’accumulent depuis quelques années pour renvoyer le HDL-C au simple rôle de marqueur plutôt que de celui d’acteur des maladies cardio-vasculaires. D’une part, les études génétiques ont démontré que la présence de variants génétiques susceptibles d’augmenter le taux de HDL-C depuis la naissance ne sont pas associés à une réduction des maladies cardiovasculaires. D’autre part, de multiples médicaments associés à une augmentation du HDL-C n’ont pas montré de bénéfice cardiovasculaire : la niacine (ou acide nicotinique) qui augmentait de 20% dans l’étude HPS2-THRIVE (19), les médicaments de la classe de « trapib », dont le dernier en date, l’evacetrapib qui augmentait pourtant le HDL-C de 130% dans l’étude ACCELERATE (20).

 

 

 

3.2. Le cholestérol LDL plus que jamais !

En terme de traitement, on a vu se clarifier la « théorie du cholestérol LDL », selon laquelle l’excès de particules LDL est la cause de l’athérosclérose et que l’athérosclérose peut être prévenue en réduisant son facteur étiologique principal, le LDL. Cette théorie (non plus une hypothèse) est confortée par de multiples observations épidémiologiques et génétiques ainsi que les études interventionnelles avec les statines (21) et plus récemment avec l’ézétimibe (22, 23). Les premières montrent qu’un taux élevé de cholestérol LDL [LDL-C] ou le portage de variants génétiques susceptibles de causer une élévation (même minime) du taux de LDL-C sont associés à un risque plus grand de maladies cardiovasculaires au cours de la vie. Les dernières montrent que la réduction du taux de LDL-C associée à des traitements médicamenteux résulte en une réduction proportionnelle des événements cardiovasculaires.

En matière d’intervention pour réduire le risque CV chez les patients à risque élevé, la première étape est donc de réduire le taux de LDL-C en dessous de 100 mg/dl (24). Chez les patients à risque dit très élevé (diabétiques, coronariens, insuffisants rénaux ou SCORE > 10%), il faudra descendre plus bas en dessous de 70 mg/dl ou au moins réduire le taux de LDL-C de 50%.

Dans le futur, il est possible que les prochaines recommandations nous annoncent l’intérêt de réduire le taux de LDL-C à moins de 50 (voire 25) mg/dl chez des patients à très haut risque (par exemple des patients cumulant une hypercholestérolémie familiale, un diabète ou une insuffisance rénale avec une histoire personnelle de maladie cardiovasculaire). Ceci est déjà suggéré dans l’étude IMPROVE-IT (voir plus bas), mais il faudra toutefois attendre la confirmation de ce bénéfice par d’autres études pour en faire une règle.

3.3. Le Non HDL Cholestérol devient important !

Même lorsque le LDL-C est corrigé, il persiste parfois sur le profil lipidique un taux élevé de triglycérides (TG) et/ou un taux bas de cholestérol HDL (HDL-C), pour lesquels la question se pose de l’utilité de les corriger. On a vu le peu de preuve qu’augmenter le HDL-C apporte un bénéfice. De plus, il faut admettre que, sans l’appui de médicaments plus puissants, le taux de HDL-C est à peine modifiable par les traitements actuels (les fibrates l’augmentent de 15- 20% soit 4 à 6 mg/dl pour un HDL-C de 30 mg/dl). Les taux de triglycérides (TG) restent actuellement un bon candidat thérapeutique, principalement parce qu’ils sont présents dans le VLDL qui sont eux aussi athérogènes. Toutefois, les taux de TG sont très variables et résultent souvent en frustration dans l’appréciation de la réponse thérapeutique. Ainsi les dernières recommandations ont- elles suggéré une nouvelle cible utile appelée « cholestérol non HDL [Non HDL-C]» (21) et qui est le résultat d’un simple calcul : Cholestérol non HDL-C = cholestérol total – HDL-C (Figure 6). Ce paramètre résume (selon la formule de Friedewald) la somme des deux fractions potentiellement athérogènes du cholestérol : cholestérol-LDL + cholestérol VLDL ; ce dernier (VLDL-C) étant particulièrement élevé en présence d’un HDL-C bas et de TG élevés notamment dans le diabète.

3.4. Comment l’utiliser dans notre pratique ?

Dans tous les cas où les taux de triglycérides (TG) restent élevés et/ou les taux de cholestérol HDL (HDL-C) restent bas malgré la correction du LDL-C selon la cible recommandée, plutôt que de viser des taux « idéaux de TG et de HDL-C avec toutes les frustrations que cela implique, l’attitude recommandée est de calculer le cholestérol non HDL (Non HDL-C) et de prescrire les traitements utiles à lui faire atteindre ses cibles (Figure 6).

Chez les patients considérés à « risque cardiovasculaire élevé », même si le taux de LDL-C a pu être corrigé en dessous de 100 mg/dl, on recommande de tenter de réduire aussi le taux de cholestérol non HDL en dessous à 130 mg/dL. Chez les patients considérés à risque cardiovasculaire « très élevé », même si le taux de LDL-C a pu être abaissé en dessous de 70 mg/dl, on recommande de tenter de réduire le taux de cholestérol non HDL en dessous de 100 mg/dl. L’abaissement du cholestérol non HDL nécessitera l’association à la statine déjà prescrite de l’ézétimibe (pour réduire plus encore la fraction LDL-C du non HDL-C) ou un fibrate (qui baisse le TG et donc la fraction VLDL-C du non HDL-C). Les fibrates ont bien démontré leur efficacité sur le bénéfice cardiovasculaire chez les patients diabétiques (25).

Le calcul du non HDL-C prend également tout son intérêt chez les patients dont le taux de LDL-C n’est pas mesurable (lorsque le taux de TG est supérieur à 400 mg/dL). Dans l’impossibilité d’évaluer notre efficacité sur base du taux de LDL-C, on peut le faire à partir du taux de non HDL-C.

 

 

 

Prescription

Selon la théorie du LDL cholestérol, toute réduction du cholestérol LDL s’accompagne d’une réduction du risque cardiovasculaire, proportionnellement à l’importance de la réduction du LDL-C.

4.1. Les statines toujours en première ligne

La méta- analyse des études d’intervention avec les statines (« Cholesterol Treatment Trialists ou CTT méta-analyse », 170.000 participants de 26 études d’intervention) démontre que chaque abaissement de 40 mg/dl résulte en une réduction d’environ 20% de l’incidence des événements cardiovasculaires à 4-5 ans (Infarctus du myocarde, mortalité cardiaque, AVC ….).

4.2. L’ézétimibe à combiner pour atteindre les cibles

L’addition d’ézétimibe, un inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol, à une statine permet d’obtenir une réduction additionnelle du LDL cholestérol de 20 à 25%. Ensembles ils permettent d’obtenir les réductions de plus de 50% du taux de LDL-C comme cela est nécessaire en prévention chez les patients à risque très élevé (Figure 7). Dans l’étude IMPROVE-IT (18144 patients à très haut risque CV), l’addition d’ézétimibe chez des patients dont le taux de LDL-C était déjà considérablement abaissé (70 mg/dL) par la statine a permis une baisse supplémentaire de 16 mg (soit les 20% d’effet hypocholestérolémiant de l’ézétimibe) et une réduction observée des évènements CV de 6,4% en analyse « intention-to-treat » (tous patients même ayant abandonné le traitement) et de 7,8% en analyse « on-treatment » (seulement ceux ayant suivi le traitement) : pourcentages cohérents avec la courbe CTT, où une baisse de 16 mg/dl prédit un bénéfice de 8% sur le risque cardiovasculaire (26, 27, 28).

Récemment, une nouvelle combinaison fixe a été commercialisée, l’Atozet® (atorvastatine plus ézétimibe) permettant à la fois une synergie d’activité sur la réduction du LDL cholestérol et des maladies cardiovasculaires en même temps qu’une amélioration de l’adhérence au traitement (réduit le nombre de prises médicamenteuses) (29).

 

 

 

4.3. Les autres ?

Tout médicament qui diminue le LDL-C s’accompagne-il toujours d’un bénéfice cardiovasculaire. C’est la question que l’on peut se poser après les résultats décevants des médicaments, « inducteurs d’élévation de HDL-C » tels que la niacine et les « Trapib » qui réduisaient aussi de manière très significative (20% et plus) le taux de LDL-C. L’effet neutre observé peut signifier une toxicité compensant l’effet bénéfique de la chute du LDL-C ou alors il se peut que le mécanisme causant la baisse du LDL-C ait son importance. En effet, contrairement aux statines et à l’ézétimibe, leur mécanisme d’élévation du LDL-C est indépendant du récepteur aux LDL. Ainsi peut-on se demander si l’augmentation de l’expression des récepteurs aux LDL n’est pas essentielle aux bénéfiques en terme de prévention ?

4.4. Un nouveau candidat : les anticorps monoclonaux anti-PCSK9

Une nouvelle classe thérapeutique ciblant le PCSK9 est à la veille d’être mise sur la marché pour la prise en charge des hypercholestérolémies (12, 30). Le principe est né des résultats des études génétiques: à côté des mutations du PCSK-9 dites « gain de fonction », associées à certaines formes d’HF, des mutations destructrices (mutations « perte de fonction ») sont associées à des taux bas de LDL-C et un risque très faible de maladie coronarienne (31). Quelques individus ont même un déficit complet du PCSK9 associés à des taux extrêmement bas de LDL-C (< 20 mg/dL), sans aucun handicap particulier ni problème de santé (32). Le mécanisme par lequel le PCSK9 régulent l’expression du récepteurs aux LDL commencent à être de mieux en mieux compris (Figure 8). Ce mécanisme ainsi que les observations ci-dessus suggèrent que l’inhibition du PCSK9 apparait comme une nouvelle stratégie possible et sécure pour abaisser le taux de LDL-C.

Une telle inhibition est actuellement possible grâce à l’injection par voie sous-cutanée (1 – 2 X par mois) d’anticorps monoclonaux entièrement humanisés et dirigés contre la protéine PCSK9: evolocumab (Amgen), alirocumab (Sanofi) et bococizumab (Pfizer) (Figure 8). Dans de vastes programmes d’études, ces traitements permettaient de réduire significativement de 45% à 65 % des taux de LDL-C et ainsi d’atteindre chez une grande majorité de patients les cibles thérapeutiques (< 70 mg/dl en prévention secondaire ou < 100 mg/dl en prévention primaire). Ils montraient aussi une très bonne tolérance et une sécurité très satisfaisante. Ils constituent une belle promesse d’espoir pour des cas bien particuliers de patients à très haut risque CV, qui présentent des taux de LDL-C encore particulièrement élevés malgré les doses optimales des traitements classiques et chez les patients souffrant d’hypercholestérolémie familiale. Bien que leurs utilisations soient déjà approuvées dans ces indications par la FDA et l’EMA, les discussions pour le futur remboursement INAMI est toujours en cours à l’heure actuelle.

 

 

 

Conclusions

Nous avons parcouru différentes nouveautés dans le domaine des dyslipidémies. Toutes ouvrent des perspectives nouvelles pour certains de nos patients. Ces évolutions concourent aussi à nous sensibiliser sur la nécessité d’une prise en charge plus optimale, plus réaliste et surtout plus bénéfique pour les patients qui nous visitent.

Correspondance

Dr. Olivier S Descamps

Centres Hospitaliers Jolimont
Département de Médecine Interne
B-7100 Haine Saint-Paul
Tel 064/23 31 67

Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de cardiologie
B-1200 Bruxelles.
Tel 02/764 2812
olivierdescamps@hotmail.com

Références
 

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