Nouveautés dans la prise en charge du Myélome multiple en 2017

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Marie-Christiane Vekemans Publié dans la revue de : Février 2017 Rubrique(s) : Hématologie
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Résumé de l'article :

L’introduction des nouvelles drogues –inhibiteurs du protéasome et agents immunomodulateurs- a considérablement modifié la prise en charge des patients atteints de myélome, et amélioré leur survie de manière significative. Cependant, le myélome reste une maladie incurable à l’heure actuelle, la plupart des patients présentant une rechute au cours de leur évolution et développant une résistance aux médicaments. Une meilleure compréhension des mécanismes biologiques à l’origine du myélome est à l’initiative du développement de nouvelles molécules comme les anticorps monoclonaux et les thérapies ciblées. Ceux-ci représentent un réel espoir de contrôler la maladie à long terme, et d’espérer à terme, chez certains d’entre eux, une guérison.

Mots-clés

Myélome multiple – nouvelles drogues – anticorps monoclonaux – thérapies ciblées

Article complet :

L’accès à différentes classes de nouvelles drogues a permis, ces dernières années, d’élargir de façon considérable les possibilités thérapeutiques offertes aux patients atteints de myélome multiple (MM), en améliorant leur survie et leur qualité de vie.

Le lénalidomide et le bortezomib sont devenus les médicaments de référence de leur prise en charge que ce soit au diagnostic ou à la rechute. Les nouvelles générations de médicaments comme le pomalidomide, nouvel immunomodulateur, et le carfilzomib, nouvel inhibiteur du protéasome, sont maintenant accessibles aux patients en rechute. Des drogues exploitant d’autres modes d’action comme le panobinostat, inhibiteur des histones déacétylases, et des anticorps monoclonaux, comme l’élotuzumab et le daratumumab, ciblant respectivement SLAMF7 (signaling lymphocytic activation molecule F7) et CD38, viennent rejoindre cet arsenal thérapeutique, permettant d’espérer un meilleur contrôle de la maladie.

Le daratumumab est anticorps monoclonal IgG kappa actuellement accessible pour le traitement des MM en rechute. Dans l’étude POLLUX, des patients atteints de MM en rechute ou réfractaires, après au moins une ligne thérapeutique, ont reçu une association de lénalidomide-dexamethasone, soit seul, soit en combinaison avec le daratumumab, avec comme objectif primaire, la survie sans progression. La combinaison daratumumab-lénalidomide-dexamethasone induit des taux de réponses globales et de réponses complètes élevés (respectivement 93% vs. 76%, 43% vs. 19%), réponses durables et prolongées, avec un avantage significatif en terme de survie sans progression (83% vs. 60%). Le daratumumab induit cependant un taux accru de neutropénie de grade 3-4 (52% vs. 37%) et peut s’accompagner de réactions liées à la perfusion, habituellement d’intensité modérée (1,2).

Dans l’étude CASTOR, l’ajout de daratumumab à l’association bortezomib-dexamethasone a également démontré sa supériorité en comparaison à l’association bortezomib-dexamethasone seule, en terme de réponse globale et de survie sans progression, en doublant les taux de très bonnes réponses partielles et de réponses complètes. Cette association se revèle aussi efficace chez les patients réfractaires au lénalidomide et ceux présentant un profil cytogénétique défavorable (3,4).

L’acquisition de résistance reste un challenge inévitable auquel devra faire face la plupart des patients au cours de l’évolution de sa maladie. Identifier des médicaments permettant de surmonter ces résistances est donc de première importance.

Selinexor est un inhibiteur du transport nucléaire qui induit l’accumulation de protéines suppresseurs de tumeur dans le noyau, l’inhibition de NF-KB et de certaines oncoprotéines comme c-myc et la cycline D. Cette molécule se révèle prometteuse dans la prise en charge des MM de haut-risque et les MM en phase avancée de par ses capacités d’induire l’apoptose indépendemment de p53. Associé à la dexamethasone, selinexor s’est révélé efficace dans un groupe de patients quadri-réfractaires (c’est-à-dire réfractaires au bortezomib, carfilzomib, lénalidomide et pomalidomide), voir penta-réfractaires (c’est-à-dire réfractaires aussi aux anticorps monoclonaux anti-CD38), permettant d’obtenir des taux de réponse globale de l’ordre de 21%, avec plus de 5% de très bonne réponse partielle, et une amélioration de la survie chez les patients répondeurs, au prix, cependant, d’effets secondaires gastro-intestinaux (anorexie, vomissements) (5).

Venetoclax est une petite molécule inhibant de manière sélective BCL2, induisant ainsi l’apoptose. Ce traitement a été récemment approuvé par la FDA dans le traitement des leucémies lymphoïdes chroniques. In vitro, certaines lignées de plasmocytes présentent des taux élevés d’expression de BCL2, justifiant son intérêt dans le MM (6). Utilisé en monothérapie, venetoclax induit des taux de réponse de l’ordre de 40%, particulièrement chez les patients avec la translocation t(11;14) (7). En combinaison avec bortezomib et dexamethasone, il permet d’observer des taux de réponse globale de l’ordre de 68%, taux allant jusque 94% chez les patients non réfractaires au bortezomib, antérieurement traités par 1-3 lignes thérapeutiques (8).

Les données précliniques suggèrent aussi que les inhibiteurs de protéase puissent être d’utilité dans la prise en charge du MM compte tenu du haut turnover protéique observé dans cette affection. Le nelfinavir, un inhibiteur de protéase utilisé dans le traitement du HIV, s’est révélé actif pour resensibiliser les cellules myélomateuses et lever la résistance aux inhibiteurs du protéasome. Combiné au bortezomib et à la dexamethasone, nelfinavir s’est révélé actif chez des patients réfractaires au bortezomib, avec des taux de réponse globale de l’ordre de 65%, au prix d'une toxicité acceptable (9).

D’autres études explorent l’usage des inhibiteurs de points de contrôle ou ‘checkpoint inhibitors’. L'inhibition de ces 'checkpoints', PD-1 (programmed death 1 receptor) et de son ligand PDL-1, permettent aux cellules tumorales d'échapper aux lymphocytes T. Le pembrolizumab, un anticorps bloquant PD-1, a peu d’activité lorsqu’il est utilisé en monothérapie, mais se révèle prometteur en association avec le pomalidomide, en augmentant les propriétés immunomodulatrices de ce dernier, et induisant des taux de réponse de l’ordre de 55%, taux nettement supérieurs à ceux observés avec l’association pomalidomide-dexamethasone seule (10).

L’immunothérapie du MM implique aussi d’explorer les possibilités de développer des CART-cells (chimeric antigen receptor T cells). Cette approche utilise diverses cibles. Des résultats encourageants ont été obtenus avec une cellule T dirigée contre le récepteur CD19, dans une population de patients atteints de MM en phase avancée (11), alors que les CD19 sont peu exprimés sur les plasmocytes, mais bien sur leurs précurseurs. Une autre approche consiste à cibler BCMA (B cell maturation antigen), également exprimés sur les cellules myélomateuses (11,12).

L’autogreffe de cellules souches reste une étape incontournable de la prise en charge des patients atteints de MM éligibles pour cette procédure. Une large étude randomisée menée par l’European Myeloma Network a montré la supériorité en terme de progression sans rechute d'un traitement par hautes doses de melphalan suivi d'autogreffe comparé à une chimiothérapie conventionnelle (médiane non atteinte vs. 44 mois) (13). Par ailleurs, le rôle du traitement post-greffe (consolidation, second autogreffe ou maintenance) reste le sujet de débats. Une autre étude randomisée n’a pas montré d’avantage à proposer une double autogreffe suivie d’un traitement de maintenance, ou une consolidation par 4 cycles de lénalidomide-bortezomib-dexamethasone suivie d’une maintenance, en comparaison à une simple autogreffe suivie d’une maintenance (14).

La prise en charge des patients atteints de MM est en pleine évolution. La chimiothérapie à hautes doses suivie d’autogreffe reste l’épine dorsale de la prise en charge des patients jeunes en première ligne de traitement. La maladie en rechute peut être abordée par de multiples voies, faisant appel à de nouvelles drogues et l’immunothérapie, avec comme objectif final l’amélioration de la survie des patients.

Affiliations

Cliniques universitaires Saint-Luc
Hématologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles

Correspondance

Pr. Marie-Christiane Vekemans
marie-christiane.vekemans@uclouvain.be

 

RÉFÉRENCES

1. Dimopoulos MA, Oriol A, Nahi H, San-Miguel J, et al. Daratumumab, lenalidomide, and dexamethasone for multiple myeloma. N Engl J Med 2016; 375:1319-31.
ouvrir dans PubMed

2. Moreau P, Kaufman JL, Surtherland HJ, et al. Efficacy of daratumumab, lenalidomide and dexamethasone versus lenalidomide and dexamethasone alone for relapsed and refractory multiple myeloma among patients with 1 to 3 lines of therapy based on previous treatment exposure : updated analysis of Pollux. Blood 2016 ; 128 : # 489. 

3. Palumbo A, Chanan-Khan A, Weisel K, et al. Daratumumab, bortezomib and dexamethasone for multiple myeloma. N Engl J Med 2016; 375:754-66. 
ouvrir dans PubMed

4. Mateos MV, Estell J, Barreto W, et al. Efficacy of daratumumab, bortezomib, and dexamethasone versus bortezomib and dexamethasone in relapsed and refractory myeloma based on prior lines of therapy : updated analysis of Castor. Blood 2016 ; 128, # 1150. 

5. Vogl DT, Dingli, D, Cornell RF, et al. Selinexor and low dose dexamethasone (Sd) in patients with lenalidomide, pomalidomide, bortezomib, carfilzomib and anti-CD38 Ab refractory multiple myeloma (MM): STORM Study. Blood 2016; 128: #491. 

6. Punnoose EA, Leverson JD, Peale F, et al. Expression profile of BCL2 BCLX and MCL1 predicts pharmacological response to the BCL2 selective antagonist venetoclax in multiple myeloma models. Mol Cancer Ther 2016; 15:1-13. 

7. Kumar S, Vij R, Kaufman JL, et al. Venetoclax monotherapy for relapsed/refractory multiple myeloma: safety and efficacy results from a phase I study. Blood 2016; 128: #488. 

8. Moreau P, Chanan-Khan AA, Roberts AW, et al. Venetoclax combined with bortezomib and dexamethasone for patients with relapsed/refractory multiple myeloma. Blood 2016; 128: #975. 

9. Driessen C, Müller R, Novak U, et al. The HIV protease inhibitor nelfinavir in combination with bortezomib and dexamethasone (NVd) has excellent activity in patients with advanced, proteasome inhibitor-refractory multiple myeloma: a multicenter phase II trial (SAKK 39/13). Blood 2016; 128: #487.

10. Badros AZ, Hyjek E, Ma N, et al. Pembrolizumab in combination with pomalidomide and dexamethasone for relapsed/refractory multiple myeloma (RRMM). Blood 2016; 128: #490.

11. Garfall AL, Maus MV, Hwang WT, et al. Chimeric antigen receptor T cells against CD19 for multiple myeloma. N Engl J Med 2015; 373; 1040-7. 
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12. Cohen AD, Garfall AL, Stadtmauer EA, et al. B cell maturation antigen specific chimeric antigen receptor T cells (CART-BCMA) for multiple myeloma: initial safety and efficacy from a phase I study. Blood 2016; 128: #1147.

13. Cavo M, Beksac M, Dimopoulos M, et al. Intensification therapy with bortezomib melphalan prednisone versus autologous stem cell transplantation for newly diagnosed multiple myeloma. An intergroup multicenter phase III study of the European Myeloma Network EMN02/HP95 trial. Blood 2016; 128: #673.

14. Stadtmauer EA, Pasquini MC, Blackwell B, et al. Comparison of autologous hematopoietic cell transplant bortezomib, lenalidomide, and dexamethasone consolidation with lenalidomide maintenance, tandem AutoHCT with len maintenance and auto HCT with len maintenance for up front treatment of patients with multiple myeloma. Primary results from the randomized phase III trial of the Blood and Marrow Transplant Clinical Trials Network. Blood 2016; 128: #LBA-1.