L’amygdalo-hippocampectomie sélective pour l’épilepsie mésio-temporale réfractaire – intérêt d’une approche minimale invasive
Vincent Joris, Christian Raftopoulos
Le champ de l’épilepsie réfractaire au traitement médical progresse chaque année. Les avancées concernent la compréhension des réseaux épileptiques, ainsi que l’amélioration de la sélection des candidats pour une intervention chirurgicale. Depuis la démonstration de la supériorité de la chirurgie par rapport au traitement médicamenteux dans certains cas d’épilepsie réfractaire, l’épilepsie réfractaire temporale et plus particulièrement mésio-temporale suscite toujours beaucoup d’intérêt en neurochirurgie. Traditionnellement, ces patients bénéficient d’une amygdalohippocampectomie sélective (AHS) afin de déconnecter les structures mésio-temporales pathologiques du reste du cerveau, ce qui permet de contrôler l’épilepsie tout en limitant les impacts fonctionnels sur la mémoire le langage ou le champ visuel.
En 2021, les recherches ont notamment profité des progrès en IRM. Un moyen de prédiction (1) des déficits visuels post-AHS basés sur des analyses de connectivités extraits de l’IRM fonctionnelle de repos a été développé et des analyses de volumétrie (2) ont montré, après AHS, une atrophie de 5% des structures controlatérales non-opérées montrant que l’impact complet de nos chirurgies doit encore être mieux compris. L’intérêt de l’AHS par rapport à la lobectomie temporale radicale (i.e. résection du cortex temporal latéral également), lorsque possible, a encore été renforcé par la démonstration d’un impact moins important sur la mémoire auditive (3) ; bien que la mémoire verbale puisse être atteinte dans les 2 cas.
Sur le plan des raffinements dans la technique chirurgicale, l’importance d’enlever le cortex piriforme (4) pour mieux contrôler l’épilepsie a été relevé. Nous avons récemment montré que l’abord minimal invasif par le gyrus temporal supérieur (5) permettait un aussi bon contrôle des crises tout en diminuant les risques d’atteinte de l’acuité et du champ visuel. Notre étude sur 8 patients confirme ces résultats avec préservation visuelle complète chez 7 patients (1 atteinte liée à un AVC post-opératoire) et 7 patients Engel 1 (i.e. libres de crises).
Une technique alternative à l’AHS mais qui n’est pas encore disponible en Belgique est la thermoablation laser guidée par résonnance (MrGLITT). Cette technique percutanée, réalisée en salle IRM est toujours en cours d’évaluation et une méta-analyse (6) a montré en 2021 une diminution des risques de complications mais au prix d’un moins bon contrôle de l’épilepsie.
Avis de l’expert
La chirurgie de l’épilepsie réfractaire continue son évolution. Les clés de la réussite résident dans la triade : interventions plus ciblées sur des patients mieux sélectionnés et dont la pathologie est mieux comprise. Cette année encore les chercheurs à travers le monde ont évolué dans ces trois directions. Bien qu’intéressante car encore plus minimal invasive, la nouvelle technologie du MrGLITT doit encore faire ses preuves et les candidats idéaux doivent être identifiés. En attendant, les techniques d’AHS restent le « state of the art » pour l’épilepsie mésio-temporale et en particulier l’AHS par un abord antérieur du gyrus temporal supérieur.
Références
- David B, Eberle J, Delev D, et al. Multi-scale image analysis and prediction of visual field defects after slective amygdalohippocampectomy. Sci Rep. Jan 14 2021;11(1):1444. doi:10.1038/s41598-020-80751-x
- Elias GJB, Germann J, Neudorfer C, et al. Impact of Mesial Temporal Lobe Resection on Brain Structure in Medically Refractory Epilepsy. World Neurosurg. Aug 2021;152:e652-e665. doi:10.1016/j.wneu.2021.06.039
- Ives-Deliperi V, Butler JT. Randomised controlled trial of naming outcomes in anterior temporal lobectomy versus selective amygdalohippocampectomy. J Neurol Neurosurg Psychiatry. Sep 2021;92(9):1020-1021. doi:10.1136/jnnp-2020-324531
- Borger V, Schneider M, Taube J, et al. Resection of piriform cortex predicts seizure freedom in temporal lobe epilepsy. Ann Clin Transl Neurol. Jan 2021;8(1):177-189. doi:10.1002/acn3.51263
- Costa E, Joris V, Vaz G, et al. The trans superior temporal gyrus approach for selective amygdalohippocamptectomy. World Neurosurg. Dec 16 2021;doi:10.1016/j.wneu.2021.12.034
- Kohlhase K, Zollner JP, Tandon N, Strzelczyk A, Rosenow F. Comparison of minimally invasive and traditional surgical approaches for refractory mesial temporal lobe epilepsy: A systematic review and meta-analysis of outcomes. Epilepsia. Apr 2021;62(4):831-845. doi:10.1111/epi.16846
Le monitoring EEG-invasif en épilepsie réfractaire – vers un geste plus rapide et tout aussi précis
Vincent Joris, Christian Raftopoulos
Les équipes traitant l’épilepsie réfractaire au traitement médical cherchent continuellement à mieux comprendre les régions et les circuits causant l’épilepsie pour chaque patient. Une des armes disponibles est l’implantation chirurgicale d’électrode d’EEG en intracérébral afin d’augmenter la résolution spatiale des enregistrements. Bien entendu, ces interventions comprennent des risques, notamment d’hémorragie et d’infection. Pour limiter ces risques la précision d’implantation est cruciale et historiquement, les équipes chirurgicales recourraient aux cadres de stéréotaxies à cet effet. Le désavantage de cette approche est la durée de la procédure qui est fortement allongée par la nécessité de repérer le cadre, fixé stérilement et sous anesthésie, par rapport au contenu intracrânien ; ainsi que la nécessité de raser complètement les patients. Depuis plusieurs années, les recherches, avant tout technologique, se sont surtout orientées vers de nouveaux systèmes automatisés avec une précision équivalente.
L’année 2021 a vu apparaitre des initiatives pour homogénéiser la nomenclature des électrodes afin de pouvoir mieux échanger et extrapoler les données répertoriées (1,2). La supériorité en termes d’efficience des robots par rapport à la technique classique avec cadre continue d’être confirmée (3) par plusieurs centres. La transition également vers des systèmes d’implantation moins onéreux mais tout aussi précis est en cours. Une équipe a, à nouveau, confirmé la sécurité d’une technique basée sur des bras neuronavigué (4) et nous avons réalisé, au sein de notre groupe de l’épilepsie réfractaire, une étude semblable dont les résultats devraient être publiés l’année prochaine. Nous sommes cependant déjà dans l’étape suivante puisque nous avons pu acquérir un bras robotisé (Stealth Autoguide®) simplifié par rapport aux robots traditionnels. Il devrait permettre d’augmenter la précision de nos implantations en réduisant la durée d’implantation. Son évaluation dans le cadre des EEG invasifs, courant 2022, sera une première dans notre pays.
Avis de l’expert
L’EEG invasif a toujours été une arme très efficace pour la mise au point des épilepsies réfractaires. Les données acquises sont très précieuses pour l’analyse et la compréhension des processus épileptogène mais également pour des processus neurophysiologiques de bases. Le défi actuel consiste à rendre ces implantations plus rapides, moins onéreuses et avec une sécurité et une précision augmentées. La transition vers la robotique est en cours et cette année à encore prouver la sécurité de ces systèmes.
Références
- Taylor KN, Joshi AA, Hirfanoglu T, et al. Validation of semi-automated anatomically labeled SEEG contacts in a brain atlas for mapping connectivity in focal epilepsy. Epilepsia Open. Sep 2021;6(3):493-503. doi:10.1002/epi4.12499
- Huang H, Valencia GO, Hermes D, Miller KJ. A canonical visualization tool for SEEG electrodes. Annu Int Conf IEEE Eng Med Biol Soc. Nov 2021;2021:6175-6178. doi:10.1109/EMBC46164.2021.9630724
- Zheng J, Liu YL, Zhang D, et al. Robot-assisted versus stereotactic frame-based stereoelectroencephalography in medically refractory epilepsy. Neurophysiol Clin. Mar 2021;51(2):111-119. doi:10.1016/j.neucli.2020.11.001
- Song S, Dai Y, Chen Z, Shi S. Accuracy and Feasibility Analysis of SEEG Electrode Implantation using the VarioGuide Frameless Navigation System in Patients with Drug-Resistant Epilepsy. J Neurol Surg A Cent Eur Neurosurg. Sep 2021;82(5):430-436. doi:10.1055/s-0040-1721002
5eme édition de la Classification OMS des tumeurs du système nerveux: la percée de la biologie moléculaire, une étape cruciale vers une médecine oncologique plus personnalisée
Tévi Morel Lawson, Christian Raftopoulos
Introduction
La prise en charge des tumeurs du système nerveux central et périphérique se base sur un diagnostic neuropathologique le plus précis possible. Tous ces diagnostics sont repris dans la classification publiée par l’OMS (1).
État des lieux avant 2021
Jusqu’en 2021, la version la plus récente de cette classification était celle de 2016 essentiellement basée sur des critères morphologiques et immunologiques de la tumeur.
On y retrouvait pour la première fois l’impact de la biologie moléculaire : NGS (next generation sequencing) comme aide au diagnostic et pronostic de certaines tumeurs cérébrales.
C’est ainsi que la définition histopathologique p.ex. de l’oligodendrogliome ( tumeur gliale de l’adulte jeune ) avait été revue (2). Pour affirmer ce diagnostic, il faut à la fois retrouver une mutation du gène IDH (isocitrate déshydrogénase) 1 ou 2 et une co-deletion 1p 19 q (bras court du chromosome 1 et bras long du chromosome 19).
Depuis 2021
La 5eme version de la classification des tumeurs du système nerveux représente une avancée significative tant sur le plan diagnostic que pronostic ouvrant la voie vers de nouveaux protocoles de prise en charge de tumeurs cérébrales mieux caractérisées sur le plan biomoléculaire.
On y retrouve une approche qui introduit la biologie moléculaire de manière systématisée permettant d’affiner le diagnostic pour mieux correspondre à la réalité clinique. Certains diagnostics ont disparu, d’autres sont apparus avec une dénomination moléculaire précise.
On y retrouve également l’apport de nouvelles techniques telles que l’analyse de la méthylation de l’ADN du génome (méthylome) comme aide au diagnostic de cas complexes ou comme argument de reclassification d’anciens diagnostics.
Ces deux techniques ont permis en autres de différencier de façon plus nette les tumeurs pédiatriques (3) du système nerveux de celle l’adulte.
Avis de l’expert
Bien que cette nouvelle classification basée sur la biologie moléculaire soit plus complexe et onéreuse, elle permet de réduire la variabilité de diagnostic entre neuropathologistes.
Elle offre également une approche innovante comme aide au diagnostic de cas complexes et/ou d’évolution inhabituelle ouvrant ainsi la voie vers une meilleure compréhension de la maladie.
Cette approche permet maintenant en routine clinique de re-classifier certains anciens diagnostics et de leur permettre d’avoir accès à de nouveaux protocole de prise en charge.
Une nouvelle version des tumeurs du système nerveux chez l’enfant est attendue pour 2022.
Références
- Louis DN, Perry A, Wesseling P, Brat DJ, Cree IA, Figarella-Branger D, et al. The 2021 WHO Classification of Tumors of the Central Nervous System: a summary. Neuro Oncol. 2021 Aug 2;23(8):1231-1251. doi: 10.1093/neuonc/noab106.
- Brandner S, McAleenan A, Jones HE, et al. : Diagnostic accuracy of 1p/19q codeletion tests in oligodendroglioma: a comprehensive meta-analysis based on a Cochrane Systematic Review. Neuropathol Appl Neurobiol. 2021 Dec 26. doi: 10.1111/nan.12790.
- Fangusaro J, Bandopadhayay P. Advances in the classification and treatment of pediatric brain tumors. Curr Opin Pediatr. 2021 Feb 1;33(1):26-32. doi: 10.1097/MOP.0000000000000975.
Affiliations
Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de Neurochirurgie, UCLouvain, B-1200 Bruxelles, Belgique
Correspondance
Pr. Raftopoulos
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de Neurochirurgie
Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles
christian.raftopoulos@saintluc.uclouvain.be