Introduction
Le pneumothorax est une pathologie pulmonaire, à potentiel létal, caractérisée par une compression du poumon causée par une pénétration anormale d’une quantité d’air entre la paroi thoracique et le poumon. Le pneumothorax peut être total (tout le poumon est affaissé) ou partiel. Les causes courantes étant post-traumatiques ou spontanées (comme la rupture d’une bulle d’emphysème , sans contexte post-traumatique).
Étude de cas
La patiente de 34 ans, avec des antécédents pathologiques personnels d’hypothyroïdie et d’anémie ferriprive en traitement par suppléments de fer, non-fumeuse, enceinte de 32 semaines (G1P0), se présente au service des urgences pour dyspnée et douleur thoracique inspiratoire (hémithorax droit) avec une évolution crescendo de 4 jours. Il n’y a pas de contexte de traumatisme thoracique. La patiente déclare l’apparition de symptômes après un effort de toux. La patiente a consulté son médecin généraliste qui a conclu à une bronchite (suite à la présence de toux) et la patiente a reçu un traitement antibiotique, sans soulagement des symptômes.
L’examen clinique montre une hypoventilation diffuse du champ pulmonaire droit, des œdèmes discrets au niveau des membres inférieurs. Les paramètres hémodynamiques montrent une pression artérielle de 137/89 mmHg, une fréquence cardiaque à 78 / min et une saturation pulsée en oxygène (SPO 2) à l’air ambiant à 93%. Les paramètres biologiques mettent en évidence une formule leucocytaire modifiée (hyperleucocytose 11960 GB avec prédominance de neutrophiles 8610), syndrome inflammatoire avec CRP 17,3 mg / L (N: <5 mg / L), le reste des paramètres biologiques est normal.
La radiographie thoracique réalisée au service des urgences montre un pneumothorax droit complet avec décollement pleural total et bascule médiastinale gauche.
Vu que le pneumothorax est complet, un drainage thoracique non-chirurgical s’impose. La technique et le déroulement de la procédure sont bien expliqués à la patiente. Étant donné le stress psycho-émotionnel de la patiente, on décide d’utiliser une sédation procédurale (Midazolam > prise en compte des risques fœtaux , une autre médication n’est pas envisageable) pour son confort.
Le pneumothorax est drainé en introduisant un drain thoracique de type “pig-tail” de calibre 14 French (moins traumatique qu’un drain chirurgical et premier épisode de pneumothorax permettant l’utilisation de ce type de drain) connecté à un système de drainage pleural externe, sous aspiration. L’évolution est simple, avec retour à la paroi du poumon droit. Le drainage est maintenu pendant 14 jours pour un recollement pleural complet et pour éviter une récidive de pneumothorax due au retrait prématuré du drain thoracique.
Les contrôles ultérieurs ont été simples. La patiente a présenté en post-drainage une légère dyspnée (moindre qu’à la présentation initiale aux urgences) considérée comme normale au cours du dernier trimestre de grossesse (un bilan cardiologique s’est avéré normal). Le suivi de la patiente en externe a été réalisé par le pneumologue traitant, l’évolution étant simple. La patiente a accouché d’un nouveau-né normal, par voie basse, 2 mois après l’épisode de pneumothorax.
Un an après l’accouchement, il n’y a pas eu de récidive de pneumothorax, l’évolution demeurant favorable.
Discussion
Le pneumothorax est une pathologie à potentiel létal, fréquemment observée aux urgences. Les causes sont multiples : post-traumatique : souvent dues à des fractures des côtes ou à des plaies pénétrantes ; iatrogène : ponction thoracique ; spontanée : il n’y a pas de contexte post-traumatique et il se produit fréquemment par rupture d’une bulle d’emphysème (par exemple chez les patients fumeurs et/ou avec une pathologie pulmonaire chronique telle que la BPCO) (1-2). D’autres causes moins fréquentes de pneumothorax spontané sont les tumeurs malignes, les infections, la mucoviscidose, les maladies génétiques du collagène (syndrome de Marfan, d’Ehlers-Danlos, homocystéinurie) (1-2).
Mentionnons également d’autres causes rares de pneumothorax : plongée sous-marine, voyages en avion, arrêt brutal de la consommation de drogue (souvent la cocaïne).
Le pneumothorax peut être complet ou partiel. Une catégorie particulière de pneumothorax est le pneumothorax suffocant, qui peut entraîner la mort rapidement en l’absence de drainage d’urgence. La létalité est due au collapsus total du poumon ainsi qu’aux répercussions hémodynamiques au niveau cardiaque.
La cause la plus fréquente de pneumothorax spontané est la rupture des bulles d’emphysème chez les patients atteints de BPCO ou chez les patients ayant un tabagisme actif (50-70%). (3-5)
La gravité de la BPCO est en corrélation avec le risque de développement d’un pneumothorax.
Le pneumothorax chez la femme enceinte est rare. 87 cas ont été récemment recensés par Agrafiotis et al L’âge moyen d’apparition d’un pneumothorax est de 27 ans (déviation standard [SD]+/- 6) (6, 7, 8). Les causes identifiées sont : l’asthme, la consommation de cocaïne, l’hyperémèse gravidique, les antécédents de pneumothorax (44%), les infections (30% - Pseudomonas aeruginosa - provoquant une pneumonie nécrosante, Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae), la tuberculose étant une cause plus rare chez la femme enceinte (7). Une cause rare de pneumothorax spontané chez les femmes pendant la période menstruelle est le pneumothorax cataménial: 3-6% des femmes pendant la période menstruelle avec un âge médian de 34+/-9.9 ans. Il est associé à la présence de l’endométriose pelvienne 30-51% des cas (9).
Dans les cas rapportés, un pneumothorax est survenu au cours des premier et deuxième trimestres de la grossesse (51%) alors que 49% des cas étaient en période périnatale (8). Une récidive de pneumothorax a été observée chez 52% des patients (7).
L’évolution obstétricale post-pneumothorax était bonne dans les cas étudiés : 80,8% de naissance naturelle, 17,3% de césarienne et 1,9% de mort fœtale (1 seul cas) (7).
Lors de la présentation, les symptômes ne diffèrent pas des autres catégories de patients : dyspnée, douleur thoracique, désaturation. Souvent, il n’y a pas de déclencheur (parfois une toux peut provoquer des symptômes). Un élément difficile à intégrer dans le tableau clinique, en l’absence d’autres symptômes, est la dyspnée au dernier trimestre de la grossesse (un élément commun dû à l’ascension du dôme diaphragmatique) qui peut conduire à une confusion et à des erreurs de diagnostic avec sous-évaluation d’un possible pneumothorax (10).
Le diagnostic est posé sur la base d’éléments d’anamnèse, d’éléments cliniques et paracliniques - radiographie thoracique. Si une éventuelle pathologie pouvant mettre en danger la vie de la mère ou du fœtus doit être exclue, les radiographies standard sont autorisées sans risque lié à l’irradiation ni risque de malformation (8).
Dès le diagnostic, le traitement ne diffère pas des autres catégories de patients atteints de pneumothorax.
Pour les pneumothorax avec décollement pleural total, comme chez notre patiente, un drainage pleural avec drain pleural relié au système de drainage a été réalisé, maintenu jusqu’au moment de la disparition complète du pneumothorax et de la disparition du bullage dans le système de drainage pleural. Une particularité du traitement réside dans le fait qu’en cas de récidive, aucun talcage pleural ni thoracoscopie ne sont pratiqués jusqu’au moment de l’accouchement. Cela peut être réalisé après l’accouchement, seulement en cas de pneumothorax récidivant (11).
Dès le diagnostic, en fonction du type de pneumothorax (dans notre cas, complet) la pathologie peut présenter un risque pour la femme et pour la grossesse si une prise en charge urgente n’est pas envisagée (risque hypoxémique de la patiente entrainant une hypoxémie pour le foetus avec risque de souffrance foetale) (8).
Un aspect important est le choix du type d’accouchement. Il existe en effet un risque de récidive de pneumothorax en cas d’accouchement par voie basse en lien avec l’augmentation des pressions mais aussi en cas d’intubation oro-trachéale imposant une ventilation mécanique. Chez notre patiente, en concertation avec le pneumologue et vu que le pneumothorax était drainé, le gynécologue a fait ce choix, sans incident en période post-partum.
Conclusions
Le pneumothorax spontané est une pathologie fréquente en médecine d’urgence avec une gravité potentielle s’il n’est pas reconnu à temps.
Dans certains groupes de patients, comme illustré par notre cas, il y a une plus grande difficulté diagnostique, sachant la rareté de la maladie et la présence des symptômes qui peuvent aussi mimer un pneumothorax.
La concertation interdisciplinaire est essentielle et conduit à une décision collégiale (collaboration entre médecin urgentiste, gynécologue, pneumologue et radiologue) qui permet un diagnostic rapide et un traitement efficace avec un minimum de risques.
S’il existe une présomption forte d’une telle pathologie, le clinicien doit effectuer toutes les investigations indispensables (radiographie pulmonaire), les avantages dans ce cas l’emportant sur les risques (9).
Le traitement et le suivi de cette pathologie chez la femme enceinte ne se singularise pas de l’approche proposée dans les autres groupes. L’accouchement a été réalisé par voie basse.
Affiliations
1. Service des Urgences Spécialisées, CHR Mons-Hainaut Jolimont
2. Service de Pneumologie, CHR Mons-Hainaut Jolimont
3. Service de Gynécologie, CHR Mons-Hainaut Jolimont
Correspondance
DR. Natacha De Decker
CHR Mons-Hainaut Jolimont
Service des Urgences Spécialisées
Unité Jolimont asbl
Rue Ferrer, 159
B-7100 Haine-Saint-Paul
Références
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