PUBERTÉS PRÉCOCES

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V. Beauloye Publié dans la revue de : Mai 2016 Rubrique(s) : Endocrinologie
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Résumé de l'article :

La puberté précoce (PP) est un motif fréquent de consultation en pédiatrie. C’est un problème particulièrement d’actualité puisque l’âge de début de la puberté semble s’abaisser. La PP est définie comme l’apparition de caractères sexuels secondaires s’accompagnant d’une accélération de croissance et d’une maturation osseuse, avant 8 ans chez la fille et 9 ans chez le garçon. Il faut distinguer la PP centrale mettant en jeu la sécrétion pulsatile de Gonadotropin-Releasing Hormone (GnRH), de la PP périphérique due à une sécrétion de stéroïdes sexuels par les gonades ou les surrénales. Le traitement de la PP centrale a été révolutionné par l’utilisation d’agonistes retard de la GnRH.

Mots-clés

Puberté, stades de Tanner, GnRH agonistes

Que savons-nous à ce propos ?

L’âge moyen de l’apparition des seins chez la petite fille s’est abaissé au cours de ces dernières années. Des perturbateurs endocriniens ainsi que l’augmentation de la prévalence de l’obésité en âge pédiatrique pourraient être responsable de ce phénomène.

Que nous apporte cet article ?

Cet article permet de faire le point sur la définition, le diagnostic différentiel et la prise en charge d’une puberté précoce.

Article complet :

Introduction

La puberté précoce est un des motifs les plus fréquents de consultation en Endocrinologie pédiatrique et impose au clinicien une triple démarche. D’abord, il faut préciser si la puberté est réellement précoce, problème particulièrement d’actualité tant aux Etats-Unis qu’en Europe où l’âge de la puberté semble progressivement avancer. Ensuite, il faut rechercher la cause de la puberté précoce en sachant que les pubertés précoces tumorales, si elles sont rares, restent une priorité diagnostique. Enfin, Il faudra savoir poser les bonnes indications du traitement par les agonistes de la Gonadotropin-Releasing Hormone (GnRH).

Définition de la puberté précoce

La puberté est cette période de la vie où le corps se transforme conduisant à la capacité de reproduction. Elle débute en moyenne vers 11 ans chez la fille et vers 12 ans chez le garçon. Les différentes séquences de développement ont été classées en cinq stades par Tanner. Ceux-ci permettent d’apprécier où en est un jeune dans son développement et sont repris dans le tableau 1.

 

 

 

Chez la fille :

- le premier signe de puberté chez la fille est l’apparition d’un développement mammaire (M2:8-13 ans). Celui-ci s’accompagne d’une accélération de croissance et d’une avance de la maturation osseuse ;

- le développement de la pilosité pubienne puis axillaire ;

- les règles surviennent en moyenne 2 ans après le début du développement mammaire (10-16 ans).

Chez le garçon :

- le premier signe de puberté chez le garçon est l’augmentation de volume des testicules (>4 ml; 2,5 cm de long: 9-14 ans) ;

- le développement de la verge et du scrotum qui se pigmente ;

- le développement de la pilosité pubienne puis axillaire ;

- le pic de croissance survient en moyenne 2 ans après l’augmentation de volume des testicules, soit vers 14 ans (pour un volume testiculaire ± 12 ml), soit 2 ans après les filles ;

- la puberté s’accompagne chez presque 2/3 des garçons d’un gynécomastie péripubertaire ; l

- a mue et la barbe n’apparaissent qu’en fin de puberté.

La puberté précoce se définit comme l’apparition d’un développement mammaire avant l’âge de 8 ans chez la fille et d’une augmentation du volume des testicules > 4 ml avant 9 ans chez le garçon (1). Cependant, il existe une évolution séculaire de l’âge de démarrage de la puberté. Plusieurs études récentes tant aux Etats-Unis qu’en Europe ont montré un abaissement d’environ 12 mois de l’âge moyen du début de puberté surtout chez les filles noires-américaines (2). Cette avance séculaire semble surtout concerner l’apparition des seins (stade II de Tanner), alors que l’âge moyen de la ménarche n’a que très peu diminué ces dernières décennies. Si les facteurs génétiques jouent un rôle déterminant dans l’âge de début de puberté, l’abaissement rapide de celui-ci au cours de ces 25 dernières années suggère plutôt une cause environnementale comme le changement des habitudes de vie, l’obésité ou l’exposition à certains pesticides (3).

La constatation de l’avance de l’âge de démarrage pubertaire, séculaire ou ethnique, rend parfois difficile la distinction entre les formes de puberté précoce «vraie» et les formes de puberté lentement progressive, variante de la normale, ayant un simple allongement de la période pubertaire sans modification de la ménarche et amène à rappeler que le diagnostic de puberté précoce se fonde sur la triade: apparition précoce de caractères sexuels secondaires, accélération de croissance et avance de l’âge osseux. L’évolutivité des signes cliniques est aussi un facteur à prendre en compte. Il est donc important de construire la courbe de croissance, de réaliser un âge osseux et de suivre l’évolution clinique. Chez la fille, l’imprégnation oestrogénique peut être apprécié par l’aspect de la vulve. L’échographie pelvienne, effectuée par voie abdominale, peut montrer l’aspect oestrogénisé de l’utérus et des ovaires qui ont augmenté de volume (respectivement ovaires > 2,5 cm et utérus > 4 cm) avec, pour l’utérus, un corps plus épais que le col et la présence d’une ligne de vacuité, témoin de l’épaississement de l’endomètre (4).

ID : 20160505 Pages : 279 - 282

Traitement

Le traitement de la puberté précoce centrale a été révolutionné par l’utilisation d’agonistes retard de la GnRH. L’occupation prolongée des récepteurs à la LHRH par ces agonistes empêche la stimulation pulsatile par la LHRH endogène nécessaire à la sécrétion normale des gonadotropines hypophysaires (4).

Les objectifs du traitement freinateurs visent d’une part à faire régresser ou à stabiliser les signes de développement pubertaire. Ceci est particulièrement important quand la puberté survient très en avance, créant un décalage important par rapport aux pairs dans le processus de maturation. S’il a été clairement rapporté que les jeunes filles ayant eu leur règles tôt (avant 11 ans) ont plus de comportements à risque ou délinquants, des rapports sexuels plus précoces et plus fréquents, peu d’études ont évalué l’impact psychologique et comportemental de la puberté précoce ainsi que les effets du traitement à ce niveau. D’autre part, le traitement vise à améliorer la taille, dont on sait qu’elle peut être compromise par la puberté précoce induisant une fusion précoce des cartilages de croissance. Le bénéfice du traitement sur l’amélioration du pronostic de taille a clairement été démontré chez les patientes présentant une puberté précoce avant l’âge de 6 ans (gain moyen de 9 cm). Le traitement des filles présentant une puberté au-delà de 8 ans n’est d’aucune utilité en terme d’amélioration de la taille adulte. Pour les patientes présentant une puberté entre l’âge de 6 et 8 ans, celles présentant une forme rapidement évolutive peuvent observer un gain relatif de taille après traitement (4cm) alors que celles présentant une forme lentement progressive atteignent une taille adulte normale sans traitement (4).

Le traitement des pubertés précoces périphériques, résistantes aux agonistes de la LHRH, vise à bloquer l’action des stéroïdes sexuels. Différents traitements sont actuellement à l’étude en fonction de l’étiologie, utilisés seuls ou en association (inhibiteurs de l’aromatase et/ou des récepteurs aux oestrogènes, antiandrogènes) (5).

Recommandations pratiques

Signes pubertaires précoces (<8 ans filles; <9 ans garçons)

- Signe isolé avec une vitesse de croissance et un âge osseux normaux: revoir après 6 mois

- Signes associés à une accélération vitesse de croissance et une avance de l’âge osseux:

 

 

 

Correspondance

Pr. Véronique Beauloye

Cliniques universitaires Saint-Luc
Unité d'endocrinologie pédiatrique
Université Catholique de Louvain
Avenue Hippocrate 10
B1200 Bruxelles

Références
 

1. Lingtart A, Lahlou N, Adamsbaum C, Roger M, Carel JC. Pubertés précoces. In : Encyclopédie Médico-Chirugicale, 10-033-C-10, Elsevier Masson SAS, Paris, 2012.

2. Sørensen K, Mouritsen A, Aksglaede L, Hagen CP, Mogensen SS, Juul A. Recent Secular Trends in Pubertal Timing: Implications for Evaluation and Diagnosis of Precocious Puberty. Horm Res Paediatr 2012; 77(4): 137-145.

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3. Parent AS, Rasier G, Gerard A, Heger S, Roth C, Mastronardi C, Jung H, Ojeda SR, Bourguignon JP. Early Onset of Puberty: Tracking Genetic and Environmental Factors. Horm Res Paediatr 2005; 64 (suppl 2): 41-47.

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4. Carel JC, Eugster EA, Rogol A, Ghizzoni L, Palmert MR. Consensus Statement on the Use of Gonadotropin-Releasing Hormone Analogs in Children. Pediatrics 2009; 123 (3): e752-e762.

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5. Fuqua JS. Treatment and Outcomes of Precocious Puberty: An Update. J Clin Endocrinol Metab 2013; 98 (6): 2198-2207.

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Étiologie des pubertés précoces

Il faut distinguer la puberté précoce centrale mettant en jeu la sécrétion pulsatile de Gonadotropin-Releasing hormone (GnRH) due à l’activation prématurée de l’axe hypothalamo-hypophysaire, de la puberté précoce périphérique due à une sécrétion de stéroïdes sexuels par les gonades ou les surrénales. L’origine centrale de la puberté précoce est démontrée par l’élévation des gonadotrophines hypophysaires de base et/ou après stimulation par la Luteinizing Hormone Releasing Hormone (LHRH). C’est la réponse au test à la LHRH qui est la clé du diagnostic de puberté précoce centrale: pic de LH supérieur à 5 UI/L, un rapport pic de LH/pic de FSH > 0,66 (5).

Les formes étiologiques de la puberté précoce sont rapportées dans le tableau 2. Les pubertés précoces centrales surviennent plus souvent chez la fille que chez le garçon. Elles sont plus fréquentes chez les filles adoptées. Chez la fille, elles sont plus fréquemment idiopathiques (80% des cas) alors que les causes neurogènes sont plus souvent observées chez le garçon (60%) (1). La possibilité de découverte d’une tumeur doit conduire à pratiquer une résonance magnétique nucléaire cérébrale devant toute puberté précoce centrale.

La puberté précoce doit être distinguée de deux variantes de la normale: la prémature thélarche et la prémature adrénarche. La prémature thélarche est un développement isolé des seins chez la fille avant l’âge de 8 ans. Elle se distingue de la puberté précoce par l’absence de tout autre caractère sexuel secondaire, d’accélération de croissance et d’avance de la maturation osseuse. L’évolution va vers une non-progression et même une régression dans la majorité des cas. Elle survient le plus souvent avant l’âge de 2 ans mais peut se présenter chez des filles plus âgées. La prémature adrénarche est le développement prématuré de la pilosité pubienne avant 8 ans chez la fille et 9 ans chez le garçon. Elle peut s’accompagner d’une discrète élévation des androgènes surrénaliens (DHEA sulfate) et d’une légère avance de la maturation osseuse. Elle semble prédisposer au syndrome des ovaires polykystiques et au syndrome métabolique (5).