Pratiquer une activité sportive a un effet favorable sur la santé tant au niveau physique que psychique. Chez les patients ayant présenté un « problème cardiaque » au sens large (infarctus, intervention coronaire, valvulaire, etc), les bénéfices de la revalidation cardiaque ne sont plus à démontrer. Mais qu’en est-il de la pratique régulière d’un sport chez les patients avec une atteinte cardiaque ?
Un premier point est de distinguer le type de pratique sportive : occasionnelle, récréative, sport de compétition ou sportif d’élite, cette dernière catégorie étant cependant peu probable. Les recommandations européennes concernant la pratique sportive chez des patients avec une atteinte cardiaque concernent les athlètes de compétition définis comme : « des personnes jeunes, amateurs ou professionnels, qui pratiquent un entrainement régulier dans leur discipline et participent à des compétitions » (1). La participation à des compétitions implique souvent d’essayer de repousser ses limites et d’améliorer ses performances, ce qui pourrait potentiellement être dangereux dans certaines pathologies cardiaques. En conséquence, ces recommandations, comme il est précisé, ne s’appliquent pas aux personnes pratiquant un sport de loisirs ou récréationnel, sans entrainement régulier ni recherche d’une performance à atteindre.
Malheureusement, il n’existe pas de recommandations internationales concernant la pratique sportive hors compétition. Le présent article va dès lors se référer à ces recommandations européennes, même si elles sont imparfaites et doivent certainement être nuancées (1).
Nous allons aborder les différences entre les sports, puis revoir globalement le risque chez les patients et enfin envisager les pathologies cardiaques les plus courantes.
La dépense physique n’est pas la même pour tous les sports. Certains s’accompagnent de peu d’activité physique ; d’autres, au contraire, vont demander une activité physique et une dépense énergétique conséquente. Une façon de classer les différentes activités sportives est de les séparer en activités « statique » ou « dynamique » et, pour chaque catégorie, de définir un niveau d’intensité : faible, modéré, important. Le tableau 1 présente cette classification pour les principaux sports. En outre, deux autres points doivent retenir l’attention : le risque de coup au niveau du thorax (par exemple pour les porteurs de pace maker ou de défibrillateur) et le risque lié à la survenue d’une syncope pendant l’activité sportive.
Lorsqu’un patient porteur d’une pathologie cardiaque envisage une pratique sportive plusieurs points sont à considérer. Une anamnèse détaillée doit être réalisée. Elle s’attachera en particulier à déterminer quelle est la pathologie du patient, comment a-t-elle été découverte, quels sont les traitements interventionnels et chirurgicaux réalisés, quels sont les médicaments pris régulièrement (anticoagulant par exemple), existe-t-il des lésions résiduelles et enfin quel est le mode de vie du patient avec sa pathologie. Autrement dit, le patient est-il symptomatique ou tout à fait asymptomatique dans la vie courante et quelle activité physique pratique-t-il dans la vie courante (il y a une différence entre un patient asymptomatique restant dans son fauteuil toute la journée et un patient asymptomatique lorsqu’il tond sa pelouse ou effectue des travaux de jardinage lourds). Enfin quel sport envisage-t-il de pratiquer et à quel rythme ou dans quel environnement (pratique isolée ou dans un club avec potentiellement des entrainements et des compétitions).
La seconde étape est de réaliser un « état des lieux » de la pathologie cardiaque. Outre l’examen clinique, celui-ci peut comprendre :
- un ECG pour connaitre le rythme du patient, rechercher des troubles de conduction (bloc de branche gauche complet par exemple), présence d’extrasystoles….
- une échocardiographie pour l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche et droite, l’évaluation des pressions pulmonaires, des valvulopathies ou de leur traitement, de la correction des cardiopathies congénitales, des dimensions aortiques ;
- un ECG Holter si la recherche des troubles du rythme ou de conduction à une importance ;
- une épreuve d’effort avec éventuellement une mesure de la consommation en oxygène. Celle-ci va apporter des informations sur la capacité physique du patient, sa tolérance à l’effort, la présence d’ischémie myocardique à l’effort ou de troubles du rythme apparaissant lors de l’effort.
Le risque lié à l’hypertension ne dépend pas seulement des chiffres tensionnels mais aussi des facteurs de risques cardiovasculaires associés et des répercussions sur les organes cibles. Plus le nombre de facteurs de risque associés augmente, plus le risque cardiovasculaire augmente, surtout si le diabète fait partie de ces facteurs de risque. Chez le patient sportif hypertendu comme chez tous patients, l’hypertension doit être traitée selon les recommandations internationales. Pour les patients faisant partie d’un club sportif ou prenant part à des compétitions (mêmes locales), certains médicaments peuvent être considérés comme produits dopant car susceptibles d’améliorer les performances sportives c’est le cas des béta-bloquants.
Lorsque la tension artérielle est bien contrôlée et qu’il n’existe pas d’autres facteurs de risque, les patients peuvent pratiquer tous les sports. Par contre, plus le profil de risque augmente (nombre de facteurs de risques), plus les sports intenses classe III, C vont être déconseillés et les sports de faible intensité seront proposés (I A B).
La cardiopathie ischémique rend compte de la plupart des morts subites durant le sport chez les patients de plus de 35 ans. C’est pourquoi des signes d’ischémie myocardique doivent être recherchés chez tous les patients avec une cardiopathie ischémique connue (notion, d’angor, sténoses coronaires, antécédents d’angioplastie, de pontages coronaires…) tant à l’anamnèse (douleur ou gène précordiale, dyspnée d’effort..) que par une épreuve d’effort avec ou sans scintigraphie.
Sur base des résultats, le risqué liée au sport peut être évalué comme :
Faible probabilité d’événement cardiovasculaire si
- Fraction d’éjection du ventricule gauche > 50%
- Capacité d’effort normale en fonction de l’âge et du sexe
- Absence d’ischémie induite lors de l’épreuve d’effort.
- Absence d ‘arythmie ventriculaire fréquente ou tachycardie lors de l’effort.
- Absence de lésions coronaire significatives (c’est-à-dire de sténose > 70 % sur les artères coronaires et > 50% sur le tronc commun)
Forte probabilité d’événement cardiovasculaire si un ou plusieurs des critères suivants sont présents
- Fraction d’éjection du ventricule gauche < 50%
- Ischémie induite lors de l’épreuve d’effort ou dyspnée anormale (équivalent angineux) lors de l’effort
- Arythmie ventriculaire fréquente ou tachycardie ventriculaire au repos ou à l’effort.
- Sténoses coronaires > 70 % sur les artères coronaires principales ou >50% sur le tronc commun, non revascularisées.
Après revascularisation chirurgicale ou angioplastie la reprise du sport est autorisée en l’absence d’ischémie résiduelle. L’ischémie silencieuse augmente le risque de mort subite durant le sport c’est pourquoi elle doit être recherchée chez les patients avec des facteurs de risques cardiovasculaires. Les recommandations sont reprises dans le tableau 2.
Qu’il s’agisse de fibrillation paroxystique ou permanente la première condition est de s’assurer de l’absence de cardiopathie ou valvulopathie jacente ou de syndrome de Wolf Parkinson White (préexcitation). Chez le patient de retour en rythme sinusal, toutes les activités sportives sont autorisées. Pour les patients en fibrillation auriculaire permanente, la participation à des activités sportives est conditionnée par la fonction ventriculaire et la fréquence cardiaque lors d’un effort. Ne pas oublier que la prise d’anticoagulant majore le risque lié aux chutes ou aux collisions dans certains sports.
La découverte d’extrasystoles ventriculaires est fréquente. Celle-ci ne contre indique pas la pratique sportive à condition qu’il n’y ait pas de cardiopathie sous-jacente : cardiopathie rythmique, ischémique, hypertrophique…..ou d’histoire de mort subite dans la famille. En fonction de l’anamnèse et des facteurs de risque un bilan plus ou moins extensif devra être réalisé avant d ‘autoriser la pratique du sport.
La pratique sportive des patients avec un pace maker est surtout conditionnée par la pathologie sous-jacente. En l’absence de pathologie sous-jacente et sous couvert d’une bonne adaptation de la fréquence cardiaque à l’effort, la pratique sportive est autorisée. Il faut toutefois faire attention à certains mouvements qui pourraient créer une tension sur les sondes (par exemple la nage papillon) ou au risque de choc sur le boitier.
Pour les patients porteurs d’un défibrillateur, seulement des activités d’intensité faible à modérée sont recommandées. Selon, un rapport de « Heart Rythm Society » à Boston en 2012, les cas de décès durant le sport chez les porteurs de défibrillateurs sont rares. Par contre, le nombre de chocs inappropriés est plus important, ce qui pose le problème des situations potentiellement à risque lors d’un choc (par exemple si le patient en train de nager perd brièvement connaissance lors d’un choc inapproprié). Se pose également le problème du risque de choc lors de la pratique sportive sur le boitier.
Pour les sténoses mitrales, insuffisances mitrales, insuffisances aortiques, lorsque les lésions valvulaires sont discrètes à modérées et qu’il n’existe pas de répercussion ni sur le rythme cardiaque ni sur la fonction ventriculaire, la pratique de tous les sports est autorisée sans restrictions. Lorsque les lésions deviennent modérées ou qu’apparaissent des répercussions, le niveau d’intensité du sport doit être diminué et des sports plus statiques seront proposés (I A B, II A B). Une sténose aortique modérée restreint la pratique sportive aux activités peu intense : I A.
Rappelons que toutes les valvulopathies, quand elles deviennent sévères, sont des indications opératoires.
La présence d’une prothèse valvulaire autorise la pratique de sport d’intensité modérée : I A B, II A B en faisant toutefois attention au risque de chute et de coups en cas d’anticoagulation pour une valve mécanique.
La cardiopathie hypertrophique est la première cause de mortalité chez les jeunes athlètes aux Etats-Unis. Sa présence contre indique la participation à tous les sports de compétitions. Seuls les sports de loisirs d’intensité faible sont proposés. Il faut toutefois s’assurer que le patient a un profil de faible risque : absence de mort subite dans la famille, bonne adaptation tensionnelle à l’effort, absence d ‘arythmies soutenues…
Plusieurs paramètres doivent être pris en compte : la malformation initiale, le type de corrections, les lésions résiduelle, la fonction ventriculaire droite et gauche, la capacité fonctionnelle du patient, la présence ou non d’hypertension pulmonaire, de désaturation au repos ou à l’effort. Les patients avec une fermeture de communication interauriculaire ou interventriculaire dans l’enfance sans lésion résiduelle, n’ont aucune restriction à la pratique sportive même de compétition. Par contre, les patients avec une tétralogie de Fallot et une mauvaise fonction ventriculaire droite ou une complexe QRS large ont un risque plus important de développer des arythmies : les sports intenses sont dès lors déconseillés.
La pratique de sport de compétition n’est pas recommandée chez les patients avec un syndrome de Marfan d’autant plus qu’il existe une dilatation de la racine aortique ou une histoire familiale de dissection aortique ou de mort subite. Seul le sport à titre de loisirs est autorisé et même parfois encouragé d’un point de vue ostéoarticulaire. Les sports de faible intensité (IA, IIA) ou avec une pratique peu intense (natation) sont à privilégier. Les sports très intenses, surtout statique, sont déconseillés en raison du risque de majoration du stress au niveau de la paroi aortique ce qui favoriserait sa dilatation.
La pratique sportive doit bien évidemment être encouragée chez les patients porteurs d’une pathologie cardiaque et ses bénéfices ne sont plus à démontrer. Toutefois, celle-ci doit être encadrée. Il n’existe malheureusement pas de recommandations internationales concernant la pratique des sports de loisirs. Une anamnèse soignée, un examen clinique et un «état des lieux » et le choix d’un sport adapté sont nécessaire pour minimiser les risques encourus par les patients lors de la pratique sportive. Une règle générale pourrait être, que la pratique sportive ne doit jamais mettre le patient dans des situations qui pourraient constituer un danger ou avoir un risque potentiel pour lui. Les activités douces ou progressives (c’est-à-dire que le patient peut pratiquer à son rythme comme la marche, le vélo…) seront souvent privilégiées surtout si le patient n’est pas sportif.
Pelliccia A, Fagard R, Bjornstad HH, Anastassakis A, Arbustini E, Assanelli D et al. Recommendations for competitive sports participation in athletes with cardiovascular disease: a consensus document from the Study Group of Sports Cardiology of the Working Group of Cardiac Rehabilitation and Exercise Physiology and the Working Group of Myocardial and Pericardial Diseases of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2005; 26:1422–1445.
Pr. Agnès Pasquet
Université catholique de Louvain - IREC
Cliniques universitaires Saint-Luc
Département de Pathologie Cardiovasculaire
Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles
agnes.pasquet@uclouvain.be