L’hypertension artérielle est un problème de santé publique majeur. On estime actuellement qu’un billion personne présentent une tension artérielle trop élevée. Avec le vieillissement de la population et sa sédentarisation de plus en plus importante, ce chiffre devrait atteindre 1,5 billion en 2025 dans le monde. L’hypertension serait directement ou indirectement responsable de plus de 10 millions de décès dans le monde en 2015.
Cette année 2018 a vu la publication des nouvelles recommandations jointes de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) et de la Société Européenne d’Hypertension (ESH) sur la prise en charge de l’hypertension artérielle. Celles-ci remplacent les recommandations précédentes publiées en 2007 et revues en 2013. Cet article va présenter sous forme de questions pratiques ce qu’il faut retenir de ces nouvelles recommandations.
Quelle est la définition de l’hypertension artérielle ?
On parle d’hypertension lorsque la tension artérielle mesurée au cabinet du médecin est ≥ 140 mmHg pour la tension systolique et/ou ≥ 90 mmHg pour la tension artérielle diastolique. Ces mesures sont l’équivalent d‘une tension artérielle moyenne ≥ 130/80 mmHg sur un monitoring ambulatoire de la tension artérielle (MAPA), ou d’une tension artérielle moyenne ≥ 135/85 mmHg sur les mesures faites au domicile (HBPM).
Comment dépister l’hypertension artérielle et quand poser le diagnostic ?
L’hypertension est en général asymptomatique. Vu sa haute prévalence dans la population, il est indispensable de la rechercher surtout si les patients présentent d’autres facteurs de risque cardiovasculaires ou ont eu des problèmes cardiaques ou vasculaires. La tension artérielle devrait être mesurée au moins une fois tous les 5 ans chez tous les adultes.
Une fois le diagnostic suspecté, il devra être confirmé par plusieurs prises de mesures au cabinet lors de consultations différentes. Théoriquement, la mesure de la tension artérielle devait être faite dans les « règles de l’art » (patient assis depuis au moins 5 min dans un endroit calme, prise de mesures répétées à intervalle…) mais en pratique nous ne le faisons que très rarement. C’est pourquoi, il ne faut pas se baser sur une seule prise de tension au cabinet pour poser le diagnostic mais bien sur des mesurées répétées à des moments différents c’est-à- dire lors de visites différentes. Une alternative est de se baser sur les valeurs obtenues par la MAPA ou sur des mesures répétées faites à domicile par le patient (HBPM), en s’assurant toutefois du bon emploi et fonctionnement de l’appareil utilisé
Évaluer le risque cardiovasculaire global et les répercussions de l'hypertension: est-ce important ?
L’hypertension va souvent de pair avec d’autres facteurs de risques cardiovasculaires comme les dyslipidémies, le diabète, l’obésité…ce que l’on regroupe parfois sous le terme syndrome métabolique. Ceux-ci doivent être systématiquement dépistés chez le patient hypertendu même s’il est déjà connu pour une maladie cardiovasculaire. Les tables SCORE peuvent aider à estimer le risque cardiovasculaire global en prévention primaire. Enfin, il faut rechercher une atteinte des organes cibles : une hypertrophie ventriculaire gauche, une atteinte rénale ou ophtalmologique en réalisant un examen du fond d’œil.
Quand penser à une hypertension secondaire ?
La toute grande majorité des hypertensions sont dites « primitives » c’est-à-dire sans cause identifiable. Toutefois, chez des patients jeunes (< 40 ans) ou avec une hypertension sévère ou difficile à traiter ou une hypertension qui s’aggrave de façon brutale ce diagnostic doit être évoqué. Les causes principales sont le syndrome des apnées du sommeil, une maladie rénale, un hyperaldostéronisme, une hyperthyroïdie…
Y a-t-il un intérêt à modifier le mode de vie ?
Le traitement de l’hypertension ne repose pas uniquement sur le traitement médicamenteux. Des changements des habitudes de vie : réduction de la consommation de sel, alimentation saine, pratique régulière d’une activité physique, contrôle du poids, arrêt du tabagisme ont des effets favorables sur le contrôle de la tension artérielle mais aussi des facteurs de risque cardiovasculaires.
Quand proposer un traitement de l’hypertension ?
Les patients avec une hypertension de grade 1 (tension artérielle entre 140-159/90/99mmHg) (tableau 1, figure 1) doivent être traités si leur tension artérielle n’est pas normalisée après les mesures hygiéno-diététiques. Dans les autres cas (grade 2 et supérieur), le traitement doit être initié en même temps que les mesures hygiéno-diététiques. Ceci est valable pour tous les patients de moins de 80 ans.
Et chez les patients très âgés ?
Même chez les patients de plus de 80 ans, le traitement de l‘hypertension réduit la mortalité par accident vasculaire cérébral et insuffisance cardiaque. C’est pourquoi un traitement ne doit pas être retiré ou non prescrit simplement sur base de l’âge. Un traitement est recommandé chez les patients de plus de 80 ans si leur tension artérielle systolique est > 160 mmHg. Il faut toutefois tenir compte de la fragilité des patients et de leur tolérance au traitement.
Jusqu’à quel niveau faut-il baisser la tension systolique ?
Ceci pose la question de la balance risque/bénéfice en baissant trop la tension artérielle. Une tension artérielle <140 mmHg semble être une cible adéquate pour de nombreux patients (même les personnes âgées) et apporter un bénéfice suffisant. Cette cible peut cependant être abaissée à 130 mmHg pour la plupart des patients qui le tolèrent. La tension artérielle ne doit pas être abaissée en dessous de 120 mmHg car la balance risque/bénéfice devient défavorable.
Et chez les patients plus âgés ?
La tension artérielle cible chez les patients âgés > 65 ans est 130-139 mmHg. Ce chiffre n’est cependant pas absolu et doit être modulé en fonction de la tolérance clinique et de la fragilité des patients (pour les plus âgés). De toute façon, toute réduction bien tolérée de la tension artérielle dans cette tranche d’âge s’accompagne d’un bénéfice.
Quels seuils chez les patients diabétiques ou en insuffisance rénale ?
Pour les patients diabétiques, la tension artérielle systolique doit être inférieure à 140 mmHg ou si possible < 130 mmHg. Ceci permet de réduire le risque d’accident vasculaire cérébral. La tension artérielle ne doit pas être < 120 mmHg. Pour les patients en insuffisance rénale, la tension artérielle systolique cible est comprise entre 130-139 mmHg
Jusqu’où faut-il diminuer la tension artérielle diastolique ?
La valeur optimale de la tension artérielle diastolique est moins bien définie. En général, le chiffre de 80 mmHg est retenu comme cible pour la tension diastolique.
Comment débuter le traitement ?
Pour la grande majorité des patients une bithérapie sera proposée d’emblée, ceci permet une meilleure synergie de traitement et est en général bien toléré par les patients. Les résultats étant meilleurs, les patients sont ainsi encouragés à poursuive leur traitement vu les résultats favorables sur leur hypertension. Une monothérapie ne sera utilisée que chez les patients avec une hypertension « borderline » ou chez les personnes âgées ou très âgées chez qui la baisse tensionnelle doit être modérée et lente.
Une pilule « combinée » pour traiter l’hypertension ?
Un problème majeur du traitement de l’hypertension est la non-compliance au traitement qui rend certainement compte d’une grande partie des échecs thérapeutiques. Or, la plupart des patients nécessitent une bi- voire une trithérapie pour contrôler leur tension artérielle. Il existe une relation entre le nombre de pilules prescrites et la non compliance au traitement. La prise d’une pilule “combinée” (association fixe de 2 molécules anti hypertensive au sein d’un seul comprimé) permet d’améliorer la compliance au traitement. C’est pourquoi c’est actuellement la stratégie de traitement recommandée pour initier un traitement par une bithérapie. Dans de nombreux cas, ceci va permettre de contrôler la tension artérielle avec une seule pilule.
Quel algorithme de traitement ?
L’algorithme de traitement proposé ci-dessous (figure 2) s’adapte à la plupart des patients : hypertension non compliquée, diabétique, maladie vasculaire….
Conclusion
L’aspect pratique de ces nouvelles recommandations devrait favoriser la prise en charge de l’hypertension artérielle par les médecins et la compliance au traitement chez les patients.
Affiliations
Département de pathologie cardiovasculaire
service de cardiologie, Cliniques universitaires Saint-Luc
Correspondance
Pr. Agnès Pasquet
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de Cardiologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
Références
Bryan Williams, Giuseppe Mancia for the Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Society of Hypertension (ESH) 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension, European Heart Journal (2018) 00, 1–98, doi:10.1093/eurheartj/ehy339