L’Organisation Mondiale de la Santé a insufflé la réflexion sur la responsabilité sociale en santé en s‘ancrant dans celle des facultés de médecine (Boelen and Heck 1995). Des années plus tard, cette réflexion a gagné tous les instituts de formations mais également la responsabilité individuelle de chaque professionnel. Les institutions auraient un devoir de formation socialement responsable d’après l’OMS, orientée vers les besoins de la société. L’objectif serait donc d’obtenir des professionnels de santé eux-mêmes socialement responsables. Partant d’une définition institutionnelle de la responsabilité sociale, comment passe-t-on à la définition individuelle de celle-ci? Qu’est-ce qu’un professionnel de santé socialement responsable? Comment peut-on le former?
Déjà la responsabilité sociale des facultés de médecine s’ancrait sur 4 valeurs : équité, pertinence, qualité et efficience (Boelen and Heck 1995). Déclinée au niveau individuelle, la responsabilité sociale en santé fait appel à d’autres valeurs en plus telles que le respect de la diversité, l’intégrité, la responsabilité professionnelle, la justice sociale, l’éco-responsabilité et le développement durable ((Hatem et al. n.d.) soumis pour publication, (Unger et al. 2020a)).
Former un professionnel de santé socialement responsable viserait à l’intégration de ces valeurs par le professionnel. Ce défi est bien différent que celui de l’apprentissage de compétences(Unger et al. 2020a). Il fait appel à la réflexivité, au modèle de rôle, au travail en équipe. L’appropriation de la responsabilité sociale en santé (RSS) par chaque professionnel de santé nécessite une démarche personnelle et intérieure, ce qui implique un encadrement personnalisé des étudiants pour favoriser cette démarche de recherche d’identité professionnelle socialement responsable. C’est en questionnant les valeurs, que le professionnel pourra être acteur de changement(Mezirow 2003). Or être socialement responsable est un “savoir se comporter” ((de Rouffignac et al. n.d.)à paraitre) en tant que professionnel de santé dans un contexte sociétal en évolution.
Cette intégration d’une approche clinique individuelle et d’une approche collective de santé publique est essentielle, comme le met en exergue la pandémie COVID par exemple (Unger et al. 2020b). Mais celle-ci n’est ni l’apanage des médecins généralistes ni la chasse gardée des spécialistes en santé publique. Tout professionnel de santé doit ancrer sa démarche clinique dans un contexte de besoins sociétaux. Les enjeux de commercialisation des soins, d’accessibilité aux systèmes de santé, de désertification médicale, de propagation de maladies, de santé environnementale, ne sont pas uniquement du ressort de la politique mais nécessite l’engagement de chaque professionnel à différents niveaux d’actions (individuel, communautaire ou global) (Buchman et al. 2016).
Les dimensions de la RSS qui intègrent les dimensions individuelles et collectives sont reprises dans le schéma ci-dessous qui reprend l’importance de ces dimensions dans un contexte environnemental menaçant la survie de la planète.
En conclusion
- La responsabilité sociale d’un professionnel de santé implique une intégration de valeurs et une recherche identitaire.
- La formation d’un professionnel de santé socialement responsable doit accompagner de manière personnalisée cette démarche d’intégration de valeurs.
- Cette formation doit se faire au plus tôt et pour tous, et c’est un cheminement continu.
- Cette évolution dans la formation et le rôle du professionnel de santé doit s’accompagner d’une même réflexion et évolution chez les politiciens, administrateurs de la santé et la communauté.
Affiliations
Ségolène de Rouffignac (1), Dominique Pestiaux (2)
1. Médecin généraliste, enseignante au CAMG-UCL, responsable du groupe thématique formation pour le RIFRESS (www.rifress.org ) Réseau International Francophone de Responsabilité Sociale en Santé.
2. Médecin généraliste, professeur émérite au CAMG-UCL.
Références
- Boelen, Charles and Jeffery Heck. 1995. “Defining and Measuring the Social Accountability of Medical Schools.” Who/Hrh/95.7.
- Buchman, Sandy, Robert Woollard, Ryan Meili, and Ritika Goel. 2016. “Practising Social Accountability from Theory to Action.” Canadian Family Physician 62(1):15–18.
- Hatem, Marie, Aboubakary Sanou, Bernard Millette, Ségolène de Rouffignac, and Majda Sebbani. n.d. “La Responsabilité Sociale En Santé : Référents Conceptuels, Valeurs et Suggestions Pour l’apprentissage - Une Revue Méthodique et Systématique de La Littérature.”
- Mezirow, Jack. 2003. “Transformative Learning as Discourse.” Journal of Transformative Education 1(1):58–63.
- de Rouffignac, Ségolène, Thérèse Leroy, Michel De Jonghe, and Jean-François Denef. 2022. “Un Concours de Médecine Générale Socialement Responsable? Etude Exploratoire d’acceptabilité Par Les Étudiants et Les Évaluateurs.” Louvain Médical 2022; mars(141):180–88.
- Unger, Jean Pierre, Ingrid Morales, Pierre De Paepe, and Michel Roland. 2020a. “In Defence of a Single Body of Clinical and Public Health, Medical Ethics.” BMC Health Services Research 20(Suppl 2):1–10.
- Unger, Jean Pierre, Ingrid Morales, Pierre De Paepe, and Michel Roland. 2020b. “Integrating Clinical and Public Health Knowledge in Support of Joint Medical Practice.” BMC Health Services Research 20(Suppl 2):1–12.