PÉRITROCHANTÉRITE DE HANCHE
« Docteur, j’ai mal à la hanche ». Ces mots, fréquemment entendus en consultation, doivent nous mettre la puce à l’oreille, surtout lorsqu’il s’agit d’une dame âgée de 40-60 ans. Les douleurs sont d’allure mécanique : s’aggravant à la marche, à la montée des escaliers et lors de la station debout prolongée. Néanmoins, elles ont la particularité d’être souvent présentes la nuit, notamment lorsque le patient dort en décubitus latéral, du côté algique. L’épicentre des douleurs se situe en regard de la région péritrochantérienne, mais les patients décrivent parfois des irradiations jusqu’au genou, dites en « couture de pantalon », ce qui vaut à l’affection le nom de « fausse sciatique ».
L’examen clinique orthopédique de la hanche est strictement normal. Dans certains cas, les patients présentent des douleurs lors des rotations extrêmes, en regard de la région péritrochanterienne. En effet, le signe pathognomonique est la douleur exquise réveillée lors de la palpation du grand trochanter. L’étirement du muscle moyen fessier (lors de la flexion-adduction de la hanche) est souvent douloureux, de même que la palpation de la musculature fessière. Il a été décrit une association entre péritrochantérite et syndrome facettaire lombaire bas (charnière lombo-sacrée), parfois attribuée à un syndrome de Meigne, se caractérisant par des lombalgies basses.
L’examen paraclinique est peu contributif et le diagnostic reste avant tout clinique. En cas de doute sur une éventuelle coxarthrose, de présentation clinique atypique ou de mauvaise réponse au traitement, une radiographie simple, centrée sur la hanche et le bassin, peut s’avérer utile. Cette dernière permettra de visualiser des signes d'arthrose ou de calcifications éventuelles du tendon du muscle moyen fessier. Une échographie de la structure musculo-tendineuse s’insérant sur le grand tronchanter (muscle tenseur du fascia lata, muscle piriforme, muscles petit et moyen fessiers, muscles jumeaux et obturateur interne) permettra de confirmer une éventuelle tendinopathie, lorsque la clinique fait défaut. Des examens tels que la résonance magnétique nucléaire (à la recherche de pathologies rhumatismales inflammatoires ou de fissures musculo-tendineuses non visualisées à l’échographie) et le CT-scan (pour la visualisation de la structure osseuse en plus grand détail), sont à réserver aux cas les plus atypiques.
La compréhension de l’étiopathogénie de la péritrochantérite a évolué dans le temps. La bursite trochantérienne a originairement été mise en cause, mais celle-ci n’est présente que dans un certain nombre de cas. À l’avant plan est la tendinose du muscle moyen fessier, mais celle-ci peut concerner tous les tendons s’insérant sur le grand trochanter. Il s’agit d’un phénomène de dégénérescence tendineuse, avec une désorganisation de la structure et de l’agencement des fibres de collagène, responsable d’une structure tendineuse fragile et désorganisée. Il s’agit donc d’une affection le plus souvent chronique du tendon, avec des remaniements de la structure de celui-ci, d’où parfois le caractère récidivant et difficile à traiter de cette affection. En effet, la terminologie anglo-saxonne pour désigner la péritrochantérite est : « syndrome douloureux du grand trochanter » (greater trochanteric pain syndrome).
Le traitement consiste, en première intention, en de la kinésithérapie. La base de cette prise en charge thérapeutique est constituée d’étirements des muscles abducteurs et rotateurs externes de la hanche et de renforcement excentrique de ceux-ci. Ce dernier est l’élément indispensable du traitement de toute tendinopathie subaigüe ou chronique (souvent réunies sous le terme de « tendinites »). Une autre technique de kinésithérapie assez répandue est l’application d’ondes de choc radiales (shock wave therapy). Cette technique applique des ondes de choc au tendon siège de tendinose, dans l’objectif de créer des microlésions permettant ainsi au tendon une meilleure cicatrisation.
Des infiltrations de corticoïdes peuvent être proposés en cas d’échec de la prise en charge de kinésithérapie. Longtemps, ces infiltrations ont été réalisées d’emblée, notamment sous guidance échographique pour viser la bourse séreuse péritrochantérienne. Des études comparatives sur des techniques « à l’aveugle » et sous guidance échographique, ne montrent pas de supériorité de ces dernières. Il est important de garder à l’esprit les effets secondaires multiples des injections de corticoïdes, non seulement au niveau systémique (patients diabétiques, …) mais également au niveau locorégional. Dans le décours d’infiltrations répétées, il peut être observé un affaiblissement de la structure tendineuse même, la rendant plus fragile au long cours de même que plus susceptible d’être le siège de récidives. Des revues de la littérature récentes suggèrent que les infiltrations de corticoïdes présentent une supériorité sur la réduction des douleurs à court terme (jusqu’à 3 mois), mais sont moins efficaces que la kinésithérapie et les ondes de choc radiales sur le long terme (1 an – 1.5 ans).
En cas de péritrochantérite hyperalgique, des antalgiques de palier I peuvent être proposés, de même qu’une cryothérapie locale. Une modification des habitudes de sommeil (éviter la position de décubitus latéral) et éventuellement un changement de matelas peuvent être nécessaires.
HANCHES À RESSAUT (« SNAPPING HIPS »)
Nettement moins fréquentes que la précédente, mais aussi l’apanage des femmes, les hanches à ressaut, ou snapping hips pour les anglo-saxons, se divisent en ressauts externes et antérieurs. Il s’agit d’une affection bénigne qui concerne le plus souvent des femmes jeunes (entre 20 et 30 ans). En cause, un défaut de glissement d’un élément musculo-tendineux sur un élément osseux, provoquant un « cloc » audible par le patient.
RESSAUT EXTERNE
Il correspond au passage du fascia lata, ou bandelette ilio-tibiale, sur le relief osseux du grand trochanter. Ce ressaut est toujours audible ou palpable lorsque le sujet est mince. Il survient lors de mouvements de flexion, adduction et rotation interne de la hanche, en décubitus controlatéral. Il peut également apparaître en position debout, dite hanchée. Ce ressaut est quasi toujours indolore.
RESSAUTS ANTÉRIEURS
Ces ressauts concernent les muscles psoas ou, plus rarement, droit antérieur. Le ressaut se produit lors du passage sous tension du muscle psoas sur l’éminence ilio-pectinée ou sur le petit trochanter. Il survient lors du passage de la position en flexion-abduction-rotation externe de hanche à l’extension complète de celle-ci, en décubitus dorsal. Cela peut également survenir lors de mouvements de rotations de hanche en flexion-abduction de celle-ci. Ce ressaut est toujours plus profond et n’est pas toujours audible par autrui. Il reste également la plupart du temps indolore.
L’examen clinique met en évidence des mobilités de hanche normales et indolores et ne réveille pas de douleur à la palpation. Souvent le patient est capable de le reproduire. Les examens paracliniques ne sont pas nécessaires, sauf en cas de doute sur le diagnostic.
Le traitement consiste principalement à rassurer le patient et à lui expliquer la physiopathologie de cette affection. Il est opportun d’expliquer qu’il ne s’agit nullement d’une luxation récidivante, que ce ressaut n’affecte en rien l’articulation et que la pratique du sport n’est pas contrindiquée. Dans des cas plus récalcitrants, ou lorsqu’il existe une gêne douloureuse, une prise en charge en kinésithérapie, avec des étirements adaptés des muscles concernés peut être proposée.
CORRESPONDANCE
Dr. Clara. Selves
Cliniques universitaires St-Luc, UCL
Service de Médecine Physique
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
RÉFÉRENCES
- Barratt PA, Brookes N, Newson A. Conservative treatments for greater trochanteric pain syndrome: a systematic review. Br J Sports Med. 2017;51(2):97-104. Ouvrir dans PubMed
- Henning PT. The running athlete: stress fractures, osteitis pubis, and snapping hips. Sports Health. 2014;6(2):122-7. Ouvrir dans PubMed
- Danowski R-G, Chanussot J-C. Traumatologie du sport. Elsevier Masson; 2005.