La première indication des NACOs est sans conteste la fibrillation auriculaire. Ceci n’est pas surprenant si l’on tient compte de la prévalence de cette affection, des évidences scientifiques démontrant les bénéfices d’une anticoagulation orale pour la majorité des patients en FA et des atouts des NACOs tant en termes de facilité d’utilisation, d’efficacité ainsi que de sécurité par rapport aux AVKs.
Il est évident que l’existence de facteurs bien établis de risque de thrombose artérielle liée à la FA qu’intègre le score CHADS facilite l’identification rigoureuse des patients candidats à une anticoagulation orale prolongée. On peut se féliciter que les NACOs sont désormais remboursés au long cours pour ces patients en FA moyennant une demande de renouvellement dûment introduite et annuellement renouvelée, une démarche pas trop contraignante si l’on tient compte de l’impact bénéfique majeur pour les patients et la facilité d’utilisation des NACOs par rapport aux AVKs.
Tel n’est toutefois pas le cas des patients avec antécédents thrombo-emboliques veineux. Pour ces derniers, le remboursement d’un traitement par NACO n’est accordé que pour une période maximale d’un an. Cette période est bien suffisante pour les patients qui développent une TVP ou une EP circonstantielle, liées à un facteur de risque transitoire et réversible. Ces circonstances sont nombreuses et fréquentes (période post-opératoire ou traumatique, traitement hormonal, grossesse, post-partum, etc.). Pour ces patients, le risque de récidive est généralement faible et l’indication d’une anticoagulation prolongée exceptionnellement retenue. Un traitement de quelques mois est généralement requis pour obtenir la résolution du thrombus veineux ou de l’embole pulmonaire.
Cependant, pour certains patients avec antécédents thrombotiques veineux, l’indication d’une anticoagulation prolongée semble indiscutable, une réalité qui semble avoir échappé au législateur. Parmi les raisons d’une anticoagulation prolongée au-delà de 1 an et parfois indéfinie, citons la survenue d’un accident thrombotique majeur, de localisation critique, de survenue idiopathique, ou associé à une thrombophilie sévère. Il s’agit de circonstances parfois difficiles à évaluer, ce qui nécessite une réelle expertise et un examen approfondi de chaque cas. Quoi qu’il en soit, ces patients existent. Ils ont tout intérêt à bénéficier d’une anticoagulation prolongée dont les bénéfices antithrombotiques sont supérieurs aux risques hémorragiques.
Pour ces patients à risque élevé de récidive d’accident thrombotique veineux, les NACOs ne sont actuellement pas remboursés au-delà d’une période d’un an, une situation qui contraste avec celle des pays voisins. Pourquoi priver ces patients qui ont révélé un potentiel thrombogène sévère d’une anticoagulation par NACO moins contraignante et plus efficace que les AVKs? Pourquoi un patient ayant développé une embolie pulmonaire massive idiopathique n’aurait droit qu’à un an de traitement par NACO alors qu’un patient de 76 ans en FA peut prétendre sans restriction de durée à une anticoagulation par ce même type d’agent antithrombotique ? Faudrait-il imposer à ces patients après un an de traitement par NACO une anticoagulation prolongée par AVK ?
Pourquoi cette discrimination? Certes la maladie thrombo-embolique veineuse est moins médiatisée et semble susciter moins d’intérêt. Sa sévérité est souvent sous-estimée. Elle constitue toutefois un réel enjeu de santé publique. On estime qu’en Europe 500.000 personnes décèdent annuellement d’une EP. Outre le décès, le développement d’un syndrome post-thrombotique (insuffisance veineuse, ulcères variqueux) dans le décours d’une thrombose constitue un énorme fardeau de santé publique.
Il est urgent de revoir en profondeur les critères de remboursement des NACOs et de reconnaître qu’un certain effectif de patients avec antécédents thrombotiques veineux est éligible pour une anticoagulation prolongée par NACO au-delà d’une période arbitraire d’un an. Un patient à risque de thrombose veineuse n’a pas moins de droit thérapeutique qu’un patient à risque de thrombose artérielle. Il est temps que le corps médical et les patients se mobilisent pour corriger cette discrimination.