UTILISATION DE LA VOIE INTRANASALE EN MÉDECINE D’URGENCE

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J.-M. Jacques Publié dans la revue de : Avril 2016 Rubrique(s) : Urgences
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Résumé de l'article :

L’utilisation de la voie intranasale (IN) pour l’administration des médicaments n’est pas neuve mais encore peu utilisée dans notre pays. La voie IN s’avère un moyen d’accès confortable, aisé et rapide pour l’administration de médicaments, même en situation d’urgence et plus particulièrement pour les patients pédiatriques, avec une efficacité souvent comparable à la voie intraveineuse. La voie IN devient une nouvelle option pour l’urgentiste, pour réaliser une analgésie par opiacés, obtenir une sédation avant procédure par du midazolam ou permettre l’arrêt d’une crise comitiale par une benzodiazépine ou encore antagoniser un surdosage en morphine par la naloxone.

Que savons-nous à ce propos ?

Certaines situations en médecine d’urgence nécessitent un accès rapide au compartiment sanguin mais ceci n’est pas toujours aisé, surtout chez les jeunes enfants. La méthode idéale devrait être simple, sûre, non invasive et rapidement efficace, surtout si elle peut être généralisée et sans douleurs.

Que nous apporte cet article ?

La voie intranasale est une bonne alternative à la voie intraveineuse dans un grand nombre de situations rencontrées en médecine d’urgence. Son utilisation peut représenter un intérêt net aussi bien pour les patients que pour les soignants.

Mots-clés

Administration intranasale, absorption systémique, cavité nasale, midazolam, sufentanil, ketamine, LMA MAD nasal

Article complet :

Introduction

L’utilisation de la voie intranasale (IN) pour l’administration des médicaments n’est pas neuve : elle est utilisée pour des effets locaux au niveau de la muqueuse nasale (décongestionnants par ex), mais également pour une action systémique (vaccination, desmopressine, calcitonine, sumatriptan, …). Depuis une dizaine d’années, plusieurs articles appellent à son utilisation en routine pour l’analgésie et la sédation. Une étude de McDermott & Collins en 2012 conclut que la voie IN est significativement plus rapide, mieux acceptée et ressentie comme plus sûre que la voie IV (1). Pourtant, en pratique, son utilisation dans notre pays est encore fort limitée, sans doute principalement par un manque de connaissance (le dispositif adéquat à l’administration IN est disponible depuis peu) et une difficulté bien connue à changer les habitudes (2).

La voie IN s’avère un moyen d’accès confortable, aisé et rapide pour l’administration de médicaments, même en situation d’urgence et plus particulièrement pour les patients pédiatriques. L’obtention rapide de taux sanguins efficaces des principes actifs n’est jamais aisée : la voie d’administration classique en urgence reste la voie intraveineuse (IV) qui n’est pas toujours d’accès facile et provoque douleur et angoisse. Les voies intramusculaire (IM) et intra-osseuse (IO) peuvent être utilisées dans certaines situations spécifiques mais sont également source de douleurs et, comme la voie IV, sont réservées aux professionnels. La voie orale est la plus aisée mais elle nécessite la collaboration du patient (impossible si inconscient ou refus d’avaler) et l’action du médicament n’apparaît qu’après un temps de latence correspondant au temps d’absorption. Parfois la voie rectale est utilisée, aussi par des non professionnels, mais elle s’avère mal tolérée socialement, surtout pour les grands enfants. De plus, par la voie IR, l’absorption est parfois erratique et la biodisponibilité s’avère fort variable, de 50 à 100%, d’un individu à l’autre (3).

La voie IN offre la possibilité d’administrer un médicament de façon rapide, indolore et non-invasive, surtout pour une action au niveau du système nerveux central, et avec une efficacité souvent comparable à la voie IV. Les indications en médecine d’urgence sont de plus en plus nombreuses : crises d’épilepsie, sédation, intoxication aiguë aux morphiniques, épistaxis, …

Cet article va décrire les particularités pharmacocinétiques et les indications potentielles de la voie intranasale en pratique courante de la médecine d’urgence, principalement pédiatrique. La littérature abonde d’articles sur l’utilisation par voie IN d’opiacés, de benzodiazépines ou de naloxone, et même plus récemment d’autres molécules comme la ketamine et la dexmedetomidine.

Pharmacologie et administration

L’administration de médicaments par la voie nasale utilise la très importante surface des capillaires situés à la surface de la muqueuse nasale, principalement au niveau du cornet inférieur. Chaque cellule épithéliale dispose à son sommet d’environ 300 microvillosités, ce qui représente une surface estimée à 120-150 cm2, avec des capillaires qui permettent de façon spécifique le transport rapide de liquides au travers des membranes capillaires.

La médication idéale pour la voie IN est lipophile, de faible poids moléculaire et proche du pH physiologique : elle peut ainsi traverser très rapidement les cellules épithéliales et rejoindre la circulation systémique.

Grâce à cette absorption directe dans la circulation systémique, la voie IN, à la différence de la voie orale, permet de court-circuiter le passage hépatique et ainsi d’éviter un filtrage et une première métabolisation, ce qui accroît la quantité du médicament directement efficace. De plus, vu la très grande proximité entre la muqueuse nasale et le système nerveux central (SNC), le médicament administré par voie IN a l’opportunité d’atteindre aisément son organe cible, le plus souvent le cerveau. En effet, lorsqu’une substance atteint la muqueuse olfactive, petite surface de 1 à 5 cm2 située à la partie supérieure de la cavité nasale (Figure 1), elle est absorbée immédiatement et diffuse au niveau du cerveau et parvient rapidement dans le LCR. Cette voie privilégiée permet une action rapide au niveau cérébral en évitant le barrage de la barrière hémato-encéphalique. Par ces mécanismes, si la biodisponibilité est moindre par la voie IN que IV, cette absorption directe dans le SNC permet une action rapide et d’efficacité identique. Cependant, vu une absorption moins complète par voie IN, les doses nécessaires seront majorées par rapport aux doses recommandées pour la voie IV.

 

 

 

La technique d’administration IN est très importante. L’utilisation de gouttes est peu efficace car elle ne permet pas une bonne diffusion à toute la muqueuse nasale ; une quantité importante coule dans la gorge ou hors du nez et la quantité réellement absorbée est difficilement quantifiable. L’utilisation d’un dispositif spécifique qui crée une atomisation du médicament a permis de généraliser l’utilisation de la voie IN. Les particules atomisées couvrent davantage la surface nasale et sont mieux distribuées, ce qui favorise la biodisponibilité. Ce type d’administration est nettement mieux supporté par les jeunes patients. Pour permettre cette atomisation, un petit appareil adapté est commercialisé : il s’agit d’un dispositif de pulvérisation muqueux intranasal (LMA MAD intranasal®) en latex attaché directement à une seringue par un dispositif luer-lock (Figure 2); après une administration rapide, des particules de 30 à 100 microns sont projetées. Via ce système, un volume supplémentaire de 0,1 ml doit être ajouté pour compenser l’espace mort.

Par ce dispositif, il convient également de privilégier des fortes concentrations de la médication dans un volume minimal. L’apport d’un volume de 0,2 à 0,3 ml par narine est idéal, mais si l’âge du patient nécessite une dose plus importante, il est possible d’utiliser des volumes jusque 1 ml. Diviser le volume total nécessaire en deux, pour chaque narine, permet d’optimaliser l’absorption et de réduire la saturation de la muqueuse nasale. La mise à disposition de ce dispositif efficace et peu onéreux a permis une utilisation plus large de la voie IN durant les dernières années.

 

 

 

Les tableaux 1 et 2 résument les avantages et inconvénients de la voie IN et le tableau 3 reprend les conseils essentiels pour une utilisation optimale de la voie IN. Le tableau 2 signale également les situations où l’utilisation de la voie IN n’est pas appropriée, notamment en cas de trauma nasal, de présence de sécrétions en quantité abondante, d’asthme sévère ou de mucoviscidose.

 

 

 

 

 

 

Analgésie par voie IN

La douleur est le symptôme le plus fréquent en médecine d’urgence. Pourtant sa prise en charge adéquate et rapide continue à être sous-optimale, surtout pour les enfants. Un antalgique idéal pour une douleur aigue doit avoir un court délai d’action, une efficacité suffisante et un bon profil de sécurité. La voie IN s’avère être une méthode fiable d’administration rapide d’un antalgique, sans ajouter à l’enfant le stress et la douleur de la mise en place d’une voie intraveineuse.

De nombreuses études sont disponibles concernant l’utilisation d’analgésiques administrés par voie IN. Les données concernent surtout des morphiniques puissants, tels le fentanil et sufentanil. Les indications préférentielles sont les douleurs intenses (palier III OMS avec score supérieur à 6 sur l’échelle visuelle analogique EVA) surtout chez les enfants admis en urgence (fracture des os longs, crises de drépanocytose, brûlures, …). La voie IN dans ces indications est utilisée pour un contrôle rapide et aisé des douleurs, avant radiographies, traitement définitif ou mise en place d’une voie IV dans des conditions meilleures ou plus calmes.

Borland et al. (2002), dans une étude randomisée en double aveugle versus placebo menée dans une unité d’urgence pédiatrique, montrent que le fentanil IN à la dose de 1,7 mcg/kg est supérieur à la morphine IV à 0,1 mg/kg pour l’analgésie d’enfants avec fracture d’os longs (4). Une revue systématique par Mudd en 2011 conclut que le fentanil IN est une méthode antalgique sûre et efficace pour la gestion de la douleur chez les enfants dans un grand nombre de situations (5). Gausche et al. (2014) recommandent également le fentanil IN dans leur Evidence-based Guideline for prehospital analgesia in trauma (6).

Lorsque Borland et al. ont intégré le fentanil IN dans leur protocole de prise en charge de la douleur modérée et sévère, le nombre de voies IV mises en place spécifiquement pour l’administration d’opiacés a chuté de 58%. De plus, le délai avant de recevoir un antalgique a diminué d’environ 30 minutes (5). Holdgate et al. publient des résultats similaires (réduction de 31 min) dans un service d’urgence mixte, pédiatrique et adulte (6). Les protocoles incluant le fentanil IN permettent en outre que davantage de jeunes patients reçoivent une analgésie par opiacés, alors qu’il s’agit d’un groupe habituellement sous-traité pour la douleur. La meilleure indication est lorsqu’il est nécessaire d’avoir une analgésie rapide et puissante et qu’il n’est pas encore confirmé qu’il sera nécessaire d’avoir un accès veineux ou qu’il est préférable de ne rien donner par voie orale : en pratique routinière, l’analgésie IN s’applique parfaitement avant l’obtention des radiographies chez les patients, enfants ou adultes, avec trauma orthopédique et EVA supérieur à 6.

Les données pharmacocinétiques du fentanil par voie IN montrent une biodisponibilité d’environ 75%, ce qui justifie l’administration de doses supérieures à celles qui sont utilisées par voie IV (1,5 – 2 mcg/kg). L’utilisation d’un monitorage de ces patients est identique à ce qui est recommandé pour l’administration d’opiacés par voie IV, car une dépression respiratoire peut également survenir. De façon similaire à la morphine, le fentanil IN peut être titré jusqu’à obtention de l’effet souhaité.

Une revue de la Cochrane Database de 2012 confirme l’efficacité du fentanil IN mais ne se prononce pas sur une efficacité supérieure, non inférieure ou équivalente à la morphine IV ou IM. Elle signale le peu d’études randomisées (trois), l’absence de données précises chez des enfants de moins de 3 ans ou pour des plaintes douloureuses de causes médicales (9). Une revue canadienne conclut pour sa part à une non-infériorité.

Les données de la littérature portent surtout sur le fentanil ; il faut cependant rappeler la nécessité de disposer de préparations suffisamment concentrées pour la voie IN, ce qui n’existe pas précisément dans nos pharmacies. C’est pourquoi d’autres substances peuvent être utilisées, surtout chez les plus grands enfants ou adultes, lorsqu’une dose plus importante devrait être administrée.

Le sufentanil est un opiacé plus puissant que le fentanil et existe à des concentrations élevées. Il s’agit également d’une option intéressante pour la voie IN et déjà couramment utilisée depuis plusieurs années et totalement applicable aux adultes.

Dolatabadi et al. ont réalisé une étude randomisée contrôlée chez 88 adultes avec douleurs sévères de cause orthopédique. Le sufentanil IN (0,3 mcg/kg) a apporté une sédation de la douleur équivalente à la morphine IV (0,1 mcg/kg), avec une rapidité d’action identique et des effets secondaires comparables (10).

Des articles plus récents offrent également une place à la ketamine IN. Graudins et al. (2015) dans une étude randomisée contrôlée ont comparé l’efficacité du fentanil IN (1,5 mcg/kg) et de la ketamine IN (1 mg/kg) chez des enfants (3 à 13 ans) avec EVA > 6 pour des douleurs orthopédiques (11). L’efficacité était identique avec davantage d’ES mineurs lors de l’administration de la ketamine. Yeaman et al. (2013) concluent qu’une dose moyenne de 1,0 mg/kg de ketamine procure une analgésie adéquate pendant 30 min pour la majorité des 28 patients pédiatriques avec trauma des membres (12). Dans une autre étude sur des patients adultes, les mêmes montrent une analgésie adéquate à la dose de 1 mg/kg pour 56% des 72 patients étudiés (13). La diversité des doses proposées dans la littérature traduit le besoin de déterminer avec précision les doses optimales au travers de nouvelles études. Signalons quand même la difficulté de se procurer chez nous des préparations suffisamment concentrées pour cette utilisation par voie IN.

Tout récemment aux USA a été commercialisé un dispositif d’administration IN de ketorolac (un conditionnement de 8 doses de 31,5 mg) principalement pour la gestion de la douleur post-opératoire. Par voie IN, le ketorolac a une efficacité rapide, quasi immédiate, avec une activité complète en 20-45 min et une demi-vie de 6 à 8h, totalement similaire à la voie IV. Moodie et al. ont montré que cette dose en IN dans la phase post-opératoire apporte une réduction du besoin en opiacés et cause moins de tachycardie et de fièvre (14). Le médicament est par ailleurs bien supporté pour des courtes durées. Le ketorolac sous cette forme n’est pas disponible chez nous et le produit semble également d’un prix fort élevé. Cependant son administration aisée et l’absence d’addiction à la substance peuvent en faire un outil intéressant (post-opératoire, colique néphrétique par ex).

L’administration d’antalgiques par voie IN est, à l’heure actuelle, bien documentée et déjà utilisée, principalement dans les services d’urgence ou de pédiatrie ainsi qu’en post-opératoire. D’autres champs d’application émergent maintenant : préhospitalier, self application au domicile, médecine palliative, médecine de catastrophe, médecine de guerre, …

Contrôle des crises d'épilepsie

Au domicile comme dans une structure d’urgence, une crise comitiale nécessite une administration rapide et fiable d’un antiépileptique et les benzodiazépines sont le premier choix. Une revue de la littérature en 2009 concluait déjà que le midazolam IN était d’efficacité équivalente au diazepam IV pour l’arrêt d’une crise d’épilepsie, sans la difficulté et le délai inhérent à la mise en place de l’accès veineux (15). La dose de 0,2 mg/kg de midazolam IN est utilisée dans la majorité des études.

La comparaison entre le diazepam IR et le midazolam IN est également clairement en faveur du midazolam IN, avec une durée de convulsions diminuée de 20 minutes et un besoin moins important d’une ventilation assistée au masque, ainsi que moins de récidive, moins d’intubation, moins de support en oxygène, moins de recours aux anti-épileptiques au SU et moins d’admission à l’hôpital et aux soins intensifs (16).

L’administration du midazolam IN se compare donc très favorablement au diazepam IR et la voie IN est beaucoup plus aisée et socialement acceptée et peut être facilement enseignée tant aux parents d’enfants épileptiques qu’au personnel non médical d’institutions ou de maisons de repos. En 2015 une méta-analyse de Brigo et al. confirme que le midazolam en IN ou intrabuccal est aussi efficace pour stopper une crise d’épilepsie que le diazepam IV ou rectal, mais que sa rapidité d’action ainsi que sa facilité d’administration permettent une efficacité plus rapide (17).

Le lorazepam peut également être utilisé et dans une étude comparative de cette médication par voie IN et IV, le lorazepam IN s’avère non inférieur au lorazepam IV pour stopper une crise convulsive au SU.

De nombreuses études confirment que le midazolam IN ou le lorazepam IN sont très efficaces et sûrs pour le contrôle d’une crise d’épilepsie prolongée, tant à l’hôpital qu’au domicile ou dans l’ambulance. Sa rapidité d’action, son caractère social acceptable, sa facilité d’utilisation et son efficacité couplée à l’absence d’effets secondaires majeurs suggèrent que ce traitement devrait être privilégié dans les situations d’une crise prolongée et sans accès veineux immédiatement disponible.

Signalons qu’il convient d’utiliser les préparations de midazolam à forte concentration.

Sédation pour les enfants

Dans une salle d’urgence pédiatrique, l’anxiété peut rendre la procédure la plus simple très difficile. Le midazolam est le médicament le plus utilisé pour la sédation pédiatrique, pour ses propriétés d’anxiolyse et d’amnésie ; il peut être administré per os, par voie rectale, IM, IV et IN. Lorsqu’une sédation modérée est nécessaire sans besoin d’un accès veineux, la voie IN peut être envisagée et permettre une efficacité plus importante et rapide qu’une médication orale.

Lane & Schunk ont publié une étude rétrospective d’une sédation modérée par le midazolam IN pour des procédures mineures chez des enfants entre 1 et 60 mois (18). Environ 95 % ne nécessitait pas de supplément de sédation. Klein et al. ont comparé le midazolam oral, IN et buccal pour la réalisation de sutures chez des enfants (19). Le délai d’action, le niveau de sédation et la satisfaction des parents étaient en faveur de la voie IN. Theroux et al montrent que chez des enfants en âge préscolaire nécessitant la suture d’une plaie, le midazolam IN à 0,4 mg/kg réduisait les scores de pleurs et d’agitation et le besoin de contention si comparé au sérum salé IN (20). Les parents et infirmières reconnaissent qu’il y a moins d’anxiété, d’inconfort ou de problèmes lors de l’utilisation du midazolam à 0,2 mg/kg versus placebo.

Le midazolam IN peut également être utilisé en période préopératoire avant le transfert en salle d’opération et la mise en place de la voie IV. Le midazolam oral est souvent proposé mais seulement 70 % des enfants l’acceptent aisément.

Plusieurs études ont porté sur une sédation par voie IN pour des procédures telles que la réalisation d’une résonance magnétique ou d’un scanner, de sutures, de pansements compliqués pour brûlures, d’extractions dentaires, …. Il faut signaler un effet secondaire du midazolam IN chez ces enfants conscients : durant les 30 – 45ères secondes, une brûlure et un mauvais goût sont signalés. L’apport de xylocaïne IN en spray peu avant diminue cette sensation désagréable.

D’autres substances sont proposées pour la sédation pédiatrique. La dexmedetomidine est proposée mais est peu utilisée dans notre pays ; dans une étude observationnelle elle a montré une bonne sédation et l’obtention d’images de qualité lors de sédation d’enfants avant réalisation d’un scanner. Plusieurs études randomisées sont parues durant les trois dernières années et ce médicament est probablement amené à trouver une place plus importante. La ketamine est également efficace par voie IN mais avec des doses majorées par rapport à la voie IV, car environ seulement 40-50% sont absorbés, avec des doses nécessaires supérieures à 5 mg/kg pour obtenir une sédation suffisante, au-delà de l’anxiolyse. Pour obtenir une sédation dissociative et permettre la réalisation d’un acte douloureux, des doses de 9-10 mg/kg sont nécessaires (21). L’utilisation de la méthode de titration peut permettre une sédation adéquate en 15 minutes, ce qui permet également de répondre au problème du volume à administrer, parfois important, surtout si on ne dispose pas d’une préparation avec concentration suffisante. Une association avec du midazolam est également possible pour un meilleur résultat sans dépression respiratoire.

Traitement d’une overdose aux opiacés

Il s’agit d’une autre indication importante de la voie IN, avec un potentiel d’utilisation majeur, surtout aux Etats-Unis, où l’overdose aux opiacés est la première cause de décès chez les jeunes adultes, à la fois par sur-prescription en opiacés et également par l’utilisation illégale de l’héroïne. La naloxone est efficace y compris par voie IN, rapidement et surtout évite le besoin d’un accès veineux et donc élimine le risque d’une piqûre accidentelle et d’une contamination par le VIH, très présent dans cette population. L’utilisation de la voie IN pour la naloxone en préhospitalier est maintenant devenue la règle dans ce pays car cette méthode se révèle facilement réalisable par les ambulanciers et même par le public. Tout récemment (18 nov 2015), aux EU, la FDA a approuvé la prescription de naloxone IN, même en vente libre (dose unique de 4 mg/0,1 ml).

Plusieurs études ont montré, en hospitalier et en préhospitalier, une efficacité similaire à la voie IM.

La crainte d’un réveil brutal est atténuée par la voie IN par rapport à la voie IV. En effet, l’absorption n’est pas complète et est poursuivie durant 15 minutes, ce qui donne un réveil progressif. Wermeling (2015) effectue une revue complète du sujet, en insistant sur les considérations pratiques pour une utilisation accrue par le public (22).

Conclusions

L’administration de médicaments par voie intranasale est très intéressante aussi bien dans un service d’urgence qu’en situation extra-hospitalière. Des protocoles précis et validés existent aussi bien pour les adultes que les enfants, pour l’analgésie ou la sédation, pour la gestion de crises comitiales, pour l’overdose aux opiacés, la gestion des migraines, et d’autres indications sont régulièrement rapportées. La facilité et la tolérance sont déterminantes dans le choix de cette voie, ainsi que, bien entendu, une efficacité similaire à la voie intraveineuse et avec des effets secondaires comparables.

Les nombreux avantages de la voie IN permettent d’affirmer que cette technique sera bientôt davantage utilisée. Des protocoles d’utilisation sont nécessaires dans les services qui projettent d’ajouter cette technique d’administration médicamenteuse. Bien entendu, cette approche thérapeutique doit s’inscrire dans un ensemble de moyens disponibles et utilisés couramment dans les services d’urgence, par exemple l’utilisation du protoxyde d’azote.

De plus, il convient de signaler que l’administration de médicaments par voie IN est toujours off-label, vu que peu de substances ont été spécifiquement approuvées par les instances de leur pays pour la voie intranasale.

Pour tous renseignements complémentaires, Dr Tim Wolfe, un des designers à la base du MAD, gère un site web complet sur le sujet, avec revue de tous les articles et mise à disposition des protocoles utilisés : http://intranasal.net

Recommandations pratiques

La voie intranasale est une option pratique et non invasive d’administration de médicaments et une alternative à la voie intraveineuse. Un dispositif d’atomisation est nécessaire pour permettre une meilleure absorption.

En médecine d’urgence, surtout pédiatrique, la voie IN trouve une place très intéressante pour la sédation et l’analgésie, ainsi que pour la prise en charge des crises comitiales ou des intoxications aux opiacés.

Correspondance

Dr. Jean-Marie Jacques

Service des Urgences EpiCURA
Sites Hornu-Baudour
Avenue de la déportation 24
B-7190 Ecaussinnes
0495 / 575658
jmjacques@skynet.be

Références
 

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