INTRODUCTION
Avec d’une part l’augmentation des bactéries multirésistantes et d’autre part le peu de nouveaux antibiotiques disponibles sur le marché, l’utilisation rationnelle des antibiotiques est devenue indispensable. Cela passe par un diagnostic correct de l’infection et une durée raccourcie de l’antibiothérapie, quand cela est possible. Une durée plus courte de l’antibiothérapie permet de diminuer le risque de survenue des effets secondaires, l’émergence des résistances, et les coûts (1-5). Les infections respiratoires sont très fréquentes et responsables d’une morbidité et mortalité non négligeables ainsi que d’un coût social extrêmement élevé (1,2). En termes de fréquences, les infections urinaires arrivent au deuxième rang après les infections respiratoires. Une femme sur cinq fera une infection urinaire dans sa vie (3). Les infections respiratoires, les infections urinaires et cutanées constituent une part importante des consultations en médecine générale (1-3).
LES INFECTIONS RESPIRATOIRES
LES INFECTIONS RESPIRATOIRES HAUTES
Les infections aspécifiques des voies respiratoires supérieures aussi appelées « common cold » ou « refroidissement »
Les patients se plaignent de fièvre, de maux de gorge, de rhinorrhée avec ou sans adénopathies cervicales. Les agents infectieux sont des virus tels que rhinovirus, virus respiratoire syncytial (RSV), para-influenza, coronavirus, pour ne citer que les principaux (1). L’évolution est spontanément favorable en une semaine environ. Le traitement reste donc symptomatique. Ces infections virales ne se compliquent de surinfection bactérienne que dans moins de 2% des cas (1,2,4). Les antibiotiques n’ont donc aucune place dans ce type de pathologies.
Les rhino-sinusites aigues
Elles sont définies comme une inflammation aiguë des muqueuses nasales et des sinus d’une durée de moins de 4 semaines. Elles sont d’origine virale dans plus de 98% des cas. Dans 2% des cas, elles peuvent se compliquer d’une surinfection bactérienne avec, par ordre décroissant, Streptococcus pneumoniae (S. pneumoniae ou pneumocoque), Haemophilus influenzae (H. influenzae), Moraxella (Branhamella) catarrhalis, certains anaérobes, et Staphylococcus aureus (S. aureus) comme germes responsables. Le diagnostic différentiel étiologique viral ou bactérien reste difficile, la clinique et l’imagerie n’étant pas spécifiques. Ces affections se résolvent spontanément même lorsque l’origine est bactérienne, le traitement doit donc rester symptomatique (1,4-6). Les rares cas où une antibiothérapie sera indiquée sont une absence de résolution après 7 jours, des cas sévères où la fièvre dépasse 38.5°C durant plus de 3-4 jours, la présence d’un œdème facial, de douleurs faciales et enfin chez des patients fragiles (pathologies cardiaques, rénales, hépatiques, pulmonaires ou neuromusculaires sous-jacentes, immunosuppression, mucoviscidose) (7,8). Une antibiothérapie sera également prescrite si l’épisode de sinusite survient quelques jours après la résolution d’une infection des voies respiratoires supérieures (6). L’antibiothérapie (tableau 1) devra couvrir S. pneumoniae et H. influenzae et, en cas d’érythème facial, S. aureus (7). Le choix de l’antibiotique devra également tenir compte de la prise récente d’antibiotique (≥ 5 jours d’antibiothérapie dans le mois précédant l’exposition actuelle).
Si l’évolution clinique n’est pas favorable après 72 heures d’antibiothérapie empirique, des complications sont à exclure ((péri)-orbitaires, cérébrales, faciales) et des prélèvements à visée bactériologique seront indiqués afin d’adapter l’antibiothérapie (7). Une hospitalisation peut donc parfois être nécessaire. La durée totale de traitement en cas de bonne évolution clinique est de 5 jours (6,8,9).
Les pharyngites aiguës
L’administration d’antibiotique n’est pas indiquée pour prévenir la survenue d’un rhumatisme articulaire aigu (RAA) ni de glomérulonéphrites chez les patients à faible risque (patient sans antécédent de RAA) (10,11). La prévention des complications infectieuses suppurées (otite moyenne, mastoïdite, sinusite, adénite suppurée) n’est pas non plus une indication d’antibiothérapie (10,11). Les pharyngites aiguës sont d’origine virale (majoritairement chez l’adulte) ou bactérienne. Le Streptocoque ß-hémolytique du groupe A est l’agent responsable de 5 à 15% des pharyngites aiguës. Le diagnostic différentiel basé sur la clinique reste également difficile entre infection virale et bactérienne.
Le score de Centor (tableau 2) aide à faire la distinction entre infection virale et par le Streptocoque ß-hémolytique du groupe A (6,10,12). Il tient compte de la fièvre, de la toux, d’adénopathies cervicales, de la présence d’un exsudat, du gonflement des amygdales et de l’âge du patient. Le risque d’une infection à Streptocoque ß-hémolytique du groupe A est élevé si on a un score ≥ 3. Dans ce cas, un frottis avec test antigénique rapide peut être réalisé pour confirmer le diagnostic (6). Si le score de Centor est ≥ 3 ou en présence de facteur de risque (patients avec des antécédents de fièvre rhumatismale ou de syndrome du choc toxique streptococcique, patients oncologiques, patients présentant plus de 5 épisodes de pharyngite par an, patients vivant en communauté fermée où une épidémie d’infections à streptocoques du groupe A est constatée), un traitement antibiotique est à discuter avec le patient, en tenant compte de la balance risque/bénéfice de cette prescription (6,10-12).
Le traitement antibiotique recommandé est repris dans le tableau 3 (6,10,14). La durée de traitement est de 5 jours (13).
L’otite moyenne aiguë
L’otite moyenne aigue (OMA) est une inflammation aiguë d’origine infectieuse des cavités de l’oreille. Elle affecte principalement les enfants avec un pic d’incidence entre 6 et 24 mois, les prises en charge des OMA chez l’adulte sont, en grande partie, extrapolées de celles de l’enfant. Les OMA surviennent plus fréquemment en hiver (1,2,4) dans le décours d’une infection virale du rhinopharynx. Elles sont d’origine virale avec une surinfection bactérienne dans 60 à 70% des cas. Dans ce cas, tant chez l’enfant que chez l’adulte, l’origine est le plus souvent monobactérienne : S. pneumoniae, H. influenzae, Branhamella catarrhalis (15). Ces germes posent un problème de résistance croissante aux antibiotiques (H. influenzae, Branhamella catarrhalis sont le plus souvent résistants à la pénicilline par production de ß-lactamases). L’OMA peut se compliquer d’une mastoïdite qui peut être aiguë ou subaiguë, d’une labyrinthite otitique, d’une paralysie faciale et rarement de complications endocrâniennes comme la méningite, les abcès cérébelleux ou cérébraux, la thrombose du sinus latéral. L’OMA peut également évoluer vers une otite chronique ou se compliquer d’une perforation chronique du tympan.
Malgré un taux de surinfection bactérienne fréquent, la guérison spontanée survient dans environ 80% des cas. Le risque de complication infectieuse grave (bactériémie, méningite, mastoïdite) est plus important avant l’âge de 2 ans.
En cas d’OMA, une antibiothérapie n’est en général pas indiquée (1,4,6). Chez les enfants de moins de six mois, les enfants de six mois à deux ans qui ont un état général fort altéré ou qui n’évoluent pas favorablement après 48 heures une antibiothérapie est indiquée. Une antibiothérapie sera également indiquée chez les adultes et enfants de plus de deux ans qui n’évoluent pas favorablement après trois jours, en cas de récidive endéans les 12 mois et enfin chez les patients à risque (trisomie 21, fente palatine, résistance générale amoindrie). En cas d’otorrhée persistante, il faut toujours chercher des signes de complication telles la mastoïdite ou la méningite.
Le traitement antibiotique recommandé est repris dans le tableau 4. L’antibiothérapie ciblera en priorité S. pneumoniae (1,3,6), les infections liées aux autres bactéries évoluant la majorité du temps favorablement sans traitement antibiotique. La durée de traitement est de 5 jours (de 3 à 5 jours avec l’Azithromycine).
LES INFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES BASSES
Les bronchites aiguës
L’étiologie de ces infections est le plus souvent virale : virus influenza, adénovirus, coronavirus... Sur le plan clinique, les bronchites aiguës surviennent au 3ème jour d’une rhinite ou d’une rhinopharyngite. La durée de cette infection est en général d’une semaine (16-17). La toux, symptôme prédominant, est souvent peu productive et dure moins de 3 semaines chez 50% des patients. Elle peut néanmoins persister pendant un mois chez 25% des patients (18). Les expectorations sont claires puis deviennent mucopurulentes. Le traitement des bronchites doit rester symptomatique. Les antibiotiques ne sont nécessaires qu’en cas d’évolution vers une bronchopneumonie dont le traitement sera discuté ci-dessous.
Les signes suivants doivent faire rechercher la présence d’une bronchopneumonie : une fréquence cardiaque supérieure à 100/min, une fréquence respiratoire supérieure à 24/min, une fièvre supérieure à 38°C avec des râles, une matité, des crépitements ou une hypoventilation à l’auscultation pulmonaire (16-17).
La coqueluche (Pertussis)
La coqueluche est en recrudescence en Europe (19). Il faut donc évoquer ce diagnostic en cas de toux sèche, en quinte évoluant depuis plus de deux semaines, accompagnée dans certains cas de vomissements après les efforts de toux. Un frottis nasopharyngé à la recherche de Bordetella pertussis par PCR en cas de toux ≤ à 3 semaines ou une sérologie en cas de toux persistante > 3 semaines permettent de confirmer le diagnostic. En cas de confirmation, le traitement de choix est l’Azithromycine ou la Clarithromycine avec le Co-trimoxazole comme alternative aux macrolides (tableau 5). L’antibiothérapie permet la prévention de la transmission de l’infection lors des trois premières semaines des symptômes mais ne modifie pas les symptômes.
À noter que tout cas suspect de coqueluche doit être déclaré à la cellule de surveillance des maladies infectieuses de l’AViQ (Agence pour une Vie de Qualité) dans les 24h.
Parmi l’entourage du patient diagnostiqué, une antibioprophylaxie doit être proposée aux personnes à risque et aux personnes ayant des contacts avec des personnes à risque. Les personnes à risque sont les nourrissons non-immunisés ou mal vaccinés, les sujets atteints de pathologies cardiaques ou pulmonaires chronique, les immunodéprimés, les femmes enceintes au premier trimestre ou en fin de grossesse, non ou mal vaccinées (20).
Le schéma de prophylaxie est semblable à celui des traitements. Il est repris dans le tableau ci-dessous.
L’exacerbation de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
Les exacerbations de la BPCO accélèrent le déclin de la fonction respiratoire de ces patients. Les germes pathogènes les plus fréquemment retrouvés et responsables d’une exacerbation sont S. pneumoniae, Moraxella (Branhamella) catarrhalis, H. influenzae, Pseudomonas aeruginosa, S. aureus et H. para-influenzae. Le traitement des exacerbations de BPCO ne nécessite pas toujours une antibiothérapie. La présence d’un des critères d’Anthonissen permet de définir une exacerbation. Ces critères sont : augmentation de la dyspnée, augmentation du volume des expectorations et augmentation de la purulence des expectorations. En cas d’exacerbation de BPCO non sévères (définie par un volume d’air expiratoire maximal en une seconde/VEMS > 50%), il n’y a pas d’étude qui démontre le bénéfice des antibiotiques par rapport à un traitement symptomatique (bronchodilatateur, kinésithérapie, aérosol) (21-22). Les indications d’antibiothérapie sont donc limitées et reprises dans le tableau 6 (23-24).
Dans la mesure du possible, des expectorations doivent être prélevées et envoyées en culture cela étant d’autant plus important chez les patients multitraités et les patients récidivants une exacerbation. Si les paramètres vitaux du patient sont altérés (fréquence cardiaque > 100/min, fréquence respiratoire > 25/min, désaturation, fièvre > 38.5°C, hypotension artérielle) ou en cas de dyspnée importante, une prise en charge hospitalière sera requise (21-22). Un autre critère d’hospitalisation peut être la présence d’une infection à Pseudomonas aeroginusa nécessitant, le plus souvent, une antibiothérapie intraveineuse.
L’antibiothérapie, si elle est indiquée, est décrite dans le tableau 7. La durée de traitement est de 5 à 7 jours (8).
Il est important de proposer aux personnes de plus de 65ans (ou plus de 50 ans en présence de comorbidités), la vaccination contre le S. pneumoniae (schéma cfr chapitre sur les pneumonies) et la vaccination annuelle contre la grippe.
Les pneumonies communautaires (CAP)
Les pneumonies communautaires ou community-acquired pneumonia (CAP) représentent la première cause de mortalité d’origine infectieuse. Elles sont une source majeure de prescription d’antibiotiques. Les symptômes principaux sont de la toux, des expectorations, de la fièvre, des douleurs thoraciques et une dyspnée. La présentation est le plus souvent aigue mais peut être plus indolente également. Il n’est pas rare de retrouver des symptômes non pulmonaires tels que de la fatigue, des symptômes digestifs, des céphalées ou encore des sudations. Chez les personnes âgées, la clinique peut être plus pauvre et aspécifique. En effet, plus de la moitié d’entre elles ne présenteront pas les symptômes classiques de toux, fièvre et dyspnée (25).
Jusqu’à 50% des CAP sont causées par le S. pneumoniae (26). Les autres agents étiologiques retrouvés sont H. influenza (dans 5 à 7% des cas) et ensuite Mycoplasme pneumoniae et Chlamydia pneumoniae. Les virus sont également responsables d’une proportion non négligeable des pneumonies. Le S. aureus est responsable de 1-2% des pneumonies communautaires et est plus souvent retrouvé chez le patient âgé ou après une infection à virus Influenza. Legionella pneumoniae est un autre agent étiologique plus rare que l’on retrouve plus fréquemment après 50 ans. La cigarette, des pathologies pulmonaires chroniques, l’immunosuppression ont été déterminé comme facteur de risque de développer la maladie (27). La présence d’une fièvre élevée (> 40°C), de symptômes digestifs ou neurologiques, d’une atteinte multilobaire avec altération des tests hépatiques et de la fonction rénale peut orienter vers ce diagnostic. Les pneumonies causées par Mycoplasme pneumoniae sont plus fréquemment rencontrées chez les enfants de plus de 5 ans, les adolescents et les jeunes adultes. On parle alors de pneumonie atypique du fait d’une symptomatologie moins aigue que lors des infections à S. pneumoniae avec généralement la présence de plusieurs infiltrats à la radiographie de thorax. Chlamydia pneumoniae est également associé, de façon plus rare, aux pneumonies atypiques. La symptomatologie, en cas de pneumonie atypique, peut persister plusieurs semaines (27).
Le diagnostic de la CAP est clinique, biologique et radiologique. La présence d’un nouvel infiltrat radiologique associée à deux des critères cliniques ou biologiques suivants (température centrale > 38,3°C ou < 35°C, majoration des besoins en oxygène, expectorations purulentes, leucocytes > 10 000/mm3 ou < 4000/mm3) permet de poser le diagnostic de pneumonie. L’analyse des expectorations ne permettra de donner un diagnostic microbiologique que dans 40-60% des cas.
Les critères de gravité devant faire envisager une hospitalisation sont : un âge > à 65 ans, une fréquence respiratoire > à 30/minute, une tension artérielle < à 90 mmHg ou une tension artérielle diastolique < à 60 mmHg (score CRB-65). Si aucun de ces critères n’est présent, le traitement peut être ambulatoire (25-27).
Le traitement des pneumonies communautaires en ambulatoire doit tenir compte des comorbidités du patient (âge > 60 ans, diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, BPCO, néoplasie), de la présentation clinique et du risque de résistance de S. pneumoniae. Ces dernières années, dans certains pays d’Europe (Espagne, Roumanie, Hongrie, Bulgarie, Croatie, …) on note une augmentation des souches de S. pneumoniae avec une sensibilité intermédiaire ou une résistance à la pénicilline (28).
Le tableau 8 reprend l’antibiothérapie ambulatoire recommandée pour les pneumonies communautaires. En cas de pneumonies peu sévères et si le patient est afébrile depuis 48-72h, la durée de l’antibiothérapie doit se limiter à 5 jours. Si la réponse clinique est moins rapide, le traitement sera alors de 7 jours (26, 29-30). Il sera plus long pour les pneumonies à bacille gram négatif (10 à 14 jours), à S.aureus (10 à 14jours), en cas de pneumonie nécrosante ou d’abcès pulmonaire (3 à 6 semaines).
Le traitement des pneumonies atypiques est quant à lui de 10 à 14 jours et consiste en Clarithromycine (500mg 2x/jour), Moxifloxacine (400mg 1x/jour) ou Doxycycline (200mg 1x/jour).
En termes de prévention, rappelons l’importance de proposer aux personnes de plus de 65ans, de plus de 50 ans avec des comorbidités (telles qu’une pathologie cardiaque, pulmonaire, hépatique ou rénale chronique), aux patients fumeurs ou avec abus d’alcool, ainsi que aux adultes présentant un risque accru d’infection pneumococcique soit un trouble immunitaire, une asplénie anatomique et/ou fonctionnelle, une drépanocytose ou une hémoglobinopathie, une fuite de LCR ou porteur d’un implant cochléaire, la vaccination contre le S. pneumoniae qui consistera en une dose de PCV 13 (vaccin conjugué 13-valent) suivie d’une dose de PPV23 (vaccin polysaccharidique 23-valent) entre 8 semaines et 6 mois après (31). Un rappel tous les 5 ans par PPV23 doit être réalisé chez les adultes à risque d’infection pneumococcique. La vaccination annuelle contre la grippe a également un impact sur la prévention de la pneumonie et doit être réalisée.
Les infections respiratoires sont fréquentes. La rhinopharyngite, rhinosinusite la bronchite sont principalement virales, le traitement est souvent symptomatique. Elles évoluent spontanément bien en une semaine. Si les symptômes persistent au-delà de la semaine il faut évoquer la possibilité d’une surinfection bactérienne. Cette surinfection est fréquemment provoquée par S. pneumoniae, H. influenza ou Moraxella catarrhalis. L’antibiothérapie sera dirigée contre ces germes et la durée sera de 5 jours pour les rhinosinusites et pour les rhinopharyngites. L’exarcebation de la BPCO sévère quant à elle, est liée à une infection bactérienne, nécessite une antibiothérapie d’une durée de 5 à 7 jours.
La pneumonie communautaire doit être traitée par antibiotique car elle est principalement d’origine bactérienne. La durée de traitement est de 5 – 7 jours en fonction de la réponse clinique et de la gravité de l’infection.
LES INFECTIONS URINAIRES
GÉNÉRALITÉS
Les termes d’infection urinaire basse et haute ont été abandonnés et aujourd’hui, on distingue les infections urinaires dites simples des infections urinaires compliquées (32-35). Ces dernières comprennent les infections urinaires avec facteurs de risque de complication qui sont : une pathologie organique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire (résidu vésical, reflux, lithiase, tumeur, etc..), la présence de certaines comorbidités (diabète, immunosuppression, insuffisance rénale) ou encore un terrain physiologique particulier (sujet âgé, grossesse et homme) (32-35, tableau 9). Le sujet âgé est habituellement défini à partir de l’âge de 65 ans. Les infections urinaires dites simples, sans facteur de risque de complication, ne concernent que la femme jeune sans facteur de risque particulier et la femme de plus de 65 ans sans comorbidité. Elles regroupent donc les cystites aiguës simples, la pyélonéphrite aiguë simple. Les infections urinaires dites compliquées regroupent les cystites compliquées, les pyélonéphrites compliquées et les infections urinaires chez l’homme (prostatites).
Qu’elles soient simples ou compliquées, les infections urinaires peuvent évoluer vers un sepsis grave.
Par définition, les hommes ne peuvent avoir une infection urinaire simple. Toute cystite survenant chez un homme doit être considérée et traitée comme une prostatite aiguë sauf exception (des symptômes de cystite chez l’homme doivent faire rechercher en première intention une infection sexuellement transmissible). Il est à noter que les espèces bactériennes n’interviennent pas dans cette classification. Dans les infections urinaires simples ou compliquées, Escherichia coli reste la bactérie la plus souvent isolée quel que soit l’âge et le sexe du patient (3,32-35). Dans l’infection urinaire simple, E.coli représente 80% des germes alors que dans l’infection urinaire compliquée, on ne le retrouve que dans environ 50% des cas; d’autres germes tels que Klebsiella spp, Serratia spp, Enterobacter spp et Pseudomonas aeruginosa sont alors incriminés (32-36, tableau 10). Les infections urinaires compliquées sont aussi associées à un risque accru de résistance aux antibiotiques, de récidive et de procédures invasives (32-35).
DIAGNOSTIC
Sur le plan clinique, on retrouve essentiellement des mictalgies, une dysurie, de la pollakiurie et des urgences mictionnelles (3).
Le tableau 11 reprend les principales manifestations cliniques en cas de cystite, pyélonéphrites ou d’infections urinaires lors des lésions médullaires. Il faut noter que chez les patients gériatriques, la clinique des infections urinaires peut différer et peut se manifester sous la forme d’un globe urinaire, d’une incontinence urinaire nouvelle, de confusion et encore de fièvre et altération de l’état général sans autre point d’appel clinique. Cependant, devant ce tableau clinique, il faut être attentif et rechercher toute autre étiologie afin de ne pas traiter une bactériurie asymptomatique.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Le diagnostic se base sur la présence de nitrite et de globules blancs à la tigette ainsi que sur le sédiment urinaire associée à une culture urinaire positive. La culture est recommandée si les symptômes ne s’améliorent pas malgré un traitement empirique, en cas de récidive, en cas d’infection urinaire compliquée ou en cas de suspicion initiale de pyélonéphrite. La culture urinaire est considérée comme significative en cas de croissance de plus de 100 000 germes/ml, mais le seuil est abaissé (entre 100 et 10 000 germes/ml) en cas de symptômes débutants chez la femme, chez les hommes (> de 1000 germes/ml) et lorsqu’on réalise une ponction suspubienne. La réalisation d’un scanner ou d’une échographie peut être utile en cas d’antécédent de lithiase, d’insuffisance rénale ou si, après trois jours de traitement bien conduit, il n’y a pas d’amélioration de la fièvre (3, 32-35).
CRITÈRES D’HOSPITALISATION
Une hospitalisation est à envisager en cas d’infection urinaire compliquée, en cas de signes sévères tels qu’un sepsis, un choc septique, un abdomen aigu, une suspicion d’obstacle ou encore en cas de doute diagnostique. Les formes hyperalgiques, un contexte social difficile, un problème de compliance, une intolérance digestive rendant un traitement par voie orale impossible sont aussi des indications d’hospitalisation (3, 32-35).
TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
Le tableau 12 reprend le traitement des cystites, pyélonéphrites et prostatites avec les principaux germes et la durée recommandée du traitement (3, 32-37). Celui-ci doit tenir compte des résistances attendues des germes aux antibiotiques. La résistance d’E.coli est de plus en plus fréquente dans la communauté, et par exemple atteints 24,5% pour les fluoroquinolones en Belgique en 2016. Les facteurs de risque de résistance sont l’utilisation de quinolones dans les 6 derniers mois précédent l’épisode d’infection urinaire, la présence d’un cathéter urinaire ou une autre instrumentation des voies urinaires et des infections urinaires récidivantes.
La Nitrofurantoine, traitement de choix des cystites simples ou compliquées, sera évitée en cas de clearance de créatinine en dessous de 40 ml/min (38).
La cystite est une pathologie fréquente et l’automédication y est courante. Celle-ci peut être admise si la cystite survient chez une jeune femme répondant rapidement à un traitement court sans autre facteur de risque et souffrant de moins de trois épisodes par an. Dans les autres situations, l’automédication ne se justifie pas et ne doit donc pas être conseillée (3,33-37).
La durée recommandée de traitement des pyélonéphrites aigues chez la femme est de 7 jours avec une quinolone y compris en présence d’une bactériémie. Si le patient est traité par une autre classe d’antibiotique ou s’il présente des anomalies uro-génitales, la durée sera plus longue (tableau 12) (39).
QUELQUES CAS PARTICULIERS
1. L’infection urinaire récidivante. Il n’y a pas d’indication d’antibioprophylaxie. Un bilan urologique est à réaliser afin de rechercher des facteurs favorisants. Par ailleurs, pour toute cystite récidivante, il faut conseiller l’apport hydrique suffisant (plus d’1.5 litres par jour), des mictions non retenues, la régularisation du transit intestinal. Pour les cystites post-coïtales, on insistera sur les mictions pré- et post-coïtales, l’arrêt des spermicides. Certains auteurs préconisent la prise d’une dose unique de 100mg de Nitrofurantoine après le rapport sexuel (40). Plusieurs personnes conseillent la prise de jus de cranberry mais l’efficacité n’est pas clairement démontrée (37,41).
2. La bactériurie asymptomatique (BA) est définie, chez une femme asymptomatique, par l’isolation de la même souche bactérienne à plus de 100 000 germes/ml dans deux cultures urinaires consécutives; et chez l’homme, par l’isolement de plus de 10 000 germes/ml sur un unique prélèvement. Si le prélèvement a été effectué par sonde urinaire, une seule souche à plus de 1000 germes/ml suffit à poser le diagnostic de BA. Une pyurie (> 10 globules blancs/mm3) accompagnant une bactériurie asymptomatique n’est pas une indication de traitement. La BA est très fréquente chez les femmes au-delà de l’âge de 70 ans et entraine souvent des traitements antibiotiques qui ne sont pas indiqués (40-42). Les indications de dépistage et de traitement de BA sont la femme enceinte (car risque de pyélonéphrite de l’ordre de ± 20 à 30 % et risque d’accouchement prématuré entre la 12ème et la 16ème semaine) et en pré-opératoire d’intervention urologique si un saignement muqueux est probable (risque d’infection jusque 60% des cas et risque de sepsis dans 6 à 10% des cas). Les données ne sont pas suffisantes pour poser des recommandations chez les patients immunodéprimés (42-44).
L’infection urinaire est fréquente. Une femme sur 5 souffrira d’une infection urinaire au cours de sa vie. Il faut distinguer les infections urinaires simples des compliquées. Les facteurs de risque spécifiques permettent de faire cette distinction. Qu’elles soient simples ou compliquées, les infections urinaires peuvent se compliquer d’un sepsis grave. Pour le diagnostic de cystite, un sédiment et une tigette urinaire doivent être réalisés. La culture urinaire se fera en cas de non réponse au traitement, en cas de récidive ou d’infection compliquée. Des conseils doivent être prodigués pour éviter la récidive et une antibioprophylaxie n’est pas recommandée. La bactériurie asymptomatique est fréquente particulièrement chez la femme âgée. Le dépistage et le traitement ne sont indiqués que chez la femme enceinte et chez les patients qui doivent bénéficier d’une instrumentation des voies urinaires. En-dehors de la cystite simple chez la jeune femme ne présentant pas de facteur de risque, répondant rapidement au traitement et faisant moins de trois épisodes par an, l’automédication n’est pas recommandée.
LES INFECTIONS CUTANÉES
L’IMPÉTIGO
Il s’agit d’une infection superficielle de la peau débutant par l’apparition de vésicules, suivies ensuite de croutes jaunâtres et survenant essentiellement chez les enfants. L’impétigo est contagieux et on peut retrouver des petites épidémies au sein de collectivités ou au niveau familial. Les lésions apparaissent au niveau de la peau du nez, de la bouche ou des membres et sont en général prurigineuses. On retrouve rarement des signes systémiques. Les agents étiologiques sont le Streptocoque ß-hémolytique du groupe A et le S.aureus. Les atteintes sont souvent limitées et un traitement local suffira la plupart du temps (Acide fusidique 2% ou Mupirocine 2%). Une antibiothérapie peut être envisagée en cas d’échec du traitement local, en cas d’atteinte étendue ou de forme bulleuse. Le premier choix sera alors: Flucloxacilline 1gr 3x/jour ou Cefadroxil 1gr 2x/jour pour une durée de 3 jours (45). En cas d’allergie, la Clindamycine sera prescrite (600mg 3x/jour). En cas de non amélioration dans les 48h, il faudra penser à la présence d’une souche de S. aureus résistant à la methicilline (MRSA) (45).
LA CELLULITE ET L’ÉRYSIPÈLE
L’érysipèle est une infection superficielle du derme, où les limites de l’atteinte cutanée sont nettes. La cellulite est une infection du derme plus profond impliquant les tissus sous cutanés. La prise en charge de ces 2 entités est sensiblement identique. Les germes responsables sont le plus souvent le Streptocoque ß-hémolytique du groupe A (ou moins fréquemment du groupe C ou G) et le S. aureus. L’atteinte est plus souvent située au niveau des membres inférieurs qu’au niveau du visage (70-80% versus 5-20%, respectivement). Les facteurs prédisposants sont une stase veineuse, un lymphoedème, l’obésité, l’alcoolisme, le diabète, le syndrome néphrotique. La recherche d’une porte d’entrée ne sera pas toujours évidente mais on peut retrouver une plaie, des ulcères cutanés, des dermo-abrasions, une mycose cutanée, un eczéma. Les lésions sont classiquement rouges, œdématiées et douloureuses, on retrouve parfois une lymphangite et des adénopathies satellites. Des manifestations systémiques comme de la fièvre peuvent également être présentes. Le traitement fait appel à une antibiothérapie d’une durée de 5 à 7 jours pour les infections non compliquées (46).
1. Flucloxacilline 1gr 3x/jour per os. Alternative : Cefadroxil 1gr 2x/jour per os, Clindamycine 600mg 3x/jour per os
2. Si allergie IgE médiée : Clindamycine 600mg 3x/jour per os
Une antibiothérapie intraveineuse peut être initialement requise notamment si présence de comorbidités, d’atteinte étendue, de problème de compliance (notamment pour immobiliser le membre), ou d’un sepsis. L’évolution clinique peut être lente avec persistance de signes inflammatoires locaux malgré les antibiotiques, cela ne justifie cependant pas la prolongation de ceux-ci.
En cas de cellulite récidivante, les facteurs de risque doivent être recherchés (lymphœdème, pied d’athlète, …) et corrigés dans la mesure de possible. Une antibioprophylaxie par Benzathine pénicilline (une injection toute les 4 semaines) ou par Pénicilline orale (500mg 2x/jour) est parfois nécessaire pour diminuer les récidives.
AFFILIATIONS
(1) Service de Médecine interne, pathologies infectieuses et tropicales, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Avenue Hippocrate 10, 1200 Bruxelles. Belgique
CORRESPONDANCE
Pr. JEAN-CYR YOMBI
Cliniques universitaires Saint-Luc,
Service de Médecine interne
pathologies infectieuses et tropicales,
Avenue Hippocrate 10,
B-1200 Bruxelles
Jean.yombi@uclouvain.be
RÉFÉRENCES
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