Introduction
La vascularite à IgA anciennement nommée purpura rhumatoïde ou syndrome d’Henoch-Schonlein est une vascularite systémique des petits vaisseaux caractérisée par des dépôts tissulaires de complexes immuns contenant des immunoglobulines de type A (IgA) (1). Elle associe la triade cutanée de type purpura vasculaire, articulaire et digestive. Peu de cas de vascularite à IgA de l’adulte ont été rapportés et son diagnostic reste à ce jour basé sur une combinaison d'arguments cliniques, biologiques et histologiques non spécifiques. Nous rapportons un cas unique à Madagascar qui permettrait une comparaison avec la littérature et pourrait apporter des données complémentaires sur le diagnostic de vascularite à IgA.
Observation
Un homme de 24 ans est admis dans le service de dermatologie pour une dermatose faite de lésions purpuriques. Le début de la symptomatologie remonterait à six jours avant son admission, marqué par des purpuras initialement localisés aux pieds puis s'étendant progressivement aux jambes, aux cuisses et aux membres supérieurs. Ces lésions étaient associées à des douleurs abdominales diffuses de type spasme, des polyarthralgies à caractère inflammatoire intéressant les articulations du coude et du genou. Le tout a évolué dans un contexte d'apyrexie avec une altération de l'état général à type d'asthénie. Le patient n’avait pas d’antécédents médico-chirurgicaux particuliers. Dans l’anamnèse systématique, il n’a pas eu d’épisode infectieux notamment des voies aériennes supérieures, ni de prise médicamenteuse.
À L’examen dermatologique, on notait des lésions purpuriques pétéchiales infiltrées, symétriques aux membres inférieurs prédominant sur les chevilles et les cuisses (figure 1) avec des odèmes associés à caractère inflammatoire. On notait également une bulle non hémorragique en regard de la malléole externe du pied droit. Aux membres supérieurs, on objectivait des lésions ecchymotiques sur l’avant-bras gauche avec œdème associé (Figure 2). Le visage et le tronc étaient épargnés. L’abdomen était sensible à la palpation avec présence de méléna au toucher rectal. Une fibroscopie digestive haute était réalisée montrant une gastrite érythémateuse et purpurique. Le reste de l’examen clinique était normal.
L'examen biologique a montré un discret syndrome inflammatoire avec une protéine C-réactive élevée à 37 mg/L. L’hémogramme était sans anomalies. L’exploration des fonctions hépatiques et de la crase sanguine était normale. Toutefois, on notait une protéinurie de 24h à 0,73g/24h sans insuffisance rénale (Créatinine à 52 µmol soit 5,88mg/l). Les sérologies de l’hépatite virale B, C et du virus de l’immunodéficience humaine ainsi que La RT-PCR SARS-CoV-2 étaient négatives. Le dosage sérique d’immunoglobulines de type Ig A et M était également normal.
L’histologie d’une biopsie cutanée montrait une lésion de vascularite lymphocytaire avec des infiltrats péri-vasculaires de cellules monocucléées, sans nécrose fibrinoïde. L’immunofluorescence n’a pas été réalisée. Le diagnostic d’une vascularite à IgA était évoqué et retenu selon les critères de l’American Collège of Rheumatology (Tableau 1) et de l’EULAR/PRINTO/PRES (Tableau 2) à savoir un purpura vasculaire non thrombopénique, une douleur abdominale diffuse, polyarthralgie des coudes et genoux et une protéinurie significative au dosage de protéinurie des 24 heures. Le patient a été mis sous prednisolone par voie orale à 1 mg/kg/j. L’évolution était marquée par la régression des douleurs articulaires et abdominale au bout de trois jours et l’arrêt du méléna au bout de cinq jours. Par contre, après 21 jours de corticothérapie orale, les lésions purpuriques ont réapparu et ont disparu après 1 mois de traitement.
Discussion
La vascularite à IgA est définie par la présence des dépôts intratissulaires (mesangiaux ou vasculaires) d’IgA. Cet IgA constitue le pivot central de la physiopathologie de la maladie (1). La vascularite à IgA affecte fréquemment l’enfant et est beaucoup plus rare chez l’adulte où son incidence est de l’ordre de 0,1/100000 (2) avec une prédominance masculine (1,3). Elle est moins observée chez les sujets à pigmentation noire que chez les caucasiens ou asiatiques (4) avec quelques cas rapportés en Afrique maghrébin (5). Le purpura vasculaire est le mode de découvert le plus fréquent de la maladie, son absence ou sa survenue de façon tardive rend le diagnostic plus difficile (1). La triade clinique, lésions cutanées purpuriques, signes articulaires et digestifs est très caractéristique de la maladie. Dans notre cas, ce purpura vasculaire précédait les signes articulaires et digestifs. L’atteinte rénale est présente dans 45% à 85% des cas (6). Le diagnostic de vascularite à IgA repose sur les critères établis par l’American Collège of Rheumatology (7), et plus récemment, sur les critères EULAR/PRINTO/PRES (8). En dehors d’un contexte infectieux ou d’une prise médicamenteuse, l'association à certains cancers, notomment ceux des épithéliums muqueux, a été notée récemment (1). Chez notre patient, l’absence de prise médicamenteuse et l’absence de contexte infectieux ont permis d’écarter ces éléments déclencheurs. En comparaison avec la forme observée chez l’enfant, la vascularite à IgA est généralement plus sévère avec une plus grande fréquence d'atteinte systémique (1,5), comme le cas de notre patient avec une atteinte digestive compliquée de méléna. L’analyse histologique d’une biopsie cutanée est utile pour compléter le diagnostic. Typiquement, elle montre une vascularite leucocytoclasique avec ou sans nécrose fibrinoïde. Son absence n'exclut pas le diagnostic, car elle est rarement remplacée par une lésion de vascularite lymphocytaire (9). À ce stade tardif, poser le diagnostic d’une vascularite est hésitant car l’altération pariétale et la nécrose fibrinoïde sont absentes dans la majorité des cas, de même que la leucocytoclasie. L’immunofluorescence, si elle a été réalisée est donc intéressante car elle pourrait montrer des dépôts vasculaires de C3±IgA. Histologiquement, le purpura rhumatoïde ne présente aucun signe spécifique permettant de poser avec certitude le diagnostic. Bien que les dépôts d’IgA vasculaires dans un contexte de vascularite leucocytoclasique soient évocateurs d’un purpura rhumatoïde, ils peuvent également être observés dans les vascularites paranéoplasiques ou des vascularites dans le cadre d’une endocardite. C’est donc les bilans clinique et paraclinique qui permettent d’exclure ces causes plutôt que l’histologie. Le diagnostic de purpura rhumatoïde reste donc un diagnostic d’exclusion puisqu’il n’existe actuellement aucun marqueur spécifique permettant d'établir le diagnostic avec certitude. À ce stade avancé, la migration des cellules mononuclées circulantes (lymphocytes et monocytes) hors des vaisseaux serait favorisée par les molécules d’adhésion endothéliales (VCAM-1) (9). Quelques cas de vascularites lymphocytaires d’un purpura rhumatoïde ont été rapportés dans une série tunisienne où elles représentaient 8.4 % des lésions histologiques (5). L’évolution de notre patient était marquée par des poussées successives des lésions purpuriques malgré une corticothérapie systématique bien conduite. Une certaine corticorésistance des lésions purpuriques au cours de cette maladie a été décrite (1).
Conclusion
La vascularite à IgA est une vascularite systémique caractérisée par une atteinte cutanée, articulaire et digestive. La biopsie appuie le diagnostic mais ne le confirme pas, car la vascularite leucocytoclasique n’est pas spécifique à la maladie. Certains auteurs ont suggéré que la biopsie dans les vascularites cliniquement typiques n’est pas utile. La recherche d’un marqueur diagnostique spécifique à partir de la base physiopathologique serait donc intéressante. Sur le plan évolutif, la particularité de la vascularite à IgA est marquée surtout par la résistance des lésions purpuriques sous corticothérapie bien conduite.
Remerciements
Les auteurs remercient le patient qui a donné la permission écrite pour ce rapport. Ils remercient également le service de dermatologie pour l’élaboration de ce travail.
Contributions des auteurs
Tous les auteurs ont contribué à la réalisation de ce travail et ont approuvé la version définitive.
Déclaration des conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Affiliations
1. Service de Médecine Interne Centre Hospitalier Universitaire Joseph Raseta Befelatanana, Antananarivo, Madagascar
2. Service de Dermatologie Centre Hospitalier Universitaire Joseph Raseta Befelatanana, Antananarivo, Madagascar
Correspondance
Docteur Ramanandafy Herveat
Centre Hospitalier Universitaire Joseph Raseta Befelatanana
Service de Médecine Interne
Antananarivo, Madagascar
heriveat@gmail.com
Références
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