INTRODUCTION
Dans le cadre de cet article, diverses ressources concrètes relatives à la vie relationnelle, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap seront explicitées. Celles-ci reflètent le contenu des demandes reçues au cours des trois dernières années au Centre de Ressources Handicaps et Sexualités. Ces demandes émanent tant des personnes en situation de handicap elles-mêmes, que des familles et des professionnels et témoignent, à l’heure actuelle, des difficultés, pour de nombreuses personnes, de vivre une vie amicale et intime épanouie.
Ainsi, nous espérons que les professionnels de la santé (médecins, psychologues, sexologues, assistants sociaux, etc.) pourront utiliser ces informations ou les conseiller aux personnes en situation de handicap qu’elles rencontrent lors de leurs consultations.
LE CENTRE DE RESSOURCES HANDICAPS ET SEXUALITÉS DE WALLONIE
Créé en 2014, le Centre de Ressources Handicaps et Sexualités (CRHS) travaille sur l’ensemble du territoire wallon. Sa mission générale est de favoriser l’accès à la vie relationnelle, affective et sexuelle (VRAS) des personnes en situation de handicap en mobilisant les ressources existantes.
Concrètement, nous menons des actions individuelles à travers des entretiens d’informations et de relais. Nous entreprenons également des actions collectives, telles que l’organisation de salons, journées d’études, ciné-débats, etc. Nous répondons, ponctuellement, à des interpellations politiques et produisons des recherches en vue d’insuffler le développement de nouveaux projets.
Ainsi, en 2017, le Centre a répondu à de nombreuses demandes individuelles. Celles-ci concernaient principalement le travail du sexe et l’accompagnement sexuel (42,57%), les outils pédagogiques et le centre de documentation (12,87%), ainsi que les rencontres amicales et amoureuses (8,91%). Notons que certaines demandes concernaient également des informations générales sur la VRAS, des formations à destination des professionnels ou encore la recherche de services spécialisés. A titre indicatif, 50% de ces demandes proviennent de professionnels et 19,15% de personnes en situation de handicap. Les autres types de public sont des proches, des étudiants ou encore des candidats à l’accompagnement sexuel.
Face à ces demandes, l’équipe du centre analyse, tout d’abord, la situation des personnes demandeuses. Elle les informe et les oriente, ensuite, vers les opérateurs les plus adéquats. Fort de sa présence sur le terrain et de ses diverses collaborations, le centre bénéficie d’une expertise en matière de vie affective, relationnelle et sexuelle de la personne en situation de handicap. C’est pourquoi, de plus en plus de personnes font appel à lui. Enfin, le centre dispose d’un centre de documentation. Celui-ci offre la possibilité d’emprunter des outils et favorise, ainsi, la discussion, la réflexion et vise à promouvoir l’autonomie de la personne en situation de handicap.
PRÉSENTATION NON-EXHAUSTIVE DE RESSOURCES EXISTANTES EN BELGIQUE FRANCOPHONE
Un centre similaire au nôtre existe sur Bruxelles. Il s’agit du Centre de Ressources Sexualités et Handicaps de la Fédération laïque des centres de planning familial. Ayant une connaissance approfondie des ressources existantes sur le territoire bruxellois, ils nous sont complémentaires. Nous collaborons d’ailleurs régulièrement avec ces derniers, n’hésitant pas à renvoyer les demandes issues de la région bruxelloise vers eux.
Comme mentionné précédemment, nous recevons également des demandes plus généralistes concernant la VRAS et le handicap, telles que : « Quels sont les moyens de contraception les plus appropriés pour une femme paraplégique ? », « Je suis un professionnel et j’aimerais sensibiliser mes résidents aux IST », « Je suis une maman et je cherche des outils pour accompagner mon enfant dans son hygiène corporelle », etc. Face à celles-ci, nous invitons les personnes à prendre contact avec le centre de planning familial le plus proche de chez eux. En effet, ces centres sont ouverts à tous et de plus en plus de professionnels y travaillant se forment aux spécificités de la VRAS dans le domaine du handicap. Il n’est donc pas toujours nécessaire, pour les personnes en situation de handicap, de faire appel à un service spécialisé. Ils peuvent, comme tout un chacun, trouver des réponses au sein de services généralistes. Le site www.loveattitude.be réfère l’ensemble des centres de planning familial en Wallonie mais aussi à Bruxelles. Certaines ASBL, comme Inclusion et la Fédération National pour la Promotion des Handicapés, proposent également aux personnes ayant une déficience intellectuelle, des journées de formation relatives à la VRAS. Par ailleurs, si la personne souhaite être suivie par un professionnel, sur du plus long terme, le CRHS bénéficie d’une liste de professionnels indépendants (sexologues, psychologues, gynécologues, etc.) sensibilisés et formés au handicap.
En outre, certaines personnes éprouvent des difficultés à entrer en contact avec un professionnel et à dévoiler leur vie intime. Certains préfèrent donc rester anonymes. Pour ces personnes, une réponse existe également. En effet, la possibilité leur est offerte de poser leurs questions anonymement sur le site internet www.haxy.be. Il s’agit d’un site dédié spécifiquement à la vie relationnelle, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. Il propose, d’une part, à toute personne de poser des questions de façon anonyme et de recevoir une réponse de la part d’un collectif d’experts. D’autre part, le site propose une plate-forme d’échange d’outils et d’idées d’animation entre professionnels de la VRAS (tant des institutions que des centres de planning familial).
D’autres personnes préfèrent, toutefois, exprimer leurs demandes en face à face. Ainsi, afin de faciliter les contacts et de rencontrer un maximum d’intervenants dans le domaine, un événement a été mis en place par l’AViQ, en partenariat avec le Centre de Ressources Handicaps et Sexualités. Il s’agit du salon « EnVie d’Amour ». Celui-ci a été mis en place en 2016 et a eu lieu à Namur Expo. Suite à l’énorme succès que ce salon a pu rencontrer, plus de 7000 entrées sur trois jours, une seconde édition a eu lieu en 2018.
L’une des demandes les plus récurrentes concerne les rencontres amicales et amoureuses. Lorsque nous recevons ce type de demande, nous analysons, tout d’abord, la situation de la personne et nous nous posons les questions suivantes : est-ce que la personne sait se déplacer, est-elle autonome, participe-t-elle déjà à des activités, a-t-elle un réseau social ? etc. En fonction de ce qu’elle souhaite, nous pouvons lui proposer de participer à des activités organisées par des services œuvrant dans le domaine du handicap, comme par exemple Altéo, l’Association socialiste de la personne handicapée, la Fédération multisports adaptés ou encore d’autres ASBL. Nous pouvons également lui conseiller d’intégrer une maison de jeunes, un comité de quartier, un club sportif, une académie ou encore de mettre en place du bénévolat. L’idée est de favoriser l’inclusion de la personne en situation de handicap et de multiplier les possibilités de rencontre.
Par ailleurs, il existe différents lieux où les personnes en situation de handicap, vivant ou non en institution, peuvent se retrouver pour faire des rencontres et danser. Ces après-midis dansantes ou encore ces soirées se font dans des lieux publics. Soulignons les initiatives de « l’Han’discothèque » au Cube à Barchon, lancée par deux éducateurs d’un foyer spécialisé, ou encore du « Moulin de Solières » à Huy. Dans cette optique, un concept innovant existe depuis quelques années sur Namur : « Les Friday Night Fever ». A l’initiative des Résidences Frères Mutien Marie de Malonne, une soirée est organisée tous les trois mois dans le centre de Namur. Ces soirées, légèrement encadrées, dans la ville, sans surveillance permanente d’un éducateur ou d’un parent, permettent aux personnes d’être et de faire « comme tout le monde » mais surtout d’être considérées comme des personnes adultes, capables de choix réfléchis. Espérons que ce concept puisse dépasser la province et susciter des actions similaires ailleurs.
Il existe également des initiatives de rencontres interinstitutionnelles. Par exemple, le projet « Parlons d’amour », qui existe depuis 2009, propose aux résidents d’une dizaine d’institutions de partager une après-midi ou une soirée festive tous les mois. L’objectif est d’aider les personnes ayant une déficience intellectuelle à créer des liens affectifs et amicaux, et à forcer un peu le hasard en leur offrant des alternatives auxquelles leur handicap les empêche généralement d’accéder.
En vue de favoriser des rencontres, internet et les réseaux sociaux peuvent également jouer un rôle non négligeable. Même si un accompagnement à la prévention des risques liés aux réseaux sociaux serait indispensable pour certaines personnes, ces modes de rencontre peuvent être bénéfiques et aider certains à sortir de leur solitude. Il a d’ailleurs été observé par les équipes éducatives que surfer sur la toile apporte le sentiment « d’être comme les autres ». En outre, certains sites de rencontres destinés aux personnes porteuses de handicap existent.
Comme précisé ci-dessus, 42,57% des demandes individuelles faites au CRHS concernent la question du travail du sexe et de l’accompagnement sexuel. Ce besoin est donc fortement exprimé par les personnes en situation de handicap et notre mission est d’y apporter une réponse bienveillante et sécurisante. Concernant l’accompagnement sexuel, le CRHS réfère vers l’ASBL ADITI qui est, pour le moment, la seule asbl en Belgique à former des accompagnant(e)s sexuel(le)s et mettre ceux-ci en contact avec les personnes demandeuses. Notons que cette demande nécessite au préalable un entretien avec un responsable d’ADITI afin de clarifier et de travailler la demande. Ensuite, l’accompagnant sexuel prend contact avec son client dans le but de programmer la rencontre. Précisons que l’accompagnement sexuel reste encore un sujet sensible en Belgique et reste à ce jour assimilé à la prostitution. Si la personne veut se tourner vers le travail du sexe dit « classique », les professionnels des services l’encadrant sont parfois amenés à l’accompagner dans sa demande : prendre contact à l’avance avec le travailleur du sexe, demander si le travailleur accepte les personnes porteuses de handicap, se renseigner sur l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, etc. Enfin, une dernière alternative existe. Il s’agit du massage tantrique. Ainsi, il correspondra à la demande des personnes plus centrées sur leur corps, le toucher ou encore la sensualité.
ET POUR LES PROFESSIONNELS ?
En tant que professionnel, il est possible de se sensibiliser et de se former aux thématiques de la vie affective, relationnelle et sexuelle des personnes en situation de handicap. Des associations et des travailleurs indépendants proposent des cycles de formation un peu partout en Wallonie et à Bruxelles. Pour le professionnel issu du secteur du handicap ou encore des centres de planning familial, il existe des rencontres interinstitutionnelles dédiées à cette thématique, comme celles de « For’Hommes et Femmes ». Celles-ci existent depuis plus de 7 ans et regroupent une série d’institutions provenant de toute la Wallonie. Il existe également d’autres plates-formes regroupant des professionnels comme par exemple le collectif « Osons la relation » à Ciney.
DES OUTILS PÉDAGOGIQUES QUI ABORDENT LA VIE AFFECTIVE ET SEXUELLE
Plusieurs outils pédagogiques permettent aux personnes concernées et à leurs proches de s’informer quant aux conséquences de leur pathologie sur la vie affective, relationnelle et sexuelle et de connaître les aides disponibles. Ces outils permettent également aux professionnels de mieux comprendre les besoins et le vécu des personnes en situation de handicap dans ce domaine. Concernant le handicap moteur, trois outils ont été conçus par le centre Handicap et Santé de l’asbl ARAPH (Association de Recherche et Action en faveur des Personnes Handicapées) et sont destinés spécifiquement aux personnes blessées médullaires (1), aux personnes ayant une infirmité motrice cérébrale (2) et aux personnes ayant une maladie neuromusculaire dégénérative (3).
En ce qui concerne les personnes ayant une déficience intellectuelle, plusieurs outils sont également disponibles afin d’aborder avec elles la vie affective, relationnelle et sexuelle. Par exemple, le programme « Des femmes et des hommes » (4) permet de mettre en place des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle ou des groupes de paroles avec un petit groupe d’adolescents ou d’adultes. A travers huit livrets pédagogiques, cet outil propose de nombreuses idées d’animations qu’on peut éventuellement adapter pour des consultations individuelles ou de couple.
Les personnes ayant une déficience intellectuelle pourront également trouver, par elles-mêmes, des informations sur le site internet « Visa pour le Net ». Ce site propose des informations rédigées en facile à lire et à comprendre sur de nombreuses thématiques, dont la vie affective et sexuelle.
Enfin, le Centre de Ressources Handicaps et Sexualités dispose de nombreux autres outils pédagogiques au sein de son centre de documentation. Ceux-ci peuvent être empruntés et testés avec des groupes ou de manière individuelle.
EN CONCLUSION
La thématique de la vie relationnelle, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap est prise en considération par de plus en plus d’acteurs. Une série d’initiatives existent et peuvent être proposées aux personnes concernées et aux professionnels. Toutefois, des manques se font encore sentir, notamment en ce qui concerne les possibilités de rencontres amicales et amoureuses. Ainsi, nous espérons que davantage d’acteurs de terrain puissent se mobiliser afin de répondre à ces besoins : une des missions du Centre de Ressources étant de pouvoir soutenir les initiatives développées en Région wallonne.
RECOMMANDATIONS PRATIQUES
Aborder la vie relationnelle, affective et sexuelle n’est pas une chose aisée, ni pour les personnes elles-mêmes, ni pour les professionnels. Il est dès lors important que lorsqu’une personne arrive à se confier, qu’elle se sente entendue et éventuellement orientée vers un service plus spécialisé qui pourra répondre à sa demande.
AFFILIATIONS
1 Centre de Ressources Handicaps et Sexualités
CORRESPONDANCE
JOËLLE BERREWAERTS
Centre de Ressources Handicaps et Sexualités
Rue de la Tour 7, 5000 Namur
081/84.02.47
info@handicaps-sexualites.be
RÉFÉRENCES
- Delhaxhe C, Berrewaerts J, Mercier M. Vie affective, relationnelle et sexuelle. Les personnes blessées médullaires. Presses universitaires de Namur, Namur, 2008.
- Berrewaerts J, Delhaxhe C, Mercier M, Moreau M-A, Quinaux A. Vie affective, relationnelle et sexuelle. Les personnes ayant une infirmité motrice cérébrale. Presses universitaires de Namur, Namur, 2014.
- Berrewaerts J, Jacques V, Mercier M, Moreau M-A. Vivre, lutter, aimer avec une maladie neuromusculaire. Presses universitaires de Namur, Namur, 2016.
- Delville J, Mercier M, Merlin C. Des femmes et des hommes. Programme d’éducation affective, relationnelle et sexuelle destiné aux personnes déficientes mentales. Presses universitaires de Namur, Namur, 2016, 2e Edition.