Innovations 2022 en cardiologie pédiatrique

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Jelena Hubrechts, Catherine Barrea, Lien Meirlaen, Karlien Carbonez, Stéphane Moniotte Publié dans la revue de : Février 2023 Rubrique(s) : Cardiologie pédiatrique
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Résumé de l'article :

En 2022, trois grands thèmes en cardiologie pédiatrique ont retenu toute notre attention. De la vie fœtale à l’adolescence, les sujets sont très variés et illustrent ainsi le large champ de compétence de notre équipe de pédiatres cardiologues.

Premièrement, malgré le fait que la coarctation de l’aorte (CoAo) est une des cardiopathies congénitales les plus fréquentes, son diagnostic prénatal reste un challenge. La subtilité des signes échographiques de la CoAo lors de l’examen morphologique du 2ème trimestre de grossesse rend le dépistage difficile. Or, le pronostic de ces patients dépend d’une prise en charge rapide en période néonatale. Le développement de l’IRM cardiaque fœtale et des connaissances en cardio-génétiques tentent à améliorer le dépistage de cette malformation cardiaque.

Deuxièmement, le syndrome de tachycardie posturale (POTS) est un syndrome affectant la qualité de vie de nos patients adolescents. Des paramètres simples tels que la fréquence cardiaque et la tension artérielle durant un test sur table basculante, permettent d’orienter la prise en charge ainsi que le pronostic donné aux patients. Une nouvelle hypothèse sur l’étiologie du POTS est évoquée depuis la vaccination contre le COVID-19.

Troisièmement, l’hypertension pulmonaire (HTP) en période post-opératoire de cardiopathie congénitale est une complication grave, pouvant mener à une dilatation aiguë du ventricule droit, un collapsus circulatoire et le décès du patient. Sur les dernières années, l’utilisation de vasodilatateurs pulmonaires dans le traitement de l’HTP post-opératoire est devenue « à la mode ». Une remise en question de cette pratique est abordée dans la dernière partie de cet article.

Mots-clés

Coarctation de l’aorte, diagnostic prénatal, dépistage in utero, syndrome de tachycardie posturale, dysfonction autonome, effet post-vaccinal, hypertension pulmonaire, cardiopathies congénitales opérées, vasodilatateurs pulmonaires

Article complet :

Diagnostic prénatal de la coarctation de l’aorte : un challenge encore aujourd’hui
Catherine Barrea, Karlien Carbonez

Introduction

Une coarctation de l’aorte (CoAo) est un rétrécissement de l’aorte thoracique dans la région juxta-ductale. Elle peut être localisée ou étendue à l’arche aortique et isolée ou associée à d’autres malformations cardiaques (touchant particulièrement le cœur gauche, les grands vaisseaux ou le septum interventriculaire), extracardiaques et/ou génétiques. La CoAo est une des cardiopathies les plus fréquentes, touchant 5-8 % des enfants nés avec une malformation cardiaque. Elle reste une cause importante de morbi-mortalité si elle n’est pas diagnostiquée rapidement.

Le dépistage anténatal des cardiopathies, le plus fréquemment lors de l’échographie morphologique obstétricale du 2ème trimestre dans une population ‘tout venant’, est de plus en plus répandu. Le dépistage in utero d’une probable cardiopathie implique une confirmation diagnostique par une échocardiographie fœtale. Il a été démontré que le diagnostic prénatal de la CoAo améliore la survie des nouveau-nés atteints, et probablement aussi le pronostic neuro-développemental au long cours, en évitant, par l’administration de Prostaglandines E1 puis une correction chirurgicale précoce, un choc cardiogénique lors de la fermeture du canal artériel.

Challenge du diagnostic prénatal de la CoAo

Alors que le taux de dépistage et de diagnostic anténatal progresse nettement pour de nombreuses cardiopathies (atteignant voire dépassant les 90% pour certaines cardiopathies dans certaines régions) avec une très bonne corrélation du diagnostic pré- versus post-natal, le diagnostic de la CoAo reste, encore à ce jour, un challenge. Une étude néerlandaise (1) récente montre un taux global de détection prénatal des CoAo de 42.2% (49/116) dans une population non-sélectionnée, alors que leur programme de screening bien organisé permet un dépistage prénatal nettement plus élevé d’autres cardiopathies. Ce taux tombe même à 23.4% en cas de CoAo simple isolée. Cette faible sensibilité du dépistage peut, en partie s’expliquer, par des signes échographiques parfois subtiles lors de l’examen morphologique du 2ème trimestre, moment privilégié du dépistage des malformations fœtales.

Deux autres études italiennes récentes (2,3), montrent quant à elles, une faible spécificité du diagnostic prénatal des CoAo dans une population sélectionnée (suivie dans des centres tertiaires), avec une confirmation postnatale d’une CoAo dans 29.7% (27/91) et 50.9% (22/108) de l’ensemble des cas, respectivement. Ceci entraine, en plus d’une surveillance néonatale hospitalière prolongée, une anxiété parentale inutiles.

Mais, environ 20% des patients non dépistés in utero se présentent en état de choc cardiogénique après la naissance, avec une majorité de CoAo isolées et donc plus subtiles à diagnostiquer (1). Et parmi les nouveau-nés qui meurent de cardiopathies non diagnostiquées en période néonatale immédiate, les obstacles gauches dont la CoAo sont sur-représentés. Ceci démontre, malgré la difficulté, l’importance du diagnostic prénatal.

À noter qu’il existe également des formes plus particulières de CoAo, dont le dépistage prénatal est aussi un challenge et qui nécessitent une prise en charge spécifique. Nous avons récemment rapporté notre expérience du diagnostic et de la prise en charge par cathétérismes interventionnels d’un patient avec CoAo thoracique distale et abdominale, depuis la période fœtale jusqu’à l’adolescence (4).

Perspectives

Alors que la plupart des études plus anciennes se basaient sur des mesures individuelles, des récentes études (2,3,5) proposent un score basé sur plusieurs paramètres et une stratification du risque de développer une CoAo, dans l’espoir d’optimaliser la spécificité du diagnostic tout en préservant la sensibilité. La complexité du diagnostic est malgré tout illustrée par des paramètres retenus différents d’une étude à l’autre.

Le développement de l’IRM cardiaque fœtale apportera probablement aussi sa pierre à l’édifice. Une équipe londonienne (6) a montré des résultats prometteurs, non seulement pour le diagnostic anténatal de la CoAo, mais aussi pour une meilleure compréhension de sa physiopathologie par des reconstructions en 3D des arches aortiques et ductaux et par des analyses des flux vasculaires. Ces reconstructions 3D ainsi que les études de flux participeront, en parallèle avec le développement rapide des connaissances en cardio-génétique, très certainement à une meilleure connaissance de la pathogénèse des CoAo, encore mal comprise aujourd’hui.

Finalement, une meilleure connaissance intégrée de la physiopathologie des CoAo ainsi que de l’anatomie 3D et de son évolution au cours du développement fœtal, permettront peut-être de déterminer les paramètres échographiques les plus sensibles et plus spécifiques. Ce qui permettra d’étendre le ‘juste diagnostic’ prénatal des CoAo, une des cardiopathies les plus courantes, l’échographie étant plus largement accessible que l’IRM.

Actuellement, une réévaluation postnatale des fœtus suspects de CoAo reste indispensable vu la difficulté de prédire le changement de physiologie au niveau de l’arche aortique après naissance, suite à l’augmentation du débit d’une part et la fermeture du canal artériel de l’autre. Un examen clinique attentif de tous les nouveau-nés et le dépistage postnatal des cardiopathies par oxymétrie restent également d’actualité.

Références

  1. Zwanenburg F, Ten Arkel ADJ, Snoep MC et al. Prenatal detection of aortic coarctation in a well-organized screening setting: are we there yet? Prenat Diagn. dec 2022; Online ahead of print.
  2. Tuo G, Paladini D, Marasini L et al. Fetal aortic coarctation: a combination of third-trimester echocardiographic parameters to improve prediction of postnatal course. Frontiers in Pediatrics. oct 2022; eCollection.
  3. Contro E, Cattini L, Balducci A et al. Prediction of neonatal coarctation of the aorta at fetal echocardiography: a scoring system. J Matern Fetal Neonat Med. nov 2022; (22):4299-4305.
  4. Carbonez K, Kefer J, Sluysmans T, Moniotte S. Treatment of a severe distal thoracic and abdominal coarctation with cutting balloon and stent implantation in an infant: from fetal diagnosis to adolescence. Health Sci Rep. Apr 2022; 5(3):e625.
  5. Arya B, Maskatia SA. Coarctation of the aorta: prenatal assessment, postnatal management and neonatal outcomes. Semin Perinat. jun 2022; 46(4):151584.
  6. Hermida U, van Poppel MPM, Lloyd DFA et al. Learning the hidden signature of fetal arch anatomy: a three-dimensional shape analysis in suspected coarctation of the aorta. J Cardiovasc Transl Res. oct 2022. Online ahead of print.

Des pistes cliniques pour le diagnostic et le pronostic du syndrome de tachycardie posturale en pédiatrie
Jelena Hubrechts

Introduction et définition

Le syndrome de tachycardie posturale (abrévié POTS dans la littérature internationale) est une dysfonction autonome caractérisée par une augmentation excessive de la fréquence cardiaque lors du passage en position debout, sans chute tensionnelle concomitante. Cette réaction neuro-médiée provoque des symptômes tels que des vertiges, des palpitations, une oppression thoracique ou même une syncope, s’améliorant en position couchée. Des céphalées et une fatigue importante sont souvent décrites par les patients. Les critères diagnostiques sont énumérés dans le tableau 1, basés sur le consensus d’experts de la ‘Heart Rhythm Society’(1). Le test de la table basculante, appelé aussi ‘head-up tilt test (HUTT)’ ou simplement ‘tilt test’, pendant au moins 10 minutes peut également aider à poser le diagnostic de POTS.

La prévalence dans la population pédiatrique reste imprécise comme le POTS est une entité probablement sous-diagnostiquée et la population pédiatrique moins étudiée que l’adulte. La plupart des patients présentent leurs premiers symptômes vers l’âge de 15 ans et les filles sont plus souvent atteintes que les garçons (2).

Traitement

Le traitement est multidisciplinaire et se base initialement et dès la première visite sur des mesures hygiéno-diététiques : hydratation abondante, majoration de l’apport sodé, exercices de reconditionnement, vêtements de compression aux membres inférieurs et idéalement jusqu’à la taille, éviter l’alcool et le café et arrêter les médicaments qui peuvent accentuer la symptomatologie du POTS. Une évaluation psychologique est également conseillée.

Si le traitement non-pharmacologique semble insuffisant, certains médicaments peuvent être envisagés. En fonction de l’effet recherché, de la fludrocortisone, des beta-bloquants ou encore de l’ivabradine sont des molécules fréquemment prescrites, la liste n’étant pas exhaustive (3).

Facteurs pronostiques

Le POTS affecte la qualité de vie des patients, avec un absentéisme scolaire important dans la population < 18 ans. Dès lors, cette entité continue à susciter un intérêt scientifique. Des études qualitatives récentes permettent de mieux comprendre cette condition, afin d’orienter la prise en charge ainsi que le pronostic donné aux patients. En 2022, plusieurs publications ont cherché à mieux définir le POTS et son impact chez l’enfant et l’adolescent (3-6).

Certains marqueurs biologiques ont été avancés comme ayant une valeur prédictive pour le pronostic de POTS en pédiatrie (C-type natriuretic peptide, cortisol salivaire, norepinephrine plasmatique en position debout etc.). Toutefois, il manque des indicateurs simples et non invasifs pour évaluer le pronostic du POTS en pédiatrie. Wang et al. démontrent en 2022 que la fréquence cardiaque (FC) et la pression artérielle (PA) à différents stades du tilt-test ont une valeur prédictive pronostique du POTS chez des enfants âgés de 5 à 15 ans. (6) Le tilt-test consiste à une inclinaison rapide à 60°, tête en haut, après 10 minutes en décubitus dans un environnement calme et agréable à 20°C. Premièrement, la FC à 5 et à 10 minutes et la différence de FC entre la FC à 0, 5 et 10 minutes du test étaient plus élevées entre le groupe POTS et le groupe contrôle, confirmant le diagnostic. Deuxièmement, ces mêmes paramètres étaient plus bas dans le groupe avec bon pronostic que dans le groupe avec mauvais pronostic. Un bon pronostic est défini comme une amélioration des symptômes cliniques et une disparition des critères diagnostiques du POTS au tilt-test après 3 mois de traitement (non-pharmacologique ± metoprolol). Ensuite, en combinant ces paramètres de FC et PA, cette recherche a trouvé une association entre le produit de la FC et la PA systolique, appelé « rate-pressure product ou RPP » à 10 minutes du test et le pronostic du POTS. Le RPP reflète bien la charge de travail cardiaque et la consommation myocardique en oxygène. L’effet synergique de la FC et la PA entre elles a plus de signification que ces 2 paramètres seuls dans la stratification du risque cardiovasculaire. En effet, un petit changement dans un de ses composants a un impact important sur la valeur finale du RPP, ce qui facilite l’utilisation clinique de ces paramètres. Le RPP était significativement plus bas en cas de bon pronostic après traitement pour POTS. Ces paramètres étant facilement accessibles, peu coûteux et peu invasifs pour l’enfant, ils ont une valeur importante pour établir des modèles cliniques standardisés pour le suivi et le pronostic de ces patients.

Quid du vaccin COVID-19 ?

Un nouvel élément occupant la communauté scientifique concerne le développement d’un POTS suite à la vaccination par ARN messager contre le COVID-19. Une hypothèse actuelle stipule que la dysfonction autonomique dans le POTS peut être causée par une réponse auto-immune suite à ce vaccin. Plusieurs case reports l’ont suggéré depuis 1 an (7-10).

Perspectives

Le POTS a un impact négatif sur la qualité de vie des enfants et adolescents atteints. Une prise en charge multidisciplinaire avec intégration du volet psychologique est indispensable, ce qui n’est pas encore le cas à l’heure actuelle pour la plupart de ces patients. La connaissance du syndrome parmi le personnel médical et paramédical reste insuffisante. Des priorités cliniques et scientifiques pour mieux comprendre et traiter le POTS ont été établies par un panel d’experts (11).

La prévalence du POTS par réponse immunitaire induit par la vaccination ARNm contre le COVID-19 sera plus claire quand plus de data sur les effets secondaires des vaccins innovatifs vont sortir, nécessitant plus de recul par rapport à l’année 2022.

Références

  1. Sheldon RS, Grubb BP 2nd, Olshansky B, Shen WK, Calkins H, Brignole M, et al. 2015 heart rhythm society expert consensus statement on the diagnosis and treatment of postural tachycardia syndrome, inappropriate sinus tachycardia, and vasovagal syncope. Heart Rhythm. 2015 Jun;12(6):e41-63. doi: 10.1016/j.hrthm.2015.03.029.
  2. Thieben MJ, Sandroni P, Sletten DM, Benrud-Larson LM, Fealey RD, Vernino S, et al. Postural orthostatic tachycardia syndrome: the Mayo clinic experience. Mayo Clin Proc. 2007 Mar;82(3):308-13. doi: 10.4065/82.3.308.
  3. Raj SR, Fedorowski A, Sheldon RS. Diagnostic et traitement du syndrome de tachycardie orthostatique posturale. CMAJ. 2022 Jun 20;194(24):E852–8. doi: 10.1503/cmaj.211373-f.
  4. Frye WS, King CK, Schaefer MR, Decker J, Kuhn B. “You Look Perfectly Healthy to Me”: Living With Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome Through Adolescents’ and Parents’ Eyes. Clin Pediatr (Phila). 2022 Dec 6:99228221141602. doi: 10.1177/00099228221141602.
  5. Kim DH, Park JY, Kim SY, Lee NM, Yi DY, Yun SW, et al. Awareness of postural orthostatic tachycardia syndrome is required in adolescent syncope. Medicine (Baltimore). 2022 Nov 11;101(45):e31513. doi: 10.1097/MD.0000000000031513.
  6. Wang S, Zou R, Cai H, Wang C. Predictive Value of Heart Rate and Blood Pressure on the Prognosis of Postural Tachycardia Syndrome in Children. Front Pediatr. 2022 Mar 30;10:802469. doi: 10.3389/fped.2022.802469.
  7. Sanada Y, Azuma J, Hirano Y, Hasegawa Y, Yamamoto T. Overlapping Myocarditis and Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome After COVID-19 Messenger RNA Vaccination: A Case Report. Cureus. 2022 Nov 2;14(11):e31006. doi: 10.7759/cureus.31006.
  8. Eldokla AM, Numan MT. Postural orthostatic tachycardia syndrome after mRNA COVID-19 vaccine. Clin Auton Res. 2022 Aug;32(4):307-311. doi: 10.1007/s10286-022-00880-3.
  9. Park J, Kim S, Lee J, An JY. A case of transient POTS following COVID-19 vaccine. Acta Neurol Belg. 2022 Aug;122(4):1081-1083. doi: 10.1007/s13760-022-02002-2.
  10. Reddy S, Arora M. A Case of Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome Secondary to the Messenger RNA COVID-19 Vaccine. Cureus. 2021 May 4;13(5):e14837. doi: 10.7759/cureus.14837.
  11. Raj SR, Bourne KM, Stiles LE, Miglis MG, Cortez MM, Miller AJ, et al. Postural orthostatic tachycardia syndrome (POTS): Priorities for POTS care and research from a 2019 National Institutes of Health Expert Consensus Meeting - Part 2. Auton Neurosci. 2021 Nov;235:102836. doi: 10.1016/j.autneu.2021.102836.

L’hypertension pulmonaire sévère après correction d'une cardiopathie congénitale
Lien Meirlaen, Stéphane Moniotte

Introduction

La réparation chirurgicale des cardiopathies congénitales chez les enfants avec hypertension pulmonaire (HTP) préexistante est associée à des degrés divers à l’apparition d’hypertension pulmonaire sévère en période postopératoire (1). Après une chirurgie cardiaque, cette complication est particulièrement redoutée chez les enfants chez qui une majoration du débit sanguin pulmonaire ou une obstruction postcapillaire pulmonaire (ou les deux phénomènes) entraine une augmentation de la réactivité et de la résistance vasculaire pulmonaire (RVP). Le traumatisme opératoire (par ex. l’inflammation systémique et les lésions endothéliales causées par la circulation extracorporelle) peut aussi augmenter la réactivité vasculaire pulmonaire et majorer considérablement la RVP. Chez les enfants dont la contractilité du ventricule droit est réduite, cela peut aller jusqu’à entraîner une dilatation aiguë du ventricule droit, un collapsus circulatoire et la mort en période péri-opératoire (2,3). La prise en charge moderne de cette hypertension pulmonaire postopératoire s’accompagne d’ailleurs d’une augmentation spectaculaire de l’utilisation de vasodilateurs pulmonaires, et donc du coût global des prises en charge, sans toujours de preuves scientifiques de l’amélioration du pronostic des patients (4).

Résultats

Une étude suédoise publiée en 2022 dans le journal Pediatric Cardiology remet ainsi en question l’utilité des vasodilatateurs pulmonaires pour protéger le ventricule droit ou pour normaliser la pression artérielle pulmonaire en postopératoire. En outre, l’objectif de cette étude est de déterminer quelles sont les cardiopathies à haut risque d’hypertension artérielle pulmonaire péri-opératoire sévère.

L’étude rétrospective de Lindberg et al. a analysé les données de 25 enfants atteints d’hypertension pulmonaire sévère (rapport pression artérielle pulmonaire / pression aortique ≥ 1, mesuré à trois moments différents) après une chirurgie cardiaque, sur une période de 20 à 24 ans. Un cathéter artériel pulmonaire a été placé dans l’artère pulmonaire centrale chez tous les enfants considérés comme présentant un risque d’hypertension pulmonaire postopératoire (par ex. communication interventricualire non-restrictive, canal atrio-ventricualire complet, anomalie cardiaque gauche à haut risque d’hypertension pulmonaire telle qu’une sténose veineuse pulmonaire, ou enfants identifiés comme ayant de l’hypertension pulmonaire peropératoire mesurée après la fermeture de shunts intracardiaques). Les données ont été recueillies à l’époque (1994-1998) où les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 (par ex. Sildenafil) et les antagonistes des récepteurs de l’endothéline (par ex. Bosentan) n’étaient pas encore disponibles en Europe.

Les conclusions de cette étude sont les suivantes :

- Tous les enfants ont survécu à la sortie de l’hôpital (25/25, 100%), mais trois enfants sont décédés au cours de la première année postopératoire. Les patients décédés avaient tous un diagnostic de “petit coeur gauche” (ventricule gauche hypoplasique ou borderline et/ou pathologie mitrale).

- La majorité des enfants (n = 18) avec hypertension pulmonaire postopératoire sévère présentaient des lésions responsables d’un shunt gauche-droit. Dix de ces enfants avaient une forme d’obstruction du coeur gauche, seule ou en combinaison avec des shunts gauche-droit, et trois avaient une transposition des gros vaisseaux.

- Aucun enfant n’a reçu des vasodilateurs de l’artère pulmonaire (phosphodiestérase inhibiteurs, endothelin inhibiteurs ou vasodilatateurs inhalés) pendant la période de suivi dans le service ou après la sortie de l’hôpital. Les résultats échocardiographiques ont montré que 36% des enfants avaient déjà normalisé leur pression artérielle pulmonaire à la sortie de l’hôpital, 63% ont quitté l’hôpital avec une hypertension pulmonaire résiduelle significative (insuffisance tricuspide avec vitesse max >2,5 m/s). La pression artérielle pulmonaire s’est toutefois normalisée chez la plupart des enfants, sauf chez deux enfants qui présentaient encore une régurgitation mitrale modérée, responsable d’une hypertension pulmonaire post-capillaire.

Perspectives

Étant donné que la pression artérielle pulmonaire a diminué sans l’utilisation des vasodilateurs de l’artère pulmonaire dans cette cohorte, cette étude provocante suggère de poursuivre les investigations pour prouver l’impact réel des vasodilateurs de l’artère pulmonaire sur l’évolution de l’hypertension pulmonaire postopératoire - quelle que soit sa gravité initiale – alors que ces médicaments couteux font partie aujourd’hui des traitements utilisés en routine clinique (1).

Références

  1. Lindberg L. Long-term Follow-Up of Pediatric Patients with Severe Postoperative Pulmonary Hypertension After Correction of Congenital Heart Defects. ; Pediatric Cardiol. 2022
  2. Adiata I, Beghetti M. Early postoperative care of patients with pulmonary hypertension associated with congenital cardiac disease. Cardiol Young. 2009; 19(4): 315-319
  3. Lindberg L. Olsson AK. How common is severe pulmonary hypertension after pediatric cardiac surgery? Surgery for Congenital Heart Disease. 2001; 123 (6):1155-1163
  4. Bernier ML, Romer LH, Bembea MM. Spectrum of current management of pediatric pulmonary hypertensive crisis. Critical Care Explor. 2019; 1(8):e0037