Pour introduire
Est-il nécessaire de rappeler combien depuis trois ans nos sociétés sont confrontées à un état de crise qui de sanitaire a touché bien d’autres dimensions et pans de nos fonctionnements (1). Un climat d’incertitudes infiltrantes entretient doutes et angoisses amenant nombre d’individus à vivre dans l’instantanéité, à éviter la projection dans le futur, à se focaliser dans une pensée opérationnelle, à se réfugier dans des conduites addictives quelles qu’elles soient (comme le travail !). Soyons toujours prudents avec les généralisations étant donné que certains se démarquent, parviennent à mobiliser leur assertivité, à déterminer une voie, certes parfois étroite, d’épanouissement personnel (2). À ce propos, ce ne sont pas les promoteurs de techniques de bien-être et de ressourcement qui manquent sur le marché…au risque parfois de renforcer une forme d’individualisme et d’auto-centration narcissique. Chacun et chacune tentent de définir au mieux ce qui leur convient dans leur propre trajectoire de vie.
En ce qui concerne la santé mentale des enfants et des adolescents, ces trois dernières années n’ont certainement pas amélioré la situation telle que nous la décrivions dans cette revue il y a un an (3). Que du contraire. De nombreux jeunes sont en souffrance psychique, relationnelle avec les diverses manifestations symptomatiques que nous connaissons en Psychiatrie Infanto-Juvénile. Les demandes d’interventions diagnostiques et thérapeutiques parvenant aux Cliniques proviennent des quatre coins du pays, avec des familles prêtes à passer trois fois plus de temps en transport qu’en consultation tant les disponibilités locales font défaut. En conséquence, il n’est pas rare que la situation psychiatrique se détériore avec l’apparition de co-morbidité complexe quand ce n’est pas la nécessité d’un passage à l’Unité de crise.
Globalement conscientes de ces états de fait, nos autorités de tutelle ont pu libérer des moyens supplémentaires pour renforcer les services existants, soutenir les initiatives, quand bien même ils sont pour la plupart octroyés pour des durées limitées dans le temps. C’est ainsi qu’au début de l’été 2022, le Fédéral a lancé différents « chantiers » pour lesquels nous nous sommes manifestés, devant en priorité respecter le principe du travail en réseau et en enveloppe partenariale. En parallèle, suite à nos démarches lancées il y a de nombreuses années, au travail réalisé par notre centre de référence des troubles du spectre de l’autisme, des sources extérieures ont décidé d’allouer des moyens spécifiques pour des projets concernant les troubles du spectre de l’autisme (TSA).
Dans le cadre de cette contribution, nous mettons en exergue deux volets cliniques pour cette année 2022. Le premier volet concerne le déploiement des activités du centre de référence des TSA, à savoir la mise en place d’un groupe de stimulation précoce pour les jeunes enfants en attente de diagnostic ainsi qu’un groupe de formation « parents » après le diagnostic. Le second est constitué par la consolidation du temps juridique au sein de l’équipe SOS-Enfants des Cliniques ; nous montrerons le bien-fondé et les apports de cette fonction spécifique dans les cas complexes de maltraitance infanto-juvénile et plus particulièrement lors des placements protectionnels.
Références
- de Becker E. Les retentissements maltraitants de la crise du Covid-19 sur le jeune, Acta Psychiatrica Belgica, 2021, N° 1, Vol. 121, pp. 6-15.
- de Becker E. L’enfant, la guerre, la mort, Neurone, 2022, Vol. 27, N° 3, pp. 37-42.
- de Becker E., Drachman M., Pandémie, crise sanitaire, maltraitance infanto-juvénile , L’observatoire, 105, Janvier 2021, pp. 73-77
L’apport des groupes dans l’accompagnement pre- et post-diagnostic d’un trouble du spectre de l’autisme
Le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) est l’un des troubles neurodéveloppementaux les plus courants et sa prévalence ne fait qu’augmenter au cours des 20 dernières années. L’accompagnement des enfants avec TSA et de leurs parents devient un problème de santé publique majeur. Au sein de notre Centre de référence des TSA des Cliniques universitaires Saint-Luc, nous sommes constamment en réflexion sur comment accompagner et soutenir au mieux les enfants et leurs familles autour de la question du diagnostic qui est notre mission première. Cette question du diagnostic soulève deux préoccupations principales chez les parents : l’attente du diagnostic et la compréhension de leur enfant après ce diagnostic. En effet, les parents font face à un délai d’attente important. La période du diagnostic suscite beaucoup de questionnements chez les parents dont l’accompagnement le plus adéquat de leur enfant et le manque de place. Au sein de notre centre de référence, il nous tenait à cœur de pourvoir offrir des pistes de solutions pour répondre à ces deux préoccupations. C’est ainsi que grâce au soutien du Fonds Autisme de la Fondation Portray (1) et du Réseau bruxellois en santé mentale pour enfants et adolescents (Bru-Stars), nous avons pu mettre sur pieds deux projets permettant d’offrir aux parents et aux enfants un accompagnement pré et post-diagnostic. A savoir, un projet de stimulation précoce pour les jeunes enfants en attente de diagnostic et un groupe de formation parents après le diagnostic.
Groupe de stimulation précoce
L’intérêt de la stimulation précoce dans l’autisme n’est plus à démontrer. De nombreuses études ont mis en évidence l’impact positif de l’intervention précoce sur le développement de l’enfant (2-5). De plus, les parents se sentent à la fois soulagés de ne plus être seuls dans la situation et soulagés que leur enfant soit pris en charge par des professionnels. Un des problèmes majeurs auquel nous sommes confrontés dans notre pratique quotidienne est la difficulté pour le jeune enfant d’intégrer une collectivité, que ce soit en enseignement ordinaire ou spécialisé, avec parfois le risque d’une déscolarisation. L’intérêt du travail de groupe est double. Premièrement, c’est de permettre à l’enfant de s’intégrer à un groupe de pairs et de vivre une expérience de groupe positive. Deuxièmement, c’est d’apprendre à l’enfant les règles qui régissent un groupe. Dès lors, nous proposons pour les jeunes enfants qui sont sur notre liste d’attente pour un bilan diagnostic TSA des séances de stimulation précoce en groupe. Nous privilégions les enfants qui n’ont aucune prise en charge ou qui sont déscolarisés.
Le groupe accueille 5-6 enfants de 2 ans et demi à 5 ans avec une suspicion de TSA. Selon les besoins, le groupe est encadré par deux psychologues, une logopède et une maccs en psychiatrie infanto-juvénile.
Chaque séance se déroule en quatre temps : l’accueil (rituel de début – chanson), le temps de travail en petits groupes, la clôture (rituel de clôture – chanson), le retour aux parents.
Les parents participent à un entretien avant le groupe pour mieux cibler les besoins de l’enfant et à la fin des huit séances pour expliquer l’évolution de l’enfant et donner des pistes pour la suite.
L’objectif principal est de soutenir le développement de l’enfant à travers le jeu. Nous travaillons prioritairement :
- Les bases de la communication (imitation, contact visuel, attention conjointe,…) ;
- L’ouverture aux autres ;
- Le partage et l’échange ;
- La compréhension et le respect des consignes ;
- Le rythme d’activités comme à l’école.
Groupe de formation parents
Le diagnostic de TSA vient bouleverser les parents et la dynamique familiale. Les parents sont en manque de repères face à leur enfant au mode de fonctionnement différent. Ils sont en demande de conseils et d’une meilleure compréhension de leur enfant. En effet, l’étude de Cappe et Poirier (6) sur les besoins des parents d’enfants ayant un TSA montre que l’accompagnement et le soutien des professionnels à des moments charnières où ils doivent prendre des décisions concernant leur enfant font partie des besoins principaux. La période qui suit le diagnostic est très certainement une de ces périodes charnières lors de laquelle les parents se questionnent souvent quant au fonctionnement, à la prise en charge, la scolarisation et l’éducation de leur enfant. C’est ainsi que dans les suites du diagnostic au centre de référence des TSA des Cliniques universitaires Saint-Luc, nous organisons des sessions de formation pour les parents. En effet, Plusieurs études ont mis en évidence un effet bénéfique des formations parents permettant ainsi d’augmenter les connaissances sur le TSA (7), de diminuer le stress parental (8-10) d’augmenter la qualité de vie de la famille (10-12,11) et d’augmenter le sentiment de compétences parentales (12).
Concrètement, à la suite du diagnostic, nous proposons aux parents de participer aux groupes d’accompagnement. Les groupes sont ouverts aux couples ou à un des deux parents. Afin d’avoir une certaine homogénéité, ces groupes visent les parents dont l’enfant est âgé entre 3 et 7 ans. Nous proposons 7 séances de groupes de 2h30. Les séances sont encadrées par des pédopsychiatres, psychologues, logopèdes et kinésithérapeute selon la thématique abordée. Chaque professionnel apporte ainsi aux parents l’expertise de sa fonction. Les séances sont consacrées à différentes thématiques dont les caractéristiques autistiques, l’alimentation, le sommeil, la communication, l’importance des supports visuels, le jeu avec l’enfant, les émotions, les règles sociales,… Ces sessions de formation ont pour objectifs une meilleure compréhension de l’autisme de leur enfant ainsi que de son impact dans la vie quotidienne. Chaque session s’organise autour d’un apport théorique et pratique. Les parents créent et repartent avec des outils qu’ils peuvent directement utiliser dans leur vie quotidienne.
Suite des projets
Afin d’évaluer objectivement l’apport de ces projets auprès de l’enfant et de sa famille, deux projets d’études sont prévus :
- Évaluation de l’impact des groupes de stimulation précoce sur le développement de l’enfant : des mesures évaluant le développement cognitif et communicatif précoce seront proposées aux enfants avant et après les huit séances de groupes. Cette étude est en cours de construction.
- Évaluation de l’efficacité de groupes d’accompagnement de parents post-diagnostic d’un Trouble du spectre de l’autisme chez leur enfant : le but de cette étude est d’analyser l’effet des séances de groupe de formation – parents sur leur compréhension de l’autisme, sur le stress parental, leur qualité de vie et le sentiment de compétences parentales et ce afin de pouvoir ajuster les formations futures.
Dans la continuité de ces projets, nous aimerions également dans l’avenir mettre sur pieds des groupes de paroles pour les fratries pour permettre aux frères et sœurs d’avoir un espace de parole et de pouvoir rencontrer d’autres enfants qui vivent la même situation. De plus, il serait également intéressant de créer un groupe d’accompagnement pour les parents d’adolescents TSA. En effet, comme pour tout jeune, l’adolescent TSA et ses parents sont confrontés à de nouveaux défis qui suscitent chez les parents de nouvelles questions.
Références
- Fondation Portray : www.fondation-portray.be
- Guralnick, M. J. (1997). The effectiveness of early intervention. Baltimore : Paul H. Brookes.
- Anderson, S. R., & Romanczyck, R. (1999). Early intervention for young children with autism : Continuum-based behavioral models. The Journal of the Association for Persons with Severe Handicaps, 24, 162-173.
- Lord, C., Bristol, M. M. & Schopler, E. (1993). Early intervention for children with autism and related developmental disorders. In E. Schopler, M. E. Van Bourgondien, & M. M. Bristol, Preschool issues in autism (pp. 199-221). New York et Londres : Plenum Press.
- Ozonoff, S., & Cathcart, K. (1998). Effectiveness of a home program intervention for young children with autism. Journal of Autism and Developmental Disorders, 28, 25-32.
- Cappe, E. & Poirier, N. (2016). Les besoins exprimés par les parents d’enfants ayant un TSA : une étude exploratoire franco-québécoise. Annales Médico-Psychologiques, 174, 639-643.
- Ilg, Jebrane, Dutray, Wolgensinger, Rousseau, Paquet & Clément, 2017. Evaluation d’un programme francophone de formation aux habiletés parentales dans le cadre des troubles du spectre de l’autisme auprès d’un groupe pilote, Annales médico-psychologiques, 175, 430-435.
- Roberts et al., 2011. A randomised controlled trial of two early intervention programs for young children with autism: Centre-based with parent program and home-based, Research in Autism Spectrum Disorders, 5, 4, 1553-1566.
- Rattaz, Alcaraz-Darrou, Baghdadli, 2016. Évaluation des effets d’un groupe d’accompagnement parental sur le stress et la qualité de vie après l’annonce du diagnostic de Trouble du Spectre Autistique (TSA) chez leur enfant, Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 174, 8, 644-650.
- Lichtlé, Downes, Engelberg & Cappe, 2020. The Effects of Parent Training Programs on the Quality of Life and Stress Levels of Parents Raising a Child with Autism Spectrum Disorder: a Systematic Review of the Literature, Review Journal of Autism and Developmental Disorders, 7, 242-262.
- Derguy, Poumeyreau, Singault & M’bailara, 2020. Un programme d’éducation thérapeutique destiné à des parents d’enfant avec un TSA : résultats préliminaires concernant l’efficacité du programme ETAP, L’Encéphale, 44, 421-428.
- Keen, Couzens, Muspratt & Rodger, 2010. The effects of a parent-focused intervention for children with a recent diagnosis of autism spectrum disorder on parenting stress and competence, Research in Autism Spectrum Disorders, 4, 2, 229-241.
La consolidation du temps juridique dans l’équipe SOS-enfants
Evoquons succinctement les principaux arguments qui nous ont amenés à consolider le temps de la juriste à 0,8 équivalent temps plein, en soulignant quelques aspects de la clinique de l’équipe SOS-Enfants des Cliniques Saint-Luc (1). Nous rappelions l’an dernier dans cette même revue les principales missions d’une telle équipe spécialisée dont la pluridisciplinarité et la fonctionnalité sont uniques en Europe, constituant une valeur ajoutée à un hôpital général.
Qu’elle soit intra ou extra-familiale, de nature physique, sexuelle, psychologique, la maltraitance infanto-juvénile demeure une problématique complexe impliquant les domaines individuels, familiaux, collectifs, sociétaux. En écho, sa compréhension et sa prise en charge demandent une considération logique, rationnelle, des versants social, juridique, psychologique, médical de chaque situation. Soulignons que ces situations, trop fréquentes, sont particulièrement déconcertantes, déroutantes voire illogiques pour les cliniciens. Leur côté confrontant l’est d’autant que les réponses du « terrain » et des divers cadres d’intervention possibles sont multiples et parfois contradictoires. Elles sont aussi sources d’éventuelles confusions avec, pour conséquence, le risque de l’apparition d’un processus de « traumatisation secondaire » pour le jeune concerné et d’embarras pour le professionnel. Soulignons combien la perplexité devant un « cas » génère chez la plupart des soignants frustration et malaise.
Concrètement, pour des raisons de maltraitance physique, de grave négligence ou de contexte familial inquiétant, des enfants doivent être éloignés de leur milieu familial. Dans certains cas, l’urgence est évidente. A Bruxelles, en vertu de l’ordonnance du 29 avril 2004, ces enfants peuvent être confiés à un centre d’hébergement agréé par l’Aide à la jeunesse (2). L’ordonnance ne prévoit pas spécifiquement le placement d’un enfant dans un hôpital tel que les Cliniques Saint-Luc, mais vu le manque de place en lieux d’accueil adaptés, les magistrats n’ont régulièrement pas d’autre choix. Soulignons que l’hôpital constitue un lieu adéquat dans un premier temps pour le jeune afin de réaliser entre autres un nécessaire bilan de santé global.
Dès qu’un enfant ou un adolescent est hospitalisé aux Cliniques Saint-Luc sur base d’une ordonnance d’un magistrat, l’équipe SOS-Enfants de Saint-Luc intervient. Notre mission est de rencontrer le jeune et de faire une première évaluation de la crise qu’il traverse. Outre une estimation de la maltraitance comme telle, il s’agit d’apprécier les répercussions de celle-ci sur les différents pans de sa santé, d’appréhender ses besoins ainsi que ses capacités et ressources. Dès les premiers contacts, nous assurons également le suivi du dossier en établissant des liens soutenus avec les instances extérieures responsables du placement (TJ, SAJ ou SPJ). Nous veillons à les sensibiliser aux difficultés rencontrées par les unités de soins qui assurent l’hospitalisation et à activer les recherches pour la réorientation. Est-il en effet nécessaire de rappeler le manque crucial de lieux d’accueil adaptés pour ces situations en relevant le fait que les instances extérieures ont tendance à considérer l’enfant en sécurité étant donné qu’il est à l’hôpital et qu’il nous faut dès lors insister pour rapidement activer la réorientation ? Soyons conscients que certains jeunes hospitalisés sur mesure de placement mettent en difficulté le bon fonctionnement des unités de pédiatrie. Dès lors que nous sommes missionnés pour un bilan psycho-médico-social d’un jeune, nous rencontrons chaque membre de sa famille, et toute personne ou professionnel de son milieu de vie.
A côté de l’hospitalisation en urgence sur mesure de placement, il arrive également que l’équipe SOS-Enfants soit interpellée par un collègue médecin des Cliniques pour un enfant hospitalisé en pédiatrie. Dans le processus d’un diagnostic différentiel, un volet de maltraitance (quelle qu’en soit la nature) peut être mis à l’avant-plan… ou du moins une suspicion. La concertation entre Services peut conduire, le cas échéant, à une mesure de placement protectionnelle avec bilan complémentaire réalisé par SOS-Enfants.
Quoi qu’il en soit, si l’hospitalisation représente, avec l’expérience, un temps et un cadre très précieux, si celle-ci perdure, apparaissent indubitablement des effets dommageables, tant pour le jeune, son entourage que pour les équipes soignantes.
En général, dans toute intervention, nous sommes confrontés à des tensions paradoxales entre le devoir de protection, l’obligations de soins et la pression des Unités de pédiatrie. Il est vrai également que les différentes équipes soignantes, dont l’équipe SOS-Enfants, travaillent dans des temporalités spécifiques. En d’autres termes, si les Unités de pédiatrie assurent les soins « H24 », l’équipe SOS-Enfants dispose d’équivalents temps plein uniquement pour des interventions de journée et en semaine (quand bien même les superviseurs pédopsychiatres de garde répondent aux appels d’urgence).
Ceci étant, la juriste est quotidiennement sollicitée pour les aspects légaux et la complexité des aspects du cadre de l’intervention, voire de l’hospitalisation. Concrètement, par exemple, une ordonnance de placement peut-être plus ou moins précise. Parfois le juge autorise des contacts du jeune avec sa famille, parfois cette mesure est interdite ; dans certains cas, le jeune est autorisé à fréquenter son école, ou à suivre des stages extérieurs, mais ce n’est pas systématique.
Ainsi, les Cliniques ne constituent point un lieu de vie adéquat à long terme pour un jeune qui ne nécessite pas de soins spécialisés sur le plan pédiatrique (ce n’est pas toujours le cas, comme par exemple pour les bébés secoués). Un placement de plusieurs semaines voire plusieurs mois, peut enclencher ce qu’on appelle de la « maltraitance institutionnelle » que nous avons décrite par ailleurs (3).
Au sein de l’enveloppe partenariale qui accompagne le placement et l’hospitalisation, se retrouvent les collègues de l’école « l’Escale » qui offrent un encadrement précieux pour les jeunes en âge d’être scolarisés.
Au-delà de ces considérations cliniques, nous poursuivons la sensibilisation des autorités politiques à cette problématique complexe afin qu’ils dégagent des réponses adéquates pour les volets de la réorientation en redynamisant une trajectoire de soins efficace pour le jeune concerné.
Dans ce paysage, il apparait évident que la juriste assure une fonction essentielle. Rappelons qu’elle fait partie intégrante de l’équipe SOS-Enfants, équipe d’aide et de soins, mise en place il y a plus de trente-cinq ans et composée, outre de la juriste, de psychologues, d’assistants sociaux, et de médecins (pédiatre et pédopsychiatre).
Epinglons de façon non-exhaustive quelques axes de la fonction juridique :
- éclairer les collègues de l’équipe SOS-Enfants ainsi que des Unités de soins pédiatriques sur les questions juridiques qui se posent dans les différentes situations familiales complexes. Citons quelques questions à titre d’exemple : qu’est-ce l’autorité parentale, qu’est-ce qu’implique la déchéance de l’autorité parentale, quels sont les contours du secret professionnel partagé … ;
- veiller au respect des dispositions légales. Cet axe est évidemment incontournable étant donné que nous travaillons en réseau, dans des enveloppes partenariales parfois extrêmement denses (différents services internes ou externes aux Cliniques intervenant dans la situation d’un jeune) ;
- tenir les collègues informés des évolutions de textes législatifs qui concernent les volets protectionnels;
- rencontrer le jeune et ses parents sur des dimensions juridiques comme par exemple, le dépôt de plainte ;
- se positionner quant à la demande d’une copie ou de la consultation d’un dossier SOS-Enfants par un jeune ou sa famille ;
- participer aux modules centrés sur les problématiques de la maltraitance, comme par exemple la formation assurée au CAMG de l’UCLouvain ;
- représenter l’équipe de Saint-Luc à la Fédération des équipes SOS-Enfants.
En conclusion, la consolidation du temps juridique, soutenue par la direction, rencontre les besoins éprouvés dans les situations complexes de maltraitance, au vu certainement de la complexité croissante des cas, des multiples difficultés autour des placements aux Cliniques et de l’évolution sociétale marquée par une augmentation significative des détresses psychiques individuelles et familiales. Si notre juriste appartient pleinement au cadre budgété de SOS-Enfants, elle répond aussi aux sollicitations des collègues du Service de psychiatrie infanto-juvénile, lorsque ceux-ci sont confrontés à des aspects de négligence ou de maltraitance. Nous ne pouvons que nous réjouir de sa présence à la fois humaniste et professionnelle.
Références
- Beague M., « Equipes SOS Enfants : le dispositif de prévention et de prise en charge de la maltraitance infantile en Fédération Wallonie-Bruxelles au regard de quelques normes internationales », J.D.J., 2015, n°347, pp 12-25
- Ordonnance du 29 avril 2004 relative à l’Aide à la Jeunesse, MB, 1 juin 2004.
- de Becker E. « La maltraitance institutionnelle en temps de crise », Collection « Temps d’Arrêt », Yapaka, Ministère de la Communauté française, Mars 2022, 64 pages.
Affiliations
Cliniques universitaires Saint-Luc
1. Psychologue
2. Psychiatre Infanto-Juvénile, chef de clinique
3. Maccs, Psychiatrie Infanto-Juvénile
4. Logopède
5. Juriste
6. Chef du service de psychiatrie infanto-juvénile
Correspondance
Pr. Emmanuel de Becker
Cliniques universitaires Saint-Luc
Psychiatrie Infanto-Juvénile
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
emmanuel.debecker@uclouvain.be