En dehors des aspects purement médicaux de la dialyse rénale, ce sont surtout les questions de qualité de vie des patients soumis à ce traitement contraignant qui retiennent en général l’attention et font l’objet de nos réflexions. Si on ne peut que souligner les progrès techniques réalisés dans le domaine de la dialyse depuis les années 70, en ces temps où les questions environnementales sont considérées à juste titre comme fondamentales, les dépenses d’énergie liées à la dialyse constituent désormais le sujet de recherches spécifiques.
Nous en avons parlé avec le professeur Michel Jadoul, chef du service de néphrologie des Cliniques universitaires Saint-Luc (UCL), qui souligne, lui aussi, l’importance de ce problème. La dialyse, appliquée en thérapeutique depuis 1960 et qui a fait l’objet de plusieurs améliorations depuis, représente encore toujours le seul traitement efficace en cas d’insuffisance rénale chronique terminale, pour tous les patients chez qui la transplantation rénale n’est pas possible, ou dans l’attente de celle-ci. Un peu plus de 8000 sont traités par dialyse en Belgique. L’attention portée aux problèmes environnementaux de la dialyse est notamment illustrée par l’appellation «green dialysis»(« dialyse verte »). Le Pr Jadoul se réfère entre autres aux travaux pionniers de Raymond Vanholder (département de médecine interne et de pédiatrie, U Gent) (1) et l’un des animateurs de l’European Kidney Health Alliance (EKHA) pour qui « la maladie rénale occupe une place significative dans le défi environnemental global : les problèmes environnementaux aggravent les affections rénales, tandis que la dialyse produit une empreinte environnementale du fait de la consommation d’eau, de l’effet de serre et de la production de déchets ». Le Pr Vanholder déplore à ce sujet le « manque d’enthousiasme de la communauté des néphrologues, comme c’est le cas dans nombre de secteurs de l’économie », ce qui n’est de toute évidence pas le cas du Pr Jadoul, qui ne cache pas son inquiétude à ce sujet. Et ce dernier de se référer là encore à Vanholder qui souligne, dans une boutade reflétant néanmoins une évidence, que le meilleur moyen d’éviter les problèmes environnementaux liés à dialyse c’est d’éviter la dialyse. En fait, on peut au moins retarder sa mise en œuvre en recourant à des médicaments néphroprotecteurs. C’est ainsi que, précise le Pr Vanholder, certains d’entre eux sont très prometteurs à cet égard, et doivent être combinés avec les IEC/sartans. Ce sont les inhibiteurs du SGLT2 (gliflozines), utilisés classiquement dans le traitement du diabète de type 2 et qui se sont avérés particulièrement bénéfiques sur le plan cardiovasculaire et, précisément rénal, comme l’ont démontré un certain nombre d’études et notamment l’étude CREDENCE, portant sur la canagliflozine et publiée dans le New England Journal of Medicine en 2019, ainsi que l’étude DAPA-CKD portant sur la dapaglifozine, également publiée dans le NEJM en 2020. On peut ajouter à ces molécules l’empagliflozine (Jardiance).
En ce qui concerne les problèmes de la dialyse sur le plan écologique on distinguera, sur plusieurs plans, des effets négatifs sur l’environnement. On notera ainsi le dégagement de chaleur et donc la consommation d’énergie, ce qui peut avoir une certaine importance dans des centres de dialyse où peuvent tourner un grand nombre de machines. La consommation élevée d’eau peut, elle, représenter un sérieux problème dans des pays chauds comme l’Espagne ou le Maroc, par exemple. L’accumulation de déchets de plastique, de surcroît contaminés par le sang et provenant de consommables à usage unique est également préoccupante. La réutilisation de filtres pour un même patient est de ce point de vue une piste à explorer avec une certaine prudence, ainsi que la dialyse péritonéale pour autant que le patient l’accepte. En Belgique on en est à 9 à 10% de cette variante de dialyse, alors que dans d’autres pays on peut arriver jusqu’à 30 à 50% de dialyse péritonéale, sans que les raisons de cette différence ne soient toujours claires. Si la dialyse péritonéale se fait tous les jours, l’hémodialyse à l’hôpital, elle, est réalisée à raison de 3 fois 4 heures par semaine. On voit aussi actuellement se développer l’hémodialyse à domicile. En ce qui concerne la dépense d’énergie il est difficile d’y remédier simplement pour la dialyse, mais des mesures générales ont été prises pour l’hôpital, comme l’installation de panneaux solaires et de pompes à chaleur. On a également à Saint-Luc un projet de récupération de l’énergie dégagée par les appareils pour chauffer les bâtiments. Si l’ensemble des néphologues ne sont pas encore sensibilisés à ce problème, les choses évoluent plutôt de façon favorable. « On commence à voir des articles dans des revues scientifiques de référence. On commence également à entendre des exposés sur ce sujet lors de congrès européens et américains ».
On notera ainsi avec satisfaction que la Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation (SFNDT) souligne qu’elle est l’une des premières sociétés savantes médicales françaises à faire de l’écologie un des enjeux majeurs de son activité. C’est dans ce cadre et cette optique qu’elle vient de publier à l’occasion de la Journée mondiale du Rein, un guide de recommandations pour une hémodialyse plus éco-responsable, rédigé par son groupe de travail « Néphrologie Verte ». Ce guide propose, dans un premier temps, un ensemble d’actions pour réduire la consommation d’eau, d’énergie, et la production de déchets des centres de dialyse mais aussi la part des gaz à effet de serre issus des déplacements des patients (3 séances de dialyse par semaine) et du personnel. Le guide est en ligne sur le site de la SFNDT accompagné d’une FAQ et d’un «mail contact» (nephrologie-verte@sfndt.org) pour poser d’éventuelles questions.
Référence
Vanholder et al. The European Green Deal and nephrology: a call for action by the European Kidney Health Alliance. Nephrol Dial Transplant, gfac160, https://doi.org/10.1093/ndt/gfac160