Introduction
D’après les travaux publiés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la concentration du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère a augmenté de plus de 40% entre 1850 et aujourd’hui sous l’effet des activités humaines. Le CO2 est le gaz à effet de serre (GES) le plus abondant. La production de GES provoque un réchauffement anthropique du climat qui a des conséquences très inquiétantes pour l’agriculture, les besoins en eau des populations et le maintien de la biodiversité (1). Le GIEC a émis des propositions pour préserver notre planète et ses habitants. Un développement durable de l’humanité exige une sobriété nouvelle dans notre consommation d’énergie et de ressources naturelles. Pour nos économies occidentales fondées sur une consommation sans cesse croissante, c’est un défi majeur. Face à cette exigence, le secteur de la santé s’interroge sur son rôle à jouer dans cette évolution. Les publications qui abordent cette question sont en forte augmentation. D’après le Lancet, le secteur de la santé représente 4.4% des émission mondiales de gaz à effet de serre (2). Le bloc opératoire est responsable à lui seul, de 40% de ces émissions. Les trois grands composants de cette empreinte carbone sont : la production de déchets, la consommation énergétique et l’émission de gaz anesthésiques (3). À partir des connaissances actualisées concernant l’émission de GES, l’utilisation de consommables, la production et le tri des déchets, nous décrivons les initiatives les plus récentes qui ont été proposées pour réduire l’impact environnemental de ces activités indispensables au fonctionnement des services de santé, en nous focalisant sur le bloc opératoire.
Méthodologie
Une recherche bibliographique a été effectuée sur le site PubMed du NCBI en utilisant les mots clés « anesthesia » et « pollution » sur la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2022. Les filtres appliqués ont été : Books and Documents, Clinical Trial, Meta-Analysis, Randomized Controlled Trial, Review, Systematic Review, Humans. À partir de là, 48 articles ont été identifiés et analysés. La revue s’est ensuite focalisée sur les articles les plus récents pour décrire au mieux la situation actuelle de la problématique.
Résultats
1. Impact environnemental des agents volatils
1.1 Toxicité atmosphérique des anesthésiques inhalés
Les agents inhalés sont largement utilisés en anesthésie. On distingue deux grandes familles de gaz anesthésiants ou halogénés : les hydrofluorocarbones (sévoflurane et desflurane) et les chlorofluorocarbones (isoflurane et halothane, abandonnés depuis longtemps dans les pays développés). Le protoxyde d’azote (N2O) est utilisé comme adjuvant afin de renforcer l’effet des gaz anesthésiants mais aussi seul, pour ses propriétés antalgiques et sédatives. Seul 5% du volume de gaz délivré est métabolisé par le patient. Tout le reste est directement rejeté dans l’atmosphère, contribuant au réchauffement climatique et pour le N20, en plus, à la destruction directe de la couche d’ozone. Depuis 2011, on connait avec une bonne précision le potentiel de réchauffement global (PRG) des anesthésiants volatils (4) (Figure 1).
Le PRG est un terme utilisé pour décrire la puissance relative d’un gaz à effet de serre (GES), en tenant compte de la durée de temps pendant laquelle il restera actif dans l’atmosphère. Les PRG actuellement utilisés sont ceux calculés sur 100 ans. Le dioxyde de carbone est considéré comme le gaz de référence et il lui est attribué un PRG égal à 1 pour 100 ans (PRG100). Par exemple à masse égale, le desflurane a un effet de serre 2540 fois plus élevé que le CO2. Ce ratio est de 298 pour le N2O et de 130 pour le sévoflurane. La toxicité des gaz anesthésiques est également exprimée en tenant compte de leur durée de vie atmosphérique et leur potentiel de déplétion sur la couche d’ozone (Tableau 1). Pour avoir une vision plus pragmatique, un mélange à 50 % de N2O et d’oxygène avec un débit de gaz frais (DGF) de 1L/min émet l’équivalent de 15,8 kg de CO2/h, soit l’émission d’une voiture roulant pendant 120 km (5).
1.2 Propositions récentes pour réduire l’empreinte environnementale des gaz anesthésiques
Le remplacement d’un agent volatil par un autre moins polluant est une solution pour réduire l’empreinte carbone de l’anesthésie. Une étude rétrospective analysant 34 097 procédures d’anesthésie a montré une réduction de 234 à 58 t d’équivalent en dioxyde de carbone (eCO2) si la consommation de N2O est diminuée de 70% (6). Des gains importants en eCO2 ont également été rapportés lorsque le desflurane est éliminé des salles d’opération (7). Ceci a conduit à l’abandon de l’usage du N2O et du desflurane dans de nombreux centres.
La réduction du débit de gaz frais (DGF) est aussi un moyen de limiter une consommation de gaz anesthésique. En pratique courante, les anesthésistes ont l’habitude de travailler avec des débits moyens de 2L/min pendant la phase d’entretien. Grâce aux évolutions technologiques actuelles, il est possible de travailler avec des DGF inférieurs à 1L/min en assurant les besoins métaboliques du patient en oxygène. Ce régime de DGF réduit la consommation de gaz anesthésiques par 2 pour le sévoflurane et permet de réduire de moitié la production de GES (8). Il arrive malheureusement, soit par manque de connaissance, soit par distraction, que les débits d’entretien soient beaucoup plus élevés, entrainant une surconsommation des agents halogénés. L’éducation et la sensibilisation des anesthésistes, jeunes et moins jeunes, aux bonnes pratiques en matière d’utilisation des gaz prend alors tout son sens.
Centralsorb, de la société Blue-Zone Technologies Ltd, est un système centralisé qui permet de capturer par filtration les gaz halogénés avant leur rejet dans l’atmosphère. Ces anesthésiques peuvent ensuite être récupérés et traités pour être recyclés. Des appareils sont actuellement utilisés dans plusieurs hôpitaux canadiens mais en attente de l’approbation de la FDA pour la réutilisation des gaz recyclés, l’utilisation de ces dispositifs est encore limitée (9). En 2020, une technique photochimique de destruction des gaz anesthésiants par irradiation UV a été décrite. Peu active sur le N2O (<10% de N2O détruit), elle est intéressante pour les halogénés (10).
Une étude de 2015 montre qu’en remplaçant les gaz anesthésiants par du propofol ou d’autres techniques d’anesthésie intraveineuses ou régionales (lorsque cela est cliniquement indiqué), on réduirait l’appauvrissement de l’ozone de 3 % pour les hystérectomies par laparoscopie et de 28 % pour les hystérectomies robotisées (11).
2. Gestion des déchets
Les établissements de santé sont de gros producteurs de déchets (ex : une tonne par lit d’hôpital et par an en France) (12). Chaque salle d’opération peut produire jusqu’à 2500 kg de déchets annuels, si bien qu’une seule opération chirurgicale classique génère en moyenne plus de déchets qu’une famille de 4 personnes en une semaine.
2.1 Réduire : Les déchets solides
Une action efficace pour améliorer l’empreinte environnementale de la salle d’opération est donc de réduire la quantité de déchets produits. Ceci commence par la lutte contre le gaspillage. En effet, lors des préparations de tables de chirurgie, on constate fréquemment que du matériel est ouvert sans être utilisé. Dans une étude menée sur 52 chirurgies, Chasseigne et al. mettent en évidence un gaspillage à hauteur de 20% du budget alloué au matériel (14). Dans plus de 30% des cas, il s’agit d’une mauvaise anticipation des besoins du chirurgien. Les auteurs proposent dès lors un modèle « just in time » pour les chirurgies non urgentes, au cours duquel le chirurgien demande le bon matériel au bon moment, s’il ne se trouve pas dans le pack dédié.
La réduction de déchets passe par une optimisation des packs chirurgicaux et anesthésiques. Il arrive régulièrement que du matériel se trouve dans un pack alors qu’il n’est jamais utilisé. De la même manière, la constitution d’un pack unique pour un type de chirurgie, dans lequel tout le matériel est stérilisé en une fois, évite la production d’emballages qui seraient générés si chaque dispositif devait être ouvert et stérilité séparément.
2.2. Réutiliser : La gestion des consommables à usage unique
La première cause de surproduction de déchets est liée à l’utilisation des consommables à usage unique. L’usage des dispositifs jetables s’est répandu de manière importante, dans un premier temps pour répondre à des préoccupations concernant le risque infectieux du matériel réutilisable, et s’est ensuite imposé par facilité d’utilisation. Cependant, l’OMS a clairement statué qu’il n’y avait aucune différence en terme d’infection entre le jetable et le réutilisable. Il convient donc de se pencher sur l’impact environnemental de l’un et de l’autre.
Les consommations de matières premières et les rejets ou déchets associés à la fin de vie d’un produit doivent être minimisés et donc tout d’abord quantifiés. C’est l’objet de l’analyse du cycle de vie (ACV), un outil international normalisé (ISO 14040) qui compile et évalue les intrants, les extrants et les impacts environnementaux potentiels d’un système de produits au cours de son cycle de vie. L’ACV est un outil très utile dont l’utilisation par les établissements de santé doit être encouragée afin d’améliorer leur impact environnemental. Cette analyse devrait être notamment considérée lors du choix d’un matériel médical dans les services de chirurgie/anesthésie. Ce choix crucial, qui est souvent effectué aujourd’hui par les chirurgiens situés de fait au sommet de la hiérarchie, pourrait aussi donner lieu à une décision plus collégiale pour aider à rationaliser les initiatives écologiques (15).
Plusieurs évaluations ont comparé les ACV de matériels réutilisables ou à usage unique dans les salles d’opération, comme les différents types de blouses, les masques laryngés, les poignées et les lames des laryngoscopes rigides, les sets d’insertion de cathéters veineux centraux ou les brassards de tension artérielle. Ces études rigoureuses à grande échelle sont toutes en faveur des produits réutilisables, avec des réductions d’impact environnemental parfois considérables (16; 17). Le choix d’un matériel réutilisable ne doit pas cependant être systématique, mais doit reposer sur une évaluation stricte préalable. Les émissions de CO2 dues aux produits jetables dépendent pour l’essentiel de la nature de l’énergie nécessaire à leur fabrication en grand nombre, alors que l’empreinte carbone de produits réutilisables provient majoritairement des cycles de lavage répétés. L’empreinte écologique des dispositifs médicaux réutilisables est aussi fonction du nombre de réutilisations, du type de nettoyage (désinfection de bas niveau ou de haut niveau), de la stérilisation (vapeur ou oxyde d’éthylène), et de la gestion de l’élimination des déchets (18).
Le critère économique étant aussi un paramètre de premier plan dans la prise de décision, il doit être estimé correctement sans privilégier a priori les articles jetables, moins chers à l’achat et sans coûts de maintenance. Lors de l’utilisation de laryngoscopes réutilisables, Sherman et al. ont montré que dans un hôpital effectuant 60.000 intubations par an, les économies financières se situent entre 675.000 et 869.000 dollars, en fonction du type de nettoyage utilisé (désinfection ou stérilisation) (19). À l’inverse, la perte d’un équipement réutilisable peut avoir des conséquences environnementales et financières très significatives. Les mesures à prendre pour préserver la stérilité du matériel réutilisable doivent être rigoureusement définies, en s’appuyant par exemple sur les recommandations de l’OMS. Ainsi, les appareils non invasifs en contact avec une peau intacte, tels que les brassards de tensiomètre et les stéthoscopes, peuvent être réutilisés après un simple nettoyage. Les appareils semi-invasifs, en contact avec les muqueuses ou les fluides corporels (par exemple, les lames de laryngoscope, les masques...) nécessitent un niveau élevé de désinfection avant d’être réutilisés (20). Le maintien de l’asepsie des circuits respiratoires d’anesthésie exige un lavage ou un renouvellement hebdomadaire (21; 22).
2.3 Recycler : L’optimisation du tri et du recyclage des déchets
Classiquement, les déchets issus des établissements de soins sont classés en déchets hospitaliers assimilés aux ordures ménagères (DAOM) et les déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI). Ces derniers sont considérés comme dangereux et sont divisés en déchets chimiques, infectieux ou radioactifs. Selon l’OMS (23), seuls 15% de nos déchets sont dangereux, et entrent dans la catégorie DASRI (Figure 2 et Tableau 2).
Les 85 % restants sont non dangereux et donc potentiellement recyclables. En réalité les DASRI en salle d’opération sont surévalués en raison de mauvaises pratiques de tri ou d’excès de précaution, ce qui diminue le recyclage et accroit les coûts d’évacuation car ils nécessitent un traitement 5 à 6 fois plus cher que les DAOM avec une forte dépense énergétique (13). Des démonstrations pédagogiques de tri sur le terrain peuvent faire diminuer fortement les volumes de DASRI (13). Une réorganisation de la collecte menée à l’Institut Curie de Paris a permis en 6 mois la réduction de 50 à 20% de DASRI et un gain en eCO2 de 7,6 t (24). Une sensibilisation des médecins et des infirmières à la problématique du tri et du recyclage des déchets dès le début de leur cursus pourrait aussi se révéler très profitable (15). Un autre avantage d’une ségrégation appropriée des déchets au lieu de production est de mieux garantir la protection des personnes qui les manipulent (15). Jusqu’à 25 % des déchets de bloc opératoire, dont 40 à 60 % seraient recyclables, sont générés par les anesthésistes. Selon un audit prospectif réalisé à Melbourne sur six blocs opératoires, 23% des déchets sont recyclables, 45% sont à évacuer en DAOM et 32% en DASRI (15). Au sein de notre établissement (Figure 3) on retrouve sensiblement les mêmes proportions. Augmenter la fraction de déchets recyclables pourrait passer par un développement des installations qui recyclent le verre médical, ou par celui de filières ou d’initiatives caritatives (ex : «Les Petits Doudous» en France) qui recyclent les métaux des blocs opératoires (13).
2.4. La gestion des médicaments
Une étude récente dans un hôpital américain a permis d’évaluer l’ampleur du gaspillage des médicaments utilisés en anesthésie, notamment le propofol (25). Les effets néfastes sur l’environnement des médicaments sont représentés par l’index PBT noté de 0 à 9 (persistance, bioaccumulation et toxicité). Le propofol a par exemple un PBT de 9, le fentanyl de 8 et l’ondansetron de 6 (26). D’autres études menées en 2019 ont montré l’importance de la pollution par ces médicaments (27). On doit en conclure qu’une meilleure gestion des médicaments en salle d’opération est plus que souhaitable. Une stratégie pour réduire ce gaspillage consiste à n’utiliser que les plus petits flacons de propofol (20 mL) (15). Une autre fait appel à l’utilisation de seringues préremplies, par exemple en prélevant l’anesthésiant de manière stérile dans de plus grands flacons à la pharmacie. Pour les médicaments coûteux et fréquemment utilisés (ex : sugammadex, dexmédétomidine), c’est un choix dont la pertinence a été démontrée récemment (9).
2.5. Impact potentiel des produits d’anesthésie sur le milieu aquatique
La pollution des eaux par les médicaments les plus utilisés (contraceptifs oraux, antihypertenseurs, antibiotiques, antiépileptiques, antidépresseurs et analgésiques) est bien documentée (28) et nombre de ces molécules ou leurs métabolites sont reconnus comme potentiels perturbateurs endocriniens, neurotoxiques, mutagènes ou cancérogènes (29). En anesthésie, le propofol se distingue par une écotoxicité aquatique forte sur un éventail d’espèces végétales et animales. La contamination des eaux de surface par le propofol n’a pas fait l’objet d’évaluation rigoureuse, mais il représente clairement une menace en raison de la quantité utilisée (c’est le deuxième médicament le plus administré en termes de masse), du potentiel élevé de bioaccumulation et d’une grande mobilité dans les sols. (29) Les effets sur l’environnement aquatique d’une exposition chronique à de faibles doses d’autres médicaments de premier plan en anesthésie, comme le céfazoline, l’acétaminophène, le sugammadex et la lidocaïne n’ont pas été évalués et justifient de poursuivre les recherches.
3. Energie et Eau
La dépense énergétique d’un hôpital est très élevée, le bloc opératoire consommant 3 à 6 fois plus d’énergie/m2 que les autres zones, en raison notamment des exigences strictes concernant la qualité de l’air pendant les opérations (9). Pour réduire la consommation d’énergie, plusieurs pistes ont été proposées : remplacer les éclairages par des diodes électroluminescentes (DEL) et des lampes à faible teneur en mercure ; rationnaliser l’utilisation de l’électricité, car les salles d’opération sont inoccupées jusqu’à 40 % du temps. La climatisation, la ventilation et/ou le chauffage pourraient être limités lorsque les salles d’opérations sont fermées. Il a été montré par exemple que l’arrêt de la ventilation du bloc opératoire la nuit n’entraîne pas d’augmentation de la contamination microbiologique (18).
L’eau potable est une ressource vitale dont la gestion doit être strictement optimisée. Plusieurs propositions dans ce sens ont été formulées pour réduire la consommation d’eau et améliorer l’impact écologique lié à son utilisation. Par exemple, remplacer la livraison de bouteilles d’eau en grand nombre par une fontaine à eau fournissant de l’eau stérilisée et l’emploi de gourdes recyclables (13). Réduire la quantité d’eau nécessaire au lavage des mains en effectuant ce lavage au début du programme opératoire avec des robinets à détecteur et en utilisant du gel hydro-alcoolique entre les cas, lorsque les mains ne sont pas souillées (18). Les procédures de lavage des patients peuvent aussi être passées au crible pour limiter la dépense de sérum physiologique, au cours des appendicectomies par exemple (30). Un arbitrage difficile doit aussi être fait entre l’emploi de dispositifs réutilisables qui nécessitent de l’eau pour le nettoyage et les dispositifs à usage unique (31).
Discussion
Notre revue a pour objectif de présenter au lecteur un éventail des alternatives qui s’offrent aux soignants et utilisateurs des blocs opératoires pour réduire l’empreinte carbone liée à l’activité des soins de santé. Elle illustre la manière d’appliquer les 3 R (Réduire, Réutiliser, Recycler) en s’appuyant sur la littérature existante. Nous n’avons pas abordé en détail les 2 autres R : Rechercher et Repenser. Nous avons besoin de recherches plus poussées et plus nombreuses sur les effets environnementaux des activités liées aux soins de santé, des analyses de cycle de vie des matériaux, des comparaisons et analyses coût-bénéfice ainsi que sur le développement de matériel à moindre impact environnemental. Tout ceci en maintenant des soins de santé de haute qualité. Il est par ailleurs essentiel de repenser notre pratique depuis la base et s’interroger sur l’utilité même de certains actes, examens ou intervention. L’éducation et la sensibilisation des acteurs de soins depuis les études jusqu’à la formation continue est également un axe essentiel au changement de mentalité. De même, l’intégration de normes environnementales dans les processus d’accréditation des hôpitaux faciliterait l’implémentation de pratiques plus écologiques.
Nous n’avons pas évoqué les nombreux freins qui empêchent une évolution vers une médecine plus verte. Elle va de la complexité administrative des institutions de soins, le manque de soutien des organes décisionnels à la résistance humaine au changement.
Conclusion
Selon les travaux du GIEC, la crise climatique liée à la production de GES par les activités humaines est la menace la plus importante et la plus durable jamais décrite pour la santé mondiale (1). Dans ce contexte, le système de santé constitue un paradoxe. Par destination, il se doit de faire face aux conséquences du changement climatique sur la santé humaine, mais il est en même temps un acteur important qui contribue lui-même, et de manière substantielle au bouleversement du climat dont il combat les effets. Il est donc essentiel qu’il agisse lui aussi pour préserver un environnement sain et lutter contre le réchauffement de notre planète (15). Dans les services d’anesthésie et les blocs opératoires, le rejet d’anesthésiants volatils agissant comme des GES, la production de déchets considérables et la forte consommation d’énergie sont des paramètres sur lesquels il est possible d’agir pour améliorer l’empreinte carbone de ces activités. Les exemples d’actions récentes répondant à cette finalité qui ont été évoqués dans cette revue attestent du dynamisme avec lequel le personnel de santé s’est emparé de cette mission. Cet effort doit encore se poursuivre pour préserver l’avenir des générations futures.
Recommandations pratiques
D’une manière générale, pour améliorer l’impact environnemental des services de santé il convient d’appliquer la règle des 5R (réduire l’empreinte carbone de notre pratique, réutiliser ce qui est déjà produit, recycler les matériaux de base, repenser notre mode de travail et rechercher des alternatives écologiques). Des recommandations plus ciblées vers les blocs opératoires sont résumées dans la Tableau 3.
Affiliations
Cliniques universitaires Saint-Luc, Service d’anesthésie/réanimation, B-1200 Bruxelles
1. Assistant
2. Cheffe de clinique associée, Saint-Luc en anesthésie réanimation pôle pédiatrie
Correspondance
DR. NATALIA MAGASICH-AIROLA
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service d'Anesthésiologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
natalia.magasich@saintluc.uclouvain.be
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