Recommandations Européennes pour la prise en charge des endocardites
Agnès Pasquet, Laurence Bamps, Leila Belkhir, Mélanie Dechamps, Julien De Greef, Véronique Roelants, Jean Cyr Yombi
La société Européenne de Cardiologie (ESC) a émis en 2023 de nouvelles recommandations pour la prise en charge de l’endocardite (1), celle-ci remplacent les recommandations de 2015 (2). Les nouveautés par rapport aux recommandations 2015 sont en gras.
Comme les précédentes, ces recommandations insistent sur la prévention.
Les patents considérées comme à « haut risque » d’endocardite infectieuse pour lesquels une prophylaxie antibiotique est recommandée ou devrait être envisagée sont les suivants :
- patients ayant déjà présenté une endocardite infectieuse ;
- patients porteurs de prothèses valvulaires implantées chirurgicalement, ou par voie percutanée (cathétérisme) et de tout matériau utilisé pour la réparation des valves cardiaques. En ce qui concerne les interventions valvulaires mitrales et tricuspides percutanées, les données sur le risque d’endocardite infectieuse sont limitées. Les patients porteurs de dispositifs de fermeture de communication interauriculaire ou interventriculaire, de dispositifs de fermeture de l’auricule gauche, de greffes vasculaires, de filtres de la veine cave et de shunts ventriculo-atriaux sont considérés comme appartenant à cette catégorie de risque au cours des 6 premiers mois suivant l’implantation ;
- les patients atteints de cardiopathies congénitales (à l’exclusion des anomalies valvulaires congénitales isolées) présentant un risque accru sont ceux qui souffrent d’une cardiopathie cyanogène non traitée et ceux dont la chirurgie comprend du matériel prothétique, notamment des conduits valvés ou des shunts systémiques-pulmonaires. Les patients qui subissent une fermeture percutanée de communication interauriculaire ou interventriculaire ou une chirurgie avec du matériel prothétique non lié à une valve ont également un risque accru, principalement au cours des six premiers mois suivant l’opération ;
- les patients porteurs d’un dispositif d’assistance ventriculaire.
Les patents considérées comme à « risque intermédiaire » d’endocardite infectieuse sont les suivants :
- cardiopathie rhumatismale (RHD) ;
- valvulopathie dégénérative non rhumatismale ;
- anomalies valvulaires congénitales, y compris la bicuspide aortique ;
- dispositifs électroniques implantés au niveau cardiovasculaire (stimulateur cardiaque, défibrillateur implantable…);
- cardiomyopathie hypertrophique.
Chez ces patients, l’antibioprophylaxie n’est pas systématiquement recommandée et peut être envisagée au cas par cas.
De même, les patients porteurs d’une greffe cardiaque peuvent être candidat à une prophylaxie antibiotique (Indication classe IIC, niveau évidence C) .
Chez tous les patients, les mesures de prévention sont fortement encouragées :
- Brossage des dents 2 fois par jour, et un suivi dentaire 2X/an pour les patients à haut risque et 1x/an pour les autres patients.
- Une hygiène cutanée stricte, y compris en cas d’affection cutanée.
- Désinfection des plaies.
- Traitement antibiotique pour toute infection bactérienne.
- Pas d’automédication avec des antibiotiques.
- Mesures strictes de contrôle de l’infection pour toute intervention à risque.
- Décourager les piercing tatouages.
- Limitation dans la mesure du possible des procédures invasives. Soins d’asepsie stricts pour les soins de voies centrales et périphériques.
Les céphalosporines ne seront pas utilisées en cas d’histoire d’angioedème, d’anaphylaxie ou de rash urticarien associé avec la pénicilline ou l’ampicilline.
La clindamycine présente dans les recommendations 2015 a été retirée de cette liste vu le risque de colite a Clostridioides d’autres alternatives sont proposées dans le tableau.
Références
- Delgado V, Marsan N,de Waha S, Bonaros N, Brida M, Burri H, et al.; ESC Sci Document Grp 2023 ESC Guidelines for the management of endocarditis, Eur Heart J. 2023; 44: 3948–4042 https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehad193
- Habib G, Lancellotti P, Antunes MJ, Bongiorni MG, Casalta JP, Del Zotti F et al.; ESC Scientific Document Group. 2015 ESC Guidelines for the management of infective endocarditis: The Task Force for the Management of Infective Endocarditis of the European Society of Cardiology (ESC). Endorsed by: European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), the European Association of Nuclear Medicine (EANM). Eur Heart J. 2015 Nov 21;36(44):3075-3128. doi: 10.1093/eurheartj/ehv319. Epub 2015 Aug 29. PMID: 26320109.
Quoi de neuf pour les lipides ? Survol des meilleures études de 2023 (1)
Agnès Pasquet
De nouvelles études sont venues enrichir notre connaissance des liens entre dyslipidémie et atteintes cardiovasculaires La base de données de la Copenhagen Baby Heart Study (2), comprenant des échantillons de sang de cordon ombilical ainsi que des prélèvements fait à la naissance, 2 mois et 14-6 mois et chez les parents montre que les paramètres lipidiques augmentent progressivement depuis la naissance jusque 14-16 mois. Lorsque les taux de lipoprotéine A, HDL cholestérol et LDL cholestérol étaient supérieurs au percentile 80 à la naissance, ces enfants avaient également des taux significativement plus élevés à 2 et 14-16 mois. Les taux de lipides sont liés au sexe, l’âge gestationnel, le poids de naissance, l’allaitement et les concentrations retrouvées chez les parents. Ceci pose la question de l’âge du dépistage dans les hypercholestérolémies familiales.
Les taux de cholestérol ne sont pas répartis uniformément dans le monde, connaitre les disparités pourraient avoir un intérêt dans la cadre d’adaptation de politique de prévention en fonction des particularités locales. En 2023, Le Global Diagnostics Network a publié les résultats des dosages de lipides effectués sur 461 888 753 patients âgés de 20 à 89 ans dans 17 pays sur cinq continents, entre 2018 à 2022. Il existe une grande variabilité selon le pays/la région, le sexe et l’âge. Dans la plupart des pays, le cholestérol total et le LDL-C atteignaient leur maximum à 50-59 ans chez les femmes et à 40-49 ans chez les hommes. Le cholestérol total moyen ajusté en fonction du sexe et de l’âge variaient de 177,1 mg/dL en République de Corée à 208,8 mg/dL en Autriche. Les taux moyens de cholestérol total dépassaient les objectifs de l’OMS au Japon, en Australie, en Macédoine du Nord, en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni en Slovaquie et en Autriche. Cette étude confirme la présence d’une variabilité des taux de lipides entre les pays, reflétant des différences génétiques, de suivi des lipides et d’habitudes de vie. A signaler toutefois que cette étude ne tient pas compte des traitements instaurés ni du nombre de patients sous traitement (3).
Quoi de neuf pour diminuer les taux de LDL Cholestérol ?
L’étude CLEAR Outcomes a randomisé 13 970 sujets présentant une maladie cardiovasculaire ou à risque élevé de maladie cardiovasculaire avec intolérance aux statines ou souhait de ne pas en prendre entre un traitement par acide bémpédoïque à la dose de 180 mg ou un placebo. Notons toutefois que la prise de statine à faible dose ou autre hypolipémiant était autorisée dans les 2 groupes (4). Sur un suivi moyen de 40 mois le groupe traité par acide bémpédoïque avait significativement moins d'évènements cardiovasculaires (décès, infarctus, accident vasculaire cérébral, revascularisation que le groupe placébo (P = 0,004). Après 6 mois de suivi, le groupe acide bémpédoïque présentait une réduction du taux de LDL-C (-21,7 % vs. -0,6) et du taux de hs-CRP (-22,2 % vs. +2.4%) par rapport au placebo. Le traitement par l’acide bémpédoïque n’a pas été associé à une augmentation de l’incidence des myalgies. Cependant des lithiases vésiculaires, la goutte et l’augmentation des enzymes hépatiques ont été observées plus fréquemment qu’avec le placebo.
Les anticorps monoclonaux anti PCSK9 ont démontrés leur grande efficacité chez les patients à haut risque de maladie cardiovasculaire. Néanmoins leur coût, la nécessité de recourir à une injection sont des obstacles à une large utilisation. Une nouvelle molécule MK-0616 administrée par voie orale et qui se lie au PSCK9 a été testée dans une étude randomisée avec placebo en double aveugle sur 375 patients avec des facteurs de risques cardiovasculaires. Une dose de 6, 12, 18 et 30 mg de MK-0616 administrée quotidiennement pendant 8 semaines était associée à une réduction moyenne de des taux de LDL-C de 41,2 %, 55,7 %, 59,1 % et 60,9 %, respectivement. L’incidence des effets secondaires étant la même que pour le placébo (5). Ceci ouvre la voie pour la recherche dans ce type de molécules.
Quoi de neuf pour les triglycérides ?
Le rôle des remnants de cholestérol (VLDL cholestérol) et des triglycérides dans la mortalité cardiovasculaire reste discuté. La Copenhagen General Population Study, a analysé 87 192 habitants âges de 20-69 ans en comparant ceux qui avaient un taux de VLDL cholestérol ≥ 1,0 mmol/L (≥39 mg/dl) a ceux dont le taux était < 0,5 mmol/L (<19 mg/dl) (6). Un taux élevé de VLDL cholestérol est associé avec une majoration du risque cardiovasculaire de 2.2 fois (IC à 95 % 1,3-3,5), du risque de cancer 1,0 (0,7-1,3) et de 2,1 (1,4-3,3) pour les autres causes de mortalité. L’analyse par sous-catégories de causes de décès montre une majoration du risque de 4,4 (1,6-11) pour les cardiopathies ischémiques, 8,4 (2,0-34) pour les maladies infectieuses et 9,1 (1,9-43) pour les affections endocrinologiques. Un taux élevé de VLDL cholestérol ≥1 mmol/L (39 mg/dL), est présent chez 22 % de la population, et des triglycérides ≥2 mmol/L (177 mg/dL), se retrouvent chez 28 % de la population. Ceci pose la question de savoir si le VLDL cholestérol n’est pas plus athérogène que le LDL cholestérol.
Cette question a été également étudiée, sur un groupe issu de la biobanque du Royaume Uni en testant les triglycérides riches en lipoprotéines (TRL/remnant cholestérol) et le risque de maladie coronarienne par rapport au cholestérol LDL (7). Les TRL sont associées de façon significative et indépendamment par rapport au LDL cholestérol aux risques de maladie coronaire. Le risque de maladie coronaire s’accroit avec le rapport TRL remnant/LDL cholestérol. Ces résultats confirment les TRL/remnant ont une athérogénicité supérieure au LDL cholestérol. Néanmoins, la contribution absolue des 2 lipoprotéines doit encore être clarifiée.
Y a-t-il un moyen de réduire directement la Lp(a) ?
Bien que des molécules injectables pour bloquer la production de la Lp(a) fassent l’objet d’études, l’intérêt se porte sur la muvalapline, un médicament actif par voie orale qui empêche la liaison entre l’apo(a) et l’apo B-100 (8). Des études préliminaires de phase 1 montrent que cette molécule est efficace pour réduire le taux de Lp(a) chez des patients normaux. D’autres études doivent venir confirmer ces résultats chez des patients à moyen ou haut risque cardiovasculaire.
Qu’en est-il de l’inflammation ?
L’administration de colchicine dans les 30 jours qui suivent un infarctus diminue le risque de maladie cardiovasculaire. On peut dès lors se poser la question de l’importance relative de la diminution des lipoprotéines athérogènes et de celle de l’inflammation. La mise en commun de 3 études visant à réduire les triglycérides (STRENGTH, REDUCE-IT, et PROMINENT), regroupant 31 245 patients traités par statines a été réanalysée selon les quartiles croissant d’augmentation de la protéine C-réactive (hs-CRP) et du LDL-cholestérol en tant que prédicteurs d’événement cardiovasculaire (décès, infarctus, accident vasculaires cérébral, revascularisation…) (9). Les quartiles les plus élevés par rapport aux quartiles les plus bas de la hs-CRP étaient significativement liés aux décès cardiovasculaires toutes causes confondues alors que le LDL-cholestérol ne l’était pas.
Ces données confirment la valeur prédictive d’une mesure de base de la hs-CRP chez les patients à haut risque, traités par statines et souffrant d’hypertriglycéridémie, ainsi qu’un rôle potentiel pour les traitements ciblant à la fois l’athérosclérose et l’inflammation. Ceci nous amène directement à une des questions non résolues qui est la prédiction de la récidive des accidents cardiovasculaires.
Références
- Tokgozoglu L, Orringer C, Catapano AL The year in cardiovascular medicine 2023: the top 10 papers in dyslipidaemias Eur Heart J. 2023; 00: 1–3, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehad837
- Nielsen ST, Lytsen RM, Strandkjær N, Rasmussen IJ, Sillesen AS, Vøgg ROB, et al. Significance of lipids, lipoproteins, and apolipoproteins during the first 14–16 months of life. Eur Heart J. 2023; 44:4408–18. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehad655.2492
- Martin SS, Niles JK, Kaufman HW, Awan Z, Elgaddar O, Choi R, et al. Lipid distributions in the Global Diagnostics Network across five continents. Eur Heart J. 2023; 44:2305–18. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehad371
- Nissen SE, Lincoff AM, Brennan D, Ray KK, Mason D, Kastelein JJP, et al. Bempedoic acid and cardiovascular outcomes in statin-intolerant patients. N Engl J Med. 2023; 388: 1353–64. https://doi.org/10.1056/NEJMoa2215024
- Ballantyne CM, Banka P, Mendez G, Garcia R, Rosenstock J, Rodgers A, et al. Phase 2b randomized trial of the oral PCSK9 inhibitor MK-0616. J Am Coll Cardiol. 2023;81: 1553–64. https://doi.org/10.1016/j.jacc.2023.02.018
- Wadström BN, Pedersen KM, Wulff AB, Nordestgaard BG. Elevated remnant cholesterol, plasma triglycerides, and cardiovascular and non-cardiovascular mortality. Eur Heart J. 2023; 44:1432–45. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehac822
- Björnson E, Adiels M, Taskinen MR, Burgess S, Rawshani A, Borén J, et al. Triglyceride-rich lipoprotein remnants, low-density lipoproteins, and risk of coronary heart disease: a UK Biobank study. Eur Heart J. 2023; 44:4186–95. https://doi.org/10. 1093/eurheartj/ehad337
- Nicholls SJ, Nissen SE, Fleming C, Urva S, Suico J, Berg PH, et al. Muvalaplin, an oral small molecule inhibitor of lipoprotein(a) formation: a randomized clinical trial. JAMA 2023; 330:1042–53. https://doi.org/10.1001/jama.2023.16503
- Ridker PM, Bhatt DL, Pradhan AD, Glynn RJ, MacFadyen JG, Nissen SE. Inflammation and cholesterol as predictors of cardiovascular events among patients receiving statin therapy: a collaborative analysis of three randomised trials. Lancet. 2023;401: 1293–301. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00215-5
Affiliations
Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles
1. Service de cardiologie
2. Service de médecine interne et maladies infectieuses
3. Service des soins intensifs cardiovasculaires
4. Service de médecine nucléaire
Correspondance
Dre Agnès Pasquet
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