L’automatisation des prick-tests cutanés pour plus de standardisation et de fiabilité
Valérie Hox, Philippe Rombaux, Caroline Huart, Caroline De Toeuf, Sandra Schmitz
Les maladies allergiques touchent un tiers de notre population et sont associées à un impact souvent sous-estimé sur la santé physique et mentale de ces patients. Parmi ce grand groupe, la rhinite allergique est l’affection la plus courante et est causée par les voies médiées par les IgE contre les allergènes inhalés (1). Environ 30 à 40% de la population occidentale souffre de rhinite allergique, sa prévalence ayant tendance à augmenter au cours des dernières décennies (2).
Le prick-test cutané (SPT) et le dosage des IgE spécifiques sériques sont les pierres angulaires du diagnostic de la rhinite allergique aux allergènes inhalés. Le SPT est connu pour être plus sensible que les IgE spécifiques du sérum (3) mais également pour être associé à un certain degré de variabilité qui peut être attribué à la compétence du testeur, au dispositif de test ou aux extraits à tester (4,5). Pour résoudre ce problème et augmenter la fiabilité et la standardisation du SPT, le dispositif médical Skin Prick Automated Test (S.P.A.T.) a été développé (6). Il a été démontré que la variabilité lors de piqûres répétées avec les mêmes extraits tests chez la même personne est significativement plus faible avec S.P.A.T. par rapport à la méthode conventionnelle de SPT (7). S.P.A.T. effectue simultanément 12 ponctions sur l’avant-bras du patient avec une force de ponction standardisée. Après 15 minutes, l’appareil S.P.A.T. a pris 35 photos sous différents angles d’éclairage, ce qui a ensuite permis de mesurer et de numériser les réactions cutanées sur une visionneuse Web. De cette façon, le S.P.A.T. contribue à un SPT plus reproductible, grâce à l’automatisation de l’ensemble du processus de test d’allergie. Une étude clinique est actuellement en cours au service d’ORL des Cliniques Universitaires Saint-Luc pour tester l’application de l’intelligence artificielle (IA) à la lecture des résultats du S.P.A.T. Si cela se confirme, à partir de mars 2024, les diagnostics S.P.A.T. assistés par l’IA seront appliqués en pratique courante à notre service ORL.
References
- Bousquet J, Anto JM, Bachert C, Baiardini I, Bosnic-Anticevich S, Walter Canonica G, e.a. Allergic rhinitis. Nat Rev Dis Primer. 3 december 2020;6(1):95.
- Genuneit J, Seibold AM, Apfelbacher CJ, Konstantinou GN, Koplin JJ, La Grutta S, e.a. Overview of systematic reviews in allergy epidemiology. Allergy. juni 2017;72(6):849-56.
- Gureczny T, Heindl B, Klug L, Wantke F, Hemmer W, Wöhrl S. Allergy screening with extract-based skin prick tests demonstrates higher sensitivity over in vitro molecular allergy testing. Clin Transl Allergy. februari 2023;13(2):e12220.
- Bernstein IL, Li JT, Bernstein DI, Hamilton R, Spector SL, Tan R, e.a. Allergy diagnostic testing: an updated practice parameter. Ann Allergy Asthma Immunol Off Publ Am Coll Allergy Asthma Immunol. maart 2008;100(3 Suppl 3):S1-148.
- Werther RL, Choo S, Lee KJ, Poole D, Allen KJ, Tang MLK. Variability in skin prick test results performed by multiple operators depends on the device used. World Allergy Organ J. december 2012;5(12):200-4.
- Seys SF, Gorris S, Uyttebroek S, Backaert W, Jorissen M, Schrijvers R, Daems R, Loeckx D, Van Gerven L, Hellings PW. Evaluation of skin prick location on the forearm using a novel skin prick automated test device. Front Allergy. 2023 Nov 1;4:1289031. doi: 10.3389/falgy.2023.1289031. eCollection 2023.
- Gorris S, Uyttebroek S, Backaert W, Jorissen M, Schrijvers R, Thompson MJ, e.a. Reduced intra-subject variability of an automated skin prick test device compared to a manual test. Allergy. mei 2023;78(5):1366-8.
Remboursement de la stimulation du nerf grand hypoglosse pour les patients avec un syndrome d’apnées du sommeil ne répondant pas à la CPAP
Philippe Rombaux, Valérie Hox, Caroline De Toeuf, Caroline Huart
La stimulation du nerf grand hypoglosse est un traitement de deuxième ligne chez le patient qui présente un syndrome d’apnées-hypopnées, de forme obstructive, liées au sommeil et chez qui le traitement par CPAP n’est pas toléré ou démontre une compliance faible. Dans ce cas, on peut proposer au patient une neurostimulation du nerf grand hypoglosse. Ce traitement a pour but de tonifier les muscles de la langue et d’éviter une fermeture sur les voies aériennes supérieures qui serait à la base d’une apnée. Le traitement de la stimulation du nerf grand hypoglosse, nerf moteur des muscles extrinsèques et intrinsèques de la langue, est un traitement qui est effectué depuis 2009 dans le service d’oto-rhino-laryngologie des Cliniques universitaires Saint-Luc.
Le grand changement pour l’année 2023 est le fait que ce traitement est maintenant remboursé par l’INAMI. En effet, auparavant, nous proposions ce type de traitement lors d’études et le financement était assuré par les firmes de matériel médical (ImThera). Depuis l’année dernière, l’implant en lui-même ainsi que la mise en place chirurgicale de cet implant et le suivi post-opératoire sont remboursés par l’INAMI. La procédure administrative demande la rédaction d’un dossier médical avec la polysomnographie démontrant le syndrome d’apnées, avec des éléments qui prouvent que le patient n’est pas compliant et/ou pas tolérant à la CPAP nasale, un indice de masse corporelle inférieur à 32 et également un enregistrement vidéo d’une endoscopie de sommeil induit. Lors de cet enregistrement, l’examinateur évalue la fermeture de la filière respiratoire supérieure à différents endroits et un facteur d’exclusion est une fermeture concentrique à 100% lors du sommeil induit, au niveau du segment vélophayngé. Ceci est un facteur d’exclusion pour proposer la neurostimulation du nerf grand hypoglosse au patient et cette décision de l’INAMI se base sur les études qui ont été réalisées auparavant, qui démontraient que les patients avec ce type de collapsus concentrique complet répondaient moins bien à la neurostimulation.
La technologie actuelle est nommée « INSPIRE » et correspond donc à une neurostimulation des branches nerveuses terminales du nerf grand hypoglosse, dans la loge sous-mandibulaire. L’électrode est placée autour de la branche nerveuse et est reliée par un câble qui se situe sous la peau, à une batterie et aux composés électroniques qui sont rassemblés dans un boîtier qui se situe sous la peau, en région thoracique. La mise en place de l’implant, qui comporte donc l’électrode, le câble et le boîtier, est pratiquée sous anesthésie générale et dure environ une heure. Par la suite, certains paramètres de stimulation sont décidés en fonction de la polysomnographie et le patient passe alors des nuits sous neurostimulation, avec un effet positif sur le syndrome d’apnées-hypopnées dans 85% des cas.
Aux côtés des autres traitements du syndrome d’apnées-hypopnées liées au sommeil, tels que les chirurgies conventionnelles, l’orthèse mandibulaire, la CPAP nasale, la thérapie positionnelle, la neurostimulation du nerf grand hypoglosse s’inscrit donc dans l’arsenal thérapeutique que les équipes multidisciplinaires du Centre du Sommeil des Cliniques universitaires Saint-Luc peuvent proposer au patient.
Nouveauté : remboursement de l’implant cochléaire en cas de surdité unilatérale de l’enfant
Anaïs Grégoire, Monique Decat, Daniele De Siati, Sara Castelein
L’implantation cochléaire est le gold standard pour les surdités sévères à profondes depuis de nombreuses années. Pendant longtemps, la prise en charge financière de l’INAMI a été restreinte aux surdités bilatérales, avec le remboursement de deux implants jusque l’âge de 12 ans et d’un seul implant au-delà. Au cours des dernières années, différentes études, belges et internationales, ont été menées afin d’étudier les potentiels bénéfices d’une implantation cochléaire en cas de surdité unilatérale. L’incidence des surdités unilatérales congénitales est de 1/1000 nouveau-nés, dont 46% présentent une anomalie du nerf cochléo-vestibulaire (1). Mais le plus souvent, la surdité unilatérale apparait au cours de l’enfance, puisque 50/1000 adolescents en sont atteints (2). Les surdités unilatérales d’apparition tardive peuvent être d’origine congénitale, par exemple sur infection congénitale au CMV ou dilatation de l’aqueduc du vestibule, ou être acquises à la suite d’une méningite ou d’une fracture du rocher. À cause de la perte de l’audition binaurale, les sujets atteints de surdité unilatérale présentent un déficit de localisation des sons et des difficultés auditives dans le bruit, entrainant une fatigue auditive. De plus, les enfants présentant une surdité unilatérale ont plus de risque de développer un retard de langage et des apprentissages (3). Les études récentes montrent que la mise en place d’un implant cochléaire chez les enfants atteints de surdité unilatérale améliore l’audition dans le calme et dans le bruit (2), la localisation des sons, les compétences grammaticales précoces ainsi que les compétences langagières plus complexes, telles que la narration et la mémoire verbale à court terme (3).
Suite à ces études, l’INAMI a modifié ses conditions de remboursement, avec application dès le 1er janvier 2024. Les enfants présentant une surdité unilatérale pourront bénéficier d’un implant cochléaire remboursé par la sécurité sociale. Cependant, deux conditions importantes sont à remplir. Premièrement, en cas de surdité congénitale, il est nécessaire que le nerf cochléo-vestibulaire soit normal, ce qui se vérifie sur l’IRM pré-opératoire. Deuxièmement, l’implantation cochléaire doit avoir lieu relativement rapidement après l’installation de la surdité : avant l’âge de 4 ans dans le cas des surdités congénitales (pour rappel, les enfants peuvent être opérés dès l’âge de 7-8 mois), et dans les 7 ans qui suivent le diagnostic de surdité profonde dans le cas des surdités acquises. Cette fenêtre thérapeutique est importante pour éviter une réorganisation délétère des voies auditives du côté sourd, avec des résultats auditifs beaucoup moins probants (2,4). Par ailleurs, comme dans tous les cas d’implantation cochléaire, il est important de bien informer les parents de l’importance de l’entrainement auditif post-opératoire, entre autres grâce à la rééducation logopédique, du port régulier de l’implant, et de la nécessité d’un suivi auditif (1).
Références
- Park LR, Griffin AM, Sladen DP, Neumann S, Young N. American Cochlear Implant Alliance Task Force Guidelines for Clinical Assessment and Management of Adult Cochlear Implantation for Single-Sided Deafness. Ear Hear. 2022;43(2):255-267. doi:10.1097/AUD.0000000000001260
- Benchetrit L, Ronner EA, Anne S, Cohen MS. Cochlear Implantation in Children with Single-Sided Deafness: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Otolaryngol - Head Neck Surg. 2021;147(1):58-69. doi:10.1001/jamaoto.2020.3852
- Arras T, Boudewyns A, Dhooge I, et al. Early cochlear implantation supports narrative skills of children with prelingual single-sided deafness. Sci Rep. 2023;13(1):1-10. doi:10.1038/s41598-023-45151-x
- Arndt S, Findeis L, Wesarg T, et al. Long-Term Outcome of Cochlear Implantation in Children With Congenital, Perilingual, and Postlingual Single-Sided Deafness. Ear Hear. 2023. doi:10.1097/AUD.0000000000001426
Affiliations
Cliniques universitaires Saint-Luc, Service d’oto-rhino-laryngologie, B-1200 Bruxelles
Correspondance
Dre Anaïs Grégoire
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service d’oto-rhino-laryngologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles