Introduction
La capsulite rétractile, ou épaule gelée, touche majoritairement la femme, avec un pic d’incidence entre 40 et 60 ans. La durée des symptômes oscille entre 1 an et 3 ans. Ce qui explique que cette pathologie a un impact socio-économique important avec des durées d’incapacité de travail long et de multiples recours aux soins de santé. Souvent, la maladie apparaît sans histoire traumatique, de façon idiopathique. Cependant, il n’est pas rare, en discutant avec le patient, de découvrir des facteurs psychologiques tels que la dépression, des problèmes familiaux, le stress ou problème au travail, qui peuvent favoriser le développement de cette maladie. Des facteurs de risque ont pu être mis en évidence, notamment le diabète, rencontré dans 24 à 30% des patients, selon les études ainsi que les pathologies thyroïdiennes. Le statut post-opératoire ainsi que post-traumatique de l’épaule favorise également la capsulite. La prévalence est de 2% dans la population générale mais monte jusqu’à 10% dans la population diabétique de type 2 (2). La limitation des amplitudes passives et actives est secondaire à une fibrose progressive de la capsule articulaire de l’articulation gléno-humérale et à une rétraction des récessus capsulaires (3). L’évolution clinique est marquée par 3 phases : douloureuse- rétraction- récupération généralement complète.
Anamnèse et clinique
L’anamnèse ainsi que l’examen clinique du patient permet de le situer dans la phase de la pathologie (Figure 1) :
- 1re phase : phase chaude douloureuse. Cette étape prend entre 10 et 36 semaines. Les douleurs priment sur les pertes de mobilités. Les douleurs sont insomniantes et ne sont pas liées à l’activité ;
- 2e phase : stade de raideur, prend entre 4 et 12 mois, les douleurs s’atténuent mais la raideur s’installe, principalement marquée par une perte de rotation externe. La diminution des amplitudes en élévation dans le plan de la scapula permet également d’évaluer la raideur par rapport au côté controlatérale. La raideur prime sur la douleur durant cette phase ;
- 3e phase : phase résolutive durant entre 5 et 26 mois. Le patient récupère progressivement ses amplitudes, normalement jusqu’à récupération complète. Les douleurs disparaissent également (4).
Les facteurs psychosociaux tels que la dépression, la catastrophisation de la douleur ou l’anxiété vis à vis de la douleur, sont également importants à prendre en compte et peuvent jouer sur la durée des 3 phases de la maladie (5).
Il est généralement admis que la majorité des patients récupère une épaule normale sans aucune limitation des activités de la vie quotidienne. Cependant, il peut arriver que la guérison ne soit pas complète, car jusqu’à 50% des patients continuent de se plaindre de légères douleurs ou limitations et environ 6% sont très algiques au long court. D’où l’intérêt de prendre en charge précocement ces patients, pour une récupération optimale des fonctions et un soulagement des douleurs (6).
Anatomopathologie
Maladie qui se caractérise par une forte inflammation synoviale de la capsule articulaire. Celle-ci entraîne une prolifération de fibroblastes, qui, sous l’action de cytokines inflammatoires dont le TGF-β1, se transforment en myofibroblastes, impliqués dans la production de tissu cicatriciel. C’est cette production de tissu fibreux au niveau de la capsule qui entraîne, avec le temps, une contraction et un rétrécissement de la capsule articulaire responsable de la raideur clinique (8).
Classification et étiologie
Il est habituel de distinguer les formes primaires ou idiopathiques des formes secondaires, où, soit une pathologie intrinsèque de l’épaule est mise en évidence, soit une pathologie extrinsèque à l’épaule est évoquée comme facteur déclenchant (Tableau 1).
Pour tous les patients atteints de capsulite rétractile, une prédisposition systémique et un seuil d’inflammation bas contribuent au développement de cette pathologie. Près de 80% des patients présentent une à deux comorbidités (intrinsèques ou extrinsèques) et 35% des patients ont trois comorbidités ou plus (7) (8).
Examens complémentaires
Il est important de noter que l’imagerie n’apporte aucune supériorité diagnostique par rapport à une anamnèse détaillée et un examen clinique rigoureux. Le diagnostic de capsulite reste clinique et aucun examen complémentaire ne modifiera la prise en charge thérapeutique initiale.
Pour autant, la radiographie est un examen intéressant à réaliser pour exclure une omarthrose, qui peut également se manifester par une perte de mobilité passive et active de l’épaule, associée à des douleurs. Elle peut également apporter des éléments en faveur d’un syndrome douloureux régional complexe caractérisé par une déminéralisation régionale hétérogène et mouchetée avec respect de l’interligne articulaire. La radiographie détecte également une calcification tendineuse, pouvant être à l’origine du développement de la capsulite.
Les autres examens d’imagerie tels que l’échographie, l’arthroscanner, la scintigraphie et l’IRM ne sont pas nécessaires pour le diagnostic initial de la capsulite rétractile. L’arthroscanner permet, en effet, le diagnostic par la réduction de la capacité d’injection intra-articulaire mais cet examen est douloureux ainsi qu’irradiant. Bien que l’IRM puisse révéler également des signes de capsulite, tels que l’épaississement de la capsule inférieure ou la disparition du récessus axillaire, ainsi que l’épaississement du ligament coraco-huméral ou de l’intervalle des rotateurs, son utilisation immédiate n’est pas recommandée. En effet, l’IRM, au même titre que l’échographie et l’arthroscanner, est surtout utile pour diagnostiquer des lésions de la coiffe des rotateurs. Cependant, même si une lésion de la coiffe est diagnostiquée par ces examens complémentaires, celle-ci ne pourra être correctement évaluée et traitée qu’après la récupération des amplitudes articulaires et la guérison de la capsulite.
Ainsi, le recours à l’imagerie doit être judicieusement limité aux cas où il est nécessaire d’exclure d’autres pathologies (pathologies intrinsèques de l'épaule Tableau 1), dans la mesure où une intervention chirurgicale ou une autre attitude thérapeutique pourrait être envisagée à distance des premiers symptômes, après la résolution de la capsulite rétractile, pour gérer le problème sous-jacent.
Options thérapeutiques
La prise en charge de la capsulite rétractile est toujours conservatrice dans un premier temps. Elle vise à éduquer le patient, réduire les douleurs et regagner en mobilité. Le médecin généraliste joue un rôle crucial en tant que coach, encourageant activement le patient tout au long du processus de rétablissement.
Traitements conservateurs
Kinésithérapie
La physiothérapie est essentielle pour améliorer la mobilité de l’épaule. Des exercices spécifiques et des techniques de mobilisation sont adaptés à la phase de la maladie. Le kinésithérapeute joue également un rôle majeur dans la prise en charge surtout pour assurer un suivi régulier du patient, permettant ainsi de surveiller son état émotionnel et de l’encourager sur les progrès obtenus (9).
Dans la phase initiale très inflammatoire, il faut privilégier l’hydrothérapie, la mobilisation pendulaire, les massages et l’électrostimulation pour réduire la douleur. Lorsque celle-ci diminue, une mobilisation active et passive de l’épaule peut être débutée. La kinésithérapie doit s’adapter aux douleurs du patient pour ne pas entretenir le cercle vicieux de la douleur (10).
La technique du miroir semble montrer son efficacité selon les études récentes (8) (10). Les ondes de choc semblent montrer un impact positif sur la douleur et la mobilité, en tant que traitement adjuvant aux techniques de physiothérapie habituelles durant la phase 1, à noter que ce traitement est souvent signalé douloureux par les patients durant la séance (11). En revanche, les techniques par laser, ultrasons ou stimulation nerveuse transcutanée ne sont pas prouvées efficaces.
Médication
Le recours aux antalgiques de palier 1 et 2 doit être systématique, mais nécessite un suivi de ses résultats. En l’absence d’amélioration, il est nécessaire d’arrêter leur prise. Leur utilisation permet de soulager la douleur pour les activités de la vie quotidienne ainsi que pour les exercices d’étirement et de kinésithérapie quotidiens mais ne change en rien le cours de la maladie et l’apparition de raideur. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont les plus fréquemment utilisés, surtout durant la phase 1, avec une cure d’environ trois semaines. Les corticostéroïdes sont les deuxièmes en termes de fréquence d’utilisation également durant la première phase de la maladie. Une prise de 30 mg de prednisolone par jour pendant 3 semaines peut réduire la douleur et améliorer la mobilité à court terme. Ce traitement est souvent utilisé lorsque la douleur est particulièrement intense et récalcitrante aux autres antalgiques (12).
Infiltration
Les revues systématiques ont confirmé l’impact favorable des infiltrations sur l’amélioration des douleurs et de la mobilité à court et moyen terme. Dans un article de Mansoor et al. paru en 2023, une étude randomisée a montré que l’infiltration par bloc du nerf suprascapulaire était plus efficace sur la douleur et la mobilité que l’infiltration intra-articulaire. Ce traitement doit, pour autant, être associé à la kinésithérapie (13). Malheureusement, en Belgique, cette infiltration est peu réalisée actuellement. En l’absence de celle-ci, l’infiltration gléno-humérale, idéalement sous contrôle échographique ou radiologique, reste toujours une bonne option.
En somme, l’approche initiale de la capsulite rétractile repose sur un traitement conservateur, axé sur l’éducation du patient, le soulagement de la douleur et la récupération de la mobilité. Le rôle de soutien du médecin généraliste est essentiel pour encourager le patient à persévérer dans ces mesures thérapeutiques. Après plus de 6 mois de traitement conservateur bien conduit par le patient, en l’absence d’amélioration, l’avis du chirurgien orthopédiste est à envisager.
Traitement chirurgical
Bien que le traitement conservateur reste la pierre angulaire de la prise en charge de la capsulite rétractile, avec une efficacité de 90%, certains patients nécessitent une intervention chirurgicale. Cette option peut être envisagée chez ceux qui ne montrent aucune amélioration des symptômes après au moins un an de traitement conservateur bien conduit, et ne se réalise jamais chez un patient hyperalgique, en phase 1 de la maladie.
Dans le cas des capsulites rétractiles secondaires, notamment chez les patients atteints de diabète de type 1 ou post-traumatiques, l’indication chirurgicale peut se poser plus tôt, étant donné une plus grande proportion de patients réfractaires au traitement conservateur. Les options chirurgicales incluent l’arthro-distension, la manipulation sous anesthésie et la libération capsulaire sous arthroscopie.
Actuellement, d’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact positif de ces interventions sur l’évolution de la maladie. En l’absence de consensus, c’est au chirurgien d’évaluer chaque patient individuellement et de décider qui pourrait bénéficier d’une intervention et du moment adéquat pour celle-ci (14).
Conclusion
La capsulite rétractile est une pathologie fréquente, caractérisée par une douleur et une raideur de l’épaule qui évolue en général sur 1 à 2 ans. Le traitement conservateur constitue la pierre angulaire de la prise en charge avec une efficacité d’environ 90%. Pour la majorité des patients, la récupération est complète. Ce traitement comprend la physiothérapie, les AINS et les infiltrations principalement, pour soulager la douleur et faciliter les exercices de mobilisation. Cependant, certains patients, notamment ceux présentant des formes secondaires de la maladie, peuvent nécessiter d’une intervention chirurgicale. En l’absence de consensus sur les indications et les techniques chirurgicales, la prise en charge doit être personnalisée, basée sur l’évaluation clinique et l’expérience du chirurgien. Une approche multidisciplinaire et un suivi rigoureux sont essentiels pour optimiser les résultats thérapeutiques.
Recommandations pratiques
- La capsulite rétractile est une pathologie courante rencontrée en 1ère ligne, principalement retrouvé chez la femme de 40-60ans, d’origine idiopathique.
- Le diagnostic est uniquement clinique marqué par une limitation des mobilités passives et actives.
- Il convient de privilégier le traitement conservateur par kinésithérapie associée à des médicaments antalgiques et infiltration.
-- L’intervention chirurgicale n’est proposée que chez les patients réfractaires au traitement conservateur après 9-12 mois de traitement bien conduit.
Références
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Affiliations
1. Service d’Orthopédie, Clinique Maussins-Nollet, F-75019 Paris, France
2. Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie, Cliniques universitaires Saint-Luc UCL, B-1200 Bruxelles
3. Neuromusculoskeletal Lab (NMSK), Institut de Recherches Cliniques et Expérimentales (IREC) UCLouvain, B-1200 - Bruxelles
4. Service d’Orthopédie et de Traumatologie, Clinique Saint-Luc Bouge, 5004 Bouge
Correspondance
Dre Lucile Breyne
Clinique Maussins-Nollet
Service d’orthopédie
67 Rue de Romainville, F-75019 Paris, France
lucile.breyne@gmail.com
Pr Olivier Cornu
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie UCL
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B-1200 Bruxelles, Belgique
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