Le concept « Exercise Medicine » a initialement été lancé en Amérique du Nord en 2007 sous l’impulsion de l’American College of Sports Medicine, et est maintenant implémenté en Europe. Ce concept se fonde sur une quantité considérable de données probantes selon lesquelles l’activité physique possède un rôle préventif primaire et secondaire majeur en termes de santé (1). Par ailleurs, à côté de la prévention, il est actuellement scientifiquement établi qu’un programme structuré d’exercices physiques joue un rôle fondamental dans la prise en charge thérapeutique de nombreuses maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension artérielle, la maladie coronarienne, l’ostéoporose, la dépression et le cancer (1). En effet, l’exercice physique initié après le diagnostic d’un cancer permet de diminuer le risque de récidive et d’améliorer l’espérance de vie. Il diminue également les effets secondaires de différentes thérapies, et améliore les capacités fonctionnelles et la qualité de vie des patients cancéreux.
L’année 2015 a apporté des précisions et des preuves supplémentaires quant à l’intérêt de l’exercice physique dans la prise en charge thérapeutique des cancers du sein et de la prostate, soit les cancers les plus fréquents en Belgique chez la femme et chez l’homme respectivement.
Concernant les patientes atteintes d’un cancer du sein, de nouvelles études randomisées contrôlées (RCT) ont été publiées en 2015 auprès de patientes bénéficiant d’une chimiothérapie. Une RCT allemande publiée dans le International Journal of Cancer (2) a montré l’efficacité d’un programme de renforcement musculaire (exercices de résistance) de 12 semaines sur la qualité de vie et la fatigue auprès de 101 patientes. Une autre RCT (3), l’étude Physical Activity during Cancer Treatment, menée auprès de 204 patientes, a démontré un effet significatif d’un programme supervisé d’exercices d’endurance et de résistance de 18 semaines débuté précocement après le diagnostic de cancer du sein sur la fatigue, la condition physique et la force musculaire. Concernant la prévention, une RCT américaine (4) menée auprès de 139 femmes non-ménopausées à haut risque de développer un cancer du sein (histoire familiale, mutation BRCA 1/2) a montré que 5 mois d’exercices d’endurance entrainent une réduction significative de la synthèse d’œstrogènes lors de la phase folliculaire ainsi que de la sensibilité hormonale du tissu mammaire. Ces effets sont dose-dépendants et sont observés pour une pratique d’exercices d’endurance allant de 150 à 300 minutes par semaine.
Concernant les patients atteints de cancer de la prostate, de nouvelles études randomisées contrôlées ont également été publiées en 2015 auprès de patients bénéficiant d’une hormonothérapie. Celles-ci ont confirmé que l’activité physique associant exercices d’endurance cardio-vasculaire et exercices de résistance diminue les effets secondaires de l’hormonothérapie (ostéoporose, obésité sarcopénique, complications métaboliques et cardio-vasculaires) et améliore leur bien-être ainsi que leur qualité de vie. Une étude américaine menée sur 51 patients (5) a démontré un effet positif d‘un programme d’exercices de résistance d’une durée d’un an, à raison de 3 séances par semaine, sur la condition physique de ces patients et une diminution des effets secondaires liés au traitement. Ces résultats ont été corroborés par une étude australienne portant sur 63 patients et étudiant les effets d’un programme de 3 mois d’exercices supervisés d’endurance et de résistance. Celle-ci a démontré une réduction significative de la toxicité liée à l’hormonothérapie, une amélioration de la santé mentale et un impact positif sur le plan social (6). Toujours en Australie, une RCT multicentrique (7) réalisée auprès de 147 patients ayant bénéficié d’un traitement récent pour un cancer de la prostate, a démontré qu’un programme de 12 semaines d’exercices sous supervision par des cliniciens améliore le niveau d’activité physique et le bien-être mental.
Ces récentes RCT confirment donc la nécessité d’intégrer la pratique d’exercices physiques dans la prise en charge des patients cancéreux. La réalisation d’un programme d’exercices permet d’améliorer la condition physique, de réduire la fatigue et les effets secondaires des traitements adjuvants, tout en améliorant leur bien-être mental et leur qualité de vie. Il s’avère par ailleurs indispensable que ces exercices s’inscrivent dans un programme adapté et structuré associant exercices cardio-vasculaires d’endurance et exercices de résistance (musculation). Ce programme doit être supervisé par des professionnels de la santé associant médecins et kinésithérapeutes afin d’encadrer, de motiver et d’accompagner les patients.
Enfin, les guidelines 2015 de l’American Cancer Society recommandent, pour la prévention primaire et secondaire des cancers, une activité physique hebdomadaire de minimum 150 minutes si elle est modérée ou 75 minutes si elle est vigoureuse (1).
Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de médecine physique et réadaptation, Avenue Hippocrate 10, B-1200 Bruxelles
Professeur Gilles Caty
gilles.caty@uclouvain.be
1. Eijsvogels TMH. Exercise Is Medicine. At Any Dose? JAMA 2015;314:1915-1916.
2. Schmidt ME, Wiskemann J, Armbrust P, Schneeweiss A, Ulrich CM, Steindorf K. Effects of resistance exercise on fatigue and quality of life in breast cancer patients undergoing adjuvant chemotherapy: a randomized controlled trial. Int J Cancer 2015;137:471-480.
3. Travier N, Velthuis MJ, Steins Bisschop CN, van den Buijs B, Monninkhof EM, Backx F et al. Effects of an 18-week exercise programme started early during breast cancer treatment: a randomized controlled trial. BioMed Central Med 2015;13:121.
4. Schimtz KH, Williams NI, Kontos D, Domcheck, Morales KH, Hwang WT et al. Dose–response effects of aerobic exercise on estrogen among women at high risk for breast cancer: a randomized controlled trial. Breast Cancer Res Treat 2015;154:309-318.
5. Winters-Stone KM, Dobek JC, Bennett JA, Dieckmann NF, Maddalozzo GF, Ryan CW et al. Resistance training reduces disability in prostate cancer survivors on androgen deprivation therapy: evidence from a randomized controlled trial. Arch Phys Med Rehabil 2015;96:7-14.
6. Cormie P, Galvao DA, Spry N, Joseph D, Chee R, Taaffe DR et al. Can supervised exercise prevent treatment toxicity in patients with prostate cancer initiating androgen-deprivation therapy: a randomized controlled trial. BJU International 2015;115:256-266.
7. Livingstone PM, Craike MJ, Salmon J, Courneya KS, Gaskin CJ, Fraser SF et al. Effects of a clinician referral and exercise program for men who have completed active treatment for prostate cancer: a multicenter cluster randomized controlled trial (engage). Cancer 2015;121:2646-2654.