INTRODUCTION
L’hypercholestérolémie familiale (HF) est une des maladies génétiques mortelles les plus fréquentes, touchant plus de 25.000 Belges (1, 2). Elle est responsable de taux sévèrement élevés de cholestérol (> 300mg/dl) depuis la naissance et d’un risque dramatiquement précoce de complications vasculaires, cardiaques, périphériques ou cérébrales dès l’âge de 30 ans chez les hommes, et 40 ans chez les femmes. Avec un diagnostic précoce et un traitement adéquat, idéalement commencé dès l’enfance, il est possible toutefois d’éviter toute complication cardiovasculaire.
QUAND ET COMMENT FAIRE LE DIAGNOSTIC
Une HF devrait être suspectée face à un taux élevé de LDL-C ou face à des antécédents personnels ou familiaux de maladie cardiovasculaire (avant 55 ans chez les hommes et 60 ans chez les femmes).
Chez l’adulte, il est possible de poser le diagnostic avec plus de certitude sur base des critères du Dutch Lipid Clinic Network (Fiche), qui prennent en compte les taux de LDL-C, les antécédents personnels et/ou familiaux et les signes cliniques pouvant être présents chez certains patients HF. Il suffit d’additionner le score de chaque catégorie pour établir le diagnostic. Ainsi, un patient coronarien de 55 ans chez qui est découvert un LDL-C à 330 mg/dl ou un patient de 42 ans sans antécédent chez qui est découvert un LDL-C de 250mg/dl et un arc cornéen (Figure 1) ont certainement une HF. Les xanthomes tendineux (Figure 1) sont parfois plus sensiblement détectés par échographie (le critère positif est une épaisseur antéro-postérieure de plus de 5,8 mm du tendon d’Achille)
Chez l’enfant, les critères qui permettent d’établir un diagnostic formel sont présentés aussi sur la fiche (voir condition de remboursement des statines chez l’enfant). Chez un enfant, un taux de plus de 190 mg/dl est très spécifique d’une HF, puisque les taux habituels de LDL-C chez un enfant de 10 ans tournent autour d’une moyenne de 90 mg/dL. Pour poser le diagnostic d’une HF chez un enfant avec des taux moins élevés que 190 mg/dL, il faudra l’association d’un autre argument, tel l’existence d’une hypercholestérolémie importante chez un des parents ou d’antécédents cardiovasculaires prématurés dans la famille. Chez l’enfant d’un parent avec une HF, un taux de LDL-C > 130 mg/dl indique une forte probabilité d’HF (95 %). Dans le cas d'un enfant, plus que dans celui d'un adulte, un test génétique est conseillé pour assurer la certitude d’un diagnostic qui va imposer un traitement médicamenteux pour la vie.
La démonstration d’une mutation fonctionnelle sur le gène du LDL récepteur, de l’apoB ou du PCSK9 prouve sans équivoque l’existence d’une HF. La demande d'une telle analyse (couteuse !) devra toutefois être justifiée : avoir déjà au moins un DLCN > 5 et des éléments tels qu’un taux de LDL-C très élevé et des antécédents familiaux.
TRAITEMENTS DE L’HF ET CIBLES DE LDL-C
Le traitement idéal est de commencer à corriger le taux de LDL-C dès l’enfance. Chez ces enfants, la cible de LDL-C visée est un taux en dessous de 130 mg/dL, ce que l’on obtiendra facilement à l'aide d'une faible dose de statine mais que l’on choisira puissante (telle qu’atorvastatine 10 ou rosuvastatine 10) car ce seront celles-ci qu’il continuera de prendre à plus forte dose une fois adulte.
Lorsque le diagnostic n’est découvert qu’à l’âge adulte, la cible recommandée est celle de la prévention de patients “à risque élevé”, soit un LDL-C en dessous de 100 mg/dl, ou, en cas de complication(s) cardiovasculaire(s) (ou de diabète ou d’insuffisance rénale), celle de la prévention de patients “à risque très élevé”, soit un taux de LDL-C en-dessous de 70mg/dl. Ceci nécessitera la prescription d’une statine puissante à bonne dose (atorvastatine 20-80 mg ou rosuvastatine 10-40 mg) souvent combinée à l’ézétimibe, soit séparément (Ezétrol®) ou en combinaison fixe (Atozet® et Inegy® (3)). Ces traitements tout en étant très efficaces ne permettent pas d’obtenir toujours la cible souhaitée chez un certain nombre de ces patients. Pour ceux-ci, il est possible actuellement, d’aller plus loin grâce à la prescription d’anticorps monoclonaux anti-PCSK9, tels que l’alirocumab (Praluent® de Sanofi) ou l’évolocumab (Repatha® de Amgen) qui se délivrent en sous-cutané (une injection tous les 15 jours) (4).
REMBOURSEMENT SPÉCIAL
Les traitements chez ces patients bénéficient d’un remboursement spécial en catégorie A comme certaines spécialités destinées aux traitements du diabète ou du cancer. Ces critères de remboursement ont été modifiés pour les statines et l’Ezetrol® en octobre 2016, et correspondent maintenant aux critères de diagnostic d’HF validés internationalement : score DLCN > 8 pour les adultes et critères spécifiques chez l’enfant. Ces nouvelles conditions de remboursement apportent surtout un progrès indéniable dans le remboursement du traitement des enfants souffrant d’hypercholestérolémie familiale, mais pourraient contribuer à supprimer chez un certain nombre d'adultes, les remboursements en catégorie A obtenus précédemment (avant octobre 2016) avec les anciennes conditions qui ne sont plus d'actualité (cholestérol total > 300 mg/dL et un antécédent CV prématuré chez un parent du premier degré). Pour ceux qui perdront leur remboursement en catégorie A, il faudra avoir recours à la prescription en chapitre 1 pour les statines, et au remboursement en catégorie B pour l’Ezétrol®, l’Atozet® et l’Inegy®.
Les anticorps anti-PCSK9 tels que le Praluent® (Sanofi) ou le Repatha® (Amgen), sont remboursés respectivement depuis septembre 2016 et mai 2017 (Fiche) chez des patients avec une HF confirmée sur base d’un score DLCN > 8 en présence de taux trop élevés de LDL-C : LDL-C ≥ 130mg/dL ou même ≥ 100 mg/dL en cas d’antécédent de syndrome coronarien aigu. Le Répatha® bénéficie de deux autres conditions. Celle des patients adultes avec un taux entre 100 et 130 mg/dl et ayant souffert d‘accident vasculaire cérébral ou ayant bénéficié d’une revascularisation artérielle (cérébrale ou périphérique). Mais aussi les adultes et enfants (de plus de 12 ans) souffrant d’hypercholestérolémie familiale homozygote : une forme très sévère et très rare (1/1,000,000) d’HF due à la présence des deux allèles mutés au niveau d’un des trois gènes de l’HF.
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Une association de patients pour l’hypercholestérolémie familiale s’est constituée afin de sensibiliser le grand public et les politiques à prendre conscience de cette maladie trop souvent mal connue et banalisée dans la masse des taux de cholestérol communément élevé. Elle a également pour objectif de promouvoir le dépistage familial et particulièrement des enfants, de fournir des informations et de défendre les patients auprès des autorités de santé (pour les remboursements, ...).
CONCLUSIONS
Le pronostic désastreux de l’hypercholestérolémie familiale (HF) peut actuellement être enrayé dans les familles qui en souffrent. Mais cela demandera la participation et la collaboration de tous pour identifier et traiter les plus de 25,000 patients qui en sont atteints dans notre pays : médecins spécialistes, médecins généralistes, pharmaciens, mutuelles, patients et leurs familles.
Correspondance
Dr. Olivier S. Descamps
Département de Médecine Interne des Centres Hospitaliers Jolimont 7100 Haine Saint-Paul - Tel 064/23 31 67
et Service de cardiologie des Cliniques universitaires Saint-Luc 1200 Bruxelles - Tel 02/764 2812
Références
1 Descamps OS. Hypercholestérolémie familiale. Louvain Med 2016;135 (9):613-620.
2 Farnier-M, Civeira F, Descamps OS and the FH expert working group. How to implement clinical guidelines to optimise familial hypercholesterolaemia diagnosis and treatment. Atherosclerosis Supplements 2017 ; 26 : 25–35.
3 Descamps OS. ATOZET, Nouvelle Combinaison fixe d’atovastatine et d’ezetimibe. Louvain Med 2016; 135 (1): 1-11.
4 Descamps OS. Les inhibiteurs de PCSK9 : une nouvelle classe d’hypolipémiants. Louvain Med 2016 ; 135 (5): 291-297.