Traitement de l’infarctus myocardique. Pourquoi l’angioplastie coronaire ?

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Christophe Beauloye Publié dans la revue de : Octobre 2017 Rubrique(s) : XXVe Journée de Cardiologie
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Résumé de l'article :

L’angioplastie occupe une place centrale dans le traitement de l’infarctus du myocarde, diminuant la mortalité. Le traitement de choix du STEMI est l’angioplastie primaire. Etant donné l’occlusion complète de l’artère coronaire, la reperfusion par angioplastie est une urgence et doit être réalisée dans les 60 à 90 minutes après le premier contact médical. Tous les acteurs de la chaine de soins doivent joindre leurs efforts pour réduire les délais de traitement. La stratégie de traitement est différente pour le patient souffrant d’un infarctus NSTEMI. Dans la plupart des cas, la lésion responsable de l’infarctus n’est pas totalement occlusive. Le délai de prise en charge est moins un enjeu majeur. La stratégie de revascularisation, y compris par angioplastie, doit être discutée en Heart Team après une évaluation précise du risque du patient et plus particulièrement de ses comorbidités.

Que savons-nous à ce propos ?

En cas d’infarctus du myocarde, la reperfusion rapide joue un rôle essentiel pour la préservation du myocarde.

Que nous apporte cet article ?

Cet article fait le point sur le rôle de l’angioplastie directe dans le traitement de l’infarctus du myocarde

Mots-clés

Angioplastie, STEMI- NSTEMI, reperfusion

Article complet :

L’angioplastie occupe une place centrale dans le traitement de l’infarctus du myocarde ou plutôt dans le traitement du syndrome coronarien aigu. Dans cette situation, l’angioplastie est un traitement qui entraine une réduction de la mortalité des patients. Le syndrome coronarien aigu comprend deux entités pathologiques distinctes, dont la prise en charge est différente : (ST-segment elevation myocardial infarction) et le syndrome coronarien aigu sans sus-décalage persistant du segment ST ou NSTE-ACS (acute coronary syndrome without persistent ST segment elevation). Cette dernière entité comprend des patients avec un angor instable (sans infarctus) et des patients avec un infarctus sans sus-décalage persistant du segment ST (NSTEMI). La distinction entre le STEMI et le NSTE-ACS est donc basé sur l’ECG qui est donc l’examen de première ligne et qui doit être réalisé le plus rapidement possible, comme nous allons le voir ci-dessous.

 

1. LE TRAITEMENT DE L’INFARCTUS STEMI

Le STEMI correspond à une occlusion complète et aigue d’une artère épicardique. Le myocarde dépendant de cette artère occluse (ou encore appelé la zone à risque) va progressivement se nécroser et être remplacer par une cicatrice fibreuse. Une reperfusion, dans un délai le plus court possible, est donc indispensable pour sauver ce muscle cardiaque et limiter la taille de l’infarctus. Le temps et les délais de diagnostic et de traitement sont des éléments clefs dans la prise en charge du STEMI : « time is muscle ». La stratégie de reperfusion de choix en 2017 est l’angioplastie immédiate encore appelée angioplastie primaire (2).

 

1.1. Le trajet de soins d’un patient souffrant d’un STEMI

Tout patient souffrant d’une douleur thoracique doit bénéficier au plus vite d’un électrocardiogramme. Un ECG doit être réalisé dans les 10 minutes qui suivent le premier contact médical, ce qui n’est pas toujours le cas en Belgique actuellement (1). Le premier contact médical peut être extrahospitalier et peut être également réalisé par le médecin généraliste. Le déclenchement d’un chronomètre doit s’opérer dès ce premier contact médical, y compris s’il est extrahospitalier. Dès ce premier contact médical, tout doit être mis en œuvre pour que, le plus rapidement possible, le patient arrive en salle de cathétérisme cardiaque afin de réaliser l’angioplastie primaire. Un délai de 60 à 90 minutes est toléré pour l’ensemble de ce processus, comprenant l’appel du cardiologue, l’appel du personnel de la salle de cathétérisme cardiaque, l’arrivée et l’installation du patient en salle de cathétérisme cardiaque, la réalisation de la coronarographie diagnostique et enfin le début de l’angioplastie. Afin de réduire au maximum ces délais, la transmission de l’ECG et le rappel de l’équipe cardiologique doivent se faire dès le contact médical, y compris s’il est extrahospitalier. Dans cette dernière situation, il est également recommandé de court-circuiter et de se rendre directement en salle de cathétérisme cardiaque. Chaque minute est donc comptée et tous les acteurs de la chaine doivent contribuer pour raccourcir les délais de prise charge. La prise en charge du STEMI est résumée dans la figure 1.

Les délais de prise en charge sont des éléments objectifs qui sont monitorés dans le registre belge des patients STEMI et seront dans un avenir proche considérés comme des indicateurs de qualités de soins et permettront d’évaluer la performance des centres hospitaliers dans le traitement de l’infarctus.

 

1.2. L’angioplastie primaire

L’angioplastie va permettre de limiter l’étendue de l’infarctus et améliore le pronostic des patients souffrant de STEMI. Si un patient est admis dans un centre qui n’a pas la possibilité de réaliser une angioplastie (« non PCI center »), il doit être transféré dans le centre d’angioplastie le plus proche (« PCI center »). Idéalement, les services de secours (SMUR) devraient orienter directement un patient STEMI vers le centre d’angioplastie le plus proche. Ceci nécessite donc la définition et la création d’un réseau de soins entre hôpitaux permettant le traitement rapide du STEMI.

Le bénéfice de l’angioplastie primaire demeure jusqu’à 12 heures de durée d’ischémie (début des symptômes du patient jusqu’à la réalisation de l’angioplastie). Au-delà de 48 heures, l’angioplastie ne permet plus de changer le pronostic du patient et ne doit pas être réalisée de manière systématique.

L’angioplastie se fera par voie radiale, permettant une réduction du risque hémorragique. Au cours de l’angioplastie, l’implantation d’un stent pharmaco-actif sera systématique. Si d’autres lésions sont présentes, une revascularisation complète sera réalisée au cours de l’hospitalisation.

 

2. LE TRAITEMENT DE L’INFARCTUS NSTEMI OU DE L’ANGOR INSTABLE

La stratégie de traitement est très différente pour le patient souffrant d’un NSTEMI (3). Dans la plupart des cas, la lésion responsable de l’infarctus n’est totalement occlusive. Le délai de prise en charge est moins un enjeu majeur. L’angioplastie s’inscrit dans la stratégie de revascularisation du patient afin d’éviter des récidives d’événements ischémiques ou d’éviter un infarctus. La stratégie de revascularisation sera discutée ci-dessous. Il est cependant nécessaire de rappeler que le NSTEMI n’a pas un meilleur pronostic que le STEMI. La différence est donc dans la prise en charge mais pas dans le pronostic.

 

2.1. Le trajet de soin d’un patient souffrant d’un NSTEMI ou un angor instable

La difficulté principale réside souvent dans le diagnostic. En effet, pour affirmer la présence d’un syndrome coronarien aigu, au moins deux des trois facteurs suivants sont nécessaires : la douleur thoracique, une modification électrique (soit un sous-décalage du segment ST ou une inversion des ondes T) et une élévation de la Troponine I ou T. Cependant, le caractère atypique des douleurs, l’absence de modifications électriques (ou un ECG non modifié) et le fait que la troponine T/I peut être élevée dans de nombreuses autres situations, rendent difficile l’affirmation du diagnostic. Actuellement, nous sommes aidés par le dosage de la troponine I/T ultrasensible qui accélère le processus de diagnostic, surtout la décision d’admettre ou de libérer le patient de la salle d’urgence (« rapid rule in – rule out »).

Une fois le diagnostic posé, le patient est admis dans une unité de surveillance monitorisée (Coronary care unit, CCU ou Intensive cardiac care unit, ICCU). La décision d’aller vers une stratégie invasive, c’est-à-dire de réaliser une coronarographie et éventuellement une angioplastie, sera prise après avoir estimé et calculé le risque du patient. Le calcul du score de risque GRACE nous aide à cela (GRACE ACS risk score 2.0, www.gracescore.org).

Les facteurs suivants sont pris en compte :

- l’âge du patient ; la tension artérielle et la fréquence cardiaque ;

- la présence de signe d’insuffisance cardiaque ;

- la fonction rénale ;

- les modifications électriques (surtout un sous-décalage du segment ST) ;

- l’élévation du taux de troponine.

Les patients à haut risque et à risque intermédiaire bénéficieront d’une coronarographie. La coronarographie devrait être réalisée dans 24 à 72 h de l’admission du patient selon les cas. Un stratégie d’une approche invasive immédiate, dès l’admission en salle d’urgence, comme pour le STEMI, n’a pas montré de bénéfice, au contraire. Elle ne doit pas être recommandée pour le NSTEMI sauf si le patient a une douleur thoracique qui persiste, une instabilité hémodynamique ou s’il présente des arythmies ventriculaires.

 

2.2. Les indications d’angioplastie coronaire et la revascularisation myocardique

La revascularisation sera discutée en fonction du résultat de la coronarographie. La plupart des patients (60 à 70 %) subiront une angioplastie coronaire, une partie des patients seront revascularisé chirurgicalement (10 à 20 % des patients) et enfin une autre partie des patients seront traités médicalement. En cas de discussion (par exemple, pour une maladie des trois vaisseaux), la décision sera prise en concertation multidisciplinaire par le « Heart Team ». L’angioplastie coronaire dans cette situation va réduire le risque de récidive ischémique, d’infarctus et réduire la mortalité des patients souffrant d’un NSTEMI, surtout chez les patients à haut risque. En conclusion, l’angioplastie est au cœur de la prise en charge du syndrome coronarien aigu que ce soit le STEMI ou le NSTEMI. Dans les deux situations, l’angioplastie est associée à une amélioration du pronostic du patient. Par contre, l’angioplastie s’inscrit dans un parcours de soin différent dans ces deux pathologies.

 

RECOMMANDATIONS PRATIQUES

Dans le STEMI, tous les acteurs de la chaine de soins doivent joindre leur effort pour réduire les délais de prise en charge entre le premier contact médical (et le diagnostic) et la réouverture de l’artère par angioplastie. L’ECG doit être réalisé dans les 10 minutes qui suivent le contact médical.

 

CORRESPONDANCE

Pr. Christophe Beauloye, MD, PhD

Cliniques universitaires Saint Luc
Service de cardiologie
Avenue Hippocrate10
B-1200 Bruxelles
Tel : +32 2 764 2750
christophe.beauloye@uclouvain.be

 

RÉFÉRENCES

1. Beauloye C, Vrolix M, Claeys MJ, van de Borne P, Vandendriessche E, Van De Werf F. Pre-hospital management of acute coronary syndrome patients in Belgium and Luxembourg and other Western European countries. Acta Cardiol 2016 Feb;71(1):15-24. Ouvrir dans PubMed

2. Ibanez B, James S, Agewall S, Antunes MJ, Bucciarelli-Ducci C, Bueno H et al. 2017 ESC Guidelines for the management of acute myocardial infarction in patients presenting ST-segment elevation. Eur Heart J 2017, in press. Ouvrir dans PubMed

3. Roffi M, Collet JP, Mueller C, Valgimigli M, Andreotti F, Bax JJ, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation. Eur Heart J 2016; 37:267-315. Ouvrir dans PubMed