Dermatites de contact des fesses chez le nourrisson et le jeune enfant : n’y a-t-il que de l'irritation ?

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Dominique Tennstedt, Valérie Dekeuleneer Publié dans la revue de : Mai 2018 Rubrique(s) : Congrès UCL de Médecine Générale
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Résumé de l'article :

Cet article présente les formes de dermatites les plus fréquentes chez le nouveau-né et propose des mesures de prévention.

Mots-clés

Nouveau-né, dermatite atopique, dermatite de contact

Article complet :

INTRODUCTION

Les dermatites du siège représentent un problème relativement fréquent de la pathologie dermatologique du nouveau-né, du nourrisson, voire du jeune enfant.

Dans la grande majorité des cas, elles apparaissent au niveau de la zone de contact des langes et correspondent le plus souvent à une dermatite d’irritation.

Cependant, la zone des couches peut également être « le siège » d’autres affections nettement plus rares : dermatite de localisation atypique se rencontrant la plupart du temps en d’autres endroits du tégument ou affection dont les symptômes au niveau du siège ne sont qu’une indication pour une maladie «systémique» sous-jacente.

Il faut également signaler que dans un certain nombre de cas, une dermatite du siège de nature irritative peut ne pas évoluer selon le modèle classique suite à un traitement bien conduit. Il devient alors indispensable de poser un diagnostic plus spécifique s’appuyant sur une anamnèse approfondie, une sémiologie fine des lésions cutanées, ainsi qu’une recherche de causes potentielles et en particulier d’une dermatite de contact de nature immunologique.

Il semble essentiel d’essayer, dans toute la mesure du possible, d’obtenir un diagnostic de «certitude» avant de proposer un traitement plus ou moins spécifique.

 

DERMATITES DE CONTACT D’ORIGINE IRRITATIVE (fig. 1)

La dermatite irritative du siège est l’une des dermatoses les plus fréquentes chez l’enfant et représente une forme non allergique de dermatite de contact de topographie habituellement en «W» caractérisée par une atteinte typique des convexités.

Le pic d’incidence se situe essentiellement entre 6 et 12 mois. Il pourrait également exister un pic pendant les 4 premières semaines de la vie (rôle vraisemblable des selles liquides liées à l’allaitement maternel).

Cliniquement, une forme aiguë, érosive, associant vésicules, voire érosions, est décrite ainsi qu’une forme chronique, sèche, voire parfois hyperkératosique. Le respect du fond des plis est caractéristique bien que ceux-ci peuvent être secondairement atteints (en particulier en cas de colonisation «massive») par le candida. Dans ce dernier cas, il existe fréquemment une desquamation et de petites papulo-pustules périphériques.

Cette affection fréquente semble d’origine mécanique et est essentiellement liée à la macération, l’humidité et la présence d’urines et de selles plus ou moins corrosives. La température locale jouerait également un rôle. L’hydratation excessive liée à la macération par les urines, l’occlusion et le frottement avec le lange, jouent un rôle essentiel. L’humidité ambiante agit sur la perméabilité au niveau de la couche cornée.

Le rôle des selles est également essentiel quant à la présence d’enzymes (protéases et lipases d’origine pancréatique) ainsi que de sels biliaires. Les lipases agissent sur la couche cornée et les protéases sur les kératinocytes. Les sels biliaires, quant à eux, sont essentiellement irritants. Cette activité est en général augmentée dès qu’il existe une diarrhée (ce qui peut précipiter l’apparition d’un érythème fessier de nature irritative).

D’autre part, lorsque les urines entrent en contact avec les selles, les uréases liées aux bactéries fécales peuvent dégrader l’urée contenue dans les urines et engendrer la formation d’ammoniaque. Ce dernier favorise l’augmentation du pH, ce qui favoriserait l’activité des protéases et des lipases fécales. Dans certains cas, l’utilisation de savons alcalins fait également augmenter le pH.

Il faut cependant reconnaître que, à l’heure actuelle, la fréquence et la sévérité de l’érythème fessier du nourrisson seraient plutôt en diminution. Ceci est vraisemblablement lié à l’avènement des couches jetables et l’abandon des culottes caoutchoutées ou plastifiées. À l’heure actuelle les couches «très absorbantes» ou « micro aérées » diminuent nettement l’humidité locale et par voie de conséquence le contact direct des urines et dans une moindre mesure des selles avec la peau.

Cependant, de nouvelles tendances voient le jour avec une «réhabilitation» progressive des couches en tissu lavables (ce essentiellement pour des raisons écologiques voire économiques !).

Les couches lavables causent un problème hygiénique lié à un lavage à température relativement basse (30 - 40°) ainsi que parfois à des rajouts de produits divers afin de pallier les mauvaises odeurs persistantes (liées au fait que les couches ne sont pas systématiquement lavées au jour le jour). Il n’est pas exceptionnel que divers produits soient utilisés pour pallier cet inconvénient (parfums ou huiles essentielles).

Le granulome glutéal infantile et la dermatite papulo-érosive de Sevestre et Jacquet ne sont en fait que deux variantes de la dermatite irritative du siège. Il s’agit en général de multiples papulo-nodules bien délimités, de coloration rouge vif, curieusement relativement asymptomatique et d’étiologie incertaine. Plusieurs facteurs favoriseraient ces affections : utilisation de corticoïdes topiques, surinfection par candida albicans ou encore dermatite d’irritation chronique liée à des selles très liquides et fréquentes ou à des changes insuffisants en fréquence.

La dermatite pigmentaire et hyperkératosique des « langes » est une variété plus rare et serait liée à un usage excessif de détergents à pH acide : taches brunes légèrement hyperkératosiques et papyracées du fond des plis.

La parakératose granulaire infantile serait nettement plus exceptionnelle et correspondrait à un déficit de la transformation de la profilagrine en filagrine. Plusieurs facteurs entreraient en ligne de compte : augmentation de la température, humidité, facteurs frictionnels et utilisation abusive de multiples topiques pour la toilette : maculo-papules kératosiques, réticulées et hyperpigmentées des plis inguinaux et des plis de l’abdomen. Le prurit serait inexistant. L’évolution est spontanément favorable entre 1 et 12 mois.

 

DERMATITES DE CONTACT D’ORIGINE ALLERGIQUE (fig. 2)

La dermatite allergique contact du siège est nettement moins fréquente et se présente comme un classique eczéma de contact (avec érythème et vésicules accompagnées d’un prurit important). Cependant la clinique est parfois très trompeuse et peut se rapprocher de celle de la dermatite d’irritation.

La dermatite allergique de contact peut survenir soit «de novo», soit comme complication d’un autre type de dermatite du siège et en particulier une dermatite de contact irritative. Il faut y penser systématiquement lorsque l’affection ne répond pas à un traitement qui semble approprié et suivi.

Une mise au point par tests épicutanés est hautement souhaitable mais n’est pas toujours indispensable car le retrait de l’allergène incriminé permet le diagnostic de quasi certitude (un «rechallenge test» peut éventuellement être proposé). Les principaux allergènes sont liés à l’utilisation de topiques médicamenteux, de lingettes humides, de produits de soin, voire de parfums ou encore de dérivés du caoutchouc contenu dans les couches elles-mêmes (ceci devient nettement plus exceptionnel). Par contre, les lingettes humides utilisées par les parents dans le but de simplifier le change de leur enfant, contiennent très souvent de multiples allergènes potentiels : parfums divers, conservateurs multiples. Les dérivés des isothiazolinones font partie des allergènes importants pouvant affecter non seulement la peau du siège des jeunes enfants mais également les mains de celui ou celle qui les utilise pour changer l’enfant.

 

MESURES DE PRÉVENTION

Dans la plupart des cas, de simples mesures de prévention sont suffisantes. Il convient d’éviter la macération en pratiquant des changes fréquents suivis d’un séchage soigneux (toutes les 60 à 120 minutes chez les nouveau-nés et au minimum toutes les 4h chez le nourrisson). L’utilisation de couches en tissu devrait être «proscrit» car elles sont nettement moins absorbantes. En ce qui concerne les couches dites «super absorbantes” ou «micro aérées», elles ne sont essentiellement efficaces que face aux urines car, en raison de leur contenance importante en polyacrylates, elles seraient nettement plus occlusives.

En général, les savons irritants ou nettement alcalins doivent être évités. La plupart du temps, un rinçage à l’eau tiède est nettement suffisant (surtout lorsqu’il n’y a que des urines dans le lange).

L’utilisation d’un savon surgras, voire d’un lait de toilette non parfumé, est à recommander.

L’emploi de lingettes humides devrait être restreint et systématiquement suivi d’un rinçage minutieux. Un séchage délicat doit toujours être conseillé.

L’application de pâte à l’oxyde de zinc ou de pâte contenant du dioxyde de titane peut être recommandé (voire des crèmes barrières). Cette application doit être systématique lors de chaque change. L’emploi de produits parfumés doit toujours être proscrit. L’utilisation de talc reste controversée.

En cas de besoin, le traitement de la surinfection candidosique éventuelle ne doit pas être oublié (azolé ou ciclopiroxolamine en pâte ou en crème).

 

CORRESPONDANCE

Pr. Dominique Tennstedt
dominiquetennstedt@gmail.com
Dr. Valérie Dekeuleneer
valerie.dekeuleneer@uclouvain.be

Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de dermatologie
Avenue Hippocrate, 10
B-1200 Bruxelles - Belgique