INTRODUCTION
La rémission partielle est une phase du diabète de type 1 qui s’observe fréquemment dans les mois suivant le diagnostic de la maladie. Elle correspond à une période durant laquelle le contrôle du diabète est plus aisé, nécessitant des doses réduites d’insuline au quotidien, voire parfois l’arrêt total des injections, après quoi la maladie reprend son cours. Dans les études visant à caractériser cette phase de la maladie différentes définitions de la rémission ont été utilisées au cours du temps, rendant parfois difficile la comparaison des résultats obtenus. En 2009, une nouvelle définition a été proposée par Mortensen et al. [1] : l’IDAA1C ou Insulin-Dose Adjusted A1C (IDAA1C = HbA1C + (4 x doses insuline/kg/j)) ; un IDAA1C inférieur ou égal à 9 signifiant que l’enfant est en rémission. Si la majorité des auteurs se base depuis sur l’IDAA1C pour mettre en évidence la présence de la rémission, certains critiquent cependant l’intégration du paramètre « doses d’insuline » dans cette formule, ce paramètre étant soumis à de nombreux facteurs confondants (guidelines internes, habitudes thérapeutiques du clinicien, compliance du patient, corrections ponctuelles de doses, …).
OBJECTIFS, SUJETS ET MÉTHODES
Ce mémoire décrit de façon rétrospective la période de rémission, telle que définie par l’IDAA1C, au sein d’une cohorte de 239 enfants suivis dans le service d’endocrinologie pédiatrique des cliniques universitaires St-Luc de l’UCL. Il évalue les facteurs susceptibles d’influencer la survenue d’une rémission (âge au diagnostic, genre, paramètres biologiques) et détermine si sa présence permet d’espérer une moindre incidence d’hypoglycémies sévères au cours des deux premières années de la maladie. Dans un deuxième temps, ce mémoire propose une formule alternative à celle de l’IDAA1C pour permettre la mise en évidence de la rémission. L’objectif de cette démarche est de remplacer le paramètre « doses d’insuline » de la définition actuelle par des paramètres directement mesurables en routine clinique et traduisant la variabilité glycémique. Pour ce faire, la capacité à prédire les valeurs d’IDAA1C de différents paramètres reflétant la variabilité glycémique a été évaluée par régressions linéaires multiples.
RÉSULTATS
Dans la cohorte de patients inclus dans cette étude, l’incidence de la rémission telle que définie par l’IDAA1C est de 71.1%, le pic de prévalence survient 3 mois après le diagnostic (62.4%) et la durée moyenne de rémission est de 8.9 mois (étendue de 1.8 à 44.3 mois, médiane de 4.7 mois). Au diagnostic, les facteurs significativement associés à une plus haute fréquence de rémission sont : l’absence d’acidocétose initiale, un âge compris entre 5 et 10 ans en comparaison de celui de moins de 5 ans et des taux de peptide C postprandiaux plus élevés. Au diagnostic, les facteurs non significativement associés à la survenue ultérieure d’une rémission sont : le genre, la présence d’anticorps anti-îlots et anti-transglutaminase ainsi que le mois et la saison du diagnostic. La présence d’une rémission en début de diabète est associée à des valeurs significativement réduites d’HbA1C à un et deux ans après le diagnostic, à des taux de peptide C postprandiaux significativement majorés ainsi qu’à une réduction des épisodes d’hypoglycémies sévères chez les garçons ainsi que les enfants âgés de moins de 10 ans. Dans la deuxième partie de ce travail, la formule suivante a été élaborée : GVAA1C (Glycemic Variability-Adjusted A1C) = HbA1C – 3 x p-normoglycémies [2]. Celle-ci prédit les valeurs d’IDAA1C avec un R2 de 0.71. Un GVAA1C ≤ 4.5 permet de mettre en évidence la présence d’une rémission, telle que définie par l’IDAA1C, avec une sensibilité et une spécificité de 72.3% et de 92%, respectivement.
DISCUSSION ET CONCLUSION
De nombreux auteurs ont consacré leurs travaux à la caractérisation de la rémission permettant ainsi d’associer certains facteurs à la survenue ultérieure de cette phase du diabète. Dans cette lignée, cette étude souligne à nouveau l’influence négative d’une acidocétose initiale, d’un jeune âge au diagnostic et d’une moindre sécrétion résiduelle d’insuline, ces trois facteurs étant associés à des fréquences réduites de rémission. L’impact de la présence d’une rémission en début de maladie sur l’évolution du diabète à plus long terme reste cependant peu exploré. A ce sujet, si les résultats de ce travail suggèrent que les bénéfices de la rémission pourraient s’étendre au-delà même de cette période, il serait cependant nécessaire de mener des études sur de plus longues périodes pour confirmer et préciser cette hypothèse. Afin de permettre une définition plus objective et reproductible de la rémission et de faciliter ainsi la comparaison des résultats des études à venir, ce travail propose le GVAA1C. Cette nouvelle formule constitue une façon simple de déterminer la présence ou l’absence de rémission en routine clinique et permet d’approcher les valeurs d’IDAA1C tout en se basant exclusivement sur des paramètres directement mesurables.
AFFILIATIONS
1 Unité d’Endocrinologie pédiatrique, Cliniques universitaires Saint-Luc.
2 Pôle Epidémiologie et Biostatistique, Institut de Recherche Expérimentale et Clinique, Université catholique de Louvain.