OBJECTIF
Les complications après enclouage centromédullaire (ECM) d’une fracture diaphysaire du tibia sont bien connues de la littérature scientifique et redoutées par les chirurgiens. Les facteurs qui peuvent en influencer la survenue sont beaucoup moins certains mais les identifier en préopératoire pourrait pourtant permettre aux praticiens d’adapter leur thérapeutique aux personnes à risque. Le challenge est donc de répondre à la question : « Peut-on prévenir ces complications et leurs conséquences néfastes pour le patient et la société ? »
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Cette étude revoit 171 fractures tibiales traitées aux Cliniques universitaires Saint-Luc entre 2005 et 2015. Les variables indépendantes incluent des facteurs patient-dépendants (âge, comorbidités, …) et des facteurs fracture/chirurgie-dépendants (type de fracture, délai et détails de l’ECM, …). Une analyse univariée suivie d’un modèle de régression logistique multiple ont été réalisés pour déterminer les prédicteurs de chaque complication.
RÉSULTATS
Le risque d’infection augmente significativement (p<0.05) après une fracture ouverte, selon sa classification AO, le délai d’antibioprophylaxie (AB) et celui de l’ECM. Le rapport entre le diamètre du clou et celui de l’aléseur est associé au bris de matériel chirurgical. Les facteurs majorant l’incidence d’un retard de consolidation sont le tabac et l’énergie élevée du traumatisme. Les patients diabétiques sont plus à risque de déplacement du matériel. Un score de risque infectieux (SRI) sensible et spécifique a également été développé pour prédire les patients à haut risque avant la chirurgie.
DISCUSSION
En plus des données actuelles de la littérature, cette étude prouve qu’un long délai avant une AB est un réel prédicteur d’infection. Utiliser un clou avec un diamètre plus large ou un rapport diamètre clou/aléseur compris dans les limites adéquates sont des données pronostiques pour la prévention du bris de matériel. Ces résultats confirment la seule étude à ce sujet en 2016. Garder ces observations à l’esprit pourrait déjà améliorer le devenir des patients mais nous voulions aller plus loin. Notre SRI a été intégré dans un programme informatique, facilement utilisable, afin de dépister les patients susceptibles de s’infecter et de pouvoir adapter le traitement en fonction. Développer cet outil pourrait ouvrir des portes sur un éventuel remboursement de traitements préventifs (clou recouvert d’antibiotiques, …).
AFFILIATIONS
1 Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie de l’appareil locomoteur, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgium
2 Institut de recherche expérimentale et clinique (IREC), Neuro Musculo Skeletal Lab (NMSK), Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgium