Une patiente de 29 ans présente des douleurs abdominales récurrentes et des épisodes d’oedème du visage et des mains. Cette symptomatologie a débuté à l’âge de 16 ans dans le décours de l’instauration d’un traitement hormonal à base d'acétate de cyprotérone (Diane 35®). Sa mère âgée de 52 ans a bénéficié de 6 explorations chirurgicales abdominales pour des douleurs inexpliquées. Biologiquement, les tests allergologiques sont strictement normaux, le composé C4 du complément est toutefois effondré (2 mg/dl – Nl 10 à 40) de même que la concentration du C1-inhibiteur (C1-INH) mesurée par un test fonctionnel à moins de 10 % (Nl > 50 %). Le diagnostic d’angio-oedème héréditaire caractérisé par un déficit génétique en C1-inhibiteur entraînant la génération excessive de bradykinine
est retenu. Le remplacement de la Diane 35® par une pilule progestative faiblement dosée s’accompagne d’une franche amélioration des épisodes de douleurs abdominales et des épisodes d’oedème de la face et des extrémités. Un traitement de substitution intraveineux par concentré de C1-INH et des injections sous-cutanées d’un inhibiteur des récepteurs à la bradykinine administrés ponctuellement s’avèrent très efficaces pour prévenir ou traiter les crises et améliorer la qualité de vie de cette patiente.
L’angio-oedème héréditaire (AOH) est une maladie rare qui affecte près de 5 000 personnes en Europe (1-5). Sa prise en charge spécialisée ne concerne qu’un nombre limité de praticiens. Il est toutefois important que le corps médical puisse sans délai évoquer et confirmer son diagnostic.
C’est en 1998 que la bradykinine, un peptide aux propriétés vasodilatatrices, a été identifiée comme médiateur clé des angio-oedèmes héréditaires de type I ou II (angio-oedèmes héréditaires secondaires à un déficit génétique en C1-inhibiteur). En 2002, un modèle animal de la maladie permet de cibler les diverses protéines impliquées : le facteur XII de la coagulation, la kallikréine, la bradykinine et le récepteur B2 de la bradykinine. Ces découvertes ont permis le développement de divers médicaments qui ont révolutionné la prise en charge de cette maladie tels que divers concentrés du C1-Inhibiteur (C1-INH), l’Icatibant
(Firazyr®), un antagoniste des récepteurs B2 de la bradykinine, l’Ecallantide ou DX-88 (inhibiteur de la kallikréine) (Kalbitor®). En dehors des formes de types I et II, on connaît de mieux en mieux un nouveau type d’angio-oedème héréditaire, le type III qui n’est pas associé à un déficit en C1-INH, qui prédomine chez la femme et dont le diagnostic est difficile.
Outre les formes génétiques, les formes acquises d’angio-oedème sont également de mieux en mieux connues. Le risque d’angio-oedème lié à la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) est mieux identifié avec une incidence non négligeable de 2 cas pour 1 000 usagers par an et une prévalence de 0,2 %.
L’angio-oedème est la conséquence d’un relargage brutal et localisé de peptides vasodilatateurs qui augmentent la perméabilité vasculaire. Le plus souvent il s’agit d’histamine et de leucotriènes dans les contextes d’allergie ou d’atopie. Les angio-oedèmes liés à la libération excessive de bradykinine sont beaucoup plus rares. La bradykinine est un peptide libéré suite à l’activation de la voie kallikréinekinine par le facteur XII de la coagulation ou facteur de Hageman [6]. Ce dernier joue un rôle critique au niveau de la phase contact de la coagulation (Figure 1). Les angiooedèmes liés à un excès de génération de bradykinine sont héréditaires, acquis ou d’origine médicamenteuse [7].
L’angio-oedème (AO) est un syndrome clinique qui se traduit par des épisodes de gonflement localisé et soudain affectant les tissus sous-cutanés ou sous-muqueux [8] est important d’en reconnaître les principales caractéristiques. Ces gonflements sont transitoires et disparaissent sans laisser de séquelles. Ils peuvent être récidivants. Ils ne sont pas ou très peu prurigineux. Les patients peuvent rapporter une sensation de tiraillement, de douleur, de tension voire de chaleur. Ils ne sont pas inflammatoires. Les AO bradykiniques ne sont jamais accompagnés de plaques urticariennes. Ils sont parfois précédés d’un rash réticulé (érythème marginé) qu’il ne faut pas confondre avec une urticaire.
La localisation au niveau des muqueuses digestives se traduit par des douleurs abdominales intenses associées parfois à des nausées et à des vomissements. Des crises abdominales graves peuvent se compliquer d’ascite associée à une hypovolémie (avec hypotension et malaise) à la fuite liquidienne extra-vasculaire. La localisation laryngée conditionne le pronostic de la maladie. EIle se traduit initialement par une gêne, une douleur du fond de la gorge puis par une dysphonie, et une dysphagie. Lorsque la dyspnée inspiratoire apparaît, le risque d’asphyxie est important en l’absence de thérapeutique adaptée. L’oedème de Quincke dans le langage courant correspond à un angio-oedème de la face avec parfois extension au secteur ORL. Cette dénomination ne préjuge toutefois en rien de l’étiologie de l’angio-oedème. En revanche, stricto sensu, la maladie de Quincke est un oedème angioneurotique, maintenant appelé angio-oedème bradykinique héréditaire. Les principales présentations cliniques de l’AOH sont illustrées dans la Figure 2.
D’autres symptômes sont possibles tels que des céphalées, des plaintes urinaires (cystalgies, rétention aiguë d’urine..), douleur thoracique, arthralgies des ceintures. Divers facteurs déclenchants sont bien identifiés : stress émotionnel, traumatisme physique, fatigue, pilule oestroprogestative, médicaments (IEC, sartans). Les crises sont influencées par les modifications hormonales chez la femme (grossesses, menstruations, prise d’oestroprogestatifs). Certaines situations sont également à risque (interventions chirurgicales, soins dentaires).
Face à un patient qui rapporte des épisodes d’oedème, plusieurs éléments plaident en faveur d’une étiologie bradykinique: le caractère local et transitoire, la localisation abdominale, l’absence de séquelles. Classiquement, les crises d’AOH ne répondent pas au traitement par des corticoïdes ou des agents antihistaminiques. Elles répondent toutefois bien à l’acide tranexamique par un mécanisme détaillé ci-dessous. Un contexte familial et un début précoce des symptômes plaident également en faveur d'une forme héréditaire. Le contexte familial peut toutefois parfois faire défaut: 15 % des patients sont totalement asymptomatiques et il existe des formes sporadiques (30 % de mutations de novo qui sont retrouvées chez le cas index et non chez ses ascendants mais pouvant être transmis à ses descendants).
Les angio-oedèmes héréditaires dits de types I et II sont la conséquence d’un déficit en C1-inhibiteur (C1-INH). Le type I (déficit quantitatif) est lié à une mutation du gène SERPING1 (gène qui code pour le C1-INH). Cette mutation empêche la synthèse de la protéine C1-INH. Sur le plan biologique, il y a donc un taux bas de C1-INH. Le type II (déficit qualitatif) est lié à une mutation du même gène entraînant la production d’une protéine C1-INH non fonctionnelle. Les types I et II ne diffèrent pas sur le plan clinique. La seule distinction est biologique. Il existe un type III d’AOH dont le diagnostic doit être évoqué si la concentration et l’activité fonctionnelle du C1-INH sont normaux et s’il n’y a pas de mutation sur le gène SERPING1. Cette entité est connue depuis 2000. Elle est liée à une augmentation de l’activité des ininogénases, les protéases qui favorisent l’apparition de la bradykinine : facteur Hageman, plasmine, kalllikréine. Chez 15 % des patients avec une forme de type 3, on identifie une mutation responsable d’un gain de fonction sur le gène FXII de la coagulation [9,10]. Le type III prédomine chez les femmes. Les facteurs hormonaux jouent un rôle important dans ce type d’AOH. En effet, les crises sont favorisées par la prise de pilules oestroprogestatives et par les grossesses.
D’un point de vue biologique, les dosages quantitatifs et fonctionnels du C1-INH ainsi que le dosage du composé C4 du complément permettent de poser le diagnostic. L’abaissement de la concentration de C1-INH doit être confirmé sur deux prélèvements distincts. Les dosages sont considérés comme pathologiques lorsque les concentrations quantitatives des mesures pondérales et/ou fonctionnelles sont inférieures à 50 % des valeurs normales.
L’abaissement en parallèle du C4 est un élément en faveur du caractère pathologique du taux abaissé du C1-INH (Figure 3).
Il faut être très prudent quant à l’interprétation d’un faible abaissement du taux de C1-INH. Le taux fonctionnel de C1-INH est physiologiquement abaissé lors des grossesses et lors de la prise de pilule oestroprogestative sans caractère pathologique. Dans ces contextes physiologiques, le taux de C4 est normal. En conséquence, il ne faut pas faire de dosages du C1-INH pendant la grossesse car ils seront ininterprétables. Enfin, l’abaissement du taux de C1-INH sous pilule ne justifie en aucun cas l’arrêt de la contraception. En cas de doute, un avis auprès d’un specialiste doit être pris.
Une enquête familiale est recommandée par le dosage du C1-INH chez les parents du cas index puis en fonction chez les collatéraux et les descendants même s’ils ne sont pas symptomatiques (15 % des patients sont totalement asymptomatiques). Dans certains cas très rares, on peut avoir un doute diagnostic entre une forme héréditaire et acquise. Les angio-oedèmes (AO) acquis par déficit en C1-INH ont un taux de composé C1q du complément souvent abaissé (80 % des cas). Les AO acquis peuvent être liés à des anticorps dirigés contre le C1-INH. Une dysglobulinémie d’origine indéterminée est souvent associée. Si une forme de type 3 est suspectée, une recherche de mutation du gène FXII est indiquée. En son absence, il est à l’heure actuelle impossible de faire une enquête familiale biologique. L’enquête familiale ne pourra être que clinique.
L’angio-oedème héréditaire est une maladie à déterminisme génétique le plus souvent monogénique avec une transmission autosomique dominante. En cas de suspicion d’AOH par déficit en C1-INH, la recherche d’une mutation sur le gène SERPING1 ne doit pas être systématique sauf si l’on a un doute avec une forme acquise ou un AOH de type III. En effet, le dosage du C1-INH et l’enquête familiale suffisent à établir le diagnostic d’AOH de type I ou II. Les variants phénotypiques de type I & II sont associés à une mutation de la séquence du gène SERPING1 codant pour le C1-inhibiteur dans la majorité des cas. Près de 300 mutations différentes ont été décrites à ce jour. On découvre presque une mutation différente par famille. Elle peut être de novo (c’est-à-dire néo-mutation transmissible dans la descendance) dans 25-30 % des cas. Il n’y a pas de corrélation évidente entre le type et la localisation de la mutation et le phénotype (type I ou type II) et ce d’autant qu’il y a une grande variabilité phénotypique au sein d’une même famille.
Le test génétique peut être proposé aux apparentés des patients atteints ayant une mutation du gène SERPING1 au premier degré (parents, enfants, fratrie) dans le cadre d’un conseil génétique. Cela permet d’identifier les patients à haut risque de développer un AOH avant toute manifestation clinique et donc de leur proposer une prise en charge prophylactique adaptée.
Le déterminisme génétique du type III plus récemment décrit est moins bien connu. Il est vraisemblablement hétérogène. Des mutations dans le gène codant pour le facteur de coagulation XII dans 15 à 20 % des cas. L’altération d’autres gènes impliqués dans le métabolisme de la bradykinine est suspectée mais non encore identifiée.
Ils sont souvent associés à une dysglobulinémie monoclonale indéterminée, une hémopathie ou une maladie autoimmune. Les symptômes de la maladie associée peuvent apparaître plusieurs années après la première poussée d’angio-oedème. Il faut savoir dépister régulièrement ces pathologies lorsque l’on prend en charge un angio-œdème acquis. Les formes acquises surviennent plus volontiers chez la personne de plus de 60 ans, sans contexte familial. Les examens biologiques montrent une réduction quantitative et qualitative du C1-INH associée à une réduction du composé C1q qui signe la forme acquise. Le traitement est en priorité celui de la maladie associée et/ou le recours aux traitements immunosuppresseurs.
La prise d’inhibiteurs d’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) expose à un risque d’angio-oedème chez 0,5 % environ des patients. Il s’agit alors d’angio-œdème sévère touchant souvent la face et le secteur ORL. La survenue d’un angio-oedème sous ce type de médicament impose l’arrêt définitif du médicament et l’interdiction de prise de tout médicament de la même classe. Il faut doser le C1-INH dans tous les cas car il faut éliminer un angiooedème acquis ou héréditaire qui aurait pu être révélé par la prise d’IEC. Cependant, dans la plupart des cas, les dosages sont strictement normaux. Les antagonistes de l’angiotensine II (AAII) peuvent donner aussi ce type d’effets secondaires mais avec une incidence bien moindre. La prise en charge est la même que pour les IEC. Il faut souligner que les patients ayant fait un angio-oedème sous IEC ont 10 % de risque de faire un angio-oedème sous AAII.
L’angio-oedème est une maladie grave. Au cours de l’histoire et de l’évolution de sa maladie, chaque patient sera, à différents moments de sa vie, exposé à des crises d’angiooedème de localisation et d’intensité variables. Certaines crises peuvent le mettre particulièrement en danger : l’oedème laryngé et les crises abdominales sévères. Le diagnostic est généralement posé avec retard, en moyenne que 7 à 12 ans après la première crise. Très peu d’enfants sont de fait diagnostiqués à l’heure d’aujourd’hui.
Nous disposons aujourd’hui de plusieurs agents pour le traitement des crises d’angio-oedème héréditaire bradykinique : l’icatibant et le concentré de C1-INH pour les crises sévères, l’acide tranexamique pour les crises modérées. La prise en charge thérapeutique est assez empirique car il manque de grandes études contrôlées du fait de la rareté de la pathologie. Toutefois, il existe des consensus internationaux rédigés par des groupes d’experts [11]. C’est le médecin spécialiste de l’AOH ou le centre d’expertise qui choisit le traitement le plus approprié pour chaque patient en fonction de la sévérité de l’affection. Les AOH de type III étant de découverte plus récente que les types I et II, il existe encore peu de données sur le traitement de ces derniers.
En cas de crise d’AOH, le recours à l’épinéphrine, aux antihistaminiques et aux corticoïdes est inefficace. Les diverses options thérapeutiques spécifiques sont décrites ci-dessous et résumées dans le Tableau 1.
L’acide tranexamique (Exacyl®) est généralement recommandé compte tenu de sa bonne tolérance. Il présente aussi une efficacité certaine en cas de crise où il peut être donné par voie orale ou intraveineuse. L’administration doit être très précoce. Si l’oedème est déjà installé, son efficacité peut-être diminuée. L’acide tranexamique agit par un mécanisme indirect lié à ses propriétés antifibrinolytiques en réduisant la production de plasmine, ce qui épargne et limite en quelque sorte la consommation de C1-INH (Figure 3).
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Il s’agit généralement de produits stables dérivés du sang. Il s’agit d’une thérapie de substitution dont le but est de corriger le déficit en C1-INH (Figure 4) [12,13]. Plusieurs concentrés sont disponibles dont le Cinryze® [14]. Il s’agit d’un concentré plasmatique doublement nanofiltré de C1-INH. Le Cinryze® est disponible sous un conditionnement qui contient 2 flacons de Cinryze® (500U), 2 flacons de solvant et un set d’administration intraveineux. Le Cinryze® se conserve à température ambiante sous 25°C pendant 2 ans. La demi-vie après administration intraveineuse est de 56 heures. Les principales indications du concentré de C1-INH sont les crises graves (oedèmes laryngés, crises abdominales sévères) et la prévention des crises (prophylaxie) dans certaines circonstances (préparation en vue d’une intervention chirurgicale urgente). Dans de rares cas et pour les patients bien ciblés présentant des traitement de fond dit prophylactique à la dose de 1 500 à 2 000 U en 2 fois par semaine voire davantage. Le Bérinert® est un autre concentré plasmatique de C1-INH, pasteurisé, largement utilisé mais dont les conditions de remboursement en Belgique sont plus limitées (traitement des crises et prévention avant gestes invasifs). Il existe une formule recombinante de C1-INH (Ruconest®) non disponible en Belgique [15].
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L’Icatibant (Firazyr®) est un décapeptide synthétique sans origine plasmatique. C’est un antagoniste des récepteurs B2 de la bradykinine (Figure 4) [16-21]. Ce traitement n’est toutefois administré que lors de la survenue d’une crise, lorsque la bradykinine est présente en excès, et non de façon préventive. Le produit s’utilise à la dose de 30 mg en injection sous-cutanée (seringue préremplie de 3 ml). Aucun effet secondaire grave n’a été rapporté, ni aucune réaction allergique ou anaphylactique dans le cadre des études cliniques réalisées en vue de l'enregistrement. Tout patient à risque doit pouvoir en disposer à domicile. Pour l’instant, le traitement n’est pas indiqué chez l’enfant ni chez la femme enceinte. L’avantage de l’Icatibant est qu’il est administré par voie sous-cutanée. Les injections peuvent être répétées si besoin (maximum 3 fois par 24 heures et 8 fois par mois sur base des études).
Le Danazol a montré son efficacité dans l’AOH de types I et II. Il augmente la synthèse hépatique du C1-INH et du C4. À la dose de 600 mg/j, le taux de C1-INH peut s’élever à plus de 50 % du taux normal. Cependant, c’est un androgène, souvent mal toléré ; ses effets secondaires pour la plupart dose-dépendants sont particulièrement marqués chez la femme. Il n’est pas recommandé chez l’enfant ni chez la femme enceinte. Il est responsable de prise de poids, d’hyperpilosité, de modifications de la voix, d’anomalies de cycles menstruels, d’hypertension artérielle, d’acné, de diabète, de dyslipidémie. Il peut être responsable d’hépatite, d’adénomes hépatiques, voire d’hépatocarcinomes.
Tout traitement au long cours impose une surveillance biologique et radiologique du foie ainsi que du bilan lipidique. Il est utilisé en traitement de fond à la plus petite dose efficace (de 50 mg à 200 mg/j). L’adaptation de la dose doit se faire en fonction de la clinique et en aucun cas en fonction des dosages biologiques. La dose minimale cliniquement efficace doit toujours être recherchée. Le Danazol peut être utilisé brièvement pendant quelques jours avant une procédure invasive pour corriger transitoirement la concentration de C1-INH lors d’un geste invasif [22].
La spécialité Danatrol® a été retirée du marché belge en mars 2013 et il n'existe plus de spécialité à base de danazol en Belgique. Celui-ci peut toutefois être importé de l’étranger par le pharmacien sur base d’une déclaration du médecin.
Les autres mesures à ne pas négliger, surtout pour les crises abdominales, sont le recours aux antalgiques, l’apport liquidien (en cas d’ascite), les antiémétiques. En cas de crise laryngée, l’intubation ou la trachéotomie sont parfois nécessaires.
Les pilules oestroprogestatives aggravent les symptômes chez 80 % des femmes. Ce type de pilule n’est donc pas indiqué chez les femmes ayant un AOH. On doit leur proposer une pilule progestative. Le stérilet est une bonne alternative et est très bien toléré en général.
La fertilité et le taux de fausses couches spontanées sont identiques à ceux de la population générale. Dans 1/3 des cas, la grossesse aggrave la pathologie mais dans 1/3 des cas elle l’améliore. Pendant la grossesse, le traitement de fond par acide tranexamique peut être poursuivi. Le traitement par Danazol doit, en revanche, être arrêté. Le traitement des crises graves repose sur le concentré de C1-INH. Chez certaines patientes, un traitement préventif par des injections régulières de concentré de C1-INH peut être envisagé [23].
Si la patiente a eu une aggravation de sa pathologie avec des crises graves fréquentes, il faut préparer l’accouchement avec du concentré de C1-INH (20 U/Kg). Si la pathologie a été peu sévère, un traitement prophylactique par concentré de C1-INH n’est pas justifié. Celui-ci doit en revanche être à disposition dans la salle d’accouchement en cas de besoin. La péridurale est autorisée et même vivement conseillée. Le taux de césariennes n’est pas plus élevé chez ces patientes que celui de la population générale.
D’un individu à l’autre les crises peuvent être très différentes mais chez un même individu, elles se reproduisent souvent au même endroit. La localisation des oedèmes est très variée : les membres, la sphère ORL (risque vital), la sphère digestive (la crise ressemble alors à une urgence chirurgicale), etc. Ces oedèmes apparaissent suite à un traumatisme ou à un stress même minime. Ils ne cèdent pas sous corticoïdes ni sous antihistaminiques. Le tableau clinique peut être très différent d’un patient à l’autre même au sein d’une même famille.
(oedème laryngé, de la face, du cou, de la langue, ORL) car ces crises peuvent engager le pronostic vital et nécessiter un traitement spécifique adapté.
S’il le désire, il pourra se familiariser lors de la consultation avec le matériel d’injection (la seringue préremplie pour l’icatibant par voie sous-cutanée ou le kit d’injection en intraveineux lent du concentré de C1-INH et la technique d’auto-injection). Un membre de son entourage proche pouvant aussi être concerné par l’urgence thérapeutique, il lui sera alors proposé d’assister à cette partie de la consultation. À défaut d’un personnel médical disponible rapidement en cas d’oedème laryngé ou de crise abdominale sévère, un gain de temps salutaire pourra ainsi être obtenu entre le début de la crise et l’injection du traitement. En cas d’auto-administration, le patient ne doit pas rester seul. Une surveillance médicale doit être assurée au plus vite jusqu’à l’amélioration notable du patient.
dextrans (qui activent le facteur XII), inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), antagoniste de l’angiotensine II (sartans), acétate de cyprotérone, les pilules oestroprogestatives en général sont à éviter et il faut leur préférer les pilules macroprogestatives.
pour pouvoir la présenter à tout professionnel de santé le prenant en charge.
Il est indispensable d’être suivi au moins annuellement par un spécialiste référent de la pathologie afin de suivre l’évolution de la maladie et de déterminer la prise en charge thérapeutique (traitement de fond, traitement de crise et traitement prophylactique). Une consultation d’éducation thérapeutique est indispensable pour que le patient apprenne à connaître sa pathologie et se familiarise avec les traitements d’urgence.
Lors du dernier recensement en 2014, 38 patients issus de 13 familles atteints d’un AOH de type 1 ou 2 différentes étaient régulièrement suivis aux Cliniques universitaires Saint-Luc (Tableau 2). Il s’agissait majoritairement de femmes. Un grand nombre de patients a régulièrement recours à de l’Exacyl®. Une faible proportion de ces patients est sous traitement préventif de longue durée (prophylaxie) (Tableau 2). Un grand nombre de ces patient(e)s est suivi au sein centre d’hématologie et y tirent profit de l’éducation à l’auto-traitement intraveineux enseigné aux patients hémophiles. La prise en charge a été sensiblement améliorée par une optimalisation des méthodes de dosages du C1-INH, l’analyse génétique du gène SERPING1, l’approvisionnement des patients en vue de l’auto-traitement à domicile.
Comme de nombreuses maladies rares, la prise en charge de l’AOH est confrontée à de multiples défis détaillés ci-dessous :
• Sensibilisation de l’ensemble des professionnels de santé à l’AOH
• Promotion du référencement des patients dans des centres d’excellence (à définir)
• Mise en place d’un registre national
• Promotion de l’autogestion de la maladie par chaque patient (auto-traitement / disponibilité des traitements au domicile)
• Responsabilisation de chaque patient vis-à-vis de son traitement (carnet de bord, ...)
• Collecte d’outcome data (efficacité, qualité de vie,…) démontrant la valeur des traitements
• Amélioration du diagnostic et de la prise en charge des AOH de type III
• Sensibilisation des patients à l’importance de la participation active à la recherche clinique
Il existe une association de patients en Belgique (http://www.haebelgium.be/) de même qu’une association internationale (www.haei.org). Ces associations animent de multiples initiatives qui contribuent à l’amélioration de la reconnaissance de la maladie et à une optimalisation de sa prise en charge.
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Dr. Catherine LAMBERT, MD, Cliniques universitaires Saint-Luc,
Haemostasis and Thrombosis Unit, Division of Haematology, B-1200 Brussels
La publication de cet article a été soutenue par la société CAF-DCF qui commercialise le Cinryze▼® (inhibiteur de C1 estérase) et la société Shire qui commercialise le Firazyr® (icatibant).
Pour toute information complémentaire concernant les indications et la sécurité de ces deux produits, veuillez consulter les notices et les résumés des caractéristiques des produits (www.ema.europa.eu/.../WC500022966.pdf et www.ema.europa.eu/.../WC500108895.pdf)