Pr. AGNÈS PASQUET Dr. SOPHIE PIERARD Centre des cardiopathies congénitales de l’adulte Cliniques universitaires Saint-Luc Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles Belgique Renseignements non urgent guch-saintluc@uclouvain.be |
Il existe principalement 3 types de communication interauriculaire (CIA)
La CIA ostium secundum (Figure 1), située au niveau de la fossa ovalis, est en quelque sorte un « trou » au milieu du septum interauriculaire. C’est la forme la plus fréquente des CIA mais aussi la malformation cardiaque la plus fréquemment diagnostiquée à l’âge adulte.
La CIA ostium primum est localisée dans la partie basse du septum interauriculaire au niveau du plancher de l’oreillette, elle s’accompagne de malformations plus ou moins sévère des valves mitrale et tricuspide et est souvent rencontrée dans des formes syndromiques (par exemple la trisomie 21).
La CIA sinus venosus est beaucoup plus rare et s’accompagne généralement de malposition d’une ou plusieurs veines pulmonaires qui vont drainer le retour veineux des poumons vers l’oreillette droite plutôt que l’oreillette gauche.
La CIA entraine un passage de sang (shunt) de l’oreillette gauche vers l’oreillette droite, les pressions des 2 oreillettes étant basses, c’est en quelque sorte la taille de l’orifice qui va déterminer l’importance du shunt. Ce shunt entraine principalement une surcharge de volume pour l’oreillette droite et secondairement le ventricule droit. Cette surcharge de volume, avec les années qui passent, va entrainer une dilatation progressive du ventricule droit et, dans les stades ultimes, une défaillance du ventricule droit. Une hypertension artérielle pulmonaire secondaire à la surcharge en volume sanguin au niveau des artères pulmonaire apparait le plus souvent tardivement dans l’évolution de la maladie (sauf les CIA ostium primum accompagnant des anomalies génétiques comme la trisomie 21).
La plupart des enfants opérés d’une CIA sans autre malformation associée ne vont conserver aucune séquelle de cette intervention et peuvent avoir une vie et des activités tout à fait normales incluant des grossesses chez les femmes. Une très faible minorité des patients risque de développer une hypertension artérielle pulmonaire (fermeture tardive, anomalies associées, atteinte syndromique…).
La CIA ostium secundum est la malformation cardiaque la plus fréquemment diagnostiquée à l’âge adulte. La présence d’une CIA est tout à fait compatible avec une vie normale et même une grossesse. Celle-ci est parfois diagnostiquée lors d’un bilan pour un accident vasculaire cérébral ou lors de l’apparition de fibrillation auriculaire.
Une indication de fermeture des CIA est retenue en cas de shunt important, de dilatation ventriculaire droite et lors de l’apparition de symptômes (dyspnée, diminution de la capacité physique…). La fermeture peut aussi être discutée lors d’un accident embolique. L’hypertension pulmonaire étant d’apparition tardive, un cathétérisme cardiaque est proposé pour vérifier les pressions et résistances pulmonaires quand une fermeture de la CIA est envisagée.
Actuellement, la plupart des CIA ostium secundum peuvent être fermées par voie percutanée en utilisant une sorte de parapluie composée de 2 disques se plaçant de part et d’autre du septum interauriculaire et refermant la CIA. Une anti-coagulation par aspirine est proposée pour les 6 premiers mois suivant la mise en place de cette prothèse. De même, les mesures de prévention de l’endocardite sont d’application durant cette période. Durant les 3 premiers mois post implantation certains patients vont se plaindre de palpitations et un passage en fibrillation auriculaire est possible. La mise en place de ces ombrelles est bien tolérée même à long terme, il faut toutefois se souvenir qu’il existe une possibilité (très faible) de perforation cardiaque ou aortique par érosion et y penser en cas de douleurs thoraciques violentes avec sensation de malaise ou de traumatisme thoracique. Dans ces cas, il faut réaliser une échographie cardiaque de façon urgente pour s’assurer du bon positionnement de la prothèse et de l’absence d’épanchement péricardique.
Les communications interventriculaires (CIV) peuvent être situées en région sous aortique, au niveau du septum membraneux ou encore au niveau de la partie musculaire du septum interventriculaire. Contrairement aux CIA, les CIV de grandes tailles ont très souvent été fermées durant l’enfance. Les CIV non fermées ou découvertes à l’âge adulte sont des orifices de petite taille (maladie de Roger).
La présence d’une CIV (figure 2) entraine un shunt du ventricule gauche vers le ventricule droit. Du fait que les pressions du ventricule gauche sont beaucoup plus élevées que celles du ventricule droit, la CIV entraine une surcharge de pression en plus de la surcharge de volume pour le ventricule droit. Cette surcharge de pression se répercute sur les artères pulmonaires contribuant à l’apparition précoce d’une hypertension pulmonaire.
La majorité des enfants opérés d’une CIV dans l’enfance ne vont garder aucune séquelle de cette intervention et pourront avoir une vie tout à fait normale y compris mener une grossesse chez les femmes. Seule une très petite minorité risque de développer une hypertension pulmonaire. Il faut donc rester attentif aux plaintes de ces patients.
La CIV de l’adulte est une lésion de petite taille caractérisée à l’auscultation par un souffle aigu mimant un jet de vapeur à travers un sifflet de pression. La plupart du temps, elle est bien tolérée d’un point de vue cardiaque. Certaines CIV proches de la valve aortique peuvent entrainer une déformation de la valve aortique avec attraction d’un feuillet aortique par le jet passant à travers la CIV, avec, pour conséquence, l’apparition d’une insuffisance aortique. Si elle existe, cette insuffisance aortique doit être surveillée, la majoration de l’insuffisance aortique va faire poser l’indication de fermeture chirurgicale de la CIV associée ou non à une réparation valvulaire aortique. Les autres complications à l’âge adulte de la CIV sont l’apparition d’une membrane sous aortique et celle d’une sténose au niveau de l’infundibulum pulmonaire (lésion de jet de la CIV) créant ce qu’on appelle un ventricule droit bicaméral ou double chambre. Des arythmies ventriculaires ou auriculaires sont aussi possibles.
Une indication de fermeture va être posée en cas d’apparition de symptômes (dyspnée, diminution de la capacité physique..), de surcharge ventriculaire droite ou gauche (insuffisance aortique), d’histoire d’endocardite, ou d’un shunt important.
Contrairement aux CIA où la fermeture percutanée est devenue la méthode de choix, seules les CIV situées dans la partie musculaire (à distance des valves et voies de conduction) peuvent faire l’objet d’une fermeture percutanée. Dans les autres cas, la CIV sera fermée par voie chirurgicale surtout si une réparation valvulaire aortique doit être réalisée dans le même temps.
La Tétralogie de Fallot (TOF) (figure 3) est constituée par l’association de 4 malformations : une communication interventriculaire, une obstruction de la voie d’éjection pulmonaire, une hypertrophie ventriculaire droite et une aorte « à cheval » sur les 2 ventricules.
C’est la malformation cardiaque cyanogène la plus fréquente à la naissance. C’est aussi une des premières pour laquelle une réparation chirurgicale a été proposée. En 1946, Helen Taussig et Alfred Blalock vont proposer une intervention palliative consistant à augmenter le flux sanguin passant à travers les poumons en branchant l’artère sous-clavière sur l’artère pulmonaire (shunt de Blalock), encore pratiqué dans certains cas en période néonatale de nos jours. Les premières réparations datent des années 1950 et elles se sont généralisées dans les années 1970.
Si actuellement la majorité des patients opérés pour une TOF vont bien et atteignent l’âge adulte, il convient de rester attentif à 2 complications à long terme : l’insuffisance cardiaque et les arythmies.
La réparation chirurgicale de la TOF implique parfois de fendre largement l’infundibulum pulmonaire et de mettre en place un patch d’élargissement de l’infundibulum pulmonaire. Ceci permet de corriger l’obstacle pulmonaire et d’assurer un flux sanguin correct au niveau des poumons mais laisse une valve pulmonaire plus ou moins incompétente. Cette insuffisance pulmonaire est longtemps bien tolérée mais avec le temps, le ventricule droit va progressivement se dilater et perdre sa force de contraction. Cette situation va entrainer l’apparition d’une insuffisance cardiaque « droite » se traduisant par une diminution progressive de la capacité physique et l’apparition d’une dyspnée d’effort. La dilatation ventriculaire droite et les cicatrices des interventions chirurgicales vont favoriser les arythmies ventriculaires dont les tachycardies ventriculaires pouvant être à l’origine des « morts subites » rencontrées chez ces patients.
Les arythmies supra ventriculaires (flutter, fibrillation…) sont également fréquentes surtout chez les patients plus âgés et elles sont d’autant plus mal tolérées qu’elles sont rapides et surviennent chez un patient dont la fonction ventriculaire droite est altérée.
Pour ces raisons ces patients doivent faire l’objet d’un suivi régulier et spécialisé comprenant des échographies, épreuve d’effort, holter et IRM.
L’insuffisance pulmonaire lorsqu’elle est importante et s’accompagne de répercussions hémodynamiques justifie un remplacement valvulaire pulmonaire. Classiquement, une homogreffe pulmonaire est mise en place par voie chirurgicale mais, depuis quelques années, il est possible d’implanter dans un nombre croissant de cas une nouvelle valve pulmonaire par cathétérisme cardiaque (Valve Melody®). Qu’il s’agisse d’une homogreffe classique ou d’une valve de type Melody®, les mesures de prévention de l’endocardite sont d’application.
Les troubles du rythme seront traités par anti arythmique, ablation. Chez certains patients, l’implantation d’un défibrillateur sera proposée.
La grossesse est possible mais le risque est surtout lié à la fonction ventriculaire droite.
Anatomiquement, la circulation sanguine dans une transposition des grands vaisseaux (TGV) est : pour la partie « droite » du coeur : veines caves -> oreillette droite -> ventricule droit -> aorte, et pour la partie « gauche » : veines pulmonaires -> oreillette gauche -> ventricule gauche -> artère pulmonaire (figure 4). Les circulations pulmonaires et systémiques sont en parallèle et non en série comme dans un coeur normal. Cette situation est incompatible avec la vie sauf si il existe un shunt permettant le mélange des 2 circulations. S’il n’existe pas de shunt ou un shunt insuffisant, une septostomie au ballonnet ou manoeuvre de Rashkind est réalisée, ceci consiste en la création d’une communication interauriculaire par cathétérisme à l’aide d’un ballon muni d’une lame qui va inciser le septum interauriculaire.
La première correction chirurgicale proposée pour les TGV fut le switch atrial (Figure 5). Cette intervention connue aussi sous le nom de chirurgie de Senning ou Mustard consiste à créer un chenal au niveau des oreillettes de façon à croiser les circulations veineuse et pulmonaire, permettant ainsi de rediriger les veines caves vers le ventricule gauche et les veines pulmonaires vers le ventricule droit. Le circuit de la circulation sanguine devient : veines caves -> chenal atrial -> ventricule gauche -> artère pulmonaire et de l’autre côté veines pulmonaires -> chenal atrial-> ventricule droit -> aorte. Ceci permet d’avoir à nouveau les circulations pulmonaire et systémique en série comme dans un coeur normal. Cette intervention présente le désavantage d’utiliser le ventricule droit comme ventricule systémique pour éjecter le sang à travers l’aorte et de créer des délabrements importants au niveau des oreillettes.
Cette intervention a été pratiquée à partir des années 1970 pour être progressivement remplacée dans les années 1990. Ces jeunes adultes doivent être suivis pour la détection des complications à « long terme » de leur correction chirurgicale. Ce sont principalement les défaillances du ventricule droit (ventricule systémique) et les troubles du rythme. La défaillance du ventricule droit se traduit par des symptômes classiques d’insuffisance cardiaque : diminution de la capacité physique, perte d’endurance, essoufflement pour des efforts de moins en moins importants… Les troubles du rythme sont liés à la création des chenaux au niveau des oreillettes : il peut s’agir de bradycardie (on estime que 25-30% des patients ne sont plus en rythme sinusal 10 ans après l’intervention) ou d’arythmies supraventriculaires qui seront d’autant plus mal tolérées que le ventricule droit est défaillant. Ces arythmies sont incriminées dans les cas de mort subite chez ces patients. Elles peuvent justifier la mise en place d’un pace maker ou parfois d’un défibrillateur. Les ablations d’arythmie sont possibles mais rendues plus difficile par les modifications anatomiques. Une autre complication est la présence de sténoses au niveau du chenal qui sera traitée par dilatation et mise en place d’un stent.
La grossesse est possible mais le risque doit être évalué car il dépend du statut rythmologique et de la fonction ventriculaire droite.
Depuis les années 1990, les patients avec une TGV sont opérés selon la technique du switch artériel (Figure 6), ceciconsiste à l’inversion des artères pulmonaires et de l’aorte avec réimplantation des artères coronaires. Cette intervention restaure une séquence circulatoire normale : Veines caves -> oreillette droite -> ventricule droit-> valve aortique ( nouvelle valve pulmonaire) -> artère pulmonaire et veines pulmonaires -> oreillette gauche -> ventricule gauche-> valve pulmonaire (nouvelle valve aortique) -> aorte. Ces patients avec un coeur « normal » semblent avoir peu de complications à long terme mais le recul est encore limité actuellement. Des sténoses sur la voie d’éjection pulmonaire ou des insuffisances « aortiques » sont décrites.
Il existe une forme particulière de TGV appelée TGV congénitalement corrigée. Anatomiquement, le ventricule droit se trouve situé sous l’aorte et le ventricule gauche sous artère pulmonaire avec pour conséquence un ventricule droit « systémique » c’est-à-dire assurant la circulation générale. Cette malformation si elle n’est pas accompagnée d’autres lésions (CIV, sténose pulmonaire…) peut rester longtemps asymptomatique et se manifester seulement vers 40-50 ans par des signes d’insuffisance cardiaque liés à la défaillance du ventricule droit « systémique ».
La coarctation aortique est un rétrécissement de l’aorte le plus souvent localisé au niveau de l’isthme (artère sous-clavière gauche, ligament artériel (résidu du canal artériel)) (Figure 7), il peut être localisé ou s’étendre sur une partie plus importante de l’arche aortique (hypoplasie arche). Une valve aortique bicuspide est présente dans 80% des cas.
Deux situations sont à distinguer : la coarctation aortique traitée dans l’enfance et la coarctation découverte à l’âge adulte.
La majorité de coarctation aortique de l’enfant sont traitées par chirurgie. Il est important de connaitre le type de chirurgie réalisé (réimplantation bout à bout, insertion prothèse, utilisation d’un flap sous clavier…) pour le suivi du patient : les techniques utilisant l’artère sous-clavière expliquent que la tension prise au niveau du bras gauche soit parfois inférieure à celle du bras droit sans qu’il y ait de récidive de coarctation. Il faut donc mesurer la différence de tension entre le bras droit et la jambe gauche pour avoir une idée du gradient tensionnel. Une différence de tension artérielle > 20 mmHg doit faire suspecter une récidive de coarctation aortique. Le taux de récidive est variable mais peut atteindre jusqu’à 30% en fonction du type de chirurgie.
Ces patients sont aussi à risque de développer une hypertension artérielle même sans re-coarctation. Celle–ci est d’autant plus fréquente que les patients ont été opérés tardivement. Enfin un suivi est nécessaire pour détecter l’apparition d’anévrysme au niveau de la réparation chirurgicale (l’examen de choix est l’IRM) et les complications potentielles liées à la présence d’une valve bicuspide.
La coarctation aortique peut rester méconnue jusque l’âge adulte. C’est un diagnostic qui doit toujours être évoqué en présence d’une hypertension artérielle chez une personne jeune. Une coarctation doit être suspectée s’il existe une différence tensionnelle de plus de 20mmHg entre le bras droit et le bras gauche. L’imagerie de confirmation fait appel à l’échocardiographie mais surtout à l’IRM, un cathétérisme permet la mesurer les gradients de pression de façon précise. Le traitement fera le plus souvent appel à une dilatation avec mise en place d’un stent. Ces patients doivent être suivis pour leur tension artérielle (hypertension artérielle résiduelle) mais aussi pour le devenir de l’aorte et plus spécifiquement s’ils ont une valve aortique bicuspide.
La chirurgie de Fontan est une intervention palliative proposée quand il existe un obstacle au niveau du coeur droit (atrésie tricuspide, hypoplasie ventriculaire droite, atrésie pulmonaire…) ou un ventricule unique (large CIV, « absence » septum interventriculaire). Le principe est simple : le ventricule est utilisé pour assurer la circulation systémique et le retour veineux (veines cave inférieure et supérieure) est directement dévié vers les poumons. Dans le « Fontan classique » c’est l’oreillette droite qui est tunnelisée pour connecter les veines caves sur l’artère pulmonaire. Actuellement, le plus souvent ce sont des « Fontan extracardiaque » qui sont réalisés. Les 2 veines caves sont connectées par un « tube » externe à l’oreillette sur l’artère pulmonaire. Cette circulation de Fontan (Figure 8) à l’inconvénient d’être précharge dépendante ce qui veut dire que toute hypovolémie (diarrhée, perte sanguine….) ou hypotension (hypovolémie, anesthésie….) risque d’être mal tolérée et d’entrainer un collapsus qui peut être fatal.
Ces patients peuvent présenter des arythmies (mal tolérées vu le statut hémodynamique) mais aussi des emboles (flux lent dans le circuit du Fontan) ou une stase veineuse (stase hépatique, stase au niveau des membres inférieurs ou au niveau du tube digestif…). Une des complications les plus redoutables est l’entéropathie exsudative due à l’hyperpression veineuse au niveau du tube digestif qui s’accompagne d’une perte de protéines au niveau digestif.
Si la majorité des patients opérés d’une cardiopathie congénitale dans l’enfance atteignent l’âge adulte et vont présenter peu de problèmes cardiaques, certaines cardiopathies même « réparées » nécessitent un suivi à long terme pour dépister la survenue de complications qui pourraient être préjudiciables. Ce suivi doit être effectué dans un centre spécialisé ayant non seulement l’expérience de ces pathologies à l’âge pédiatrique mais aussi de leur évolution à l’âge adulte.
1. Brickner E, Hillis D, Lange RA. Congenital heart Disease in Adult, part 1 of 2. NEJM 2000; 342, 256-263.
2. Brickner E, Hillis D, Lange RA. Congenital heart Disease in Adult, part 2 of 2. NEJM 2000; 342, 334-242.